Version classiqueVersion mobile

Aux sources de l’histoire animale

 | 
Éric Baratay

3. Épopées

3. Épopées

Texte intégral

1Représentant, depuis Homère, un pan majeur de la littérature, la geste historique fait approcher encore plus le versant animal puisqu’elle évoque des faits, des hommes et des animaux « réels », bien que la proportion et la qualité de cette réalité varient beaucoup. Nous entendons donc par « épopées » non pas la version stricte d’un long poème relatant les exploits historiques ou mythiques d’un héros ou d’un peuple, mais celle, élargie, l’englobant, de gestes historiques, de littératures rapportant des aventures peuplées de faits militaires. Ces épopées ont logiquement été analysées par leur face historique ou littéraire, certaines étant des chefs-d’œuvre, et par leur versant humain, celui des héros engagés dans l’équipée. Mais il y a très souvent possibilité de déporter l’attention vers les animaux enrôlés ou côtoyés et de retourner la lecture en leur faveur.

  • 1 Christophe Chandezon, L’élevage en Grèce (fin ve-fin ier siècle av. J.-C.). L’apport des sources (...)

2Christophe Chandezon, historien1, l’effectue ici à propos de l’Anabase de Xénophon, une chronique d’expédition rapportée par un témoin oculaire, ce qui ajoute à ce texte un avantage supplémentaire, rare aux époques anciennes. Le retournement de l’analyse, effectué avec une rigueur et une méthode qui en font un modèle, permet de souligner l’importance de la présence animale, des chevaux de guerre aux bestiaux du cortège, d’atteindre des vécus, notamment celui des batailles et des retraites, de montrer les changements animaux au fil de l’aventure et les relations que ces espèces entretiennent avec les humains et avec les autres.

3La plupart des gestes peuvent être relues ainsi, de La guerre des Gaules de César aux récits des croisades, de ceux de la guerre de Cent Ans aux annales des conquêtes coloniales à partir du xve siècle, des mémoires des soldats de la Révolution et de l’Empire aux chroniques des xixe-xxe siècles ainsi qu’aux grands romans épiques : Guerre et Paix de Tolstoï, À l’Ouest rien de nouveau de Remarque, Kaputt de Malaparte, Vie et destin de Grossman, etc., écrits par des participants ou des auteurs plus ou moins contemporains, qui fourmillent de détails animaliers, le plus souvent validés par d’autres sources.

4D’ailleurs, il y aurait à faire de même avec des témoignages plus modestes, d’une histoire plus humble, non guerrière, moins agitée : ceux de bourgeois du Moyen Âge, de curés de campagne des xviie-xxe siècles, d’ingénieurs du xixe siècle, etc.

Notes

1 Christophe Chandezon, L’élevage en Grèce (fin ve-fin ier siècle av. J.-C.). L’apport des sources épigraphiques, Bordeaux, Ausonius, 2003 ; Id., « Bucéphale et Alexandre. Histoire, imaginaire et images de rois et de chevaux », dans Armelle Gardeisen, Emmanuelle Furet, Nicolas Boulbes (dir.), Histoire d’équidés. Des textes, des images et des os, Lattes, Éd. de l’Association pour le développement de l’archéologie en Languedoc-Rousillon (Monographies d’archéologie méditerranéenne, hors-série 4), 2010, p. 177-196.

© Éditions de la Sorbonne, 2019

Licence OpenEdition Books

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search