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Aux sources de l’histoire animale

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Éric Baratay

2. Traités d’éducation

2. Traités d’éducation

Texte intégral

1D’autres discours « animotcentrés » sont donnés dans les multiples traités techniques concernant l’équitation, l’éducation des chiens ou des chats, l’élevage, la chasse et la pêche, le gardiennage et le domptage ou l’éducation d’animaux sauvages capturés, etc.

  • 1 Michel Jourde, « Alectryomancie dans la basse-cour : une page du Discours œconomique de Prudent L (...)
  • 2 Michel Kreutzer, « L’animal sous le regard profane, sacré et savant des humains et des éthologues (...)

2À propos de ce dernier cas, croisant tout autant les mots et les animaux, Michel Jourde, littéraire1, et Michel Kreutzer, éthologue2, livrent un bel entrelacement de lectures en ayant choisi tous deux les traités d’éducation des oiseaux chanteurs, publiés à l’époque moderne. Largement constitués d’anecdotes – à tel point, souligne Michel Jourde, qu’ils sont, au xviiie siècle, repoussés dans les annexes puis évacués des doctes traités d’histoire naturelle estimés plus sérieux –, ces documents font approcher des animaux en chair et en os, avec leurs capacités d’apprentissage, leurs interactions avec les hommes, leurs acceptations ou leurs résistances.

3Michel Jourde montre l’enchevêtrement du versant animal et du versant humain dans les histoires évoquées et les mots utilisés, l’« encombrement par l’humain », selon sa belle expression, du discours animalier. Il souligne avec raison que ce qui est souvent tenu pour un obstacle rédhibitoire doit être considéré comme une obligation avec laquelle il faut composer, celle de faire entrer, par le verbe et l’écrit, les animaux dans le monde humain afin d’être appréhendés, saisis, décrits, explicités. En effet, les hommes ne sont pas des êtres éthérés, dotés d’une connaissance immédiate et absolue, mais les membres d’une espèce pourvue d’atouts et de limites, rassemblés et concrétisés dans sa parole. On retrouve la question générale de la nature des discours sur les animaux, qui ne sont pas le fruit de simples et pures projections humaines, comme on se plaît trop souvent à le proclamer, l’entendre et le croire, mais des lectures de réalités animales et des traductions à la mode humaine de ces réalités, avec leur lot, inévitable et plus ou moins important, de déformations. Une fois cela accepté, on peut délier un peu l’enchevêtrement, réduire un peu l’encombrement et approcher une réalité, notamment en croisant les sources et les disciplines.

  • 3 Éric Baratay, « Pour une histoire éthologique et une éthologie historique », Études rurales, 189/ (...)

4À ce propos, Michel Kreutzer livre une lecture, différente mais complémentaire. Il confirme, au regard du savoir actuel, que ces textes évoquent assez bien les oiseaux chanteurs, donc que l’encombrement n’est pas muraille et qu’il n’empêche pas, de nos jours, d’approcher les animaux de cette époque avec les textes de cette époque. D’autant qu’il montre tout l’intérêt d’un dialogue entre l’histoire, la littérature et l’éthologie, les sources étant contrôlées, validées par celle-ci qui, en échange, trouve dans les premières des données susceptibles de la faire avancer : d’où l’intérêt de bâtir une éthologie historique pour bâtir une histoire éthologique3.

Notes

1 Michel Jourde, « Alectryomancie dans la basse-cour : une page du Discours œconomique de Prudent Le Choyselat (1569) », dans Textes au corps. Promenades et musardises sur les terres de Marie Madeleine Fontaine, Genève, Droz, 2015, p. 291-304 ; Id., « “Or voici que de ce monde quelqu’un surgit – un fantôme, une bête” : les écritures animalières de Jean-Christophe Bailly et l’histoire naturelle », dans Alain Romestaing, Alain Schaffner (dir.), Histoires naturelles des animaux, xxe-xxie siècles, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2016, p. 263-272.

2 Michel Kreutzer, « L’animal sous le regard profane, sacré et savant des humains et des éthologues », Études rurales, 189/1, 2012, p. 175-180.

3 Éric Baratay, « Pour une histoire éthologique et une éthologie historique », Études rurales, 189/1, 2012, p. 91-106.

© Éditions de la Sorbonne, 2019

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