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Écritures de l’espace social

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Didier Boisseuil
, 
Pierre Chastang
, 
Laurent Feller
, 
et al.

2e section. La domination sociale

La réalité du prélèvement fiscal en Languedoc à la fin du Moyen Âge : le cas de Saint-Guilhem-le-Désert

Vincent Challet

Note de l’auteur

Ce texte est la version améliorée d’une communication présentée à l’occasion de la table ronde tenue à Lyon les 7 et 8 juin 2006 et intitulée « Évaluer le poids du prélèvement seigneurial et fiscal dans les campagnes médiévales ». Je voudrais exprimer ici mes plus vifs remerciements à Nicolas Carrier et à Vincent Corriol pour avoir bien voulu m’associer à cette rencontre ainsi que l’ensemble du Centre d’histoire médiévale de l’université Jean-Moulin Lyon 3.

Texte intégral

  • 1 Sur ces rébellions tant urbaines que rurales, que l’on me permette de renvoyer en dernière analyse (...)
  • 2 G. Bois, Crise du féodalisme, Paris, Éditions de I’EHESS, 1976, p. 259-260. Il vaut la peine de cit (...)
  • 3 La fiscalité des villes au Moyen Âge, programme coordonné par D. Menjot et M. Sanchez Martinez, 4 v (...)
  • 4 D. Menjot, A. Rigaudière et M. Sanchez Martinez (dir.), L’impôt dans les villes de l’Occident médit (...)
  • 5 P. Contamine, J. Kerhervé et A. Rigaudière (dir.), L’impôt au Moyen Âge. L’impôt public et le prélè (...)

1À partir de 1378, le Languedoc connut une série d’émeutes urbaines – Le Puy-en-Velay et Nîmes en 1378 ; Montpellier, Clermont-l’Hérault et Alès en 1379 ; Béziers en 1381 – qui se doublèrent à partir de 1381 d’une forte agitation des campagnes connue sous le nom de révolte des Tuchins1, le Languedoc ne constituant d’ailleurs pas une exception en la matière puisque c’est dans ces mêmes années que se produisent également les Harelles de Rouen et le mouvement des Maillotins à Paris. Or, il est de coutume de mettre ces rébellions en relation avec le très net accroissement de la pression fiscale à partir des années 1360 – ce fameux « tour de vis fiscal » du règne de Charles V et, en Languedoc, de ses lieutenants les ducs d’Anjou puis de Berry – hypothèse d’autant plus plausible que l’augmentation du taux nominal des fouages royaux est avéré, allant jusqu’à culminer à 12 francs par feu en 1379, ce qui devait provoquer la sanglante émeute montpelliéraine. En outre, la plupart des historiens s’accordent à penser que le « plat pays » supporte l’essentiel de la fiscalité royale, non seulement parce que la majorité de la population est rurale mais aussi parce que les campagnes ne bénéficient ni des privilèges fiscaux accordés à la plupart des villes, ni des moyens de négociation dont usent les centres urbains pour diminuer leur quote-part des impôts royaux. Si, donc, la fiscalité royale avait été à ce point ressentie dans les villes languedociennes comme une extorsion de fonds dans les années 1380, son impact sur les campagnes méritait d’être évalué et mesuré. Il le méritait d’autant plus que Guy Bois considérait cette mise en place d’un prélèvement public et de guerre à partir de 1337 comme l’une des raisons déterminantes de la grave dépression que connaissent alors les campagnes : en évaluant à 30 sous tournois annuels la charge moyenne supportée par un feu normand en 1347, Guy Bois faisait de cette charge une surcharge et le principal facteur du déséquilibre paysan2. Toutefois, force est de constater que l’espace rural n’a guère retenu l’attention des historiens de la fiscalité, lesquels, délaissant le terrain du prélèvement seigneurial dans les campagnes, se sont concentrés sur le prélèvement fiscal en milieu urbain. Il suffit pour s’en convaincre d’égrener quelques-unes des dernières entreprises collectives consacrées à la fiscalité : programme sur la fiscalité des villes au Moyen Âge3, colloque de Bercy consacré à « L’impôt dans les villes de l’Occident méditerranéen4 » ou encore rencontre sur « L’impôt au Moyen Âge », dont le volume consacré aux espaces fiscaux se subdivise en « principautés », « villes » et « Église5 ». Tout se passe donc comme si l’on distinguait soigneusement entre des villes assujetties à l’impôt royal ou princier et des campagnes qui ne connaîtraient qu’un prélèvement seigneurial, alors même que l’on présuppose que la monarchie tire l’essentiel de ses recettes fiscales en mettant à contribution les ressources paysannes. Une véritable histoire de la fiscalité royale dans les campagnes semble donc encore à écrire et, compte tenu du discrédit actuel dont souffre l’histoire économique, elle risque de se faire attendre longtemps.

  • 6 Sur les compoix, voir le programme de recherche en cours à l’université de Toulouse-Le Mirail, Espa (...)

2Les sources existent pourtant, notamment dans un Languedoc où bien des communautés rurales se sont vu reconnaître le statut d’universitas et se sont dotées, à partir du milieu du xive siècle, des instruments nécessaires à une meilleure maîtrise de leurs dépenses et de la répartition de l’impôt, à savoir des livres de compte et des compoix6. Si l’on en revient au raisonnement tenu par Guy Bois, il souffre en effet d’un défaut majeur, celui de ne prendre en compte que le montant demandé par la royauté et accordé par les différentes assemblées, sans avoir les moyens de calculer ce qui a réellement été payé par une communauté rurale donnée. Autrement dit, pour estimer ce qu’un foyer paysan doit acquitter, il divise simplement le montant global de l’aide par le nombre de feux réels. Mais ce mode de calcul suppose, pour être exact, qu’aucun frais annexe – de perception notamment – ne vienne s’ajouter au montant de l’impôt alors que l’on sait que l’ensemble de ces frais ne sont pas intégrés dans la quote-part de chaque communauté. Il en ressort que le poids de l’impôt royal sur les campagnes a eu tendance à être systématiquement minoré parce que les seules évaluations tentées l’ont été à partir du montant fixé par la royauté. Cet obstacle, intrinsèque à la documentation normande, peut néanmoins être contourné par le biais des registres de comptes élaborés par les communautés languedociennes, lesquels consignent soigneusement non seulement les paiements effectués au titre de l’impôt mais aussi l’ensemble des frais annexes liés à l’impôt.

  • 7 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29, 13 cahiers conservés entre 1381 et 1400. Les comptes consulaires at (...)

3La communauté qui sera ici soumise à une telle étude est celle de Saint-Guilhem-le-Désert, grandie à l’ombre de la puissante abbaye de Gellone et située dans la viguerie de Gignac au sein de la sénéchaussée de Carcassonne. Elle possède une série de comptes relativement conséquents ne débutant malheureusement qu’en 1381, ce qui ne permet guère d’étudier les dernières années du règne de Charles V, ainsi que plusieurs compoix dont le plus ancien conservé a pu être précisément daté de février 13927. Comptant pour 39 feux fiscaux – en incluant l’annexe de La Vaquerie qui y est fiscalement rattachée – avant une première réparation survenue en 1384 qui la fait passer à 33 feux, elle ne compte plus que pour 22 feux en 1387. Du point de vue institutionnel, Saint-Guilhem n’est pas un consulat mais possède trois syndics élus dont les attributions sont certes limitées par les prérogatives de l’abbé de Gellone auxquels ils doivent prêter serment lors de leur entrée en fonctions mais qui n’en ont pas moins une certaine autonomie en matière fiscale, manifestée par la possibilité de lever des tailles et de répartir l’impôt demandé par le pouvoir royal. Pour évaluer le poids réel de la fiscalité, on s’appuiera sur une année de référence – 1384 – afin d’étudier l’ensemble des dépenses liées à la fiscalité et supportées par cette communauté en une année donnée. 1384 représente un moment délicat pour un Languedoc dont les campagnes ont souffert des ravages de guerre à l’occasion de la révolte des Tuchins. D’un point de vue fiscal, la situation se révèle également difficile en raison de la conjonction de plusieurs taxations : d’abord, la fin de la révolte des Tuchins s’est soldée par une amende de 800 000 francs or pour l’ensemble du Languedoc, entérinée en mars 1384 et dont le recouvrement commence en mai de la même année sous la forme d’un double fouage annuel de 3 francs par feu ; ensuite, la gabelle du sel qui n’avait pu être perçue pendant la révolte est de nouveau réclamée et, pour combler le manque à gagner, les commissaires royaux ont estimé le sel consommé et condamné les communautés à verser ce qu’elles auraient normalement dû payer ; en outre, est perçu un fouage d’1 franc 1/4 destiné au chancelier du duc de Berry et qui avait été accordé l’année précédente ; enfin, Saint-Guilhem, comme tous les autres lieux de la viguerie de Gignac, doit acquitter un subside de 7 puis de 8 gros par feu au profit du comte d’Armagnac chargé de mener dans la région la lutte contre les compagnies, auquel s’ajoute un fouage de 7 gros par feu pour contribuer à une opération militaire menée sous l’égide du sénéchal de Carcassonne. Se trouvent donc associés en cette année 1384 les principaux ressorts de la fiscalité royale : gabelle du sel, fouages destinés au lieutenant du roi et prélèvements liés à la guerre et aux impératifs de défense. La fiscalité subie en cette année 1384 est donc lourde sans pourtant être exceptionnelle, surtout si l’on songe qu’en 1378 et 137g les fouages ont atteint des taux annuels de 12 francs par feu et que la plupart des communautés ont connu des réductions de feux entre 1378 et 1384.

  • 8 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29, 1384-1385, 2 juillet 1385 : Item a II de julh sey uengro una manda (...)
  • 9 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29,1384-1385, mars 1385 : Item mays despendet Huguet Valat am los IV sy (...)
  • 10 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29,1384-1385, mars 1385 : Item may avem paguat per la perdoa di larney  (...)
  • 11 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29, 1380-1381, mars 1381 : Fonc di cosselh que se tenesem en esta vyla (...)
  • 12 AN, JJ 124, no 236 (sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne) et no 263 (sénéchaussée de Toulou (...)
  • 13 Je dois ce renseignement à Jean-Loup Abbé que je remercie vivement. AD de l’Hérault, 170 EDT CC 129 (...)
  • 14 AD de l’Hérault, 30 J 267/1,1382-1383, fol. 2 (chapitre des recettes) : Primo recepi ego predictus (...)
  • 15 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 129, 22 mai 1384 : Item a XXII di may di uolontat di nostre coselh anet (...)

4Toutefois, le poids réel de la fiscalité royale ne doit pas seulement tenir compte de l’argent réellement versé aux autorités mais doit également prendre en considération l’ensemble des dépenses versées par la communauté pour acquitter ses impôts. Les principaux frais liés au paiement des impôts sont les frais de mission alloués aux syndics ou à leurs conseillers pour se rendre dans les divers lieux où les versements doivent être effectués, les frais de chancellerie – quittances et lettres de délais de paiement – ainsi que les pertes liées au change des monnaies, les comptes révélant en la matière la présence dans les caisses consulaires de francs contrefaits ou de mauvais poids ou encore de florins d’Aragon qui ne sont acceptés par les receveurs royaux que moyennant un rebattement de leur valeur. En outre, la plupart des impôts ne pouvant pas être acquittés dans les délais, il faut également compter avec les commissaires et sergents envoyés pour exécuter les communautés et dont il faut payer les salaires et les frais de bouche. Ces différents phénomènes sont relativement bien connus mais quasiment jamais évalués par rapport au montant de la somme exigée au titre de l’impôt. Enfin, si ces dépenses ne sont pas spécifiques aux communautés rurales, en revanche, les frais de déplacement pèsent plus lourdement que pour les villes, les syndics de Saint-Guilhem ayant à se rendre au mieux à Gignac, siège de la viguerie, au pire à Béziers voire à Carcassonne, siège de la sénéchaussée. En définitive, et pour chacune des cinq impositions majeures payées en 1384, il s’est agi d’évaluer leur coût total supporté par la communauté en se fondant sur les comptes consulaires de Saint-Guilhem et en supposant que ces comptes n’aient pas été outrageusement falsifiés, ce qui implique que la procédure de contrôle ait correctement fonctionné (voir Annexes). Ainsi, la composition pour la gabelle du sel fut fixée par les commissaires royaux le 14 avril à 12 francs et payée le 16 mai. Mais, outre le montant de l’amende, il fallut également régler les frais des commissaires, Saint-Guilhem n’ayant pas payé cette amende dans les délais impartis, les déplacements des syndics ou de leurs conseillers se rendant à Gignac ou à Lodève pour obtenir des délais de paiement ou pour effectuer les versements, sans oublier les 2 sous exigés pour la quittance. On en arrive ainsi à une dépense totale de 16 francs 9 sous et 2 deniers, soit 134 % de la somme due initialement. Une constatation similaire peut être faite pour la deuxième imposition liée aux dépenses de guerre et perçue en deux temps à raison de 7 gros par feu puis de 8 gros par feu puisque le montant global de la dépense correspond à 131 % de la somme due. Outre les salaires des commissaires, les frais de mission alloués aux syndics et le coût des quittances, il fallut ajouter les pertes dues au change ainsi que les gages de trois sergents payés par la communauté et envoyés prêter main forte pour détruire le château de La Roque qui venait d’être repris aux routiers, gages qui ne furent pas déduits du paiement de l’imposition8. En revanche, la première contribution de guerre levée à raison de 7 gros par feu à l’occasion d’une expédition militaire menée dans les environs de Lodève par le sénéchal de Carcassonne occasionna des frais tout à fait considérables. Le sénéchal avait fait transmettre aux syndics de Saint-Guilhem l’ordre exprès d’expédier à Lodève des sergents afin de participer à cette équipée, sergents dont le chiffre fut établi à quatre. Mais il était prévu que ces hommes arrivent au lieu de rassemblement dotés de leur propre équipement, et la communauté eut donc à supporter les dépenses afférentes à l’équipement et aux gages de ces sergents. Il fallut tout d’abord faire l’acquisition pour ces sergents d’un équipement adapté au combat : les syndics firent donc acheter quatre paires de souliers et deux jupons, et, selon le procédé en usage, empruntèrent à des contribuables plus aisés l’essentiel de l’armement qu’ils firent transporter jusqu’à Lodève à dos de mule9. Après les opérations militaires, il fallut en outre faire le compte des équipements qui avaient été perdus ou rendus inutilisables et que la communauté devait donc rembourser à ses légitimes propriétaires, à savoir trois jaques, une arbalète, un long couteau et une épée10. En outre, il leur fallut verser les gages des sergents fixés à 5 sous 6 deniers par jour pendant quinze jours. Au total, Saint-Guilhem dépensa pour envoyer ces quatre sergents à la guerre la somme de 22 francs et 13 sous. Or, s’il était bien prévu de défalquer une partie de ces frais du montant de l’imposition, la déduction n’atteignit que 22 gros par sergent, soit en tout et pour tout 5 francs et demi, ce qui était très loin de correspondre à la totalité des frais engagés par la communauté. Rien d’étonnant à ceci, la royauté étant bien mauvaise payeuse et abusant de tels procédés visant à faire reposer sur les contribuables ses propres dépenses, notamment par le biais d’emprunts forcés qu’elle ne remboursait jamais ou qu’en partie. Ces frais d’équipement et la solde des sergents expliquent le chiffre aberrant de 243 % de la somme due obtenue pour cet impôt. On comprend mieux dès lors pourquoi la plupart des communautés préférèrent payer des contributions de guerre plutôt que d’équiper elles-mêmes des sergents aux gages et aux besoins desquels elles devaient subvenir. Si le remplacement des sergents de pied fournis par les communautés par des taxes visant à solder des mercenaires fut sans doute souhaité par la monarchie pour des raisons d’efficacité, l’acceptation de ce système s’explique aussi par le coût financier de ces sergents. À titre de comparaison, en 1382, les syndics de Saint-Guilhem avaient accueilli dans leur village et nourri une compagnie de Tuchins afin de se protéger des gens d’armes qui se trouvaient non loin. Il ne leur en avait coûté en pain, en vin, en huile et en logement qu’un peu plus de 4 francs11, somme bien modique au regard des 22 francs dépensés pour quatre sergents en 1384. Néanmoins, l’impôt le plus lourd perçu en 1384 fut celui lié à l’amende de 800 000 francs imposée au Languedoc en échange des lettres d’abolition délivrées par Charles VI en mars de la même année12. Il correspond à un fouage de six francs par feu – prévu pour durer quatre ans – perçu en deux termes identiques, soit une somme de 198 francs. Le tableau inclut un autre paiement de 13 francs car les syndics firent l’erreur d’effectuer un tel versement au viguier de Gignac, versement que le receveur de l’amende basé à Béziers ne voulut jamais prendre en compte bien que les syndics lui aient fait remettre la quittance correspondante. Il fallut donc payer une nouvelle fois. Cet impôt fut très largement acquitté grâce à un mode de perception qui paraît relativement original pour cette période puisqu’il s’agit d’une taille de l’huile, dont nous ne connaissons malheureusement pas les modalités mais qui semble être l’une des premières occurrences d’une taille communale fondée sur l’huile d’olive13, signe d’ailleurs d’une culture spéculative de l’olivier plus précoce qu’on ne le pensait généralement. Quoi qu’il en soit, la communauté voisine de Saint-Jean-de-Fos, confrontée aux mêmes difficultés financières, recourut à une taille identique dès 138314. Cette taille de l’huile entraîna des frais supplémentaires liés non seulement à la perception mais surtout à la vente puisqu’il fallut trouver un acheteur qui se révéla être un marchand montpelliérain15, ce qui nécessita plusieurs allées et venues des syndics pour mener à bien la vente. Reconnaissons cependant qu’en cette année 1384 Saint-Guilhem put payer sa quote-part de l’amende sans avoir pour autant recours à l’emprunt alors que, placées dans la même situation, Toulouse ou le bourg de Carcassonne ne purent s’en passer. Le dernier impôt évalué est un fouage d’1 franc – accordé au chancelier de France – et, pour ce fouage comme pour l’amende, le surcoût correspond à environ 25 % de la somme initiale.

  • 16 Sur cet épisode, voir J. Combes, « Finances municipales et oppositions sociales à Montpellier au co (...)

5L’analyse d’une année fiscale pour une communauté rurale donnée fondée sur les registres de comptes incite à penser que toute étude de l’impact de la fiscalité royale doit se fonder non pas sur les montants initiaux demandés par la royauté mais sur les dépenses réellement effectuées par une communauté. Toute réflexion partant des taux nominaux des fouages ou autres subsides reviendrait à sous-estimer d’un quart à un tiers dans le cas de Saint-Guilhem les sommes réellement dépensées, la proportion pouvant évidemment varier en particulier en fonction de l’éloignement de la communauté par rapport aux centres de paiement. Parmi les frais annexes supportés, les plus lourds sont ceux des salaires des commissaires – 1 franc pour un commissaire à cheval venu de Gignac ou de Béziers – qui pèsent d’autant plus que les retards de paiement s’accumulent, ce qui est toujours le cas lorsque la situation fiscale est tendue. On comprend mieux ainsi les doléances des communautés exprimées notamment lors des ordonnances de réforme et qui visent à mieux contrôler l’envoi des commissaires et à fixer strictement leurs salaires. En revanche, le coût des frais de chancellerie, à la fois quittances et lettres de sufferta visant à accorder de nouveaux délais de paiement, ne semble jamais très élevé, pas plus d’ailleurs que les pertes systématiques liées au change. L’autre poste important est constitué par les frais de missions alloués aux syndics ou à leurs envoyés, lesquels varient en fonction de la distance à couvrir : ils se montent ainsi à 4 sous pour un voyage à Gignac ou à Lodève, à 6 sous 6 deniers pour un déplacement à Clermont mais 13 sous pour se rendre à Béziers ou Montpellier et jusqu’à 19 sous et 6 deniers versés à l’un des syndics envoyé à Béziers et dont la mission dura trois jours. À l’évidence, ces dépenses ne profitent pas au pouvoir royal et sont en grande partie redistribuées à des membres de la communauté. L’examen des comptes consulaires ne révèle pas de distorsions flagrantes dans le versement des frais de mission, un barème identique étant appliqué pour toutes les missions, contrairement à ce qui pouvait se passer dans certaines villes méridionales où le contrôle de ces frais de mission et de bouche pouvait être un enjeu réel pour les populares, ainsi de Montpellier dans les années 132016. Il est vrai que les syndics de Saint-Guilhem n’avaient pas la puissance des consuls de Montpellier et que le contrôle social devait être plus vigilant dans les communautés rurales. Ces défraiements n’ont d’ailleurs rien de scandaleux si on les compare aux autres salaires versés par les syndics : ainsi un homme posté pour monter le guet touche 3 sous et 4 deniers, tandis qu’un ouvrier employé pour réparer la muraille du village touche 3 sous.

  • 17 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 1. Je dois ce décompte à Jean-Loup Abbé.
  • 18 L’adoption du capage progressif se lit par le biais du 1er compoix conservé mais aussi à travers l’ (...)
  • 19 L’existence d’un compoix antérieur à celui de 1392 se déduit de la manière dont est levée cette tai (...)

6Au total, en comptant diverses autres dépenses – fouage d’un blanc par feu, frais liés à une somme de 346 francs réclamée par Ambroise Beth, réparation des feux –, la communauté de Saint-Guilhem dépensa en 1384 la somme de 428 francs 2 deniers, soit 13 francs par feu fiscal. Si l’on veut maintenant évaluer la somme moyenne par chaque feu, encore convient-il de passer aux feux réels puisque, en 1384, ces derniers n’ont plus qu’un lointain rapport avec les feux fiscaux. Or, le premier compoix conservé pour Saint-Guilhem et daté de 1392 a conservé les déclarations de 130 contribuables, tous chefs de feu17. En supposant une relative stabilité des foyers réels de la communauté entre 1384 et 1392 – ce qui introduit tout de même une source d’incertitudes supplémentaire –, on parvient à un poids du prélèvement fiscal d’environ 3 francs 1/3 par chef de feu en moyenne. Encore faut-il déterminer par quel biais est financé ce prélèvement fiscal. L’examen des recettes de Saint-Guilhem laisse apparaître trois chapitres principaux. Le premier est constitué par un capsout ou capage, impôt perçu par tête et de semaine en semaine selon les besoins financiers du moment, qui représente à lui seul 55 % des recettes de l’année 1384. Il ne s’agit plus tout à fait d’une somme identique prélevée sur chaque chef de feu, quelles que soient ses possessions, mais d’un capage progressif, possible conséquence des tensions sociales exprimées lors du Tuchinat et qui se retrouve à la même période au Puy-en-Velay et à Pont-Saint-Esprit18, principe qui est loin, toutefois, de le rendre parfaitement équitable. La deuxième source de financement est une taille fondée sur la possession du sol et sur la réalisation d’un compoix dont l’existence est attestée dès cette période19, taille qui, en 1384, représente 18 % des recettes. Saint-Guilhem lève enfin une taille de l’huile fondée, non plus sur la possession du sol mais sur son exploitation réelle et qui représente en 1384 22 % du total des recettes fiscales. En somme, et malgré diverses innovations dont l’objectif semble être de rééquilibrer la pression fiscale – capage progressif, compoix, taille de l’huile –, l’essentiel de l’impôt reste encore tributaire du capage et pèse d’un poids très lourd sur les menutz. Surtout, les recettes ne se montent qu’à 355 francs, ce qui est loin de couvrir les dépenses dues à la seule fiscalité publique, sans même compter les autres dépenses de la communauté.

  • 20 Le livre de comptes de Jacme Olivier, marchand narbonnais du xive siècle, A. Blanc (éd.), Paris, Pi (...)

7Si l’on en revient à l’estimation précédemment proposée de 3 francs 1/3, soit 80 sous par chef de feu, il convient de la comparer aux salaires versés pour cette période. Les salaires versés par les syndics et indiqués dans les comptes de 1384-1385 sont d’environ 3 sous par jour, mais ces salaires sont versés à des messagers ou à des ouvriers employés à la réparation des fortifications et ne correspondent pas à des salaires agricoles. Les comptes de Jacme Olivier, consul de Narbonne et gros propriétaire terrien, fournissent un bon point de comparaison : ainsi, en octobre 1382, pour effectuer les vendanges, il paie à deux hommes engagés pour porter les hottes la somme de 10 blancs, soit un salaire de 3 sous 4 deniers par homme et par journée de travail, tandis que les femmes touchent entre 1 sou 6 deniers et 4 blancs par jour, soit 2 sous 6 deniers par jour20. Il est certes possible que ces salaires en zone périurbaine soient légèrement supérieurs aux salaires usuels du monde rural mais ils demeurent néanmoins proches de ceux indiqués dans les registres de Saint-Guilhem. En retenant comme valeur indicative la somme de 3 sous par jour pour un travailleur agricole et de 2 sous par jour pour une femme, la ponction fiscale représenterait en 1384 vingt-sept journées de travail agricole et, si l’on tient compte d’un travail salarié des femmes, seize jours de travail pour un couple. Comparée aux chiffres proposés par Guy Bois qui, en ne tenant compte que des seuls taux nominaux, évaluait le prélèvement fiscal en 1347 en Normandie à trente journées de travail salarié, cette estimation laisse penser que la pression fiscale en Languedoc en 1384 était moins forte qu’elle ne l’était en Normandie quarante ans plus tôt.

  • 21 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29,1381-1382,15 décembre 1381 : Item a XV dezembre nos trames quere mos (...)
  • 22 Encore faut-il préciser que ce fouage ne put être perçu dans de nombreuses vigueries du Languedoc, (...)
  • 23 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29,1387-1388 : Item VII draps que avian vendutz a Gari per pagar II fra (...)

8Des comparaisons s’imposent néanmoins avec d’autres années pour tenter de suivre l’évolution de la pression fiscale, même si les comptes sont parfois incomplets et lacunaires. Le premier compte conservé, celui de 1381-1382, laisse apparaître quatre impositions principales (Annexes) : une contribution des communautés à une ambassade de Languedoc envoyée auprès du roi de France, deux impositions pour les dépenses communes de la viguerie et un fouage d’un franc par feu accordé au duc de Berry par les États réunis à Carcassonne en septembre 1381. Toutefois, la levée de ce fouage fut dans un premier temps refusée par les syndics qui arguèrent d’une forte opposition populaire21 et elle ne put être assurée qu’à la suite de nombreuses tractations entre le viguier royal, l’abbé de Saint-Guilhem et la totalité des communautés de la viguerie, ce qui occasionna d’importants frais de déplacements et l’envoi répété de sergents venus exécuter la communauté, auxquels il convient d’ajouter un don de 10 francs fait au trésorier. Si l’on excepte ce cas particulier, les frais annexes liés à la perception des impôts sont compris entre 14,5 et 21 %. La pression fiscale est moindre que dans les années ultérieures – elle ne représente que 2,50 francs par feu fiscal, soit seulement 18 sous par feu réel en se fondant sur la liste nominale de 1392 – en raison de la situation insurrectionnelle de la quasi-totalité du Languedoc qui entrave la levée des fouages royaux et, par la voix des États, contraint le duc de Berry à une certaine modération en matière d’impôt. La conséquence la plus immédiate du Tuchinat fut donc une quasi-interruption du paiement des impositions royales, à laquelle il faut ajouter la cessation de la perception de la gabelle du sel. Pour l’exercice 1382-1383, l’impôt le plus lourd fut constitué par un premier fouage de 1,5 franc par feu voté par les États de Languedoc à Béziers en mars 1382 et accordé au duc de Berry pour faire sortir les gens d’armes du pays22, puis par un second fouage d’1 franc par feu accordé pour verser aux routiers une somme totale de 40 000 francs afin qu’ils quittent le Languedoc. On notera au passage que, là encore, le surcoût lié au paiement de ce fouage est de l’ordre de 25 %, ce qui correspond à l’évaluation déjà proposée. Il faut y ajouter un subside d’un gros par feu destiné à payer les dépenses de la viguerie, un fouage de 2 francs et 1 florin concédé par les États de Languedoc réunis à Carcassonne en novembre 1382 – mais dont la perception ne fut que partielle – et les dépenses préparatoires engagées pour obtenir la réparation des feux. Au total, les dépenses liées à la fiscalité royale ne s’élèvent en 1382-1383 qu’à 169 francs 3 sous et 8 deniers, soit 4 francs 1/3 par feu fiscal, soit 1 franc 1/3 par feu réel. Cette relative modicité s’explique encore par la faiblesse politique du duc de Berry, incapable, compte tenu des circonstances, d’imposer aux États de Languedoc des fouages très conséquents. Les besoins de la communauté furent d’ailleurs comblés par une seule et unique taille qui rapporta à elle seule plus de 250 francs, sans qu’il soit encore besoin de recourir à une taille de l’huile. À l’inverse, les années postérieures à 1384 témoignent d’un appesantissement de la fiscalité royale. Pour 1385-1386, la comparaison s’avère délicate en raison de la nature incomplète des comptes. Les registres portent bien le paiement du second terme de l’amende de 800 000 francs mais non le premier, acquitté en mai et qu’il faut donc restituer, amende à laquelle il faut ajouter un fouage de 4 francs par feu, une imposition sur les monnaies et diverses autres demandées. La somme totale n’est donc ici qu’un minimum qui laisse apparaître un prélèvement de l’ordre de 12 francs par feu fiscal, soit environ 3 francs par feu réel, qui se situe donc aux niveaux constatés pour 1384-1385. Enfin, en 1387-1388, Saint-Guilhem dut acquitter l’un des deux termes de l’amende de 800 000 francs – l’autre ayant été perçu de façon anticipée par un prêt forcé –, un fouage de 2 francs par feu ainsi que des frais assez lourds liés à la réparation des feux, la communauté passant alors de 33 feux à 22 feux au prix de multiples missions et tractations particulièrement onéreuses. Au total, il en coûta à la communauté un peu plus de 212 francs mais il conviendrait en réalité d’y ajouter le deuxième terme payé de façon anticipée ce qui donnerait une somme globale de 317 francs 17 sous et 6 deniers. En restituant ce paiement, la ponction fiscale se situerait à un niveau d’environ 14,5 francs par feu fiscal, compte tenu de la diminution du nombre de ces feux, et de 2,50 francs par feu réel. Signe des difficultés qu’éprouve Saint-Guilhem à acquitter ses impôts, elle en est réduite à vendre un certain nombre de draps pour financer le fouage de 2 francs par feu qui lui est imposé23.

9Au final, se faire une idée de ce qu’est en moyenne le prélèvement fiscal sur les campagnes du Languedoc relève d’une gageure tant il découle des rapports de force entre la province et les représentants de la royauté. Si Saint-Guilhem peut être considérée comme représentative des communautés rurales, elle présente le handicap de ne pas posséder de comptes relatifs au règne de Charles V et antérieurs à la révolte des Tuchins, qui permettraient d’apprécier la mise en place de cette fiscalité royale. Mais la lourdeur de cette dernière apparaît a contrario par l’examen des registres contemporains d’une rébellion qui se traduisit par une quasi-interruption de la perception des impôts et des registres ultérieurs qui témoignent d’un certain nombre d’expédients – taille de l’huile, vente de draps – mis sur pied pour faire face aux exigences de la royauté. Et ce prélèvement – qui, répétons-le, doit être évalué non à l’aune du taux nominal des fouages mais bien à celle des dépenses réelles des communautés qui se révèlent supérieures, en moyenne, d’un bon quart – demeure à partir de 1384 à un niveau élevé – en gros entre 2,5 et 3 francs par feu réel et par an – d’autant plus élevé qu’il pèse sur une région qui dans les années 1380 est bien moins florissante que la Normandie des débuts de la guerre de Cent Ans. À l’évidence, une telle étude mériterait d’être élargie à la fois dans la durée pour retracer le poids de l’impôt durant tout le xve siècle et dans l’espace pour envisager d’éventuelles variations régionales. Il resterait en outre à mettre en rapport la masse globale du prélèvement fiscal et les registres de taille et autres compoix conservés pour maintes communautés rurales languedociennes. L’impression générale n’en demeure pas moins que l’impôt royal constitue bien un surprélèvement qui, à la fois par sa lourdeur mais aussi par sa répétition annuelle et sa généralisation, demeure un obstacle à l’expansion des campagnes en privant la majorité des exploitants de leur capacité d’investissement et joue un rôle majeur dans la crise du monde rural à la fin du Moyen Âge.

Annexes

ANNEXES. COÛT GLOBAL DES IMPOSITIONS PAYÉES PAR LA COMMUNAUTÉ DE SAINT-GUILHEM-LE-DÉSERT

1384-1385

1) Gabelle du sel

Somme initiale

Commissaires

Frais de missions

Quittances

Somme totale

12 f.

2f. 18 S. 2d.

1 f. 13 s.

2 S.

16 f. 9 S. 2 d.

100 %

22 %

12,5 %

0,5 %

1 34 %

2) Contribution de guerre (7 gros par feu)

Somme initiale

Quittances

Frais de missions

Sergents

Somme totale

14 fr. 10 s. 6 d.

8 S. 8 d.

4 fr. 8 s.

16 fr. 1 s. 6 d.

36 fr. 4S. 2 d.

100 %

2 %

30 %

111 %

243 %

3) 2e Contribution de guerre (7 puis 8 gros par feu)

4) Amende de 800 000 francs (2 fois 3 francs par feu)

5) Fouage d’1 franc 1/4 par feu pour le chancelier (payé sur la base de 39 feux)

Somme initiale

Commissaires

Frais demissions

Quittanceset change

Sommetotale

48 f. 1 2 S.

6f. 21S.

3f. 19 s. 6 d.

1 f.

60f. 10s. 6 d.

100 %

14 %

7,5 %

2 %

123,5 %

6) Autres paiements relatifs à la fiscalité publique : 14 francs 23 sous 10 deniers

Somme totale : 428 francs 2 deniers, soit 13 francs par feu fiscal (33 feux)

1381-1382

1) Ambassade en France (2 gros par feu)

Somme initiale

Commissaires

Quittance

Frais de missions

Somme totale

5 f. 4 S.

8 S.

8 d.

17 S. 6 d.

6 f. 6 S. 2 d.

100 %

6,5 %

-

14,5 %

121 %

2) Dépenses de la viguerie (9,5 gros par feu)

Somme initiale

Commissaires

Quittances et change

Frais de missions

Somme totale

18 f. 7 S. 6 d.

9 S.

10 s. 4 d.

1 f. 21 s.

1 9 f. 23 S. 10 d.

100 %

2 %

2,5 %

10 %

114,5 %

3) Fouage du duc de Berry (1 franc par feu)

Somme initiale

Commissaires

Quittances et change

Frais de missions

Somme totale

39 f.

11 f. 17 s.

8 S.

5 f. 1 7 S.

56 f. 18 S.

100 %

30 %

1 %

14,5 %

144,5 %

4) Dépenses de la viguerie (5 crozats par feu) : 14 f. 1 s.

Somme totale : 97 f. 1 s., soit 2,50 francs par feu fiscal (39 feux)

1382-1383

1) Fouage de 2,50 francs par feu

Somme initiale

Commissaires

Quittances

Frais de mission

Somme totale

97, 5 f.

11 f. 12 s.

6 S.

12 f. 18 S.

122 f.

100 %

12 %

-

13 %

125 %

2) Imposition d’un gros par feu

2 f. 21 s. 6 d.

3) Paiement partiel d’un fouage de 2 francs et 1 florin par feu

23 f. 23 s. 6 d.

4) Réparation des feux

18 f. 6 s. 6 d.

Somme totale : 169 francs 3 s. 8 d., soit 4 francs 1/3 par feu fiscal (39 feux)

1385-1386 (COMPTE INCOMPLET)

1) Fouage de 3 francs par feu (amende de 800 000 francs calculée pour 33 feux, terme de Toussaint)

Somme initiale

Commissaires

Frais de mission

Quittances et change

Somme totale

99 f.

6 f. 1 s. 7 d.

2 f. 21 s.

1f. 12 s.

109 f. 10 s. 9 d.

100 %

6 %

3 °/o

1 %

110 %

2) Imposition sur les monnaies

9 f. 23 s. 2 d.

3) Dépenses pour la réparation des feux

2 f. 4 s. 6 d.

4) Demandes du sénéchal de Carcassonne

1 f. 6 s.

5) Réclamation de 72 francs

4 f. 17 s. 6 d.

6) Fouage de 4 francs par feu dû au duc de Berry

Somme initiale

Commissaires

Frais de mission

Quittances et change

Somme totale

132 f.

12 f.

13 f. 1 S 6 d

23 S 5 d

158 f. 11 d.

100 °/o

9 %

10 %

-

119 %

Somme totale (estimation obtenue en doublant la somme 1) : 395 fr. 1 s. 7 d., soit 12 francs par feu fiscal (33 feux)

1387-1388

1) Fouage de 3 francs par feu (amende de 800 000 francs calculée pour 33 feux)

Somme initiale

Commissaires

Quittances et change

Frais de mission

Somme totale

99 f.

9 S.

12 s. 6 d.

5 f. 9 S.

105 f. 6 S. 6 d.

100 %

-

-

6 %

106 %

2) Fouage de 2 francs par feu (22 feux)

3) Réparation des feux

Somme initiale

Commissaires

Quittances et change

Frais de mission

Somme totale

22 f.

12 f. 14 s. 3 d.

10,5 S.

4 f. 23 S.

39 f. 23 S. 9 d.

100 %

57 %

-

23 %

1 80 %

4) Imposition d’1,5 gros par feu (dépenses de la viguerie)

2 f. 10 s. 10 d.

5) Taille de 4,5 gros par feu (envoi de députés en France)

7 f. 3 s.

Somme totale : 212 fr. 11 s. 2 d., soit 9 francs 2/3 par feu fiscal (22 feux)

Notes

1 Sur ces rébellions tant urbaines que rurales, que l’on me permette de renvoyer en dernière analyse à ma propre thèse ; V. Challet, « Mundare et auferre malas erbas ». La révolte des Tuchins en Languedoc (1381-1384), université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (sous la direction de M. Bourin), 2002, dactyl.

2 G. Bois, Crise du féodalisme, Paris, Éditions de I’EHESS, 1976, p. 259-260. Il vaut la peine de citer la conclusion de l’auteur sur cette question : « Est-ce à dire que l’apparition de la fiscalité royale (ou le passage à une économie de guerre) a joué un rôle décisif dans la régression économique du xiiie siècle ? Oui. »

3 La fiscalité des villes au Moyen Âge, programme coordonné par D. Menjot et M. Sanchez Martinez, 4 volumes parus : Étude des sources (1996), Les systèmes fiscaux (1999), La redistribution de l’impôt (2002), La gestion de l’impôt (2005).

4 D. Menjot, A. Rigaudière et M. Sanchez Martinez (dir.), L’impôt dans les villes de l’Occident méditerranéen (xiiie-xve siècle), Actes du colloque tenu à Bercy les 3, 4 et 5 octobre 2001, Paris, 2005.

5 P. Contamine, J. Kerhervé et A. Rigaudière (dir.), L’impôt au Moyen Âge. L’impôt public et le prélèvement seigneurial (fin xiie - début xvie siècle), t. II : Les espaces fiscaux, Actes du colloque tenu à Bercy les 14,15 et 16 juin 2000, Paris, 2002.

6 Sur les compoix, voir le programme de recherche en cours à l’université de Toulouse-Le Mirail, Espaces et compoix en France méridionale, sous la direction de J.-L. Abbé et F. Hautefeuille.

7 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29, 13 cahiers conservés entre 1381 et 1400. Les comptes consulaires attestent de l’existence d’un compoix plus ancien et deux items de l’exercice 1391-1392 attestent de la réalisation d’un nouveau compoix. A. D. de l’Hérault, 170 EDT CC 29 (7), non folioté : Item avem payuat a Huc Valat et a Bernat Vylar et G. Paulet los cals estymeron tot lo possessiori de San G. XXI francs ; Item may avem payuat a maystre Astruc Guayraut per jar lo lybre del compeus II francs. Une première étude croisée des registres de compte et de ce compoix a pu être menée autour de la notion d’espace vécu : J.-L. Abbé et V. Challet, « Du territoire à la viguerie : espaces construits et espace vécus à Saint-Guilhem-le-Désert à la fin du Moyen Âge », Annales du Midi, t. CXIX, no 260, octobre-décembre 2007, p. 509-532.

8 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29, 1384-1385, 2 juillet 1385 : Item a II de julh sey uengro una manda de Lodeva que ley acsem trametre III homes per deroquar La Roqua, paguem de la manda II s. ; item tramerem ley per deroquar tota La Roca, Johan Gros et Peire Vysec et Peire Benezech, fonc lur taxsat a quasqu per jornal IIII gros, esteran ley Vjorn, monta a tots tres LX gros. Précisons que, dans ce cas précis, les sergents n’avaient besoin ni d’être armés, ni d’être équipés.

9 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29,1384-1385, mars 1385 : Item mays despendet Huguet Valat am los IV syrvens et am una bestia que portava larney de III jorns que estet a Lodeva XXXXVII s. VI d. ; item donet al resebedor que non volye resebre los syvens I franc ; item compret a Bentro e a Jacme Bobii II jupos, costo IV francs ; item compret a tots IV sabatas, costeron XXXIII s. ; item estet ley lo dich Huguet IVjorns, ac per sos jornals XVIIII s. VI d. ; item paguem per la bestia de sus local portet larney de III jorns VI s.

10 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29,1384-1385, mars 1385 : Item may avem paguat per la perdoa di larney : premeyramens, avem fach di menda a G. Molerenc per son jaques I florin ; item a G. Combas per un autre jaques VIIII s. ; item a Marti Pelyssa per un autre jaques VI s. ; item a Johan Albergue per una arbalesta VI s. ; item a Sicart Vesani per una guanyveta I s. VIII d. ; item a P. Alryc per sa espasa II s.

11 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29, 1380-1381, mars 1381 : Fonc di cosselh que se tenesem en esta vyla di Tochys afin que las gens darmas que tenian Alzo nos menasaban et fonc di cosselh que om los proberys dostal et de pa et de vi. Baylem lur lostal que ten G. Vayret d’Alaman Grau ; paguem per lostalatje al dych G. Vayret per lo tems que se y esteron los sus dits Tochys III s. VI d. Paguem per los sus dits Tochys per LII miets de vi que begro los susdits Tochys a VIII deniers lo myech, monta XXXXIIII s. VIII d. Avem mays paguat per VII pas dostal que manjeron los sus dichs Tochis ; may auem paguat per holy que agro los sus dits Tochis, agro ne doas holyhyeyras que quosto III s.

12 AN, JJ 124, no 236 (sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne) et no 263 (sénéchaussée de Toulouse).

13 Je dois ce renseignement à Jean-Loup Abbé que je remercie vivement. AD de l’Hérault, 170 EDT CC 129, 6 mai 1384 : Item a VI de may di volontat di nostre coselh ferem une talha doly per paguar III franxs per fuoc los cals empauseron los cornus am mossenhor de Bery.

14 AD de l’Hérault, 30 J 267/1,1382-1383, fol. 2 (chapitre des recettes) : Primo recepi ego predictus Johannes Lauserie sindicus recepi a R. Creyselli dirti castri de tallio oley sibi tradita ad leuandum per síndicos transactos, videlicet nona die mensis julii, quatuor saumadas siue sarcinatas oley quas uendidi qualibet sarcinata sex francos auri.

15 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 129, 22 mai 1384 : Item a XXII di may di uolontat di nostre coselh anet Huguet Fava a Montpeylier per vendre doly per paguar III francx perjiioc. Vendei ley ne al sen Jacme G. de Montpeylier XVI saumadas al for di IIII florins et cart la saumada. Estet ley lo sus dych Huguet III jorns, ac per son maltrach XVIIII s. VI d.

16 Sur cet épisode, voir J. Combes, « Finances municipales et oppositions sociales à Montpellier au commencement du xive siècle », Vivarais et Languedoc, xlive congrès de la Fédération historique du Languedoc Méditerranéen et du Roussillon (Privas, 1971), Montpellier, 1972, p. 99-120, et J. Rogozinski, Power, Caste and Law : Social Conflict in Fourteenth-Century Montpellier, Cambridge, Massachusetts, 1982.

17 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 1. Je dois ce décompte à Jean-Loup Abbé.

18 L’adoption du capage progressif se lit par le biais du 1er compoix conservé mais aussi à travers l’examen des registres de comptes. Ainsi on trouve en 1386 la mention suivante : Item may can mudem las posesios devert sobre aquels que an comprat per Jar lo capsol, ac per son gomal II gros, signe que le capage est fondé sur les possessions des contribuables. Pour un aperçu de ce mécanisme à Pont-Saint-Esprit, voir V. Challet, « Compoix et tensions sociales : l’exemple de Pont-Saint-Esprit (1390J », dans A. Rigaudière (dir.), De l’estime au cadastre en Europe. Le Moyen Âge, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2006, p. 289-305.

19 L’existence d’un compoix antérieur à celui de 1392 se déduit de la manière dont est levée cette taille. Ainsi, le 22 mars 1386, lorsqu’il s’agit de lever une taille, lit-on : Item a XXII di mars de volontat de nostre coselh ferem una talha, lacal se leva Bernat Estanhol, traysem la del lybre, despendem XII s.

20 Le livre de comptes de Jacme Olivier, marchand narbonnais du xive siècle, A. Blanc (éd.), Paris, Picard, 1899, 2 volumes, vol. 1, f° 11 v°.

21 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29,1381-1382,15 décembre 1381 : Item a XV dezembre nos trames quere mosenhor de San G. et anet ley Bernat Estanhol, Huguet Fava a San Johan et dys nos per que non paguavam I franc per fuoc a mosenhor de Bery et nos ly respondem que lo pobola non 0 volier, et mosenhor venc en San G. per acordar et non ho poc acordar. Portem III amolas de vi a mosenhor, costo I s.

22 Encore faut-il préciser que ce fouage ne put être perçu dans de nombreuses vigueries du Languedoc, comme en témoigne un appel au parlement de Paris des représentants de ces vigueries ; AN, X1A 32, fol. 34, 5 avril 1383.

23 AD de l’Hérault, 170 EDT CC 29,1387-1388 : Item VII draps que avian vendutz a Gari per pagar II francs per fuoc.

© Éditions de la Sorbonne, 2010

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