Version classiqueVersion mobile

L’autorité de l’écrit au Moyen Âge (Orient-Occident)

 | 
Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public

Constitution des corpus

Formes et enjeux d’une mémoire de l’autorité : l’État pontifical et sa construction scripturaire aux xiiie et xive siècles

Armand Jamme

Texte intégral

  • 1 On a été contraint pour des raisons éditoriales à limiter radicalement l’appareil critique ; voir (...)

1L’Italie est souvent coupée en deux par les médiévistes, une division presque irrévocable parce que supposée didactique, fondée sur une opposition proclamée structurelle entre deux modèles d’organisation politique et sociale. À l’Italie centro-septentrionale, où dominent des régimes communaux évoluant progressivement à travers de multiples soubresauts vers des régimes seigneuriaux, s’opposerait une Italie méridionale, durablement ancrée autour de régimes monarchiques et résistante, malgré les renouvellements dynastiques, à toute forme de modernité. Cette dichotomie schématique fait mine d’ignorer qu’au centre de la péninsule se développe un régime politique qui marie, de fait, la puissance des expériences politiques communales et seigneuriales avec des exigences de nature purement monarchique, un espace de transition en somme, certes de naissance tardive à l’échelle du développement politique de l’Occident médiéval – puisque sa construction ne débuta vraiment qu’avec Innocent III et qu’il n’atteignit ses limites géographiques qu’en 12781 –, mais un troisième espace tout de même.

  • 2 L’article fondamental reste celui d’A. Paravicini Baguani, « La mobilità della Curia Romana nel Du (...)
  • 3 S. Baluzius, Vitae Paparum Avenionensium (1305-1394), éd. G. Mollat, Paris, 1916-1922 ; G. Mollat,(...)
  • 4 I papi tradirono l’Italia, d’après P. Brezzi, « Lo Scisma d’Occidente corne problema italiano », A (...)

2Dans une évolution longue qui transforme le pape virtuellement omnipotent de la pensée grégorienne en prince mécène ou va-t-en-guerre de la Renaissance, les xiiie et xive siècles ont toujours eu une place à part. Soit que l’on considère que la mobilité du souverain et de sa cour2 qui débouche entre 1316 et 1367 sur une résidence prolongée en Provence, ait été la conséquence des désordres politiques en Italie centrale – ce qui correspond très schématiquement aux positions de l'historiographie gallicane voulue par Colbert, édifiée par Baluze et vulgarisée plus près de nous par Guillaume Mollat et ses épigones3 –, soit que l’on considère que la papauté ait été progressivement contrôlée à partir du xiiie siècle, accaparée et finalement privatisée par une monarchie française, qui réussit à la placer sur orbite, en quelque sorte, ce qui la conduisit inévitablement à trahir ses devoirs et abandonner sa fonction régulatrice au sein du complexe système politique italien – ce qui est à grands traits la position d’une certaine historiographie qui depuis Pétrarque voit le xive siècle comme un temps de crise4 –, le diagnostic quant aux compétences temporelles du pontife demeure, lui, univoque : il est incapable de bien gouverner ses « chers fils ». L’exercice de la paternité suppose certes une large dispense de ses faveurs. Il n’empêche. La bienveillance a des limites que la raison ne peut ignorer.

  • 5 Voir P. Partner, The Lands of Saint Peter. The Papal State in the Middle Ages and the Early Renais (...)
  • 6 C. Ghirardacci, Historia di Bologna, Bologne, 1605, p. 339.
  • 7 Waley, The papal State..., op. cit. η. 1, p. 240-241.
  • 8 Annales Caesenates, éd. E. Angiolini, Rome, 2003 (Fonti per la Storia dell’Italia medievale. Antiq (...)

3Les désordres politiques sont d’autant moins compréhensibles que l’absolue spécificité des pouvoirs du monarque en faisait là, potentiellement, le souverain le plus puissant d’Europe. C’était en effet le seul espace de la chrétienté dans lequel autorités politique et religieuse se superposaient, se réunissaient, se secondaient l’une l’autre. La concrétisation de la théorie des deux glaives aurait dû faire du souverain un monarque doublement écouté ; il n’en fut rien. Et c’est précisément cet abîme entre théorisation absolutiste d’une autorité sans pareille et réalités de son exercice qui explique le dénigrement dont la papauté fut constamment l’objet du xiiie siècle aux Temps modernes5. Ce discrédit trouve sa justification première dans l’état de la documentation aujourd’hui conservée. Les mécanismes de sédimentation qui préludent à la constitution d’archives ordonnées ne peuvent être appréhendés dans les cinq grandes provinces que comptaient alors les terres italiennes de l’Église – la Campagne et Maritime, le Patrimoine de Saint-Pierre, le duché de Spolète, la Marche d’Ancône et la Romagne –, gouvernées par des recteurs, tenant des cours parfois étoffées, mais tardivement sédentarisées, à l’imitation de la curie romaine. Et pour cause. Nombreux sont les témoignages et les analyses qui rendent explicites les conditions d’exercice de cette autorité à la fin du xiiie siècle : on découvre un recteur de Romagne contraint de prétexter un urgent besoin d’aller chasser dans les bois alentour pour se soustraire aux attentions d’un hôte qu’il sentait en mesure d’abréger son espérance de vie6 ; on apprend que ses successeurs appelèrent solennellement la population à restituer au trésorier de province tous les livres de comptes, de procédures, de condamnations et de bannissements qui avaient été curieusement subtilisés7 ; on est plein de compassion pour un troisième qui, prisonnier des révoltés, demeura probablement impavide devant les méticuleuses lacérations de pièces d’archives et la destruction par le feu de l’ensemble du dépôt sur lequel il avait régné pendant plusieurs années8.

  • 9 Voir dernièrement B. Pio, « Bonifacio VIII e il Patrimonium Beati Petri », Bonifacio VIII. Atti de (...)
  • 10 Une question que n’aborde pas Paolo Cammarosano (Italia medievale. Struttura geografia delle fonti (...)
  • 11 Sur ce point particulier, voir la synthèse historiographique d’I. Lazzarini dans L’Italia degli St (...)

4L’absence de documentation ne doit pourtant pas être imputable au seul penchant contestataire des « chers fils » du pape. Il provient aussi de la structure même du pouvoir. Les provinces ayant été bien souvent des « réserves de chasse » attribuées par le souverain à ses parents et ses affidés, il régnait dans l’administration une corruption sans bornes que révèlent autant les rébellions que les constitutions réformatrices9, et qui manifeste toute la difficulté rencontrée par certains pontifes pour faire prévaloir une logique institutionnelle susceptible d’éradiquer, outre la concussion... les vols et détournements de pièces d’archives. En bref, s’il n’y a presque plus de sources pour le Moyen Âge, on sait pourquoi ! L’absence d’une abondante documentation pontificale dans les fonds locaux, si l’on excepte les privilèges apostoliques qui exemptent une commune de telle ou telle obligation ou la relève d’une sanction, laisse évidemment la part belle à l’idée d’une puissance, voire d’une impunité des villes malgré les sentences réitérées contre elles par le pouvoir, et valorise en fin de compte une interprétation fondée sur un développement autonome des cités, comparables en tous points à celles relevant du fantomatique Regnum Italiae. Appréhender dans ces conditions les processus de construction d’une mémoire de l’autorité publique, percevoir les enjeux qui se nouèrent autour de ses définitions et de son contrôle revient à affronter une divergence reposant sur deux systèmes identitaires, plus concurrents qu’antagonistes au Moyen Âge, celui de la commune et celui de l’Église, arc-boutés chacun depuis lors sur leur propre idéologie et leur propre système documentaire10. On ne cherchera ici, dans une chronologie déterminée par l’achèvement d’un montage territorial complexe dans le dernier tiers du xiiie siècle et le début du Grand Schisme, rupture majeure dans l’histoire de l’institution pontificale, qu’à individualiser les phases de construction d’une mémoire de l’État, État étant considéré comme un système de domination visant au contrôle politique d’un ensemble de pouvoirs territoriaux11.

  • 12 A. Bartoli Langeli, G. Chaix, « Entre documents et monuments : la mémoire officielle de la cité co (...)

5L’étude de la relation entre l’autorité et sa propre scripturalité informe de toute évidence la connaissance du lien politique. Mais elle ouvre aussi, dès lors que l’on prend en considération la structuration documentaire de cette même autorité, sur la question de la politisation de la mémoire. Derrière l’apparente tautologie – est digne de mémoire ce qui apparaît utile à celui qui la crée –, se cache en effet un postulat spéculatif qui attribue un rôle déterminant à certains types de conservation plutôt qu’à d’autres12. La construction d’une mémoire suppose de ce fait une analyse préalable des situations présentes et des objectifs politiques futurs. Le nœud qui se crée ainsi entre écriture du temps présent et projection d’une pensée politique fait en conséquence de la mémorisation des pratiques d’autorité un enjeu de pouvoir sur l’avenir. Les attitudes des révoltés de Romagne en sont une des marques les plus directes. Avant de dégager ici les principaux fondements, les objectifs et les logiques des politiques mises en œuvre par l’autorité – politiques qui peuvent être appréhendées en l’absence de sources in situ à travers une documentation éparpillée entre le Vatican, l’Angleterre, l’Italie et la France –, il importe de rappeler quelles transformations connut le gouvernement des territoires placés sous la souveraineté directe du pape en identifiant les principales figures qui les régirent effectivement.

Du recteur au vicaire général, les figures du pouvoir temporel dans les terres de l’Église

6Qui décide aux xiiie et xive siècles dans un système politique qui, à l’âge où se dessinent des capitales d’ État, n’en a pas vraiment, et dans lequel, par voie de conséquence, autant la mobilité que l’éloignement du souverain rendent cardinale la délégation d’autorité ?

  • 13 G. Ermini, Scritti storico-giuridici, éd. O. Capitani, E. Menesto, Spolète, 1997, p. 573-648.
  • 14 En moyenne tous les onze mois entre 1271 et 1305, si l’on se réfère aux listes, certes perfectible (...)
  • 15 Ibid., p. 202 ; Μ. T. Caciorgna, « L’influenza angioina in Italia : ufficiali nominati a Roma e ne (...)

7Chacune des cinq provinces qui constituaient ce que par convention on appelle État pontifical – État ecclésiastique pour nos collègues modernistes –, mais que la terminologie officielle ne désignait que comme « Terres de l’Église », était gouvernée par un recteur, conçu par Innocent III comme alter ego du pape dans sa circonscription, doué donc du double pouvoir13. À partir du pontificat de Grégoire X (1271-1276), la désignation fréquente de laïcs à cette fonction nécessita le dédoublement de l’office : pour publier éventuellement les sentences canoniques, on nommait un recteur au spirituel. Une rapide analyse des carrières de ces recteurs laïcs montre qu’ils émargeaient presque tous au groupe de ces podestats professionnels qui structuraient la vie politique communale, qu’ils exerçaient d’ailleurs parfois simultanément les deux charges de podestat et de recteur, de sorte que le gouvernement d’une des provinces pontificales ne semble avoir été pour eux qu’une étape dans une carrière publique, essentiellement communale. Leur expérience et leurs compétences déployées dans le gouvernement de la ville et de son territoire semblent avoir justifié leur nomination au moins autant que les habituels réseaux d’influences qui structuraient l’attribution de ce type de charges. À partir des années 1270, vint donc s’ajouter, à un renouvellement structurellement fréquent du personnel de direction des provinces14, une alternance entre deux cultures, l’une issue de l’Église, lorsque le recteur était clerc, l’autre de la ville, quand il était laïc. En effet, même lorsqu’il atteignait des niveaux outranciers, le népotisme ne modifiait nullement une telle évolution. Les Visconti de Plaisance sous Grégoire X, lui-même fils de podestat, les Orsini sous Nicolas III, les Caetani sous Boniface VIII, quoique à un moindre degré, étaient préalablement entrés dans ce circuit des professionnels de la vie politique communale – certes dans un infracircuit, le réseau guelfe contrôlé jusqu’aux Vêpres siciliennes par Charles d’Anjou, qui réussit ce faisant à placer quelques seigneurs « français » au gouvernement des provinces papales15.

  • 16 Amanieu d’Albret délégua ses pouvoirs dans le Patrimoine de Saint-Pierre à un vicaire, Raymond Bru (...)

8L’élection de Clément V bouleversa les structures du recrutement bien plus que ne le suggèrent les apparences. Le népotisme clémentin fut, on le sait, aussi intense que le népotisme bonifacien. Mais à l’aristocratie italienne liée au gouvernement de la ville succédèrent désormais des seigneurs gascons – issus parfois de l’administration de la Guyenne anglaise, comme Amanieu VIII d’Albret, vicomte de Tartas –, qui entrèrent d’autant plus aisément dans les logiques intriquées des affrontements locaux qu’ils venaient de ces régions du sud-ouest de la France qui se structuraient elles-mêmes autour de conflits de ce type16. La restauration de l’autorité apostolique, entamée à partir des années 1320 par Jean XXII, se fonda sur un retour des clercs aux fonctions de gouvernement et sur le renforcement des compétences des trésoriers de province, eux aussi désormais des clercs, alors qu’ils n’avaient été au xiiie siècle que les facteurs des principales compagnies bancaires toscanes. C’est donc par une forte cléricalisation et une concentration géographique du recrutement sur les réseaux de la parenté pontificale que Jean XXII entreprit la reconstruction du dominium pontifical, employant parfois pour tenir les comptes de jeunes tonsurés dont la docilité devait contrebalancer l’inexpérience : malgré ou à cause de son éloignement, le pouvoir voulait être en mesure d’exercer sur ses recteurs et trésoriers une pression institutionnelle plus forte que par le passé.

  • 17 La crise du recrutement est également perceptible dans les trésoreries provinciales qui manquent d (...)

9Après la descente de l’empereur Louis IV de Bavière (1327-1330), qui réveilla une vieille structure conflictuelle guelfe/gibelin et favorisa l’expansion du phénomène seigneurial, le renforcement de l’administration pontificale tourna court. L’affaiblissement de l’autorité papale qui s’ensuivit, accru par l’attitude pacificatrice de Benoît XII et l’indifférence de Clément VI, suscita une crise du recrutement, que révèle son hétérogénéité même. Personne n’acceptant dans leur entourage de partir en Italie, les papes furent contraints de faire appel à des seigneurs d’Emilie, à des prélats florentins, à des chevaliers piémontais de l’Hôpital, qui se succédèrent au gouvernement des provinces, bien davantage pour maintenir une présence administrative que pour porter un quelconque projet politique cohérent17. Vers le milieu du xive siècle, les administrations provinciales étaient sur la défensive, ignorées, voire méprisées par les « chers fils » du pape, assiégées pour certaines dans leurs châteaux par d’ambitieux feudataires en révolte.

  • 18 Paolo Colliva (Il cardinale Albornoz, lo Stato della Chiesa e le Costitutiones Aegidianae (1353-13 (...)

10Envoyé en 1353 en Italie, comme légat et vicaire général pour récupérer les biens et droits usurpés, le cardinal Albornoz, on le sait, dépassa très largement les objectifs qui lui avaient été assignés. Il remporta une longue série de succès militaires, réussit à contrôler le gouvernement des villes par l’intermédiaire de pactes qui établissaient les compétences réciproques du pouvoir et de la commune, y nomma directement un grand nombre d’officiers, et, pour faire simple, réussit à créer autour de sa personne un vaste mouvement d’adhésions qui lui permit de faire de l’État pontifical une réalité politique. À partir de cette période, c’est donc la cour du cardinal, organisée comme la curie autour d’une chancellerie et d’une trésorerie générale, qui devint l’organe de direction du territoire. En coiffant les circonscriptions provinciales et urbaines, le légat donna une cohérence étatique à un agrégat de circonscriptions qui s’étaient développées jusque-là de manière presque autonome. Contrairement à une opinion trop longtemps admise par les historiens, ces deux légations ne sauraient être considérées comme une restauration sans lendemain de l’autorité pontificale, puisque exclusivement liée à la personnalité hors du commun du cardinal Albornoz. Il s’agit bien davantage de l’instauration d’une nouvelle logique d’autorité, calquée sur celle qui règne dans les royaumes d’Occident et qui servit de modèle aux diverses reconstructions de l’autorité temporelle successivement entreprises pendant et après le Grand Schisme18.

11Telle est, à grands traits, l’évolution des strates supérieures du gouvernement des « Terres de l’Église » avant 1378. La multiplicité des fractures révèle évidemment les concepts et les fonctions changeants de ces territoires dans l’ensemble des programmes et des mécanismes de pouvoir mus par la papauté. La forte connotation « internationale » de l’administration, mêlant natifs et étrangers selon des proportions variables – le xive siècle n’étant pas nécessairement le règne des « Français », comme on le croit bien souvent –, apparaît en outre comme une des spécificités du gouvernement de ces espaces. Ces validités incertaines du temporel, ces renouvellements fréquents des compétences administratives sont des conditions favorables à une évolutions rapide et des mutations singulières de l’organisation documentaire de l’autorité.

12Un tel questionnement est en outre motivé, appelé par les choix discursifs de la papauté qui sont malgré ou à cause de ces évolutions d’une étonnante stabilité : le Siège apostolique n’envisageait officiellement que de récupérer ses biens, terres et droits usurpés. Or, si la mutation des systèmes politiques est complémentaire et simultanée de celle des formes documentaires, comme l’a démontré Paolo Cammarosano, leur étude informe nécessairement la connaissance des concepts qui règlent l’action du pouvoir, bien plus que la tonitruance des victoires ou le fracas des défaites, trop souvent surdimensionnées par la pensée historique. L’examen des recompositions documentaires de l’autorité éclaircit en conséquence les changements de ses logiques de développement et de sa nature. Il doit mettre en relief les césures effectives qu’un discours officiel fréquemment propagandiste – le « langage politique », pour employer une expression à la mode – lisse, voire cèle aux masses autant qu’à l’historien.

D’un modèle communal à un modèle seigneurial ? Trois temps d’une structuration documentaire

  • 19 Comme le rappelait l’article 94 des Constitutions de Pierre de Castanet, cf. T. Schmidt, Constitut (...)

13On ne sera pas surpris de constater que, dans les dernières décennies du xiiie siècle et jusque vers 1320 peut-être, les références glanées dans les instruments conservés, les quelques livres parvenus jusqu’à nous, révèlent une forte empreinte du modèle communal sur les structures documentaires provinciales. L’organisation de la décision politique et l’assise fiscale de l’autorité reposent certes sur des logiques bien différentes – il ne pouvait naturellement y avoir de registres de riformanze et la spécificité de la fiscalité pontificale générait automatiquement une organisation singulière des finances –, mais pour le reste les points de comparaison ne manquent pas. Comme dans les villes, on relève la même importance, voire le même surdimensionnement des textes à vocation législative. Tous les recteurs eurent tendance, ne serait-ce que pour s’adresser directement à leurs administrés et manifester le changement politique, à réunir au début de leur mandat les députés des villes, des barons et des prélats en parlement, au cours duquel ils présentaient et faisaient approuver de nouvelles « constitutions ». Chaque province disposait ainsi d’un corps de textes normatifs développé par les promulgations successives des recteurs, des cardinaux légats et des papes, ce qui se traduisait par un ensemble parfois consistant d’instruments et d’ouvrages – ayant des vocations comparables à celles des statuts édictés et plus ou moins régulièrement révisés par les communes, auxquels il s’imposait d’ailleurs19.

  • 20 Waley, The Papal State..., op. cit. n. 1, p. 183 ; C. Reydellet-Guttinger, L'administration pontif (...)

14Deuxième caractère éminemment communal : l’imposant môle des écritures judiciaires. Bien que le pouvoir ait souvent concédé aux communes, dans le dernier tiers du xiiie siècle, le merum et mixtum imperium, limitant le niveau des peines et se réservant quelques cas touchant directement la souveraineté pontificale, il devait examiner un nombre très élevé de plaintes, à tel point que dans la Marche d’Ancône, la plus étendue des provinces papales, le pouvoir fut amené à déconcentrer l’accès à la justice en instituant trois présidats. Dans chaque province, au traitement des affaires de droit privé, venaient en effet s’ajouter des procédures de droit public, opposant diverses communes entre elles, opposant le recteur à des seigneurs ou à des communes en révolte... sans compter les causes qui voyaient le recteur contredit par des communes refusant de reconnaître sa juridiction, ce qui entraînait leur transfert en cour de Rome, où les parties pouvaient s’épuiser pendant des décennies à tenter de faire reconnaître leurs prérogatives20.

  • 21 F. Schneider, « Untersuchungen zur italienischen Verfassungsgeschichte. II. Staufisches aus der Fo (...)
  • 22 Ancone totius provincie fortitudinis ancora, écrivait Pietro Capocci pour louer l’apparente consta (...)

15Troisième caractère éminemment communal lui aussi, même s’il ne l’est pas exclusivement, l’attention portée à la rédaction de la correspondance politique. Le grand nombre de Summe dictaminis et de florilèges épistolaires confectionnés aux xiiie et xive siècles en Italie jette des éclairages précis sur le contenu des registres des recteurs. Celui du maître bolonais Pietro de Boattieri, qui conserve des lettres de Pietro Capocci et de Simone Paltinieri. Celui attribué à Bernard, abbé de Montmajour et ancien recteur de la Marche (1278-1282), manifeste lui un intérêt certain pour la correspondance intercommunale en Italie centrale. Il n’est pas jusqu’au Liber epistolaris, composé par le fameux bibliophile et futur lord-chancelier, Richard de Bury, évêque de Durham, qui ne contienne un ensemble de cinquante-cinq lettres reçues par le vicaire du recteur du Patrimoine de Saint-Pierre, Amato d’Anagni, entre 1295 et 129821. Divers éléments attestent que les recteurs faisaient évidemment tenir copie des lettres reçues et expédiées par leur chancellerie dans des registres distincts, aujourd’hui perdus dans leur intégralité. Mais plus que cet enregistrement ex officio, les enregistrements tamquam private persone, que suggèrent les recueils de lettres constitués par Bernard de Montmajour et Amato d’Anagni, prouvent qu’au-delà d’un goût plus ou moins justifié pour une phraséologie pas toujours très proche d’un véritable art épistolaire, les responsables du gouvernement provincial souhaitaient entrer dans des modèles rhétoriques élaborés dans un environnement communal, qui requérait une certaine éloquence, censée honorer à travers le destinataire l'auteur lui-même, qui exhibait ainsi ses talents et son bon goût22.

  • 23 Partiellement édité par P. Fabre, « Un registre caméral du cardinal Albornoz en 1364 », Mélanges d (...)
  • 24 Pendant le pontificat de Nicolas IV (1288-1292) notamment, le camérier Niccolò da Trevi se montra (...)
  • 25 Cammarosano, Italia... op. cit. n. 10, p. 181-182 ; S. Carocci, « Le comunalie di Orvieto fra la f (...)
  • 26 Sur ces recueils organisés, commandés par un podestat et précédés par une exposition de leurs fina (...)
  • 27 La confection d’ouvrages ayant des finalités de ce type se déduit de l’inventaire du trésor de l’E (...)

16Les administrations provinciales, comme celles des villes, élaboraient en outre toute une gamme diversifiée d’instruments de travail, formulaires de chancellerie contenant des modèles de lettres couramment utilisés, tel celui de Rinaldo Malavolti, évêque de Sienne et recteur du Patrimoine de Saint-Pierre (1298-1299)23, livres décrivant l’ensemble des biens et droits de la cour provinciale24 – en tous points semblables par leur nature à ceux que faisaient périodiquement réaliser les cités pour faciliter la gestion de leurs Comunanze25 – et, bien sûr, registres des droits et privilèges de la cour – comparables par leurs fonctions aux libri jurium des communes, une production, on le sait, typiquement duecentesche epodestarile26 – indispensables pour répondre efficacement aux changements de statuts nés des interventions répétées des pontifes dans les devoirs de chaque communauté à l’égard de la cour rectorale27.

  • 28 Un phénomène accru par le recrutement des notaires et des scribes issus pour la plupart des villes (...)

17Que déduire de tout ceci ? Que dans le dernier tiers du xiiie siècle, une fois levée l’hypothèque Hohenstaufen, se réalisa indubitablement, même si ce fut par à-coups, une construction à la fois juridique et administrative de l’autorité et de ses capacités d’action. Certes, la tenue de registres, la production de livres facilitant la confection des instruments originaux, la mise en place d’enquêtes visant à définir et actualiser les potentialités du pouvoir, la production de « cartulaires », enfin, révèlent indubitablement une orientation poursuivie avec beaucoup d’irrégularité, mais néanmoins identifiable, qui visait à construire scripturairement l’autorité. Ce développement était-il pour autant fondé sur une véritable efficience politique ? Rien n’est moins sûr. Les archives des principales communes montrent que cette autorité ne pénétrait pas vraiment dans les cités, que ses actes ne venaient pas peupler les grandes séries documentaires identitaires de la ville qu’étaient les libri jurium ou les Riformanze, révélant ainsi que les politiques documentaires du pouvoir se développaient en relation avec celles des «  États citadins », qui pouvaient servir de modèles, moyennant un certain nombre d’adaptations, mais quelles entraient bien davantage en concurrence avec ce modèle qu’elles ne réussissaient à s’imposer à lui28. Le dialogue entre gouvernants et gouvernés était plus horizontal que vertical : les cours provinciales n’étaient qu’un des intervenants de la vie politique régionale et non l’élément coordonnateur de celle-ci.

  • 29 R.-H. Bautier, « La phase cruciale de l’histoire des archives : la constitution des dépôts d’archi (...)
  • 30 Sur ces constructions, voir L. Fumi, « La rocca di Montefalco e i pareri tecnici per la sua costru (...)
  • 31 Pour celles du Patrimoine de Saint-Pierre, le cistercien Stephanus, le1er avril 1321 (A. Theiner, (...)

18Il ne pouvait donc à cette époque y avoir de « mémoire de l’État » ailleurs que dans les archives des provinces, une mémoire d’ailleurs imparfaite et partielle, puisque menacée par le comportement même de ceux qui se trouvaient à son origine. La distraction d’une partie des fonds opérée par de hauts responsables du gouvernement était un phénomène courant. Le Liber epistolaris composé par un Richard de Bury, qui ne s’est jamais semble-t-il rendu en Italie centrale, en est un témoignage ; la politique suivie par Jean XXII, une preuve. Ce pape, qui jouit contre toute attente d’un pontificat singulièrement long, un peu plus de dix-huit ans, se montra en effet tout particulièrement attentif au sort des archives. Si jamais l’expression de Robert-Henri Bautier, qui voyait dans les archives des « arsenaux de l’autorité29 », a pu avoir quelque effectivité au xive siècle, ce fut en ces lieux et en ce temps. Réclamant fréquemment de ses officiers comptes rendus, rapports et relations pour mieux percevoir les conditions d’exercice du pouvoir en Italie centrale, Jean XXII voulut que soient restaurées ou édifiées des forteresses indispensables à leur sécurité et à la préservation de leurs écrits30. Et pour enrayer des détournements devenus trop prévisibles lors de la révocation du personnel de gouvernement, il nomma directement quelques gardes patentés d’archives provinciales31.

  • 32 Les notes prises à Assise par Pierre d’Artitz, trésorier du Patrimoine (ibid., no 491, p. 317-321) (...)
  • 33 A. Paravicini Bagliani, « Eine Briefsammlung für Rektoren des Kirchenstaates (1250-1320) », Deutsc (...)

19À ce souci de protection des archives, s’ajoutèrent diverses tentatives de reconstitution de leur contenu. Les responsables affectés en Italie furent engagés à faire des recherches dans le trésor de l’Église demeuré à Pérouse après 1305, puis transféré dans la sacristie du couvent Saint-François à Assise. Elles devaient servir à démontrer l’effectivité de certaines revendications, que récusaient des communes enclines à jouer des bouleversements qu’avait récemment connus la monarchie pour se dispenser d’acquitter leur dû32. Quant à la solidarité interprovinciale que le pape voulut développer au sein de l’administration, elle devait aussi contribuer à doter les cours, indigentes en instruments et formulaires, des outils indispensables au gouvernement, comme le suggère ce recueil de lettres, dont l’auteur anonyme a eu, semble-t-il, accès aux archives du duché de Spolète, de la Campagne et peut-être de la Marche, et compilé pièces et registres d’expédition et de réception de la correspondance rectorale remontant pour certains aux années 125033.

20La construction documentaire de l’autorité se conjugua également au futur. La tension que le pape institua entre centre avignonnais et périphéries italiennes se concrétise encore aujourd’hui dans ces imposantes séries de livres de comptes provinciaux que détiennent les archives centrales de la papauté et qui décrivent précisément les droits de souveraineté, les conditions de son exercice et les méthodes mises en œuvre pour les faire valoir. La narrativité de l’exposé, la qualité informative singulière de ces ouvrages – qui devrait conduire à classer certains d’entre eux dans une catégorie « littérature comptable » plutôt que dans celle, traditionnelle, des « livres de comptes » – indiquent que leur confection répondait à une logique centraliste. Mais cette exigence, précisément parce qu’elle impliquait l’adoption d’une série de normes (calendrier de remise, nombre d’exemplaires, etc.), œuvra au développement de structures locales de production, qui se munirent de règles et de méthodes spécifiques, à l’interface des directives centrales et des pratiques traditionnelles des cours provinciales, contribuant donc sur le plan comptable tout particulièrement à la genèse d’une nouvelle culture de l’écrit administratif.

21Mais, s’il y a chez Jean XXII une prescience de l'État, une vision de ce qu’il pourrait ou devrait être – qui se traduisit aussi par cette volonté d’uniformiser l’administration du territoire en supprimant l’ancienne distinction entre provinces latiales et provinces périphériques –, force est de reconnaître que les villes restèrent aussi imperméables que par le passé. Sous Jean XXII et Benoît XII, les pouvoirs provinciaux, en butte à l’hostilité des sectateurs de Louis de Bavière et au développement du phénomène seigneurial, se dotèrent d’instruments de qualité, mirent en place de nouveaux mécanismes administratifs, restructurèrent leur propre mémoire institutionnelle. Mais ils régnèrent davantage sur des territoires de papier que sur de réels espaces politiques. Le gouvernement provincial ne put vraiment développer toutes ses fonctionnalités que dans des interstices, aux marges des districts contrôlés par les communes dominantes, principalement dans et sur des centres secondaires qui tenaient à conserver avec lui de bonnes relations... ne serait-ce que pour être défendus contre l’expansionnisme de ces dernières. Si les gouvernements provinciaux construisirent une mémoire de l’autorité, ce fut une mémoire par défaut, une mémoire en négatif, qui portait sans doute un rêve d’autorité mais qui transcrivait une tout autre réalité.

  • 34 Voir Jamme, « Du journal... », loc. cit. η. 16, p. 259-262.
  • 35 G. Battelli, « Le raccolte documentarie del cardinale Albornoz sulla pacificazione delle terre del (...)

22À ne considérer que la relation entre pouvoir et cités, les dernières décennies du xiiie siècle et celles correspondant aux règnes de Jean XXII et Benoît XII offrent naturellement nombre d’éléments de comparaison. À regarder la structure documentaire des administrations provinciales, les deux périodes se distinguent pourtant l’une de l’autre. La politique de préservation, reconstitution et construction de l'« archive » suivie par Jean XXII et Benoît XII modifia considérablement le rôle de l’écrit dans les cours provinciales. Les principes d’une potentialisation de l’administration sur lesquels elle reposait autant que la cléricalisation et l’origine du personnel de gouvernement contribuèrent à développer une structure documentaire provinciale qui ne se concevait plus vraiment en relation avec les modèles et les méthodes véhiculés par les communes. Cette autonomisation leur fît acquérir une identité, fondée sur des mécanismes spécifiques et se développant en marge des systèmes politiques communaux. Albornoz aurait certes pu user des travaux accomplis. Mais la soumission sans précédent d’un très grand nombre de villes et de barons les rendit rapidement obsolètes. Il suffît d’examiner l’évolution volumétrique des écritures comptables pour se convaincre du redéploiement complet de la domination pontificale : dans le Patrimoine de Saint-Pierre, un exercice annuel nécessitait, pour les recettes, 30 pages en 1340-1341 ; il en fallait 94 en 1358-135934 ! Comme tout conquérant ou fondateur d’un ordre politique alternatif, Albornoz fît établir d’impressionnantes listes d’assermentés qui s’engageaient à obéir à ses directives et œuvrer à la pacification des provinces, avant d’ordonner la réfection des instruments nécessaires à l’exercice de la fiscalité et, à l’occasion, la poursuite des collections de droits et privilèges laissées inachevées35.

  • 36 Fabre, « Un registre... », loc. cit. n. 23, p. 129-195 ; plus tardif est en revanche l’état qu’a f (...)
  • 37 L. MAscanzoni, La Descriptio Romandiole del cardinale Anglico. Introduzione e testo, Bologne, 1985
  • 38 R. Dondarini, La Descriptio civitatis Bononie ejusque comitatus del cardinale Anglico (1371), Bolo (...)

23Ces quelques ouvrages, qui offrent des analyses transversales, panoramiques des réalités politiques provinciales et qui ont de ce fait très tôt retenu l’attention des historiens, scellent tout particulièrement le renforcement de la monarchie au cours des deux légations d’Albornoz. Ils supposent en effet des travaux singulièrement poussés dans des archives nécessairement développées. On confectionna par exemple dans le Patrimoine de Saint-Pierre un index géographique des droits et prérogatives de la souveraineté, présentée ainsi dans ses fonctionnalités techniques, puisque, pour chaque localité, on établit alors la liste non seulement des revenus à percevoir avec les dates d’échéance, mais aussi des offices auxquels le recteur pourvoyait, en précisant leurs attributions36. Après la disparition d’Albornoz, on réalisa encore de purs chefs-d’œuvre d’administration, comme la Descriptio Romandiole, qui décrivait ville après ville l’ensemble de l’espace qui relevait du recteur de cette province37, ou la Descriptio civitatis Bononie ejusque comitatus, qui dressait le portrait d’une riche cité, avec ses murs, ses portes, ses tours, ses officiers, ses employés – tels les enseignants de l’université –, sans omettre d’analyser les atouts d’un vaste territoire peuplé de nombreux bourgs, en étudiant leur valeur défensive, les offices qui y existaient, les villages qui en dépendaient, et en détaillant bien sûr les charges qui pesaient sur eux. Toutes ces informations étant tarifées, on montrait précisément ce que valait l’exercice de l’autorité, ce que rapportait la détention de la seigneurie dans une telle ville38. La confection de ces ouvrages révèle ainsi à l’historien la puissance d’une administration qui disposait de gisements d’informations singulièrement détaillées et qui œuvrait efficacement à son propre développement, en construisant ses propres références.

24Néanmoins, s’ils marquent indubitablement la logique d’une orientation politique, ils pourraient aussi celer un surdimensionnement des potentialités réelles du pouvoir. Toutefois, à l’âge albornozien, le changement radical des formes de l’autorité est perceptible au-delà de ses bureaux et de ses archives, dans les nouvelles attitudes des villes à l’égard des actes émis par ceux qui les gouvernent. Les ordres et dispositions du vicaire général imprègnent désormais les grands ensembles documentaires des cités soumises, révélant au passage tout le spectre de la communication écrite utilisée par le cardinal d’Espagne. Comme dans les royaumes d’Angleterre, de France, de Castille, de Sicile, la missive secrète utilisée pour administrer quotidiennement le territoire, transmettre des injonctions précises, maintenir l’ordre public devint alors un des principaux instruments de consolidation du pouvoir, bien qu'elle soit aujourd’hui sous-représentée dans la documentation qui nous est parvenue. À la fonction principalement dispositive de la lettre en forme publique s’opposait la fonction clairement résolutive de la lettre secrète. La diversité des formes diplomatiques utilisées par le cardinal d’Espagne, telle que la révèlent les archives communales d’Italie centrale, renvoie évidemment à la diversité des canaux de transmission et des objectifs de celui qui gouvernait. Mais sa technique épistolaire pose aussi la question de la performativité politique du document laborieusement confectionné par une chancellerie, que les historiens considèrent bien souvent comme le centre ordonnateur d’un espace politique.

  • 39 Liste pour les communes d’Orvieto et de Spolète dans Jamme, « Les contradictions... », loc. cit. n (...)
  • 40 Correspondance des légats et vicaires-généraux. GilAlbornoz et Androuin de La Roche (1353-1367'), (...)
  • 41 Orvieto, Archivio di Stato, Riformanze 158, fol. 8v, 10v, 11, 12v, 16v, 17, 20v-21v, 22v, 23, 35-v (...)
  • 42 Ibid.. Riformanze 161, fol. 31, 36-38, 39, 4lv, 52, 53v, 59-v, 60, 68 ; pour les deux volumes suiv (...)
  • 43 A. Gardi, « Il mutamento di un ruolo : i legati nell'amministrazione interna dello Stato pontifici (...)
  • 44 Sur toutes ces considérations, on renvoie à A. Jamme, « Logiche di potere e strategie documentarie (...)

25Ce n’est qu’à partir du mandat de Pierre d’Estaing qu’on assiste au développement d’une administration chargée de produire et de conserver la trace des décisions politiques, et qui s’érige progressivement en rouage fondamental du gouvernement du territoire. Le contrôle de la nomination des chanceliers communaux permettait au vicaire général de s’assurer de l’enregistrement de ses lettres, soit dans des livres spécifiquement dévolus à cet effet, soit dans les registres de Riformanze, qui s’ouvraient d’ailleurs parfois par la copie de la désignation du chancelier, responsable de leur tenue39. Les registres des Riformanze d’Orvieto dévoilent le développement de cet enregistrement après la disparition d’Albornoz : 5 lettres furent collationnées en 1365, 9 en 136640, mais 36 en 137141 et 45 en 137342 ! Une telle évolution révèle un net changement de politique à partir de la division du vicariat général de l’État en deux ensembles – l’un méridional et tyrrhénien (Campagne-Patrimoine-Duché), l’autre plus septentrional et adriatique (Marche-Romagne) –, qui permettait de gouverner plus étroitement les cités du domaine43. L’administration, désormais, plus que la personne du cardinal légat, devait incarner l’idée et le concept d’État, et défendre un processus de stabilisation politique fondé sur un contrôle strict des sociétés communales. En faisant enregistrer les actes du vicaire général dans les Riformanze, elle cherchait à prendre possession de la série de registres qui se trouvait au sommet de l’organisation documentaire communale : en 1371 à Orvieto, les lettres de Pierre d’Estaing occupaient le quart des feuilles composant un registre, appartenant, on le sait, à une série de volumes qui depuis les origines de la commune symbolisaient la capacité de la ville à se réformer, à se gouverner. En définissant régulièrement l’ordre du jour des sessions, en orientant en conséquence le contenu des délibérations, les lettres du vicaire général manifestaient répétitivement où résidait l’autorité, rappelaient régulièrement aux membres les plus honorables de la société communale qui peuplaient les conseils leur nécessaire soumission aux volontés des représentants du pape. Les lettres de chancellerie étaient ainsi devenues, par leur contenu autant que par leur fréquence, un instrument de discipline du corps de ville44.

26Se dessinent ainsi, assez clairement, trois étapes dans le développement de l’écrit politique et administratif des provinces italiennes de l’Église. La première mêle influences ecclésiastiques et communales, sans que le pouvoir réussisse à s’imposer vraiment à des villes qui poursuivent de manière presque autonome leur propre développement. L’empreinte du modèle urbain sur les pratiques d’écriture des administrations constituées par le pape ou son camérier peut étonner plus d’un historien. Mais elle apparaît presque naturelle dès lors qu’on la rapporte à la cohérence du modèle communal de gestion du territoire de l’âge populaire, qui conféra précisément à certaines villes les fondements de leur puissance. La seconde voit la reconstruction, en marge des réalités politiques du temps, des données et des outils indispensables au gouvernement, sans que les efforts alors accomplis ouvrent sur une avancée significative de l’obéissance dans les terres du pape, bien au contraire. La troisième se distingue par la confection d’extraordinaires instruments de connaissance des fonctionnalités administratives du pouvoir, instruments qui révèlent une capacité à maîtriser précisément cet « excès de mémoire » que recèlent les archives, comme l’a justement rappelé Jacques Le Goff. Mais la puissance temporelle sans précédent de cette administration pontificale l’amène aussi à investir, à coloniser même le système documentaire communal, dès lors considéré comme le dernier maillon d’une nouvelle hiérarchie administrative, qu’il convenait d’intégrer, de récupérer, d’absorber dans une structure d’ État, sans pour autant révolutionner son fonctionnement hérité d’une histoire riche et toujours vivante.

27Dans sa matérialité, le fonds d’archives est, on le sait, un entrelacs de casualités politiques et administratives dans lesquelles mécanismes passifs, décisions constructives et facteurs imprévisibles jouent des rôles inégaux. Ils contribuent chacun à édifier ce que nous avons aujourd’hui : une série de difformités. Celles-ci empêchent fréquemment de saisir que la production, la circulation et la conservation des textes à validité gouvernementale constituent des opérations idéologiques porteuses de sens et de symboliques fortes. Le croisement des systèmes documentaires permet d’appréhender ces phénomènes. La mémoire de l’État ne tient pas uniquement à des questions d’enregistrement des données de juridiction et de comptabilité, ni à la réalisation de grandes opérations administratives conclues par la mise en livre d’éléments d’autorité et de possession, comme on l’entend trop souvent. En effet, elle ne serait alors qu’une mémoire – on me pardonnera l’expression – privative, une auto-mémoire, institutionnelle, fonctionnant en circuit fermé, réservée à des initiés. Cette mémoire-là, exclusive puisqu’elle se penche sur la construction de ses identités et sur 1 épanouissement de ses validités, a pu n’être qu’un culte de soi-même, sans incidence majeure sur la vie de ceux que le pouvoir prétendait régir.

  • 45 P. Ricœur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, 2000, p. 3.
  • 46 Sur la révolte, cf. Waley, Lo Stato..., op. cit. η. 1, p. 302 ; Jamme, « Forteresses... », loc. ci (...)

28Dans un essai publié il y a moins de dix ans, Paul Ricœur affirmait : « La phénoménologie de la mémoire se structure autour de deux questions : de quoi y a-t-il souvenir ? De qui est la mémoire ?45 » Dès lors qu'elle concerne le fait politique, on ne saurait s’interdire une troisième question : « Pour qui est la mémoire ? » Dans cette dimension précise, en effet, elle est et se veut créatrice d’identité, agissant à la fois sur le passé et le futur, pour tenter de contrôler son inséparable négatif : l’oubli. Entre 1375 et 1377, une série de révoltes, liées à la conjonction de famines, d’épidémies et d’une fiscalité excessive, éclatèrent dans un grand nombre de villes. Elles se libérèrent de la « tyrannie » des pasteurs de l’Église, pensant renouer avec leur plus ou moins glorieux passé populaire. Les agents et symboles de l’oppression qu’étaient les officiers du pape, ses citadelles, ses archives se devaient de laisser place nette. Il fallait effacer des mémoires le temps de l’asservissement. Les documents furent donc éparpillés ou détruits, les forteresses rasées, les régimes redéfinis46. La subordination de la commune à des objectifs et des concepts d’autorité mal déterminés avait contribué à politiser des révoltes qui se concentrèrent sur les symboles de l’État et non sur ceux de l’Église. Par ses méthodes, le pouvoir n’avait-il pas pénalisé la genèse d’une véritable mémoire collective ?

Notes

1 On a été contraint pour des raisons éditoriales à limiter radicalement l’appareil critique ; voir D. Waley, The Papal State in the Thirteenth Century, Londres, 1961, et ID., « Lo Stato papale dal periodo feudale a Martino V », Comuni e Signorie nell’Italia nordorientale e centrale : Lazio, Umbria e Marche, dans Storia d’Italia, dir. G. Galasso, Turin, 1987, t. VII2, p. 229-320.

2 L’article fondamental reste celui d’A. Paravicini Baguani, « La mobilità della Curia Romana nel Duecento : riflessi locali », Società e istituzioni nell’Italia comunale : l’esempio di Perugia (secoli xii-xiv), Pérouse, 1985, p. 155-278. Pour une actualisation, cf. Itineranza pontificia. La mobilità della curia papale nel Lazio (secoli xii-xiii), éd. S. Carocci, Rome, 2003 (ISIME, Nuovi Studi Storici, 61).

3 S. Baluzius, Vitae Paparum Avenionensium (1305-1394), éd. G. Mollat, Paris, 1916-1922 ; G. Mollat, Les papes d’Avignon (1305-1378), 10'éd., Paris, 1965, et, à un moindre degré, B. Guillemain, La cour pontificale d’Avignon (1309-1376). Étude d’une société, Paris, 1966 (Bibliothèque des Ecoles françaises d’Athènes et de Rome, 201).

4 I papi tradirono l’Italia, d’après P. Brezzi, « Lo Scisma d’Occidente corne problema italiano », Archivio della Società Romana di Storia Patria, 67 (1944), p. 391-450, ici p. 391 ; G. G. Merlo, « Dal papato ai grandi scismi : crisi delle istituzioni ecclesiastiche », La Storia I grandi problemi dal Medio Evo all’età contemporanea, dir. N. Tranfaglia, M. Firpo, t. 1, Il Medio Evo. 1, I quadri generali, Turin, 1988, p. 453-475 ; La crisi del Trecento e il papato avignonese (1274-1378), dir. D. Quaglioni, Milan, 1994, t. 11 de la traduction italienne de l'Histoire de l’Eglise lancée par Augustin Fliche et Victor Martin, volume jamais publié en France et confié sous le titre initial La centralisation pontificale et les tendances nationales (1274-1378) à Eugène Jarry et Michel Mollat ; Nouvelle Histoire de l’Eglise, t. 2, Le Moyen Age, dir. M. D. Knowles, D. Obolensky, Paris, 1968, p. 481-490.

5 Voir P. Partner, The Lands of Saint Peter. The Papal State in the Middle Ages and the Early Renaissance, Londres, 1972.

6 C. Ghirardacci, Historia di Bologna, Bologne, 1605, p. 339.

7 Waley, The papal State..., op. cit. η. 1, p. 240-241.

8 Annales Caesenates, éd. E. Angiolini, Rome, 2003 (Fonti per la Storia dell’Italia medievale. Antiquitates, 21), p. 75.

9 Voir dernièrement B. Pio, « Bonifacio VIII e il Patrimonium Beati Petri », Bonifacio VIII. Atti del 39 convegno storico internazionale di Todi, Spolète, 2003, p. 117-143, et Μ. T. Caciorgna, « Le relazioni di Bonifacio VIII con i comuni della Stato della Chiesa », Bonifacio VIII. Ideologia e azione politica, Rome, 2006, p. 379-398.

10 Une question que n’aborde pas Paolo Cammarosano (Italia medievale. Struttura geografia delle fonti scritte, Rome, 1991) dans un ouvrage encensé à raison, en traitant les productions du Siège apostolique comme des écritures de l’Eglise.

11 Sur ce point particulier, voir la synthèse historiographique d’I. Lazzarini dans L’Italia degli Stati territoriali (secoli xiii-xv), Bari, 2003, p. 33-39.

12 A. Bartoli Langeli, G. Chaix, « Entre documents et monuments : la mémoire officielle de la cité communale italienne », La mémoire de la cité. Modèles antiques et réalisations renaissantes, Pérouse, 1997, p. 23-33 ; Le scriture del comune. Amministrazione e memoria nelle città dei secoli xii e xiii, éd. G. Albini, Turin, 1998 ; Memoria, communitas, civitas. Mémoire et conscience urbaines en Occident à la fin du Moyen Âge, éd. H. Brand, P. Monnet, M. Staub, Paris, 2003 ; A. Petrucci, « Fra conservazione e oblio : segni, tipi e modi della memoria scritta », Bullettino dell’Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, 104 (2004), no 1, p. 76-93 ; Mémoire et subjectivité (xive-xviie siècle). L’entrelacement de memoria, fama et historia, éd. D. de Courcelles, Paris, 2006 (Études et rencontres de l’École des chartes, 22).

13 G. Ermini, Scritti storico-giuridici, éd. O. Capitani, E. Menesto, Spolète, 1997, p. 573-648.

14 En moyenne tous les onze mois entre 1271 et 1305, si l’on se réfère aux listes, certes perfectibles, établies par Waley, The Papal State..., op. cit. η. 1, p. 307-322.

15 Ibid., p. 202 ; Μ. T. Caciorgna, « L’influenza angioina in Italia : ufficiali nominati a Roma e nel Lazio », Mélanges de l’Ecole française de Rome-Moyen Age, 107 (1995), η” 1, p. 173-206 ; voir l’enquête partiellement publiée par J.-Cl. Maire Vigueur, I podestà dell’Italia communale, Parte I. Reclutamento e circolazione degli ufficialiforestieri (fineXIIsec.-metàxivsec.), Rome, 2000 (Collection de l’École française de Rome, 268), notamment le t. 2, p. 834 sq. et 860 sq.

16 Amanieu d’Albret délégua ses pouvoirs dans le Patrimoine de Saint-Pierre à un vicaire, Raymond Brun, seigneur de Gramont, cf. A. Jamme, « Du journal de caisse au monument comptable. L’évolution de l’enregistrement dans le Patrimoine de Saint-Pierre (fin xiiie-xive siècle) », Les comptabilités pontificales, dir. É. Anheim, V. Theis, dans Mélanges de l’Écolefrançaise de Rome-Moyen Âge, 118 (2006), no 2, p. 247-268, ici p. 251-252 ; J.-P. Trabut-Cussac, L’administration anglaise en Gascogne sous Henri VII et Édouard Ier de 1254 à 1307, Genève, 1972.

17 La crise du recrutement est également perceptible dans les trésoreries provinciales qui manquent de titulaires, entre 1340 et 1343 dans le duché de Spolète, entre 1342 et 1350 dans la Marche d’Ancône, entre 1344 et 1348 en Romagne, entre 1344 et 1353 en Campagne, cf. A. Jamme, « De la banque à la Chambre ? Les mutations d’une culture comptable dans les provinces de l’État pontifical (1270-1430) », Offices, écrit et papauté (xiiie-xviie siècle), éd. A. Jamme, O. Poncet, Rome, 2007 (Collection de l’École française de Rome, 386).

18 Paolo Colliva (Il cardinale Albornoz, lo Stato della Chiesa e le Costitutiones Aegidianae (1353-1357), Bologne, 1977 [Studia Albornotiana, 32]) n’y voyait qu’une restauration temporaire de l’autorité pontificale. Les éléments neufs sont pourtant nombreux, cf. A. Jamme, « Forteresses, centres urbains et territoire dans l’État pontifical. Logiques et méthodes de la domination à l’âge albornozien », Pouvoir et édilité. Les grands chantiers dans l’Italie communale et seigneuriale, éd. É. Crouzet-Pavan, Rome, 2003 (Collection de l’École française de Rome, 302), p. 375-417, et ID., « Les contradictions du service pontifical. Procédures de nomination et raisons de l’office à travers la correspondance des papes et de leurs vicaires généraux », Offices et papauté (xive-xviie siècle). Charges, hommes, destins, éd. A. Jamme, O. Poncet, Rome, 2005 (Collection de l’École française de Rome, 334), p. 29-92. Sur la vitalité du modèle, cf. A. ESCH, Bonifaz IX und der Kirchenstaat, Tübingen, 1969 (Bibliothek des Deutschen Historische Instituts in Rom, 29), p. 454-465 et 563 ; P. Partner, The Papal State under Martin V. The Administration and Government of the Temporal Power in the Early Fifteenth Century, Londres, 1958, p. 196, et A. Gardi, « L’amministrazione pontificia e le province settentrionali dello Stato (xiii-xviii secolo) », Archivi per la Storia, 13 (2000), p. 36-65, ici p. 48-49.

19 Comme le rappelait l’article 94 des Constitutions de Pierre de Castanet, cf. T. Schmidt, Constitutiones Spoletani Ducatus a Petro de Castaneto edite (1333), Rome, 1990 (Fonti per la Storia d’Italia, 113), p. 176.

20 Waley, The Papal State..., op. cit. n. 1, p. 183 ; C. Reydellet-Guttinger, L'administration pontificale dans le duché de Spolète (1305-1352), Florence, 1975, p. 105-106 ; D. Waley, Orvieto medievale. Storiapolitica di una città-stato italiana (1157-1334), Rome, 1985, p. 83-107 ; voir également Ermini, « I giudici provinciali della Monarchia pontificia nel Medio Evo », Scritti..., op. cit. n. 13, p. 697-705.

21 F. Schneider, « Untersuchungen zur italienischen Verfassungsgeschichte. II. Staufisches aus der Formelsammlung des Petrus de Boateriis », Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und Bibliotheken, 18 (1926), p. 191-273, ici p. 232-246 ; T. Leccisotti, « Un registro della fine del secolo xiii con lettere riguardanti le Marche e l’Umbria nel codice Cassinese 798 », Paleographica, Diplomatica et Archivistica. Studi in onore di G. Battelli, Rome, 1959, t. 2, p. 253-261 ; The Liber Epistolaris of Richard of Bury, éd. N. Denholm-Young, Oxford, 1950, p. 191-205.

22 Ancone totius provincie fortitudinis ancora, écrivait Pietro Capocci pour louer l’apparente constance de l’engagement d’Ancône en faveur du pape (Schneider, « Untersuchungen... », loc. cit. n. 21, p. 239).

23 Partiellement édité par P. Fabre, « Un registre caméral du cardinal Albornoz en 1364 », Mélanges d’archéologie et d’histoire, 7 (1887), p. 129-195, ici p. 177-195. Une édition intégrale est en cours.

24 Pendant le pontificat de Nicolas IV (1288-1292) notamment, le camérier Niccolò da Trevi se montra singulièrement attentif à tout ce qui touchait au gouvernement du territoire de l’Église. Le registre coté Armadio XXXV, no 106, de l’Archivum Secretum Vaticanum, contient le fragment des résultats d’une enquête réalisée par le recteur de Bénévent, le marchesan Besazzoni di Appignano, qui liste les droits perçus des domorum, casalenorum, terrarum et possessionum, introhituum, pensionum, apothecarum, ortorum et aliarum rerum et jurium que curia et Ecclesia Romana habunt in civitate et districtu.

25 Cammarosano, Italia... op. cit. n. 10, p. 181-182 ; S. Carocci, « Le comunalie di Orvieto fra la fine del xii e la metà del xiv secolo », Mélanges de l’École française de Rome-Moyen Âge, 99 (1987), p. 701-728.

26 Sur ces recueils organisés, commandés par un podestat et précédés par une exposition de leurs finalités, mais auxquels les adjonctions ultérieures effectuées selon des critères souvent différents confèrent leur caractère inorganique, voir la rapide synthèse de P. Cammarosano, « I Libri iurium e la memoria storica delle città comunali », Lescriture delcomune..., op. cit. n. 12, p. 95-108.

27 La confection d’ouvrages ayant des finalités de ce type se déduit de l’inventaire du trésor de l’Eglise conservé à Pérouse, réalisé sur l’ordre de Clément V par Jacques de Casais, doyen de SaintSeurin de Bordeaux et chapelain pontifical, et Pietro da Gubbio, clerc de la Chambre et chanoine de Laon, en 1311 (Arch. Segr. Vat., Reg. Aven. 65, fol. 452-538 ; Regestum Clementis papae V ex Vaticanis archetypis nunc primum editum, cura et studio monachorum ordinis S. Benedicti, Rome, 1885-1892, Appendice I) et du document, plus tardif, reconstitué par P. Fabre, « Registrum Curiae Patrimonii Beati Petri in Tuscia », Mélanges d'archéologie et d’histoire, 9 (1889), p. 299-320.

28 Un phénomène accru par le recrutement des notaires et des scribes issus pour la plupart des villes d’Italie centrale, et qui, comme dans les grandes cités, assuraient le fonctionnement bureaucratique de l’institution puisque les officiers de gouvernement étaient eux soumis à un renouvellement plus fréquent, cf. A. I. Pini, « La “burocrazia” comunale nella Toscana del Trecento », La Toscana nel secolo xiv . Caratteri di una civiltà regionale, éd. S. Gensini, Pise, 1988 (Centra di Studi sulla civiltà del tardo medioevo di San Miniato, 2), p. 215-240, et A. Bartoli Langeli, « La documentazione degli Stati italiani nei secoli xiii-xv : forme, organizzazione, personale », Culture et idéologie dans la genèse de l'État moderne, Rome, 1985, p. 35-55.

29 R.-H. Bautier, « La phase cruciale de l’histoire des archives : la constitution des dépôts d’archives et la naissance de l’archivistique (xvie-début du xixe siècle) », Archivum, 18 (1968), p. 140.

30 Sur ces constructions, voir L. Fumi, « La rocca di Montefalco e i pareri tecnici per la sua costruzione (1324) », Bullettino della Deputazione di Storia patria per l’Umbria, 13 (1907), p. 469-481 ; G. Mollat, « Construction d’une forteresse à Bénévent sous les pontificats de Jean XXII et Benoît XII », Mélanges d’archéologie et d’histoire, 62 (1950), p. 149-164 ; A. Cortonesi, « Il lavoro edile nel Lazio del Trecento : Frosinone, cantiere della rocca, a. 1332 », Castelli. Storia e archeologia, éd. R. Comba, A. A. Settia, Turin, 1984, p. 241-258, et ID., « Un restaura trecentesco della rocca di Frosinone », Latium, I (1984), p. 5-51 ; G. C. Benevolo, Il Castello di Porta Galliera. Fonti sulla fortezza papale di Bologna (1330-1511), Rome, 2006.

31 Pour celles du Patrimoine de Saint-Pierre, le cistercien Stephanus, le1er avril 1321 (A. Theiner, Codex diplomaticus dominii temporalis Sanctae Sedis, Rome, 1861, t. 1, no 666, p. 504). Mais la garde des archives releva généralement au xive siècle des compétences du trésorier de province.

32 Les notes prises à Assise par Pierre d’Artitz, trésorier du Patrimoine (ibid., no 491, p. 317-321), privilégiaient significativement les mentions qui attestaient la perception effective de tel ou tel droit (Jamme, « Du journal... », loc. cit. n. 16, p. 248-249). Ces recherches et enquêtes menées tout au long des années 1320-1330 déboucheront naturellement sur l’inventaire des archives de la papauté, confié en octobre 1338 à un ancien trésorier et recteur du duché de Spolète, cf. Benoît XII (1334-1342), Lettres closes et patentes intéressant les pays autres que la France, éd. J.-M. Vidal, Paris, 1913-1950, t. 2, no 2041-2043, 2048, 2208 ; F. Ehrle, Historia Bibliothecae Romanorum Pontificum tum Bonifatianae tum Avenionensis, Rome, 1890, p. 16-23.

33 A. Paravicini Bagliani, « Eine Briefsammlung für Rektoren des Kirchenstaates (1250-1320) », Deutsches Archiv fiir Esforschung des Mittelalters, 35 (1979), p. 138-208. La plupart des lettres rectorales, datées des années 1280 à 1320, concernent le duché de Spolète (29) et la Campagne et Maritime (13), accessoirement la Marche (3).

34 Voir Jamme, « Du journal... », loc. cit. η. 16, p. 259-262.

35 G. Battelli, « Le raccolte documentarie del cardinale Albornoz sulla pacificazione delle terre della Chiesa », El cardenal Albornoz y el Colegio de Espana, éd. E. Verdera y Tuells, Bologne, 1972 (Studia Albornotiana, 11), p. 523-567, rééd. dans Scritti scelti. Codici-Documenti-Archivi, Rome, 1975, p. 463-507 ; E. Saracco Previdi, La Descriptio Marchiae Anconitanae, Ancône, 2000 (Fonti per la storia delle Marche, n. s. 3).

36 Fabre, « Un registre... », loc. cit. n. 23, p. 129-195 ; plus tardif est en revanche l’état qu’a fait connaître Ermini, « Le relazioni fra la Chiesa e i comuni della Campagna e Marittima in un documente del secolo xiv », Scritti..., op. cit. n. 13, p. 191-220.

37 L. MAscanzoni, La Descriptio Romandiole del cardinale Anglico. Introduzione e testo, Bologne, 1985.

38 R. Dondarini, La Descriptio civitatis Bononie ejusque comitatus del cardinale Anglico (1371), Bologne, 1990.

39 Liste pour les communes d’Orvieto et de Spolète dans Jamme, « Les contradictions... », loc. cit. n. 18, p. 88-90.

40 Correspondance des légats et vicaires-généraux. GilAlbornoz et Androuin de La Roche (1353-1367'), éd. J. Glénisson, G. Mollat, Paris, 1964 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 203), no 1079, 1082, 1097, 1102, 1142, 1145-1147, 1269, 1275, 1277.

41 Orvieto, Archivio di Stato, Riformanze 158, fol. 8v, 10v, 11, 12v, 16v, 17, 20v-21v, 22v, 23, 35-v, 36v, 37, 43V, 46, 54, 59, 63v, 66v, 68, 70, 84, 85 ; Riformanze 159, fol. 3, 5-v, 18v-20, 49v, 61v, 70v.

42 Ibid.. Riformanze 161, fol. 31, 36-38, 39, 4lv, 52, 53v, 59-v, 60, 68 ; pour les deux volumes suivants, voir M. Casini Bruni, Lettere di Gerardo du Puy al comune di Orvieto, Pérouse, 1970, p. 66-93.

43 A. Gardi, « Il mutamento di un ruolo : i legati nell'amministrazione interna dello Stato pontificio dal xiv al xvii secolo », Offices..., op. cit. n. 18, p. 371-437, ici p. 390.

44 Sur toutes ces considérations, on renvoie à A. Jamme, « Logiche di potere e strategie documentarie. Produzione e registrazione delle decisioni di governo nello Stato pontificio del secondo Trecento », Scritture e potere. Pratiche documentarie e forme di governo nell’Italia tardomedievale (secoli xtv-xv), éd. I. Lazzarini, Reti Medievali, 9 (2008) [http://www.storia.unifi.it/_RM/rivista/saggi/Jamme_08_l.htm].

45 P. Ricœur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, 2000, p. 3.

46 Sur la révolte, cf. Waley, Lo Stato..., op. cit. η. 1, p. 302 ; Jamme, « Forteresses... », loc. cit. n. 18, p. 412-414.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search