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Aux sources de l’histoire animale

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Éric Baratay

3. Gestes

3. Gestes

Texte intégral

  • 1 Marcel Mauss, « Les techniques du corps », Journal de psychologie, 32/3-4, 1935, p. 271-293.
  • 2 Voir la chimpanzée Meshie, filmée, photographiée dans les années 1930 : Éric Baratay, Biographies (...)

1Troisième et dernier niveau parmi les témoignages animaux : les postures, les attitudes, les comportements, c’est-à-dire toutes les « techniques du corps » (un concept forgé par Marcel Mauss1 pour les humains mais bel et bien applicable aux animaux) qui expriment les conditions, les vécus, les points de vue. On pensera en premier lieu que cela ne peut concerner que les animaux actuels. Il n’en est rien. Les photographies et les films anciens, de professionnels ou d’amateurs, les peintures dans une moindre mesure, peuvent livrer d’importantes indications sur ces gestes2 marqués par l’environnement (au sens large) d’un moment, donc porteurs du sceau d’une époque et d’un lieu, comme pour les humains.

  • 3 Michel Kreutzer, L’éthologie, Paris, Puf, 2017.

2Il reste que les recherches concernent surtout les animaux actuels, en priorité de la part des écologues et des éthologues. Là aussi, nous n’aurons pas l’outrecuidance de présenter l’éthologie et nous renvoyons à la bonne littérature3 – tout en insistant sur le fait que toutes les sciences du socioculturel, du passé et du présent, ont besoin d’elles pour aller sur le versant animal, en apportant aussi leur spécificité, leur regard, leurs concepts, leurs méthodes, en amenant des résultats originaux. Quelques sociologues, ethnologues, anthropologues, évoqués en introduction, s’y sont essayés.

  • 4 Florent Kohler, L’animal qui n’en était pas un, Paris, Sang de la terre, 2012 ; Id., « Blondes d’ (...)

3Florent Kohler, anthropologue4, est l’un d’eux. Depuis une décennie, il conduit une originale et importante réflexion pour bâtir une anthropologie animale, dialoguant avec l’éthologie et concourant à une future anthropologie-ethnologie multispécifique, une menée pas toujours comprise par les confrères anthropologues et ethnologues désireux de rester sur le versant humain et sur une définition réduite de ces disciplines. À propos d’un troupeau de bovins, qu’il étudie en direct selon les règles ethnologiques de l’observation participante ainsi transférée aux bêtes, il s’attache aux gestes, aux postures comme formes de langage (auxquelles il faudrait ajouter les odeurs et les sons bien que les hommes aient des difficultés à détecter les unes et à prendre en compte tous les autres) et il montre comment les exploiter avec des objectifs (le point de vue), des outils conceptuels (l’animisme et l’empathie) et des moyens (l’œil et la photographie, sur laquelle il insiste avec raison, soulignant tout son intérêt malgré des limites) pour traiter de la création d’une sociabilité bovine, traduite par des expressions émotionnelles.

Notes

1 Marcel Mauss, « Les techniques du corps », Journal de psychologie, 32/3-4, 1935, p. 271-293.

2 Voir la chimpanzée Meshie, filmée, photographiée dans les années 1930 : Éric Baratay, Biographies animales. Des vies retrouvées, Paris, Seuil, 2017.

3 Michel Kreutzer, L’éthologie, Paris, Puf, 2017.

4 Florent Kohler, L’animal qui n’en était pas un, Paris, Sang de la terre, 2012 ; Id., « Blondes d’Aquitaine. Essai de zooanthropologie », Sociabilités animales, 189/1, 2012, p. 155-174.

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