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Politique des savoirs

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Jérôme Lamy

Deuxième partie. Du corps à la population

Du corps à la population

Volltext

1Le passage du somatique à la biopolitique constitue un des basculements les plus remarquables des analyses foucaldiennes. Le philosophe a lui-même théorisé le glissement d’une catégorie vers l’autre pour expliquer les transformations politiques de la modernité. Il s’est astreint, après avoir défini le régime disciplinaire dans Surveiller et punir, à disséquer le déploiement d’une politique qui ne visait plus le corps comme objet d’assujettissement, mais la population comme ensemble cohérent soumis à des procédures de contrôle et de rationalisation.

2Dans cette partie, les deux chapitres envisagent chacun à sa manière cette transition qui n’a rien de stable ni de téléologique. Le quatrième chapitre expose les principaux usages des propositions foucaldiennes relatives au corps. Les travaux contemporains sur le somatique ont certes prolongé les analyses sur la discipline, ses champs d’application, ses intensités relatives, ses espaces privilégiés de manifestation ; mais ils ont surtout permis de nuancer le répertoire des pratiques envisagées par le pouvoir. De l’infrajudiciaire à la dissipation des énergies prolétaires, le gouvernement disciplinaire s’est diversifié ; il a pris des formes virulentes ou au contraire discrètes ; il est largement compatible avec une analyse marxiste des dominations. L’investissement historiographique important à propos de la biopolitique signale assez les enjeux contemporains de cette façon d’envisager la captation générale des populations par l’action gouvernementale. Les déplacements opérés avec Foucault sont ici nombreux et indiquent la vitalité du concept. Mais qu’en est-il de ce fameux passage entre la discipline et la biopolitique ? Le processus d’élaboration théorique de Foucault n’a-t-il pas solidifié des champs d’études séparées (i. e. la discipline d’un côté, la biopolitique de l’autre) ?

3Les réflexions sur la sexualité ont ouvert des domaines de réflexion plus politiques : les déplacements sont ici des débordements qui permettent de repenser les cadrages normatifs et les modes de subversion possibles.

4Le cinquième chapitre propose un écart non pas dans le répertoire des usages de Foucault, mais au cœur même du travail mené par le philosophe pour élaborer le concept de biopolitique. Je propose de reconstituer une généalogie théorique en associant des textes séparés dans leur mode de publication (cours et ouvrages publiés) et rendus à leur intelligibilité globale par une réflexion sur le libéralisme. On sait que le thème a constitué un moment important dans l’enseignement de Foucault au Collège de France, mais il a aussi été l’occasion d’éprouver complètement les limites politiques et morales d’un système économique fondé sur l’asservissement capitaliste des populations.

5Entre les usages possibles, foisonnants, multiples, du corpus foucaldien et sa ré-exploration généalogique, les écarts sont multiples. Ils ouvrent des perspectives heuristiques nombreuses pour penser la transition entre modalités d’appréhension des corps et du vivant ; ils offrent aussi des instruments pratiques de subversion des catégories et des manières de faire.

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