Archéologie et fouilles en contexte difficile
Archaeology and Excavations in Difficult Contexts
Texte intégral
1En visant à (re)construire, à travers le temps, les moteurs de la construction des sociétés humaines, de leurs évolutions et de leurs changements, l’archéologie sonde, par essence, l’inconnu. En ce sens, l’archéologie est une aventure, puisque, comme elle, elle incarne « une découverte passionnée de l’inconnu » (M. Kundera, L’ignorance). En corollaire, les milieux dans lesquels s’inscrit cette quête de l’inconnu sont toujours difficiles, puisqu’en lien avec le patrimoine, et donc sur ce qui fait et défait une ou des sociétés, et touchent ainsi (souvent) aux enjeux identitaires, politiques, religieux.
2De plus, comme, par définition, l’archéologie s’appuie sur des travaux de terrain et des fouilles, le contexte de son expression ne peut être que difficile, ne serait-ce que logistiquement ou administrativement. En tout cela, elle s’apparente en effet à une succession d’aventures au long cours dont il convient de relever à chaque instant les écueils.
3C’est ainsi que l’image éculée de l’archéologie (et plus encore celle de l’archéologue) se confond (trop) souvent avec celle de l’aventure. Or, à l’instar de ce que pouvait clamer Henry de Monfreid sur « ses » aventures qui, dit-il n’ont finalement été que des accidents, lui-même ayant passé sa vie à essayer de les éviter1, il convient de sortir l’archéologie des lieux communs.
4D’aucuns auraient donc pu appréhender que la thématique de la XVIe Journée doctorale d’archéologie de l’École doctorale 112, sur « L’archéologie et les fouilles en contexte difficile », s’articule autour d’une approche un peu manichéenne voire simpliste de ces contextes dits difficiles, se résumant à une succession de découvertes toutes plus extraordinaires les unes que les autres effectuées dans des conditions extrêmes. C’est exactement en prenant le contrepied de ces poncifs que les organisateurs ont pensé le déroulement de cette journée en relevant plusieurs défis.
5Le premier tient au contexte actuel, particulièrement difficile (justement), que nous, de manière collective et individuelle, sommes amenés à affronter dans l’exercice des recherches en archéologie (mais pas seulement). En particulier, s’agissant de journée dédiée aux travaux de jeunes chercheurs, la crise du COVID-19 et son impact sur la pandémie présentaient deux facteurs limitants majeurs : d’une part, en tant que doctorant, commencer, développer, ou finir une thèse de doctorat en cette période chaotique s’apparentait alors à une gageure et, d’autre part, en tant qu’archéologues, les conditions sanitaires furent (pour beaucoup, tout du moins) synonymes de mises à l’arrêt des recherches sur le terrain. Et c’est peut-être là que réside l’un des plus criants paradoxes, celui de s’apercevoir que les conditions qui peuvent être considérées de prime abord comme les plus difficiles (lieux communs sur les conditions extrêmes des missions archéologiques) ne sont pas forcément les plus ardues à surmonter.
6Ce ne sont donc pas toujours les lieux ou les situations que l’on imagine les plus difficiles qui le sont, in fine, dans la réalité de l’exercice de travaux archéologiques.
7Et c’est bien ce deuxième défi que les organisateurs de la journée ont relevé, en déclinant un programme qui embrasse et illustre toute la pluralité de la, de leur, définition « d’un contexte difficile ». Cette dernière s’appréhende autour de quatre sessions (présence et actions humaines ; nouvelles technologies et méthodes ; milieux naturels ; contextes politiques et culturels) et permet de voir, en creux, que les milieux difficiles sont finalement ceux qui stimulent l’inventivité et la pensée, malgré des obstacles de toute nature, qu’ils soient techniques, logistiques, relationnels, administratifs ou sécuritaires. Et donc malgré des difficultés rencontrées à chaque étape d’une mission ou d’un programme archéologique, quelle qu’en soit la thématique. En résumé, des entraves inhérentes au fondement même de l’archéologie : le terrain.
8Enfin, cette journée et donc cette monographie illustrent, s’il en était besoin, qu’un des principaux écueils à surmonter en tant qu’archéologues est celui de l’isolement. Ne pas rester isolé signifie, ainsi, toujours aller vers et avec l’autre, s’ouvrir et construire ensemble, collaborer, décloisonner. De cela également cette journée doctorale est l’illustration : les invités, les contributeurs, les intervenants, les introduisants, mais également les (nombreux) auditeurs et lecteurs de ce séminaire et de ces comptes rendus viennent d’horizons divers, d’équipes et d’institutions différentes, de spécialités et de thématiques plurisectorielles, notamment issus de l’archéologie préventive qui, au jour le jour, œuvre pour la sauvegarde du patrimoine, par nature en danger.
9C’est donc bel et bien avec une verve et une plume résolument optimistes que ce volume 16 d’Archéo.doct invite les lecteurs à l’aventure archéologique. Un optimisme aussi bienvenu et communicatif que celui de Sonia, Gwendoline, Juliette et Clément, les organisateurs de cette journée.
Notes de bas de page
1 https://www.rts.ch/archives/tv/culture/champ-libre/10941896-henry-de-monfreid.html (consulté le 15 décembre 2021).
Auteur
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David Pleurdeau
UMR 7194 - Histoire Naturelle de l’Homme Préhistorique / MNHN
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