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À table !

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Paul Bacoup
, 
Natacha Caurette
, 
Anne-Sophie Laurent
, 
et al.

À table ! Des jeunes chercheurs enquêtent sur l’alimentation dans le passé

Soultana-Maria Valamoti et Matthieu Le Bailly

Note de l’éditeur

Traduit de l’anglais par Astrid Marty ; révision de la traduction par Paul Bacoup et Natacha Caurette.

Texte intégral

1L’approvisionnement en nourriture, le traitement des ingrédients afin d’en faire des plats, leur consommation et leur stockage sont des expressions centrales de la fascinante interaction entre nature et culture. L’environnement est exploré et transformé en champs et vergers, pâtures et réseaux de pâtures. Les occupations humaines sont notamment organisées autour du stockage des denrées culinaires, la préparation des ingrédients et leur cuisson. Des endroits sont dédiés à la consommation de nourriture ; qu’elle soit quotidienne ou spéciale, cette dernière marque des jours et des événements particuliers dans la vie des sociétés humaines. 

2Les études sur l’alimentation dans les sociétés du passé sont devenues centrales dans le discours historique et archéologique, avec des conférences régulières organisées sur le sujet (par exemple à l’European Institute of Food History and Cultures), des ouvrages publiés incorporant données ethnographiques, expérimentales, textuelles et matérielles. En France, l’atelier « Food Modes from Lascaux to Fastfoods », organisé au CNRS en 2017, ainsi que la récente école thématique « ArchéoMets », qui s’est tenue en 2019, sont preuve de la centralité de la nourriture (son origine, son évolution et ses conséquences) dans les problématiques de recherche actuelles, au niveau national et international. 

3L’invitation à la rencontre, organisée par un groupe de jeunes chercheurs enquêtant sur l’alimentation le 27 novembre 2020, se présentait comme intellectuellement nourrissante ; un événement stimulant permettant la découverte d’une pléthore de nouvelles idées, de données originelles et non publiées portant sur divers aspects de la nourriture dans le passé. Le thème de l’alimentation était donc celui de la 15e journée doctorale d’archéologie de l’École doctorale 112 de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, intitulée « De l’approvisionnement au dernier repas. Regards croisés sur l’archéologie de l’alimentation ».

4Sous différents angles et employant diverses méthodologies, ces jeunes chercheurs partagent avec les lecteurs de ce volume de nouvelles données sur les pratiques alimentaires du passé, couvrant un vaste champ chronologique de la Préhistoire au xxe siècle. Archéologie, archéométrie, histoire et ethnographie sont intégrées dans cet ouvrage, montrant le potentiel des approches nouvelles et traditionnelles dans l’étude du passé culinaire des différentes parties du monde. Dans ce volume, les contributions archéologiques abordent un large éventail de sujets, comme les façons de s’approvisionner, produire et stocker les aliments, la question du symbolisme du repas, et les pratiques autour de la nourriture et de sa consommation. Les outils analytiques employés sont également très variés, allant d’analyses morphométriques pour comprendre la typologie des vases employés dans le stockage de denrées en Grèce ancienne (Russell Webb), à l’utilisation de données textuelles (textes anciens, archives militaires, éléments iconographiques, etc.) pour comprendre l’approvisionnement en nourriture pendant la période médiévale en Aquitaine (Charles Viaut), ou bien encore l’expérimentation pour appréhender les modes de cuisson des aliments (Aurélie Chantran). Les traces de cuisson et micro-restes de plantes semblent être la clé pour comprendre certaines de ces recettes médiévales. 

5D’Europe, le lecteur voyage vers Thule et le Cap Espenberg au nord-ouest de l’Alaska, où l’archéo-botanique, l’archéo-entomologie et l’ethnobotanique aident à redéfinir les espaces de cuisine et le rôle des plantes dans l’alimentation de communautés largement caractérisées par leur consommation élevée de viande (Camille Mayeux). En Mésoamérique, des données archéologiques, iconographiques et ethno-historiques sont confrontées afin d’essayer de détecter et comprendre les pratiques culinaires et la consommation alimentaire à travers le temps, révélant une grande variabilité dans la transformation d’ingrédients en plats que le terme de « cuisine Mésoaméricaine » ne suffit pas à couvrir (Pauline Mancina). 

6L’étude de l’alimentation ne se limite pas aux possibilités de stockage, méthodes de préparation, ingrédients, diversité et changements culinaires. La nourriture est la substance qui connecte les sociétés humaines à leur environnement, les individus à d’autres membres de leur communauté et à de plus vastes régions. Elle connecte aussi les gens au domaine de l’invisible, celui des ancêtres et des rituels. L’exemple des focacce en terre cuite développé par E. Wall nous invite à contempler cet aspect de la nourriture, et le potentiel tout comme les limites des données archéologiques et textuelles pour aborder les aspects rituels liés à la nourriture dans le passé. Bougeant du Latium et du monde Romain ancien à la période pré-Islamique, cette question resurgit. Dans le cas de Thaj, au nord-est de l’Arabie, il y a peu de doutes sur le lien créé par la nourriture entre les vivants et les morts, avec des restes de repas funéraires, présents sous la forme de foyers et récipients céramiques exclusivement associés à des contextes funéraires, comme témoins silencieux de cette connexion proche (Marie Laguardia).

7Loin des considérations de stockage et cuisson des aliments pour les repas quotidiens et des occasions spéciales, la nourriture en temps de guerre est fortement liée à la politique, l’économie, et la planification stratégique. La perspective de l’historien nous révèle de façon éloquente en quoi le manque de nourriture saine et équilibrée pour les soldats, du fait d’une pauvre organisation et d’une série d’événements malchanceux, peut devenir fatal pour une opération militaire, comme dans le cas de la campagne de Suez en 1956 (Rémi Mazauric).

8Des lointains recoins de la Préhistoire, ce livre s’étend jusqu’au présent, offrant un voyage culinaire avec de passionnantes découvertes. La contribution finale donne matière à réflexion à travers les images d’aliments imprimés : le fort lien psychologique avec la nourriture et les idéologies politiques modèlent la façon dont les aliments sont représentés dans les ouvrages culinaires, les documentaires et l’art (Alexandrine Bonoron).

9Bon appétit !

Auteurs

Aristotle University of Thessaloniki

Université de Franche-Comté,
UMR 6249 Chrono-Environnement

© Éditions de la Sorbonne, 2021

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