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Politique des savoirs

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Jérôme Lamy

Première partie. Foucault à l'épreuve

Foucault à l’épreuve

Full text

1La force d’un concept peut se mesurer à sa capacité de déracinement. En transportant les propositions foucaldiennes sur des territoires qui leur sont sinon étrangers, du moins peu familiers, il est possible d’en éprouver la vitalité et la fécondité pour l’analyse. Car c’est bien de cela dont il s’agit : construire des instruments d’intellection capables de rendre compte de la complexité du monde avec robustesse et finesse. Conjuguer le grain descriptif et le gain explicatif n’a rien d’aisé ; la conceptualisation met précisément en tension les spécificités d’une situation unique et la possibilité de l’engager dans une série plus vaste d’évènements aux caractéristiques comparables.

2Dans cette partie, je propose de tester l’heuristique foucaldienne à partir de trois situations bien distinctes. La première repose sur une extension de propositions du philosophe à propos du rapport entre protestantisme et folie. Foucault raisonne à partir du quadrilatère Nature, Raison, Santé, Vérité. Du xvie au xviiie siècle, comment l’appréhension de la folie s’est-elle déplacée dans l’espace des pratiques réformées ? Quels ont été les points d’appui protestants pour penser la déraison ? On verra que Foucault a pointé quelques scansions pour les dialectiser. L’enjeu est ici de poursuivre un propos, de prolonger une analyse au-delà d’elle-même. On creusera donc des écarts entre un texte – celui de l’Histoire de la folie – et des travaux historiques qui ne se sont pas spécialement inquiétés des propositions foucaldiennes. La deuxième situation explorée concerne la possibilité de ménager une transition dans un processus que Foucault a toujours considéré comme violent et brutal : le passage d’une épistémè à une autre. Cette grande nappe de savoirs et de pratiques qui, pour une époque donnée, rend les références épistémologiques cohérentes entre elles, semble se fracturer, se dissoudre et disparaître avant que la suivante n’émerge. En interrogeant la diffusion du modèle des jardins aristocratiques italiens à partir de l’exemple de Pierre Belon, il est possible de mettre au jour des points de passage entre épistémaï : la trame politique sur laquelle les savoirs opèrent vient relayer l’effort de transformation entrepris par le botaniste pour convaincre de la nécessité d’un gouvernement par les sciences. La troisième situation prise ici comme épreuve du corpus foucaldien prolonge la réflexion sur les épistémaï à partir du traité de Mecometrie de leymant de Guillaume de Nautonier, publié au début du xviie siècle. Le déplacement opère ici à partir d’une relecture des signes du monde : la cohérence divine s’ordonne autour du protestantisme, point de passage obligé pour sortir de l’univers des analogies.

3Théologie et politique seront donc ici des leviers pour comprendre comment s’ouvrent sous des jours nouveaux les répertoires de la folie, du vivant et de la nature.

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