Chapitre 2. Sans distinction de race, de religion, ni d’obédience politique
p. 63-86
Texte intégral
1En 1945, devenues électrices et éligibles au même titre que les hommes, des Françaises de métropole fondent de nouvelles organisations qui prônent l’union et la solidarité des femmes du monde entier. Leur volonté de « global sisterhood1 » s’inscrit dans la continuité de la longue histoire des organisations féminines et féministes internationales. Mais six années de lutte contre le nazisme et le fascisme ont intensifié leur désir d’action2. Des militantes françaises de l’entre-deux-guerres ont vu leurs vies bouleversées, ont perdu des proches, ont été arrêtées voire déportées. Malgré ces épreuves, en raison même de celles-ci, leur mobilisation demeure intacte. D’autres, peu engagées avant la guerre, entrées dans la clandestinité après l’armistice, fortes de leur expérience dans la Résistance mais aussi de l’accès aux droits politiques, éprouvent le besoin nouveau de s’impliquer sur la scène politique et sociale. La guerre et l’engagement dans la Résistance fondent un désir d’agir ensemble non seulement par-delà les différences de religion, d’obédience politique ou de nationalité mais aussi de « race ». Militantes de longue date ou nouvelles venues en politique, les unes et les autres sont à l’origine de la création de deux nouvelles organisations en 1945-1946 : la FDIF et l’AFUF. Qui sont les fondatrices de ces nouveaux collectifs ? Quelle place les femmes des colonies occupent-elles en leur sein à leur naissance ? Le discours fédérateur recouvre-t-il quelque réalité au sortir de la guerre ?
Paris, 1945 : des femmes du monde entier3 ?
2Elles sont 850, du 26 novembre au 1er décembre 1945, rassemblées au Palais de la Mutualité à Paris pour participer au congrès international qui donne naissance à la FDIF4. D’une envergure exceptionnelle, organisé à l’initiative de l’UFF, ce congrès est-il celui des « femmes du monde entier » ? D’après le compte rendu des travaux, plusieurs centaines de déléguées venues de quarante pays, représentantes de 181 organisations de femmes à travers le monde et de plus de 80 millions de femmes « éprouvées par la guerre et le fascisme », se sont retrouvées à Paris5. Le caractère mondial de l’événement est souligné a posteriori par la présidente française du congrès, Eugénie Cotton. Cette grande scientifique alors âgée de 64 ans, ancienne Sévrienne, agrégée de sciences physiques et naturelles en 1904, docteure en sciences physiques en 1925, devenue directrice de l’ENS de Sèvres, préside la FDIF de 1945 à sa mort en 1967. Proche du Parti communiste mais non adhérente, elle a été mise à la retraite d’office en 1941 et a vécu la guerre dans la clandestinité. Enseignante et scientifique respectée, elle devient en 1945 une pacifiste infatigable, qui fait également des droits des femmes un de ses chevaux de bataille6.
3C’est à l’été 1944 que les premières membres de l’UFF l’ont contactée pour qu’elle les représente à l’Assemblée consultative provisoire en novembre. L’UFF est née de la fusion des comités féminins de la Résistance. Ses statuts ont été déposés le 15 avril 1945 et son premier congrès s’ouvre le 17 juin7. Avant de devenir une organisation de masse proche du PCF, elle entend réunir des femmes de tous horizons. C’est lors d’une réunion de l’UFF pendant l’été 1944, qu’Eugénie Cotton aurait eu l’idée d’une union internationale des femmes pour « détruire le fascisme dans le monde, instaurer la Démocratie et la Paix, donner aux femmes des droits égaux à ceux des hommes et travailler à améliorer le développement physique, intellectuel et moral des enfants8 ». Sa biographe avoue que les sources ne permettent pas de bien comprendre les raisons qui ont poussé cette scientifique, qui jusqu’alors n’avait fait preuve d’aucune action féministe nationale ou internationale, à rejoindre l’UFF puis à s’engager au sein de la FDIF. Les souffrances causées par la guerre et sa mise à la retraite d’office par le régime de Vichy semblent avoir été déterminants. Quelques mois plus tard, à Londres, à l’occasion du 8 mars 1945, lors de la première réunion internationale de l’après-guerre organisée entre femmes britanniques et françaises, l’idée du congrès qui donne naissance à la FDIF se concrétise.
4Eugénie Cotton, du fait de son âge, de ses compétences scientifiques, de son allure modeste et soignée, de son engagement politique mesuré, incarne l’image consensuelle que la FDIF entend se donner à ses débuts. En mars 1953, après la mort de Staline, elle écrit dans le bulletin de la FDIF : « Il y a dans notre Fédération bien des femmes qui ne sont pas communistes et je ne suis pas moi-même communiste9. » Ce qui ne l’empêche pas de faire l’apologie du régime stalinien. Mais en 1945, sa posture lui permet de rassembler au sein de la FDIF des femmes de toutes obédiences. « Indignée et éprouvée par la guerre, [elle] est porteuse des aspirations des femmes antifascistes de l’entre-deux-guerres et de leurs luttes sous l’Occupation10. » Celia Donert souligne que « même si plus tard, une fois la FDIF passée sous le contrôle plus systématique du bloc socialiste, l’organisation des femmes soviétiques revendiqua la paternité de l’événement, le congrès de Paris ne fut en aucune manière entièrement dominé par les communistes11 ».
5Lorsqu’elle rédige le bilan du premier congrès, la présidente française évoque la grande diversité d’origine et de « races » des femmes présentes, leurs « conditions très variées » (parmi elles se trouvent des femmes ministres mais aussi sans profession) et, par-dessus tout, leur expérience partagée des souffrances provoquées par la guerre. Classées par nationalité ou religion, décrites en fonction de leur costume ou de leur physionomie, les participantes viennent en effet de tous les continents :
Les femmes qui ont pris part au Congrès venaient de tous les points de l’horizon. On distinguait aisément dans la salle le groupe des Chinoises aux costumes semi-européanisés, au regard intelligent et vif. Celui des Hindoues aux saris de belle ligne et de riches couleurs ; celui des Russes aux uniformes couverts de décorations. Les Yougoslaves et les Italiennes avaient affronté de pénibles voyages en chemin de fer. Une Espagnole, confondue dans la délégation des émigrées de son pays, avait mis six jours à passer la frontière. Quant aux déléguées venues des lointaines Amériques, elles avaient connu mille vicissitudes : longues attentes de l’avion, complications de passeports, télégrammes restés sans réponses12…
6Le discours de clôture est prononcé par une autre personnalité française d’envergure, Jeannette Vermeersch, tout juste rentrée d’URSS13. Cette dernière se souvient avec émotion dans ses mémoires du caractère mondial de la rencontre :
Plus d’un millier de femmes y assistèrent, des Françaises bien sûr, mais aussi des femmes venues de tous les pays d’Europe, y compris d’Allemagne, de Chine, d’Afrique et d’Amérique… Un souvenir inoubliable. […] Les femmes devaient devenir les porteuses de la paix […] Il ne s’agissait pas de politiciennes mais de femmes simples. […] C’est ainsi que nous fîmes un serment de paix et que naquit la Fédération démocratique internationale des femmes14.
7Aucun pays d’Afrique subsaharienne n’est en réalité présent. Les Allemandes ne sont pas là non plus15. Les Européennes et les Soviétiques dominent les délégations des 40 pays effectivement représentés. Sur 240 déléguées ayant voix délibérative, 140 viennent de pays européens (soit 58 %) dont la moitié d’Europe occidentale et 37 % d’Europe centrale et orientale (Bulgarie, Roumanie, Pologne, Tchécoslovaquie et Yougoslavie) ; 42 déléguées représentent l’URSS (soit 17,5 % du total). Le reste du monde a envoyé 54 déléguées, dont 13 pour les États-Unis et le Canada, 10 pour la Chine, 14 pour l’Amérique latine et 16 pour les pays colonisés ou nouvellement indépendants, soit 7 % du total. Parmi les pays colonisés, l’Association de la Conférence de Ceylan, l’Union des jeunes filles indochinoises de Paris ou la délégation de Palestine ont voix consultative16.
8Au sein de l’Empire français, l’Indochine a envoyé une déléguée, Mme Duong the Hauh. L’Union des femmes du Maroc (UFM) est représentée par trois déléguées dont un seul nom est mentionné, celui de Mme Mazzela17. Mais les plus nombreuses sont les représentantes de l’Union des femmes d’Algérie (UFA), au nombre de six, dont une « indigène » (voir infra).
9Le premier congrès de la FDIF se situe de ce point de vue dans la lignée des congrès internationaux de femmes du premier xxe siècle. En effet, bien qu’elles se soient définies dès leur fondation comme ouvertes aux femmes du monde entier, les premières organisations internationales n’ont accueilli des femmes de pays non-occidentaux que très progressivement. Dominées par des femmes de l’élite, blanches, chrétiennes, bourgeoises ou aristocrates, utilisant le français, l’anglais et l’allemand dans leurs échanges, elles organisent leurs congrès en Europe ou aux États-Unis. L’exemple du CIF fondé en 1888 et qui se reconstitue en 1945, est emblématique des limites de l’universalisme pourtant proclamé.
10En 1914, le CIF s’autoreprésente comme une fédération de femmes de toutes races, nations, croyances et classes mais compte, sur les 26 sections nationales qui le composent, 17 sections européennes et plusieurs autres en Amérique du Nord ou en Océanie. Seules l’Argentine et l’Union sud-africaine sont membres en dehors de ces zones. Exclus dans un premier temps, les conseils nationaux de femmes de pays en voie d’autonomisation sont finalement acceptés en 1936. Entre-temps le Chili, le Pérou, le Brésil, la Birmanie, le Japon, la Chine et l’Inde ont rejoint le CIF, « mais ils apparaissent plus comme des membres virtuels ». Le Sud-Ouest africain (actuelle Namibie) – alors sous domination de l’Union sud-africaine – est le seul pays colonisé à adhérer en 1938, avant la Seconde Guerre mondiale et il est fort probable que ses déléguées soient des femmes blanches18.
Répartition géographique des déléguées au congrès fondateur de la FDIF en 1945
Europe et URSS | Nombre de déléguées | Colonies ou pays nouvellement indépendants | Nombre de déléguées | Reste du monde occidental | Nombre de déléguées | Reste du monde non occidental | Nombre de déléguées |
Albanie | 2 | Algérie | 6 | Australie | 5 | Argentine | 3 |
Angleterre | Np. | Ceylan | Np. | Canada | 1 | Brésil | Np. |
Autriche | 2 | Égypte | 4 | États-Unis | 12 | Chili | 2 |
Belgique | 7 | Indes | 3 | Chine | 10 | ||
Bulgarie | 6 | Indochine | 1 (mais non comptabilisée) | Cuba | 5 | ||
Espagne | 11 | Maroc | 3 | Uruguay | 4 | ||
Finlande | 1 | Palestine | Np. | ||||
France | 18 | ||||||
Grèce | 4 | ||||||
Hongrie | 7 | ||||||
Irlande | Np. | ||||||
Islande | 1 | ||||||
Italie | 18 | ||||||
Luxembourg | 1 | ||||||
Norvège | 5 | ||||||
Pologne | 15 | ||||||
Portugal | 5 | ||||||
Roumanie | 12 | ||||||
Suède | 3 | ||||||
Suisse | 2 | ||||||
Tchécoslovaquie | 10 | ||||||
URSS | 42 | ||||||
Yougoslavie | 10 | ||||||
Total | 182 | 16 | 18 | 24 |
11Comme ses homologues plus anciennes, la FDIF est donc dominée à sa création par des « Occidentales » parmi lesquelles les Françaises occupent une place à part, unies par leur passé résistant. À l’initiative de la rencontre, qui se déroule chez elles, plusieurs d’entre elles font partie du comité d’initiative international qui prépare le congrès19 et occupent des postes clés dans les instances de l’organisation. Celle-ci fonctionne essentiellement grâce au secrétariat, organe permanent qui fait vivre l’association entre chaque Conseil annuel, sous l’autorité du Comité exécutif (plus tard appelé Bureau de la FDIF).
12Outre Eugénie Cotton élue présidente et Marie-Claude Vaillant-Couturier secrétaire générale, Jeannette Vermeersch, Marie Couette, Cécile Brunschvicg et Françoise Leclercq entrent au comité exécutif. Le rôle de l’UFF explique le poids des anciennes résistantes lors du congrès fondateur de la FDIF, les liens étroits qui lient par la suite l’UFF et la FDIF, et le fait que l’expérience de la guerre occulte les autres réalités, notamment le fait colonial. Lors du congrès fondateur de l’UFF organisé au Palais de la Mutualité à Paris en juin 1945 et placé sous la triple présidence symbolique de trois femmes mortes en prison ou en déportation (Danielle Casanova pour le PCF, Suzanne Buisson pour la SFIO, Berthie Albrecht pour la démocratie chrétienne), Eugénie Cotton parle d’une collaboration entre femmes du monde entier pour mettre en œuvre une action internationale20.
13Quelques mois plus tard, toujours au Palais de la Mutualité, lorsque naît la FDIF, la guerre est partout. Eugénie Cotton consacre la quasi-totalité de son discours inaugural à décrire les souffrances nées du conflit et à rendre hommage au combat et au courage des femmes qui ont risqué leur vie pour défendre leur patrie21. Pendant toute la durée du congrès, une exposition – « Nous, les femmes » – invite à se remémorer les exploits des « combattantes de l’ombre22 ». Comme le rappelle Sylvie Chaperon, en 1944-1945, le courage patriotique des résistantes permet à une solidarité féminine de s’exprimer par-delà les clivages politiques23. Le poids des membres ou sympathisantes des partis communistes et de l’UFF lors du congrès est de fait nuancé par la présence de déléguées d’autres partis ou mouvements : la LIFPL, l’Alliance internationale des femmes pour l’égalité, la paix et la liberté, l’UFSF24. À sa fondation, la FDIF appartient au « conglomérat communiste » mais accueille des femmes de différents horizons politiques unies par des objectifs communs de solidarité25. La sociologie des Françaises de la première heure au sein de cette fédération montre à la fois le poids des communistes et la diversité des appartenances26.
14Les dix-huit déléguées sont là au titre de la CGT, du Mouvement unifié de la Résistance (MUR), de la LIFPL, de l’Union de la jeunesse républicaine de France, de l’Association nationale des familles de fusillés, de l’Association nationale des déportés, du PCF, du Parti radical, de l’UFF et de la Ligue des droits de l’homme (LDH)27. Dans leur grande majorité membres du PCF ou sympathisantes, elles ont souvent appartenu au mouvement Jeunes communistes ou/et à l’Union des jeunes filles de France (UJFF) dans les années 1930, ont été membres d’associations féministes et/ou antifascistes interdites en 1939, sont alors entrées dans la clandestinité et ont été nombreuses à rejoindre la Résistance28.
15Marie-Claude Vaillant-Couturier – qui devient secrétaire générale de la FDIF de sa fondation à 1955 – est sans doute la plus connue. Engagée dans les Jeunesses communistes puis au sein de l’UJFF dans les années 1930, entrée dans la Résistance en 1940, arrêtée en 1942, déportée à Auschwitz puis à Ravensbrück, libérée par l’Armée rouge le 30 avril 1945, elle fut citée à titre de témoin au procès de Nuremberg en 1946. Sa présence à un poste clé de l’organisation est très symbolique. Odette Dugué et Juliette Dubois, toutes deux militantes communistes, reviennent aussi de Ravensbrück. D’autres ont été arrêtées mais n’ont pas été déportées : Maguy Badet, qui fut secrétaire de l’UJFF avant la guerre ; Nicole De Barry, militante du PCF depuis 1934, arrêtée et interrogée par la Gestapo ; Claudine Chomat, secrétaire générale de l’UFF ; Marie Couette, militante communiste et syndicaliste CGT ; Marcelle Delabit également syndicaliste CGT ; Hélène Hajje qui dirige à la Libération l’Association nationale des victimes des persécutions nazies ; Colette Jobard adhérente du PCF depuis 1936 ; Françoise Leclercq, compagne de route du PCF. La majorité des déléguées ont près de 40 ans. C’est le cas de Jeannette Vermeersch ou de Françoise Leclercq. Les plus jeunes – Claudine Chomat, Nicole de Barry, Colette Jobart – sont nées pendant la Première Guerre et se sont engagées à l’âge de 20 ans dans les associations de jeunesse communistes. Eugénie Cotton, Cécile Brunschvicg, Gabrielle Duchêne, Suzanne Collette-Kahn ou Andrée Aboulker ont vécu la guerre dans la clandestinité29. Âgées de 68 et 75 ans, Cécile Brunschvicg et Gabrielle Duchêne sont les doyennes, figures historiques de la lutte féministe et pacifiste. Elles sont aussi les seules à s’être intéressées à la situation dans les colonies dans l’entre-deux-guerres.
16Présidente de l’UFSF, Cécile Brunschvicg s’est préoccupée dans les années 1930 du sort des femmes « indigènes », particulièrement en Algérie, où elle a effectué une tournée de conférences en amont des États généraux du féminisme de 1931. En contact avec les féministes françaises sur place, elle a encouragé la création de sections locales de l’UFSF et leur action en direction des Algériennes. Convaincue du bien-fondé de la « mission civilisatrice », elle n’est pas du tout anticolonialiste, plutôt réformiste, et promeut la formation des Françaises appelées à se rendre outre-mer afin d’y être utiles30. C’est dans ce but que lors de sa nomination au sein du gouvernement de Front populaire, elle tente de développer un service social outre-mer, sans grand succès. Après la guerre, elle reprend sa place au sein de différentes associations, nationales ou internationales, participe au congrès fondateur de l’UFF puis au comité chargé d’organiser le congrès de la FDIF. Elle siège au comité exécutif de la FDIF quelques mois avant de mourir le 5 octobre 1946. La guerre n’a pas ébranlé ses convictions sur la colonisation. En 1946, elle publie dans La Française, le journal de l’UFSF devenue Union française des électrices, un article intitulé « Comment resserrer les liens entre les Françaises de l’Empire et celles de la métropole ». Quelques mois plus tard, alors que l’accès au suffrage des colonisés est discuté et qu’elle a mené le combat suffragiste toute sa vie, elle défend une conception méritocratique de la citoyenneté politique :
Le projet actuel donne un même droit électoral à tous les hommes et toutes les femmes de Métropole et de la France d’outre-mer. C’est là un geste généreux et libéral mais qui, à notre avis, devrait être limité, dans toute l’Union française, à celles et à ceux qui savent lire et écrire. Le droit de vote implique des devoirs que ne sauraient remplir des illettrés, qu’ils soient blancs, noirs ou jaunes. Les illettrés ne peuvent être que des instruments sans discernement en direction des partis, nous demandons qu’ils ne prennent pas part aux consultations électorales.
17L’analphabétisme est à ses yeux incompatible avec l’exercice des droits politiques, dont elle exclut par conséquent les femmes colonisées, majoritairement illettrées. Autre grande figure du congrès de Paris, Gabrielle Duchêne, proche du PCF, ne remet pas non plus fondamentalement en cause la colonisation. Certes, la LIFPL dont elle préside la section française a fait preuve, dans l’entre-deux-guerres, d’une certaine ouverture31. L’organisation pacifiste a envoyé une mission en Indochine et en Chine en 1927 et organisé un « cours de vacances » en Suisse sur le « rapport des races blanches avec les races de couleur ». Des personnalités comme Nehru pour l’Inde, Mohammed Hatta pour les Indes néerlandaises ou Duong Van Gio pour l’Indochine furent invitées à y prendre la parole. Gabrielle Duchêne a également rédigé en 1929 un rapport sur « La situation sociale, politique et économique de la femme dans les domaines coloniaux et semi-coloniaux ». Mais, au sein de la LIFPL, c’est surtout Camille Drevet qui s’est avérée la plus engagée sur ces questions. C’est elle qui part en Indochine en 1927 et dénonce à son retour « les tares du régime colonial32 ». C’est elle qui fait adopter en 1930 par le Comité exécutif de la LIFPL la création d’une commission permanente pour les questions coloniales et multiplie les enquêtes, sur le travail forcé en AOF ou sur la situation à Madagascar. Mais elle est isolée, et lors de la refondation de la LIFPL en août 1946, la « désoccidentalisation » reste timide33. La FDIF se situe dans le prolongement de cet héritage et son congrès fondateur accueille moins des femmes colonisées que des femmes venues des colonies. La nuance est importante.
18La délégation algérienne envoyée par l’UFA est en effet dominée par les Françaises d’Algérie, des femmes proches du Parti communiste, qui déclarent lutter pour l’amélioration de la condition des femmes, qu’elles soient françaises ou algériennes34. La plus connue est Alice Sportisse, née Crémadès35. D’origine espagnole, elle est née en 1909 dans un village non loin d’Alger. Membre depuis 1936 du comité central du Parti communiste algérien (PCA), elle s’est présentée avec succès aux élections du Conseil général d’Alger en août 194536. C’est une militante de longue date : responsable du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme dans les années 1930, elle a coordonné l’aide à l’Espagne républicaine pendant la guerre, est entrée dans la clandestinité entre 1940 et 1942 avant de s’investir dans l’UFA nouvellement créée37. Cette association qui commence par organiser des « comités de ménagères » rassemble essentiellement des Françaises, au nombre de 20 000, dont une majorité sont communistes. Les Algériennes sont peu nombreuses en son sein à ses débuts. Alice Sportisse deviendra une des principales correspondantes de la FDIF en Algérie et militera comme députée d’Oran, entre autres, pour le droit de vote des femmes musulmanes.
19Les autres représentantes de l’Algérie lors du congrès de Paris sont Lioubow Garoby, présidente de l’UFA en 1945. Docteure en médecine, elle a aussi été élue à l’été 1945 conseillère municipale et devient adjointe au maire d'Alger. Elle est l’épouse de Jean Garoby, qui sera de 1947 à 1949 professeur d’histoire à l’Université d'Alger, membre du PCA (ou au moins sympathisant communiste) et proche d’intellectuels « progressistes » comme André Mandouze38. Elle devient une militante active de la FDIF et fait partie des déléguées d’Algérie au conseil de la fédération qui se réunit à Vienne en décembre 195239. La délégation algérienne compte aussi Henriette Attali, une syndicaliste CGT, militante du PCA depuis 193440 et Lise Oculi, secrétaire générale du Comité départemental de l’Union démocratique des Femmes d’Algérie pour le Constantinois, membre du Comité central du PCA et conseillère municipale d’Alger41. Sur la cinquième déléguée française, Jeanne Merens, les informations manquent. Ces Françaises d’Algérie sont accompagnées par une femme algérienne et musulmane, Fatma Merani. Cette dernière a été élue « conseillère municipale musulmane » dans la commune de Saint-Cloud (aujourd’hui Gdyel) en 1945 et fait aussi partie des dirigeantes de l’UFA42. On sait peu de choses sur elle. Était-elle citoyenne française ? La formule « conseillère municipale musulmane » implique qu'elle siège comme élue du second collège, ce qui est théoriquement impossible car les musulmanes n’ont alors pas le droit de vote et d’éligibilité. Fut-elle élue à titre exceptionnel43 ? Le journal Femmes d’Algérie signale l’élection d’une autre « musulmane » membre de l’UFA à Bône, mais en précisant qu’elle est citoyenne française et siège donc dans le premier collège. Fatma Merani siégeait-elle aussi comme élue du premier collège ? Si c’est le cas, elle ne devrait pas être définie comme « conseillère musulmane ». Son élection illustre en tous les cas la présence précoce des Algériennes en politique, dans leur pays comme dans les congrès internationaux. Son engagement au sein de l’UFA et son statut d’élue justifient probablement sa présence à Paris.
20Elles sont donc deux femmes colonisées de l’Empire français au congrès de Paris : une Vietnamienne, Mme Duong the Hauh et une Algérienne, Fatma Merani. Leur présence traduit les hiérarchies impériales implicites entre Indochine, Algérie et Afrique subsaharienne. Par ailleurs, si des associations de femmes existent en Afrique, elles ne sont guère susceptibles d’envoyer des représentantes à Paris. Sans grande surprise, au sortir d’une guerre qui a ravagé l’Europe, le congrès fondateur de la FDIF – malgré la volonté revendiquée de réunir des femmes du monde entier – réserve donc aux femmes colonisées une place restreinte.
Résistantes et colonialistes
21À la même époque, un tout petit groupe de Françaises résistantes et/ou liées aux milieux coloniaux crée l’AFUF. L’organisation se veut un « vaste rassemblement de toutes les femmes de la Métropole et de la France d’Outre-Mer » « sans distinction de race, de religion ni d’obédience politique »44. Comme pour la FDIF, l’expérience de la guerre et de la Résistance joue un rôle fondamental dans la naissance de l’association. Dès l’éditorial du premier numéro de leur bulletin, qui paraît en décembre 1946, Jane Vialle – secrétaire générale de l’AFUF de 1946 à sa mort accidentelle le 19 février 195345 – affirme que la création de cette association participe de la volonté d’œuvrer à la « reconstruction et à la renaissance de la nation », en continuant de mener « au grand jour l’action [qu’elles avaient] commencée dans la clandestinité ». Comme les fondatrices de la FDIF, celles de l’AFUF sont convaincues que malgré des conditions de vie différentes, les femmes d’outre-mer et de métropole ont éprouvé des souffrances qui fondent leur potentielle solidarité. « La torture des prisons, l’horreur des camps de concentration, la vie traquée » justifient l’union des femmes colonisatrices et colonisées pour « travailler à l’amélioration des conditions de vie de tous »46 :
Après l’issue victorieuse du combat dont les territoires d’outre-mer avaient donné le signal ; après les dures épreuves de la guerre, de l’occupation et toutes les cruautés qu’elles ont engendrées ; après avoir fait le bilan de toutes nos souffrances, décidées à refouler notre tristesse et à surmonter nos difficultés ; nous appelons toutes les femmes de l’Union française, des Antilles, de l’Afrique du Nord, de l’Afrique noire, de Madagascar, de l’Indochine, et de tous les autres territoires d’Outre-Mer que six longues années ont séparées de la métropole et qui ont souffert des méthodes raciales du régime de Vichy, à s’unir47.
22Jane Vialle joue un rôle clé dans l’histoire de l’AFUF48. C’est elle qui raconte les origines de l’association au fil des textes qu’elle rédige pour le bulletin49. L’idée aurait émergé en septembre 1944, au moment « où toutes les femmes de France se groupaient en diverses associations, les unes donnant une vie nouvelle à celles déjà existantes, les autres se rassemblant dans des mouvements de la Résistance ». Elle fait ici implicitement référence à la naissance de l’UFF, dont l’AFUF se démarque dès l’origine. L’AFUF serait née de la rencontre de Jane Vialle avec une autre des fondatrices – dont elle ne donne pas le nom – désireuse « de faire participer toutes les femmes des Territoires d’Outre-Mer à la Grande Œuvre de la Renaissance française50 ». « Il était naturel, ajoute-t-elle, que certaines de ces femmes résistantes, qui soit par leurs origines, soit par leurs professions, soit par attaches coloniales, pensent à faire vivre réellement l’Union française née de toutes ces souffrances communes51. » Dans ce « petit groupe décidé à multiplier les moyens d’entente, à établir des relations d’affection entre les femmes de l’Union française52 », Jane Vialle occupe une place singulière. Elle est pourtant restée longtemps dans l’ombre, tant dans l’histoire coloniale française que dans celle de son pays, le Congo. L’écrivain congolais Henri Lopes évoque cet oubli dans ses mémoires :
Un dispensaire, de plus en plus vétuste, dans le quartier de Moungali de Brazzaville, porte aujourd’hui le nom de Jane Vialle. Interrogez les congolais sur l’origine de ce nom, ils vous avoueront leur ignorance ou vous indiqueront qu’il s’agit sans doute d’un médecin français de l’époque coloniale53.
23Elle est aujourd’hui mieux connue54. Métisse franco-congolaise, née en 1906 à Ouesso, dans ce qui s’appelle alors le Moyen-Congo, elle a voyagé dans le monde entier. Engagée dans la Résistance, elle incarne par son histoire personnelle les relations entre colonisateurs et colonisés que l’AFUF veut promouvoir. Après sa mort accidentelle en 1953, à l’âge de 47 ans, ses amies de l’AFUF, « frappées de stupeur », célèbrent « son activité inlassable et multiple », « sa connaissance profonde des questions africaines », sa « foi dans les destinées de l’Afrique, foi dans les possibilités de sa race », sa « certitude que l’Union française n’était pas un vain mot »55. Annette K. Joseph-Gabriel la décrit comme anticolonialiste et féministe, porteuse d’un imaginaire transnational de la citoyenneté56.
Figure 4. Portrait de Jane Vialle

Source : https://www.senat.fr/
24Sa mère, congolaise, nommée dans les sources Tchiloumba, Tchilamnbou ou Tchilombou, est inconnue. Son père, Michel Vialle, est un employé de commerce, agent français de la Compagnie concessionnaire française du Haut-Congo. Fait suffisamment rare pour être souligné, il la reconnaît à sa naissance57. Recruté en 1907 par la Compagnie des sultanats de l’Oubangui, il emmène la petite fille avec lui à Bangassou, une ville du sud-est de l’Oubangui-Chari (aujourd’hui Centrafrique). En 1914, père et fille rentrent en France. Jane a alors huit ans. On sait peu de choses de ses premières années françaises. Elle obtient son baccalauréat au lycée Jules-Ferry à Paris, probablement en 1925, et commence une carrière de journaliste au sein de l’agence de presse Opera Mundi. Elle épouse en 1927 un Français, Marcel Beauvais, dont elle divorce en 1940. La guerre marque ainsi une rupture personnelle dans sa vie, et le début de son engagement politique. Car après la défaite, elle quitte Paris pour Marseille, où elle travaille pour plusieurs journaux, écrit des contes et des nouvelles. Elle s’engage alors dans la Résistance, probablement du fait des liens qu’elle a tissés avec le directeur du foyer des étudiants africains et asiatiques de Marseille, Jules Belpeer, qui a adhéré fin 1940 au futur mouvement Combat. Elle est aussi très proche de Jean Gemähling, chef du réseau de renseignement de Combat dans la région sud-est. D’après ce dernier, c’est elle qui propose d’installer à son domicile le bureau central du réseau de renseignements qu’elle anime et d’en assurer le secrétariat58. Arrêtée en 1943 par les autorités de Vichy, elle est internée administrativement au camp de Brens dans le Tarn pendant trois mois avant d’être transférée à la prison des Beaumettes. Jugée le 10 décembre 1943 pour « activités nuisibles à la défense nationale », elle est défendue par Germaine Poinso-Chapuis, avocate féministe, active résistante marseillaise qui sera élue députée MRP en octobre 1945 puis nommée ministre de la Santé et de la population en 194759. Les liens noués alors avec cette dernière seront très utiles à l’AFUF lorsque Germaine Poinso-Chapuis sera au gouvernement. Relaxée, Jane Vialle se cache quelque temps pour éviter d’être arrêtée par la Gestapo, puis rejoint le mouvement Combat et termine la guerre comme secrétaire de Jean Gemähling à Lyon puis à Paris60. Ce dernier rend hommage à sa mort à « Viviane » (pseudonyme de Jane Vialle pendant l’Occupation), à sa « chaleureuse gaîté », à sa générosité, à son courage qui lui fit remplir des missions périlleuses comme agent de liaison entre Paris et Lyon en août 194461. Il conclut ainsi : « La résistance fut vraiment la première étape de la lutte qu’elle avait décidé de mener pour une compréhension plus fraternelle entre tous les membres de sa grande patrie, l’Union française. »
25À la Libération, correspondante pour l’Agence France Presse, elle écrit aussi pour des journaux africains et pour le journal Combat. Elle se lance alors en politique et devient la seule femme originaire d’Afrique élue au sein des instances de la IVe République. De 1947 à 1952, elle siège comme sénatrice de l’Oubangui-Chari au Conseil de la République sous l’étiquette des Mouvements Unifiés de la Résistance (MUR), de la SFIO puis des Indépendants d’Outre-mer (IOM)62. Elle ne cesse dès lors de faire le lien entre l’Afrique et la métropole. Elle fonde dans son pays en juillet 1946 l’Association pour l’Évolution de l’Afrique noire (APEAN) dont elle entend faire un tremplin politique et créée aussi à Bangui une coopérative de production et de constructions, l’Espoir oubanguien, pour moderniser les infrastructures. En métropole, elle déploie une énergie considérable au sein de l’AFUF, siège au Conseil de la République où elle porte en particulier une loi sur la reconnaissance paternelle des enfants métis, préside les Décades de l’Afrique noire63 et élabore le projet d’un « centre médico-social d’outre-mer » destiné à accueillir les élites africaines en France64. Elle mène également une carrière internationale qui la conduit à devenir membre du Comité sur l’esclavage au sein des Nations unies en 194965. Africaine, métisse, française, elle articule plusieurs niveaux d’engagement dans son pays, en France comme à l’échelle internationale. Sa priorité est d’unir les peuples et de travailler à la promotion des femmes dans tous les domaines, sans pourtant se déclarer féministe. Henri Lopes la compare pourtant à Simone de Beauvoir en raison du turban qu’elle arbore, mais aussi de la verve avec laquelle elle n’hésite pas à débattre avec les hommes :
Les Ribeiro tenaient table ouverte. Nous rencontrions souvent chez eux une autre métisse, grande, magnifique, coiffée d’un foulard façon Simone de Beauvoir et Marguerite Yourcenar, avant la lettre : Jane Vialle. Passionnée de politique, elle tenait tête aux hommes dans les débats. Cette superbe mulâtresse effrayait ma mère et mes tantines, car elle osait aborder des sujets considérés comme séditieux par les autorités coloniales. Malgré le temps, je me souviens que, à l’instar des autres métis qui tous parlaient français avec un accent prononcé, ou léger, elle s’exprimait comme une Blanche. Sans accent. Ou plutôt avec l’accent pur de nos maîtresses d’école66.
26Jane Vialle s’exprime « comme une Blanche » et appartient à une association qui défend les liens entre la France et ses colonies. Elle le fait car elle croit aux promesses de la France républicaine et lutte pour obtenir l’égalité des droits entre colonisateurs et colonisé·e·s. Ses revendications ne reposent pas sur une demande de rupture avec la métropole mais, à l’instar d’Eugénie Eboué-Tell, sur une transformation profonde de la relation coloniale67.
27Aux côtés de Jane Vialle, l’autre grande figure de l’AFUF est Marie-Hélène Lefaucheux, vice-présidente de l’association de 1946 à 1960. Malgré une carrière nationale et internationale de grande envergure, cette dernière n’est guère connue68. Contrairement à Marguerite Thibert, à laquelle Françoise Thébaud a consacré une magistrale biographie, elle n’a pas eu d’enfant et les membres de sa famille n’ont pas déposé d’archives69. Les informations sur elle sont donc éparpillées dans les institutions où elle exerça des responsabilités70. Et elles furent nombreuses. À sa mort dans un accident d’avion, le 25 février 1964, lors du crash au large de La Nouvelle-Orléans du DC8 qui effectuait la liaison Mexico-New York, les témoignages affluent de France, de New York et de nombreux pays dans le monde. Ils saluent une « grande dame qui, à plus d’un, donna des leçons de caractère71 », une « citoyenne du monde72 », « une citoyenne illustre73 » dont le Conseil national des femmes des États-Unis loue le « charme inné », la fantaisie, le « raffinement intellectuel » et la « vie de rigoureuse austérité et de travail incessant74 ». Ils décrivent une femme « courageuse et généreuse75 », « bonne, généreuse et délicate76 », « un être plein d’attention et de sollicitude pour chacune, attachant le plus grand prix aux relations personnelles77 ». Marie-Hélène Lefaucheux allait avoir 60 ans et venait de s’entretenir avec la présidente de la Commission du Statut de la femme à Mexico, Maria Lavalle Urbina.
28« Incarnation de la Française » pour la secrétaire nationale du Conseil national des femmes françaises (CNFF) Suzanne Majorelle78, « militante de tous les moments » pour le fondateur du Rassemblement démocratique africain (RDA) Gabriel d’Arboussier, elle a navigué, comme Jane Vialle, entre mandats nationaux et internationaux, sphère associative et politique, conjuguant un fort patriotisme avec une vision globale des enjeux de son temps : « She was never confined by national boundaries in her sympathies or in the contributions which she made to global interchange79. » Cette ouverture internationale la conduit à développer des liens privilégiés avec de nombreuses femmes dans le monde, tout particulièrement avec des Africaines. À l’annonce de sa mort, des lettres et des télégrammes de condoléances affluent de toute l’Afrique. Certes, les hommages post-mortem se prêtent aux louanges, mais ces documents disent, a minima, les liens qu’elle avait noués.
29Pourtant, en 1945, Marie-Hélène Lefaucheux n’est pas encore la responsable politique « grande amie de l’Afrique » qu’elle deviendra à la fin des années 1950. Elle n’est pas alors familière des questions coloniales80. En revanche, comme chez les autres fondatrices de l’AFUF, la Seconde Guerre mondiale a représenté un véritable tournant et déclenché une volonté d’action citoyenne.
30Marie-Hélène Postel-Vinay est née le 26 février 1904 à Paris dans une famille bourgeoise. Comme nombre de jeunes filles de son milieu elle a connu jusqu’en 1940 une vie paisible. Fille d’un polytechnicien, ingénieur et industriel ; petite-fille de Paul Delombre, un économiste qui fut ministre à la fin du xixe siècle, elle reçoit une éducation musicale qui fait d’elle une « remarquable interprète de Bach81 ». Elle s’inscrit également à l’École du Louvre puis réussit le concours de l’École libre des sciences politiques avant d’interrompre ses études lorsqu’elle épouse en 1925 Pierre Lefaucheux, ingénieur des arts et métiers et avocat, fils d’une famille d’armuriers. Rien ne la destine alors à la carrière qui sera la sienne. Mais la guerre change tout. Elle apprend la signature de l’armistice avec son mari, qui a pris la direction de la Cartoucherie du Mans en 1940. À ses côtés, mais aussi avec son frère et sa future belle-sœur, André Postel-Vinay et Anise Girard82, elle s’engage de façon active dans la Résistance à l’automne 194083. Elle a 36 ans. À sa mort, un article mentionne que c’est elle qui entraîna Pierre Lefaucheux dans la lutte clandestine84. Celle qui fut surnommée « Marie-Hélène sans peur85 » n’est pas militante, pas davantage féministe. En 1942, elle tente pourtant de développer une section féminine au sein de l’Organisation civile et militaire (OCM) et crée aussi l’Œuvre Sainte-Foy, un réseau de renseignement et de communication qui, sous couvert d’œuvre charitable, fait circuler des informations entre les détenus et leurs familles dans la région parisienne. À Paris, boulevard Saint-Germain, l’appartement du couple Lefaucheux sert de refuge86 et devient « un des quartiers généraux de la lutte clandestine » jusqu’à l’arrestation de Pierre. Devenu en 1944 commandant des Forces françaises de l’Intérieur (FFI) pour Paris, la Seine et la Seine-et-Oise, ce dernier est arrêté par la Gestapo le 3 juin 1944. Vingt ans plus tard, les journaux qui racontent son évasion de Buchenwald font de sa femme une véritable héroïne dont l’amour n’a d’égal que la témérité87.
Figure 5. Portrait de Marie-Hélène Lefaucheux

Source : Le Nouveau Candide, 5-12 mars 1964, © CARHIF-AVG, Bruxelles
31En effet, dès le départ du convoi pour l’Allemagne, le 15 août 1944, Marie-Hélène Lefaucheux aurait tenté de suivre son mari sans parvenir d’abord à passer la frontière. Contrainte de regagner Paris, elle assiste à la Libération mais n’abandonne pas le projet de libérer son époux. Au péril de sa vie, elle aurait traversé les lignes ennemies cachée dans une voiture, se mêlant aux troupes américaines en arborant un brassard de la Croix-Rouge et serait parvenue jusqu’au bureau du chef de la Gestapo à Metz. Elle aurait obtenu de ce dernier une lettre destinée aux autorités de Buchenwald pour que Pierre Lefaucheux soit renvoyé en France pour « complément d’enquête ». Elle siège à l’époque comme vice-présidente du Comité des œuvres sociales des organisations de la Résistance (COSOR) et au Comité parisien de Libération. Elle participe aussi au rapatriement des déportés de Buchenwald, Bergen-Belsen et Dora en faisant affréter plusieurs avions de l’armée américaine pour ramener des prisonniers. Elle sera décorée de la Légion d’honneur, de la croix de guerre et de la Rosette de la Résistance. Comme Jane Vialle, elle entame alors une carrière politique, dans les rangs de la démocratie chrétienne.
Figure 6. Photographie de Marie-Hélène Lefaucheux au Bureau clandestin du Comité parisien de la Libération, assise entre Georges Marrane et André Tollet. Le colonel Rol est assis en troisième place en partant de la gauche.

Source : Le Nouveau Candide, 5-12 mars 1964, © CARHIF-AVG, Bruxelles
32Nommée déléguée de droit à l’Assemblée consultative provisoire en novembre 1944, elle siège parmi les représentants de l’OCM88 au sein desquels elle tente de créer sans succès un « intergroupe féminin » de femmes communistes et démocrates chrétiennes89. Le 21 octobre 1945, elle est élue députée de l’Aisne à la première Assemblée nationale constituante, à la tête d’une liste MRP90. Elle devient membre de la commission de l’équipement national et de la production et de celle des territoires d’outre-mer. Son intérêt pour les questions coloniales débute alors, et ne cesse de se renforcer. Le 19 décembre 1946, choisie par l’Assemblée nationale pour siéger au Conseil de la République, elle rejoint la commission des affaires étrangères et celle de la France d'outre-mer. Au sein de celle-ci, elle dépose une proposition de résolution invitant le gouvernement à mettre en place rapidement les organismes institutionnels de l’Union française. Elle intervient dans le débat sur l’évolution de la situation à Madagascar, ainsi que dans la discussion du budget de la France d’outre-mer. Le 20 novembre 1947, nommée membre MRP de l’Assemblée de l’Union française (AUF), elle démissionne du Conseil de la République en raison de l’incompatibilité des mandats. Très active au sein de l’AUF, elle en devient en 1950 vice-présidente. Ses engagements politique et associatif se conjuguent donc, à l’échelle nationale mais aussi internationale. Membre de la délégation française à l’ONU de 1946 à sa mort, elle préside la Commission de la condition de la femme pendant six ans (1946-1952)91. Élue présidente du Conseil national des femmes françaises (CNFF) de 1954 à 1964, elle devient aussi vice-présidente du CIF en 1954, puis présidente de celui-ci de 1957 à 1963. Ses multiples fonctions lui permettent de faire avancer les causes qui lui tiennent à cœur : la défense de l’Union française et l’amélioration de la condition des femmes dans le monde. Dans ce parcours, dix ans après la fin de la guerre, l’année 1955 marque une nouvelle rupture. La mort de Pierre Lefaucheux dans un accident de voiture cette année-là l’atteint profondément. Elle aurait alors transformé « sa douleur en action92 », trouvant dans la défense « du sort des femmes dans le monde » « une raison de lutter, de se battre, de se dévouer »93.
33Outre Jane Vialle et Marie-Hélène Lefaucheux, une troisième personnalité, sensibilisée aux questions coloniales par « un long séjour au Tchad94 », aurait relancé le projet qui donnera naissance à l’AFUF. Sans doute s’agit-il de Juliette Kopp, née Périllon, qui sera élue présidente de l’AFUF de 1945 à 1960. Les informations recueillies sur elle sont minces95. Bachelière en 1918, Juliette Périllon est chirurgienne-dentiste avant de s’engager dans une carrière sociale outre-mer au gré des affectations de son mari, André Kopp96. Celui-ci, ingénieur agronome, se spécialise dans l’agronomie tropicale et l’exploitation de la canne à sucre d’abord en Guadeloupe (1924-1927) puis à La Réunion (1929-1936). C’est là que Juliette Kopp abandonne sa carrière pour s’adapter à sa nouvelle vie coloniale en développant la prise en charge des travailleurs de la station agronomique. Affecté au Tchad en 1937 comme directeur des services agricoles de l’Afrique équatoriale, André Kopp y demeure jusqu’en 1940. Pendant la guerre, il sert dans l’aviation en AEF, en Égypte et en Syrie tandis que son épouse s’est réfugiée à Lyon où elle participe comme aide-chauffeur à l’évacuation de la population civile. Rentré en France à la libération de Paris, André Kopp devient inspecteur général de l’agriculture coloniale et effectue à ce titre de nombreuses missions techniques pour le ministère de la France d’outre-mer avant de mourir brutalement en 1947. Juliette Kopp prolonge-t-elle au sein de l’AFUF l’engagement impérial de son mari ? Elle est en tout cas profondément convaincue de l’importance de faire vivre l’Union française comme en témoignent ses discours comme présidente de l’association. Une autre potentielle fondatrice de l’AFUF est Lucienne Laurentie, née Serrès, l’épouse d’Henri Laurentie, qui a lui aussi été affecté au Tchad en 1938 et contribué au ralliement de ce territoire à la France libre. Mais cette dernière n’y a effectué qu’un bref séjour en 194097. Elle vivait à Paris lorsqu’elle est dénoncée en 1942 comme épouse d’un « dissident » et déportée à Ravensbrück. Elle ne revient en France qu’en 1945 et rejoint sans doute l’AFUF à ce moment-là, mais la manière dont elle entre en contact avec Marie-Hélène Lefaucheux ou Jane Vialle reste obscure.
34Jane Vialle, Marie-Hélène Lefaucheux, Juliette Kopp, dans une moindre mesure Lucienne Laurentie viennent d’univers différents, mais ont en partage l’expérience de la guerre et de la lutte clandestine, fondatrice de leur volonté d’action à la Libération. Leur vie personnelle, leur engagement dans la Résistance et leurs responsabilités expliquent qu’elles s’intéressent au devenir des colonies. Avec elles, un certain nombre de personnalités s’engagent au sein de l’AFUF, de façon formelle ou plus active. Signe de la proximité de l’association avec le pouvoir, la présidence d’honneur revient à Mme Vincent Auriol puis à Mme René Coty à partir de 195498. L’AFUF est administrée par un comité directeur composé de 10 à 25 membres élus par l’assemblée générale. Les profils et les trajectoires de ce petit groupe d’épouses d’administrateurs coloniaux ou d’hommes politiques sont difficiles à reconstituer99.
35Thérèse Monnerville est vice-présidente aux côtés de Marie-Hélène Lefaucheux. On sait peu de choses sur elle100. Issue de la petite bourgeoisie d’Aix-les-Bains, Thérèse Lapeyre a épousé Gaston Monnerville en 1923. Ce dernier est originaire de la Martinique. Petit-fils d’esclave devenu avocat après des études au lycée Pierre-de-Fermat puis à l’université à Toulouse, engagé dans la Résistance, élu député de Cayenne, il a été chargé par le GPRF de préparer le statut de l’outre-mer français puis la loi sur la départementalisation des Antilles avant de devenir président du Sénat. Son épouse met ses relations et son entregent au service de l’AFUF. Au secrétariat, Jane Vialle est assistée par Marie-Antoinette Boullard-Devé. Elle est née à Paris en 1890 et a étudié les beaux-arts. Elle a vécu en Indochine dans les années vingt avec son second mari et publié un ouvrage en 1926, Vision de l’Indochine, illustré d’estampes, d’aquarelles, de lithographies de sa main. Elle a apparemment passé la Seconde Guerre mondiale à Paris. Très active au sein de l’AFUF à ses débuts, elle se met en retrait après son installation à Tanger à l’été 1951. De ce parcours impérial on ne sait rien de plus. Sur la trésorière et son adjointe, Yvonne Vallat et Monique Langlois, les informations manquent aussi. Le premier comité directeur de l’association en 1946 accueille également (par ordre d’apparition dans le premier bulletin) : Magdeleine Moutet, Hélène-Victor Augagneur101, Hélène Panouillot, Mme Postel-Vinay (il peut s’agir d’Anise, la belle-sœur de Marie-Hélène Lefaucheux), Laure Leopold, Jeanne Barbieux, Mlles Guesde, Solange Bernard, Marie-Louise Messean, Julie Rasoazanapara, P. Pinard. Certaines d’entre elles ont laissé quelques traces, d’autres demeurent inconnues.
36Hélène Panouillot (née Simon-Fichet) est l’épouse de Claude Panouillot de Vesly, un inspecteur des finances nommé directeur de la Caisse centrale de la France d’outre-mer de 1946 à 1955. Louise-Victor Augagneur est mariée à André Augagneur, dernier fils de Jean-Victor Augagneur, maire de Lyon et ministre sous la IIIe République, qui fut gouverneur de Madagascar entre 1905 et 1910. Son nom de naissance serait Louise Juliette Berrier. Elle aurait passé quelques années dans l’entre-deux-guerres au Congo où, « parcourant la brousse avec des moyens précaires, sous un climat débilitant », elle aurait « appris alors à aimer jusqu’aux plus humbles de ses habitants »102. Magdeleine Moutet, qui figure dans le bulletin sous le nom de Mme Marius Moutet, est très probablement l’ex-deuxième épouse du ministre de la France d’outre-mer103. L’historiographie reconnaît en général à Marius Moutet un premier mariage, en 1901, avec Anne Matoussévitch, décédée en 1926104. L’unique biographie publiée sur lui mentionne en 1940 une troisième épouse, Yvonne, avec laquelle il eut deux enfants, Michel et Aimée. Rien sur Magdeleine dont on peut supposer qu’il l’a épousée entre-temps, dans les années 1930. Cette dernière utilise en tous les cas son patronyme au sein de l’AFUF jusqu’au début des années 1950. Grâce au bulletin, on apprend aussi que Jeanne Barbieux prêtait à l’association sa propriété de Villebon-sur-Yvette pour accueillir des étudiantes africaines pendant les vacances. Solange Bernard ne signe qu’un texte de quatre pages sur « Le rôle des femmes en Indochine » en 1947105. Laure Léopold est davantage présente dans les activités de l’association. Elle séjourne trois semaines à Dakar en 1948 et s’occupe des questions éducatives et de l’accueil des étudiantes africaines en France jusqu’en 1960106. Les informations sont paradoxalement plus nombreuses sur la seule femme colonisée membre de l’association à sa création : Julia Rasoazanapara.
Figure 7. Julia Rasoazanapara

37Originaire des Hautes-Terres de Madagascar, née en 1915 d’un père professeur de mathématiques et d’une mère couturière, elle a étudié à Avaradrova avant d’entrer à l’École de médecine de Befelatanana à Tananarive107. Admise en 1938, elle est la troisième femme médecin depuis la création de l’institution. En 1945, elle est étudiante à Marseille avant de rejoindre les services de Robert Debré à Paris. Sa thèse de médecine soutenue en 1949, elle se spécialise en pédiatrie, travaille à la protection maternelle et infantile au sein de l’Assistance publique de Paris jusqu’en 1951108. En 1947, elle est aussi membre du bureau de l’Association des étudiants d’outre-mer109. De retour à Madagascar en 1952, elle est nommée médecin chef du dispensaire des enfants à Tananarive puis, à partir de 1957, de l’hôpital des enfants de la ville. Elle fait partie des Africaines instruites et diplômées que l’AFUF entend mobiliser non seulement en métropole mais dans les différents territoires de l’Union française (voir chap. 5).
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38Le profil des fondatrices de l’AFUF est donc très différent de celui des déléguées françaises au congrès fondateur de la FDIF. Les premières, sans passé militant, sont proches de la SFIO ou de la démocratie chrétienne ; les secondes se sont engagées politiquement dans l’entre-deux-guerres, sont membres du PCF ou compagnes de route, souvent syndiquées et politiquement aguerries. Toutefois, malgré ces divergences politiques réelles, la majorité de ces femmes ont partagé l’expérience de la lutte clandestine pendant la guerre. De cet héritage résistant, de cet engagement qui a le plus souvent bouleversé leurs vies, qui les a conduites en prison ou en déportation, elles font le ciment de leur action en 1945. C’est au nom de ce passé commun qu’elles se rassemblent et veulent s’adresser aux femmes du reste du monde dont elles se déclarent solidaires en tant que femmes. Elles leur font pourtant peu de place au sein des associations qu’elles créent au lendemain de la guerre. Deux femmes colonisées sont présentes au congrès fondateur de la FDIF. Une jeune fille malgache fait partie de l’AFUF à sa création. Le fait que Jane Vialle soit secrétaire générale de l’AFUF contribue cependant à la visibilité des Africaines en son sein. Elle incarne la possibilité d’une union des femmes du monde entier fondée sur des liens affectifs au moins autant que sur un programme politique. Cette promotion des relations humaines comme fondement de la lutte des femmes n’est pas nouvelle. On la trouve dans les organisations féminines internationales et nationales du premier xxe siècle110. L’amitié et l’amour entre femmes sont au cœur du concept de sororité. Mais après la Seconde Guerre mondiale, la valorisation des liens affectifs se heurte à la réalité des revendications des peuples colonisés et aux luttes violentes qu’ils engagent contre les puissances européennes.
Notes de bas de page
1 A. Burton, « The Feminist Quest for Identity », art. cité.
2 S. Chaperon, Les années Beauvoir, op. cit., p. 55-88.
3 Il s’agit du titre du bulletin d’information de la FDIF à partir de 1951.
4 La FDIF se réunit quatre fois en congrès entre 1945 et 1962 : à Paris en 1945, à Budapest en 1948, à Copenhague en 1953, à Vienne en 1958.
5 Congrès international des femmes. Compte rendu des travaux du Congrès (Paris, 26 novembre-1er décembre 1946), p. x. Ce volume réunit les rapports et interventions présentés lors du congrès, la liste des déléguées et des organisations représentées, les statuts de la FDIF.
6 L. Efthymiou, Eugénie Cotton (1881-1967), op. cit.
7 Voir S. Chaperon, Les années Beauvoir, op. cit. et S. Fayolle, L’Union des femmes françaises, op. cit. L’UFF compte 180 000 adhérent·e·s en novembre 1944 ; 627 000 en septembre 1945. Sur l’origine londonienne de la FDIF voir M. Yusta, « Réinventer l’antifascisme au féminin », art. cité, p. 92.
8 Dossier Eugénie Cotton, AN/F/15482B, Police Générale. Cité par E. Efthymiou, Eugénie Cotton, op. cit., p. 208.
9 Femmes du monde entier, mars 1953.
10 L. Efthymiou, Eugénie Cotton, op. cit., p. 222.
11 C. Donert, « Femmes, communisme et internationalisme. La Fédération démocratique internationale des femmes en Europe centrale (1945-1979) », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 2/126, 2015, p. 119-131, p. 121.
12 Congrès international des femmes, op. cit., Introduction, p. ix.
13 Sur le rôle de J. Vermeersch au sein du PCF au sortir de la guerre voir A. Wieviorka, Maurice et Jeannette. Biographie du couple Thorez, Paris, Fayard, 2010, chapitres 13 et 14, p. 343-445.
14 J. Thorez-Vermeersch, La vie en rouge, mémoires, Paris, Belfond, 1998, p. 123-124.
15 L’Union démocratique des femmes allemandes adhère seulement en 1948.
16 Trente-trois pays ont voix délibérative et sept pays ont voix consultative : L’Angleterre, le Brésil, Ceylan, la Hollande, l’Indochine, l’Irlande et la Palestine. Sept autres pays qui, pour diverses raisons, n’ont pas pu se rendre à Paris, ont donné leur adhésion au Comité d’initiative international : le Chili, le Danemark, l’Iran, le Liban, le Mexique, la Syrie et la Tunisie. Congrès international des femmes, op. cit., p. 393.
17 Cette dernière prononce une intervention sur l’enfance (Congrès international des femmes, op. cit., p. 327) mais les autres rapports de la délégation du Maroc sont signés collectivement.
18 Voir E. Gubin, L. Van Molle (dir.), Des femmes qui changent le monde : Histoire du Conseil international des femmes (1888-1988), Bruxelles, Racine, 2005, p. 19-20 ; C. Jacques, « Construire un réseau international : l’exemple du Conseil international des femmes (CIF) », dans E. Gubin, C. Jacques, F. Rochefort, B. Studer, F. Thébaud, M. Zancarini-Fournel (dir.), Le siècle des féminismes, op. cit., p. 127-141.
19 Constitué le 21 juin 1945, il est composé de représentantes de la Belgique, de la Chine, de l’Espagne, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Italie, du Portugal, de la Tchécoslovaquie, de l’URSS et de la Yougoslavie. Le secrétariat en est assuré par la française Nicole de Barry.
20 E. Efthymiou, Eugénie Cotton, op. cit., p. 225.
21 Congrès international des femmes, op. cit., p. xvii.
22 S. Chaperon, Les années Beauvoir, op. cit., p. 86. Sur les femmes dans la Résistance voir F. Thébaud (dir.), « Résistances et Libérations (France. 1940-1945) », Clio. Histoire, Femmes et Sociétés, 1, 1995.
23 S. Chaperon, Les années Beauvoir, op. cit., p. xi.
24 M. Yusta, « Réinventer l’antifascisme au féminin », art. cité, p. 93-96.
25 J. Ion, La fin des militants ?, Paris, L’Atelier, 1997.
26 Voir les notices biographiques en annexes. Sur deux d’entre elles, le docteur Émile-Zola et Lina Rapp, je n’ai pas réussi à trouver d’informations.
27 Congrès international des femmes, op. cit., p. 395.
28 L’Union des jeunes filles de France (UJFF) renaît en 1946, après la création de la FDIF.
29 Sur Cécile Brunschvicg voir C. Formaglio, « Féministe d’abord », op. cit.
30 Ibid., p. 145.
31 A. Delaporte, La section française de la Ligue internationale des femmes pour la Paix et la Liberté (LIFPL). Une organisation pacifiste féministe sous orbite communiste au début de la Guerre froide (1944-1962), mémoire de master 2 dirigé par F. Virgili, Paris, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2018, p. 177 et suiv.
32 C. Drevet, Les Annamites chez eux, Paris, 1928, 32 p. Voir A.-M. Pavillard, « Camille Drevet (1881-1969), militante féministe, pacifiste, anticolonialiste », dans D. Bréchemier, N. Laval-Turpin (dir.), Quelques parcours extraordinaires de femmes dans l’entre-deux-guerres, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 73-86.
33 L’organisation accueille des sections brésilienne et cubaine mais le premier pays africain à adhérer sera le Nigeria, en 1953. A. Delaporte, La section française de la LIFPL, op. cit., p. 102.
34 P.-J. Le Foll Luciani, « “J’aurais aimé être une bombe pour exploser” », art. cité, p. 37.
35 Voir http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article152321, notice SPORTISSE Alice née CREMADES par René Gallissot ; P.-J. le Foll-Luciani, William Sportisse. Entretiens avec Pierre-Jean Le Foll-Luciani. Le Camp des Oliviers. Parcours d’un communiste algérien, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
36 Créé en 1920, le PCA se détache du PCF en 1936. Il adopte un discours anticolonialiste jusqu’à son interdiction en 1954. 34 femmes ont été élues conseillères municipales en août 1945 en Algérie.
37 Selon les sources, l’UFA aurait été créée en 1943 ou 1944. Elle est dissoute officiellement le 22 septembre 1955 et plusieurs de ses membres rejoignent le FLN. Deux autres associations de femmes sont actives après la Seconde Guerre mondiale en Algérie : l’Association de la jeune fille arabe algérienne, proche de l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA), et l’Association des femmes musulmanes algériennes (Afma), présidée par une jeune sage-femme, Mamia Chentouf, d’abord responsable de la cellule féminine clandestine du PPA-MTLD à Alger centre, avant de devenir présidente de l’Afma avec Nefissa Hamoud. Interdite en 1954, l’Afma a contribué à la sensibilisation des femmes à la cause nationaliste avant la guerre. L’Afma s’est affiliée à la FDIF en 1952. Mamia Chentouf devient par la suite une contributrice importante au bulletin de la FDIF qui lui consacre même sa couverture en 1960. D. Amrane, Les femmes algériennes dans la guerre, Paris, Plon, 1991 et N. Sidi Moussa, « Les visages de l’émancipation : l’action des femmes messalistes durant la révolution algérienne », dans E. Bouilly, O. Rillon (dir.), Le mouvement social, 2/255, 2016, p. 103-118.
38 Ces renseignements ont été recueillis auprès de Pierre-Jean Le Foll qui se fonde sur le journal Femmes d’Algérie du 8 septembre 1945. Je le remercie ici vivement pour son aide. Mme Garoby est probablement elle aussi membre du PCA ou sympathisante.
39 Femmes du monde entier, 1, janvier 1953, 31 p., p. 6.
40 Voir la notice sur sa fille, Etya Tartakowsky : http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article173636
41 Née en 1912 dans une famille de petits colons de la région de Djidjelli, Lise Oculi est une des femmes mises en avant par le PCA après 1943. Elle meurt du typhus à Alger en 1947. http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article157283, notice OCULI Lise [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot.
42 Femmes d’Algérie, s.d. mais probablement août 1945.
43 Lors des mêmes élections une citoyenne française d’origine juive, Louise Sebban, membre de l’UFA, est élue à Boufarik dans le second collège, sur une « liste musulmane démocratique et antifasciste ».
44 Bulletin de l’AFUF, 1, décembre 1946, p. 3.
45 Elle est victime d’un accident d’avion au retour d’une mission en Côte d’Ivoire.
46 Bulletin de l’AFUF, 1, décembre 1946, p. 2.
47 Préambule des statuts de l’association.
48 Après sa mort, un hommage de plusieurs pages lui est rendu dans le Bulletin de l’AFUF 19, janvier-février 1953.
49 Le « récit des origines » de l’association figure dans le premier bulletin puis dans celui d’octobre-novembre 1948.
50 Bulletin de l’AFUF, 4, janvier-février 1948, éditorial.
51 Bulletin de l’AFUF, 1, décembre 1946, p. 2.
52 M.-H. Lefaucheux, « L’AFUF en deuil », Bulletin de l’AFUF, 19, janvier-février 1953, p. 2.
53 H. Lopes, Il est déjà demain, Paris, Jean-Claude Lattès, 2018, p. 70. Je remercie Odile Goerg de m’avoir signalé ce passage.
54 Voir Karine Ramondy, http://biograf.hypotheses.org/261 ; P. Barthélémy, s. v. « Jane Vialle », dans C. Bard, S. Chaperon (dir.), Dictionnaire des féministes, op. cit., p. 1514-1516 ; L. Semley, « Women Citizens of the French Union Unite! Jane Vialle’s Postwar Crusade », dans A. Epstein, R. Fuchs (dir.), Gender and Citizenship in Historical and Transnational Perspective: Agency, Space, Borders, Londres, Macmillan/Red Globe Press, 2017, p. 186-210. Les informations complémentaires fournies ici viennent du Bulletin de l’AFUF, 19, janvier-février 1953, publié après sa mort.
55 Bulletin de l’AFUF, 19, janvier-février 1953, p. 1.
56 A. K. Joseph-Gabriel, Reimagining Liberation: How Black Women Transformed Citizenship in the French Empire, Urbana, University of Illinois Press, 2020, chap. 3.
57 E. Saada, Les enfants de la colonie. Les métis de l’Empire français entre sujétion et citoyenneté, Paris, La Découverte, 2007 ; O. White, Children of the French Empire. Miscegenation and Colonial Society in French West Africa, 1895-1960, Oxford, Clarendon Press, 1999.
58 Bulletin de l’AFUF, 19, janvier-février 1953.
59 Voir Y. Knibiehler, s. v. « Germaine Poinso-Chapuis », dans C. Bard, S. Chaperon (dir.), Dictionnaire des féministes, op. cit., p. 1146-1149.
60 A. K. Joseph-Gabriel (Reimagining Liberation, op. cit.) mentionne une autre version, qui est celle de l’hommage posthume qui lui fut rendu lors de sa nomination à l’Ordre national du mérite. Dans cet hommage il est question d’une évasion.
61 Bulletin de l’AFUF, 19, janvier-février 1953.
62 Les Indépendants d’Outre-Mer, qui se sont constitués en groupe parlementaire autour de Léopold Sedar Senghor en 1948, font de la promotion de la « symbiose franco-africaine » leur mot d’ordre. Ils réunissent pour l’essentiel des députés africains et européens proches des missions catholiques. Le parti est apparenté au MRP mais prend une distance (prudente) avec ce parti lorsque le virage « de la réforme à la réaction » dans le domaine colonial est de plus en plus net. Voir M. Thomas, « The Colonial Policies of the Mouvement Républicain Populaire (1944-1954): From Reform to Reaction », English Historical Review, 2003, p. 380-411.
63 Il s’agit de rencontres culturelles et scientifiques. En mai 1949 elles se tiennent à l’Abbaye de Royaumont sous la présidence de Jane Vialle et de Marcel Griaule (voir chap. 5).
64 Voir le témoignage du docteur Pierre Reynier avec lequel elle a travaillé à ce projet dans le Bulletin de l’AFUF, 19, janvier-février 1953, p. 2.
65 L. Semley, « Women Citizens of the French Union Unite! », art. cité, p. 186-210.
66 H. Lopes, Il est déjà demain, op. cit., p. 69.
67 Annette K. Joseph-Gabriel, Reimagining Liberation, op. cit.
68 Voir C. Bard, S. Chaperon (dir.), Dictionnaire des féministes, op. cit., p. 868-870 ; É. Diebolt s. v. « Marie-Hélène Lefaucheux », dans Militer au xxe siècle. Femmes, féminismes, Églises et société. Dictionnaire biographique, Paris, Michel Houdiard, 2009, p. 211-214.
69 Une traversée du siècle. Marguerite Thibert. Femme engagée et fonctionnaire internationale, Paris, Belin, 2017.
70 Pour un résumé de sa carrière politique en France : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/lefaucheux-marie-helene-26041903.asp
71 France soir, 27 février 1964.
72 Mme Grinberg-Vinaver, ancien chef du Secrétariat de la Commission du statut de la femme à l’ONU, directrice administrative du CIF, dans Conseil national des femmes françaises, Marie-Hélène Lefaucheux, 26 février 1904-25 février 1964, Paris, Cedias, 1964, p. 12.
73 M. Seydoux, représentant de la France lors de la 20e session de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, lors de l’hommage rendu le 25 février 1964 à Marie-Hélène Lefaucheux, Archives du CIF, dossier 4366, CARHIF.
74 Mrs Craig-Schuller, présidente du CIF dans Conseil national des femmes françaises, Marie-Hélène Lefaucheux, op. cit., p. 26.
75 Le monde, 27 février 1964.
76 M. Seydoux, représentant de la France lors de la 20e session de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, lors de l’hommage rendu le 25 février 1964 à Marie-Hélène Lefaucheux, Archives du CIF, dossier 4366, CARHIF.
77 Ibid.
78 S.-J. Majorelle, In Memoriam, bulletin du CIF, mai 1964, p. 5.
79 Hommage à Marie-Hélène Lefaucheux de Mrs Louis Robbins, première vice-présidente du Conseil national des femmes des États-Unis, lors de la 20e session de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, 25 février 1964, Archives du CIF, dossier 4366, CARHIF.
80 L’Académie des sciences d’outre-mer lui consacre une notice en guise d’hommage « à l’œuvre qu’elle a accomplie pour l’amélioration de la condition de la femme dans le monde en général et plus particulièrement dans les pays d’Outre-Mer », Henri Solus, s. v. « Marie-Hélène Lefaucheux », Hommes et destins. Dictionnaire biographique d’outre-mer, t. 2, Académie des sciences d’outre-mer, 1977, p. 458-463.
81 Article de Georges Sinclair dans France soir, 27 février 1964.
82 Arrêtée en 1942 à l’âge de vingt ans pour faits de résistance, elle est déportée à Ravensbrück en 1943 avec Germaine Tillion. Elle épouse André Postel-Vinay en 1946.
83 Charles Riondet, « Marie-Hélène et Pierre Lefaucheux, la Résistance comme expérience fondatrice d’un engagement » dans « Paris août 1944-mai 1945 : reconstruire et rénover », décembre 2015, Paris, France. halshs-01301279.
84 Article de Camille Gilles dans Le Nouveau Candide (5-12 mars 1964), hebdomadaire politique et littéraire lancé par le groupe Hachette en 1961 comme une alternative gaulliste à L’express. Il disparaît en 1967. De nombreux journaux ont consacré une nécrologie à Marie-Hélène Lefaucheux. Ils font tous de l’engagement dans la Résistance le moment fondateur de sa vie civique et politique.
85 Ibid.
86 Ibid.
87 Le récit de cette libération épique figure dans plusieurs hommages rendus à Marie-Hélène Lefaucheux à sa mort : France soir, 27 février 1964, Carrefour, 4 mars 1964. Ce journal publie un témoignage de Max André, membre du Comité parisien de Libération, ainsi qu’un texte inédit de Marie-Hélène Lefaucheux écrit en août 1945 pour raconter cet épisode, Archives du CIF, dossier 4366, CARHIF.
88 Le monde, 27 février 1964.
89 Voir W. Guéraiche, Les femmes et la République, op. cit., chap. 2.
90 Elle est également élue conseillère générale de la Seine et conseillère municipale de Paris en 1945. En 1946, elle ne se représente pas aux élections pour la seconde Assemblée constituante mais est élue vice-présidente du conseil municipal de Paris. Voir L.-P. Jacquemond, « Les 33 députées élues en 1945. Quelle géographie électorale et quelle sociologie politique ? », Historiens et géographes, 418, 2012, p. 69-81. Le MRP obtient 9 députées en 1945 qui représentent 6 % de ses élu·e·s.
91 H. Laville, « A New Era in International Women’s Rights?: American Women’s Associations and the Establishment of the UN Commission on the Status of Women », Journal of Women’s History, 20, 2008, p. 34-56.
92 S.-J. Majorelle, In Memoriam, Newsletter du CIF, mai 1964, p. 5.
93 Article de Camille Gilles dans Le Nouveau Candide, 5-12 mars 1964, Archives du CIF, dossier 4366, CARHIF.
94 Bulletin de l’AFUF, 4, janvier-février 1948, éditorial.
95 Hélène Périllon Kopp a été faite chevalier de la Légion d’honneur en 1953 mais la base nominative LEONORE des Archives nationales ne contient aucun dossier à son nom. Malgré des recherches, les sources se résument au Bulletin de l’AFUF, 21, novembre-décembre 1953, p. 6 et aux informations recueillies sur son mari.
96 A. Chevalier, « Nécrologie. André-Th. Kopp », Revue internationale de botanique appliquée et d’agriculture tropicale, 299-300, septembre-octobre 1947, p. 437-439.
97 Voir M. Shipway, « Thinking Like an Empire », art. cité.
98 Anna Nasser a trouvé des documents (cote 72AJ.535 aux ANOM) qui mentionnent qu’Eugénie Eboué-Tell était présidente d’honneur de l’association à sa création mais elle ne figure jamais comme telle dans le bulletin avant 1957.
99 Exceptionnellement, le premier comité directeur est désigné et reste en fonction pendant trois ans à partir du 23 avril 1946.
100 Selon Françoise Blum qui a consulté le « fonds Monnerville » au Centre d’histoire de Sciences po, les archives sont silencieuses sur son épouse.
101 Son prénom est ensuite Louise dans le Bulletin de l’AFUF.
102 Retranscription d’un discours prononcé à l’occasion de la Conférence européenne des organisations non gouvernementales en 1951, Bulletin de l’AFUF, 15, novembre-décembre 1951, p. 4.
103 Je remercie Quentin Gastueil d’avoir recueilli ces informations lors de ses recherches pour sa thèse en cours.
104 Voir http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article123470. Leur seule fille, Marianne, est devenue l’épouse du fils de Victor Basch. Voir le livre de Françoise Basch qui évoque sa mère, Ilona, ma mère et moi. Une famille juive sous l’Occupation, 1940-1944, Donnemarie-Dontilly, iXe, 2011.
105 Bulletin de l’AFUF, 3, mai-juin 1947.
106 Bulletin de l’AFUF, 9, février-mars 1949, p. 8 ; 20, mars-mai 1953 ; 22, février-mars 1954.
107 Je remercie Violaine Tisseau de m’avoir aidée à trouver des informations sur elle.
108 Bulletin de l’AFUF, 11, octobre-novembre 1949.
109 A. D. Lahiniriko, Les structures politiques à Tananarive. Union, unanimisme et divisions partisanes dans la culture politique nationaliste malgache (1945-1958), thèse de doctorat dirigée par Lucile Rabearimana et Pierre Boilley, Paris/Tananarive, université de Tananarive et université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2012, p. 398.
110 L. Rupp, V. Taylor, « Loving Internationalism: The Emotion Culture of Transnational Women’s Organizations, 1888-1945 », Mobilization: An International Journal, 7, 2002, p. 125-144 et « Forging Feminist Identity », art. cité.
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