François Luchaire, serviteur de l’outre-mer
p. 121-129
Texte intégral
1François Luchaire est né le 1er janvier 1919, à La Rochelle, dans les Charentes-Maritimes. Après des études au lycée de Cherbourg et à la faculté de droit de Caen, il sort diplômé, en 1939, de l’École du commissariat de la marine militaire de Brest. Ainsi, fut-il mobilisé, comme commissaire, en septembre 1939. Ce qui lui valut de se trouver à bord de l’aviso Rigault de Genomlly canonné en Algérie devant Mers El-Kébir, le 3 juillet 1940. Seuls échapperont aux mines mouillées par les avions britanniques, le Strasbourg et ce bâtiment. Le premier put rejoindre Toulon accompagné par quelques torpilleurs. Le second ne peut suivre cette flotte en raison de la faiblesse de son allure. Son commandant décide alors de gagner Bizerte. Atteint par une torpille, le Rigault de Genouilly coule devant Alger. Voilà donc notre commissaire à la mer. Repêché, après trois heures de lutte, il signera, dès lors, un pacte avec l’outre-mer...
2Revenu dans l’Hexagone, où il s’engage dans la Résistance, il ressent, une fois encore, l’appel du grand large, plus précisément, de l’Afrique du Nord. Il réussit à franchir la frontière espagnole en avril 1943. Arrêté à Madrid, emprisonné à Torreros, libéré par les Américains, des côtes du Portugal il embarque pour Casablanca. Il y restera quelques jours seulement, auprès des Forces françaises. Après avoir servi sur un pétrolier, il est appelé à Alger, mis à la disposition de l’état-major du Commandant en chef civil et militaire et affecté dans les services spéciaux du général Ronin. Remarqué par Louis Jacquinot, commissaire à la Marine au sein du gouvernement provisoire (novembre 1943-août 1945), il est nommé dans son cabinet. Avec lui, il rentrera dans Paris libéré et ne le quittera plus. S’ouvre alors, pour François Luchaire, une longue carrière où il s’efforcera de garder la balance égale entre l’action et la pensée.
François Luchaire, homme d’action
3Tout au long de sa vie, il se révélera homme d’action. Les fonctions qu’il occupera peuvent paraître enchevêtrées pour qui ne se donne pas la peine d’en rechercher les raisons. En réalité, animé par la passion du service public et la volonté au service de l’État, François Luchaire agit sur plusieurs plans : gestionnaire dans l’université, en représentation à travers le vaste monde, expert au service de la République.
Un professeur gestionnaire
4Très tôt, il manifestera un intérêt très vif pour un enseignement orienté vers Loutre-mer. Alors qu’il est le collaborateur d’André Morillot, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, il dispense un cours aux élèves du lycée Louis-le-Grand, inscrits en classe préparatoire à l’École coloniale. Il ne s’arrête pas là. Dès sa démobilisation, en 1945, il passe l’agrégation de droit public. Reçu, il est nommé à Nancy. Il y conservera longtemps (notamment lors de son détachement dans la haute fonction publique), un enseignement de droit d’outre-mer dont ses séjours en Afrique lui avaient donné le goût. Le recteur Senn l’avait autorisé à enseigner la Législation coloniale qui, bien vite, deviendra le droit d’outre-mer et permettra au professeur Luchaire de publier, en 1949, un Manuel portant ce titre.
5En mars 1960, il est nommé directeur de l’École nationale de la France d’outre-mer et de l’Institut des hautes études d’outre-mer, destinée à la remplacer. Ce poste lui est confié après qu’a été relevé de ses fonctions le premier directeur qui avait tait procéder à l’enlèvement de plaques apposées en l’honneur des administrateurs morts au service colonial. Dès 1962, l’IHEOM compte six cent soixante élèves originaires de vingt-deux États ou territoires d’Afrique, de Madagascar ou d’Indochine. Il y rencontrera bien des personnages attachants, dont Hissène Habré, rebelle, chef d’État du Tchad et, finalement, exilé. En service détaché auprès du Premier ministre, représenté par le ministre chargé de la Fonction publique, François Luchaire obtient, pour son École, un statut identique à celui de l’ENA. Le 1er janvier 1965, il quitte la direction de l’Institut des hautes études d’outre-mer pour prendre ses fonctions à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris. Les événements de mai 1968 le conduisent à présider l’Assemblée constitutive de l’université Paris I. Il en deviendra président, de 1971 à 1976.
6Les talents administratifs du professeur Luchaire se donneront également libre cours en Afrique. Il contribuera, notamment, à mettre sur pied l’École algérienne d’administration dans un ancien bâtiment de l’État-major de l’armée de l’air. Avec M. Missuni Sbih, directeur de l’école et son interlocuteur de la fonction publique, il crée, à Oran et Constantine, des centres de formation pour des fonctionnaires de niveau moyen. Avec Gilbert Mangin, il est chargé de les inspecter. Ainsi, pendant près de quinze ans, il se rend chaque année en Algérie.
7En dépit de ses nombreuses charges, il restera fidèle à ses enseignements relatifs à l’outre-mer. Il les assure à l’Université, mais, aussi, à l’Institut européen des hautes études internationales de Nice et au Collège universitaire fédéraliste du Val d’Aoste. Il aura également à cœur de former de jeunes universitaires aux problèmes de coopération et de développement. C’est ainsi qu’au cours des années 1972-1973, il nous donnera la chance de dispenser, dans son cours1 de quatrième année de licence, une série de conférences sur les accords de coopération passés par la France.
Un grand voyageur
8Les fonctions occupées par le professeur Luchaire, tant à l’Université que dans l’Administration, lui permettront de satisfaire son goût des voyages, et de sillonner le monde. Pouvait-il en être autrement pour un membre du Conseil supérieur de l’aviation marchande (1954-1972) et de la marine marchande (1958-1968), assurant les fonctions d’expert pour les problèmes d’outre-mer ?
9De 1940 à 1944, il séjournera souvent en Algérie. Il y retournera à plusieurs reprises, notamment pour célébrer l’anniversaire de la naissance de Savorgnan de Brazza ou visiter les installations pétrolières du Sahara. L’application du code du travail fut à l’origine d’importants déplacements. L’un d’eux le conduisit dans les quatre Territoires de l’Afrique équatoriale française : Tchad, Oubangui-Chari – devenu République centrafricaine –, Congo-Brazzaville, Gabon. Souvent, également, il accompagnera Louis Jacquinot en Afrique noire. Nommé au conseil d’administration de la Banque d’émission des États d’Afrique équatoriale et du Cameroun, siégeant surtout au comité de ce pays, il se rendra fréquemment à Douala et Yaoundé. Il participera, aussi, aux cérémonies marquant l’indépendance des États de l’Afrique noire francophone. La Mauritanie clôturera la liste. Les festivités ne se dérouleront qu’en 1962, car le Maroc, soutenu par l’URSS, s’était opposé à son indépendance. Une telle complicité avec ce continent lui vaudra d’être invité, pendant plus de dix ans, aux réceptions données en l’honneur des chefs d’État étrangers, plus spécialement africains.
10De 1955 à 1967, François Luchaire exercera les fonctions de Président de la Société française des Nouvelles-Hébrides. Dès lors, pendant une dizaine d’années, il sera l’un des plus considérables propriétaires de la planète, avec près de 400 000 hectares dans le condominium franco-anglais, actuel Vanuatu. Ce pays se trouvant aux antipodes, un billet « tour du monde » lui permit de séjourner à Nouméa où il retrouvera le gouverneur Aimé Grimald, sa famille et un ami de passage, le futur ambassadeur Claude de Kémoularia. Ses fonctions à l’IHEOM lui valurent également bien des voyages, en particulier au Laos, puis en Cochinchine et au Cambodge.
Un expert réformateur
11De 1947 à 1960, François Luchaire participera à l’élaboration de grandes réformes. Aux côtés de Louis Jacquinot, de Maurice Bourgès-Maunoury et de Félix Gaillard, président du Conseil, il sera associé à la mise en œuvre de la loi-cadre du 23 juin 1956 pour les territoires d’outre-mer et à la rédaction de la loi-cadre du 26 novembre 1957 et de ses décrets d’application pour l’Algérie.
12En août 1957, un appel de l’Hôtel Matignon le surprend en pleines vacances universitaires, à Nancy, où il termine un article sur les territoires d’outre-mer. Le président du Conseil lui propose de préparer, avec Georges Vedel, une loi-cadre pour l’Algérie. En novembre 1957, Félix Gaillard forme son gouvernement. Robert Lacoste propose à François Luchaire d’entrer dans son cabinet pour reformuler la loi-cadre jugée maintenant nécessaire et finalement votée en dépit des assauts de Me Jean-Louis Tixier-Vignancour.
13À Genève, François Luchaire représentera le gouvernement pour les questions intéressant l’outre-mer, lors de la conférence de l’Organisation internationale du travail. Lorsque Paul Ramadier, chef de la Délégation française, deviendra président de la Conférence, c’est lui qui occupera ces fonctions. Une autre désignation le conduira à exercer une activité juridictionnelle, grâce au Président Pierre Mendès-France. La Tunisie étant devenue autonome, les accords franco-tunisiens du 3 juin 1955 avaient institué un Comité arbitral en vue du règlement des litiges entre les deux pays. François Luchaire devint membre de cet organe, présidé par Georges Vedel.
14En 1958, Gaston Monnerville l’invitera à participer à plusieurs réunions informelles destinées à discuter du projet de Constitution et de ses incidences sur l’Afrique noire et l’Algérie. Comme conseiller, il siégera, le 2 juin 1958, à l’Assemblée nationale sur les bancs du gouvernement pour l’assister dans la présentation de deux projets de loi. L’un reconduisait les pouvoirs spéciaux en Algérie. L’autre modifiait l’article 90 de la Constitution pour en faciliter la révision.
15Le 4 juin 1958 au matin, le général de Gaulle s’envolait en Caravelle pour Alger. Il était accompagné de Jacques Soustelle, de trois ministres – Pierre Guillaumat, Louis Jacquinot et Max Lejeune – et de François Luchaire. Plus tard, il participera à la rédaction des accords conduisant à l’indépendance du Cameroun et du Togo. Un groupe d’experts avait été constitué, autour de Michel Debré, pour rédiger des projets de texte destinés à un comité interministériel présidé par le Général. Il comprenait des ministres d’État et le vice-président du Conseil d’État, René Cassin. Chaque ministre pouvait désigner un délégué pour participer à ce groupe. François Luchaire représenta Louis Jacquinot.
16En 1989, il fut nommé conseiller d’État en service extraordinaire. Il occupera ces fonctions jusqu’en octobre 1993. Au sein de l’Assemblée générale, il interviendra habituellement, souvent comme rapporteur, dans les affaires d’outre-mer.
François Luchaire, homme de conviction
17François Luchaire n’est pas simplement un homme de terrain mettant en œuvre des textes dont d’autres ont pris l’initiative. Il en a produit lui-même de nombreux. À leur tour, ceux-ci ont inspiré des ouvrages, des études ou des articles. Il s’agit, le plus souvent, de publications faisant le point et ouvrant des perspectives sur un sujet ou sur des pays sur, ou avec lesquels, il eut à travailler (Tunisie, Algérie, territoires d’outre-mer, Communauté, pays francophones d’Afrique...). Au fond, l’action politique féconde l’œuvre du professeur. De ces publications à caractère scientifique se dégageront des positions doctrinales en prise directe avec notre temps.
Des publications savantes
18Parmi les nombreuses publications dont le professeur François Luchaire est l’auteur, deux ouvrages nous paraissent mériter une place spéciale. En premier lieu, son Manuel de droit d’outre-mer publié chez Sirey, en 1949, complété par un supplément, en 1951. En 1959, les Presses universitaires de France prendront le relais. C’est au sein de la collection « Thémis », dirigée par le professeur Maurice Duverger, qu’il publiera son Droit d’outre-mer et de la Coopération2. L’ouvrage connaîtra une deuxième édition en 1965. Le Manuel, comme le Précis, constitueront des ouvrages pionniers. À ce titre, ils exerceront une profonde influence, à la fois sur les acteurs de la politique (en matière de décolonisation et de coopération) et sur les théoriciens de ces nouvelles branches du droit.
19L’autre ouvrage, plus petit de taille, est tout aussi important quant au fond. C’est L’Aide aux pays sous-développés, publié, comme le précédent, aux Presses universitaires de France, dans la célèbre collection « Que sais-je ? » La première édition date de 1966. La quatrième remonte à 1977. Quarante cinq mille exemplaires ont été diffusés. Les thèses développées dans ce livre, et sur lesquelles nous reviendrons, ont marqué durablement ce secteur. François Luchaire écrit, notamment (4e éd., p. 125) : « Le développement des nations en retard doit... être recherché ailleurs que dans l’aide qui reste sans doute indispensable mais qui a ses limites ; il doit être obtenu d’abord par les efforts des pays sous-développés eux-mêmes ; ensuite par une meilleure organisation des relations économiques mondiales ; enfin par un règlement satisfaisant des problèmes monétaires internationaux. »
20À côté des ses deux maîtres livres dans le domaine de l’outre-mer, François Luchaire est l’auteur de nombreuses études. L’une d’elles s’intitule « La justice en Tunisie »3, et une autre « Du Togo français sous tutelle à la République autonome du Togo »4. L’Algérie sera à l’origine de plusieurs publications : « Le champ d’application des statuts personnels en Algérie et dans les TOM »5, « La réforme des institutions algériennes »6, « La propriété foncière en Algérie »7, « Les réformes gouvernementales en Algérie »8.
21Plus tard, d’autres études, plus globales, porteront sur « Les institutions politiques et administratives des Territoires d’outre-mer après la loi-cadre »9, « Sur l’application de la loi outre-mer » (Paris, 1958), « Quelles sont les lois applicables de plein droit dans la France d’outre-mer ? »10, « La justice dans la Communauté »11, « Des Territoires d’outre-mer »12, « L’association des pays africains de la Communauté européenne » (Milan, 1967), « L’association à la Communauté européenne »13. Et, pour clôturer le tout, Le statut constitutionnel de la France d’outre-mer14.
22À cette abondante production, il faut encore ajouter plusieurs rubriques sur l’outre-mer dans les jurisclasseurs civil et administratif, des contributions sur les problèmes africains dans le tome X de l’Encyclopédie française et dans l’Encyclopaedia Universalis. Le professeur François Luchaire a également rédigé la plupart des rubriques relatives aux pays d’outre-mer dans l’Encyclopédie juridique Dalloz.
Des positions doctrinales
23Tout au long de ses écrits, le professeur a progressivement précisé ses positions sur les problèmes relatifs à l’outre-mer. Nous en retiendrons trois : la colonisation, la coopération, le développement. C’est dans son Droit d’outre-mer et de la Coopération qu’il s’est le plus exprimé sur la colonisation. Il la définit comme « une entreprise étatique, qui se traduit par une certaine émigration d’un peuple colonisateur et la domination juridique de ce peuple sur les terres ou les populations colonisées »15. Après avoir observé que la colonisation a été, depuis le Moyen-Age, un phénomène essentiellement européen, il note qu’elle est aujourd’hui attaquée, non pas seulement comme une entreprise de domination, mais aussi et surtout, « parce qu’elle est une forme de la domination européenne »16. Pour conclure les développements consacrés aux motifs de la décolonisation, il écrit « qu’il n’est nullement nécessaire de croire au mouvement irrésistible de l’histoire pour être persuadé que dans la conjoncture politique actuelle la domination d’un État européen sur une partie quelconque du continent africain ou du continent asiatique paraît bien difficile à maintenir ».
24De la décolonisation, il donne ensuite la définition suivante : « La décolonisation est le fait pour une ancienne colonie de mettre fin à la colonisation en prenant la direction de ses propres affaires politiques et économiques17. » Mais, aussitôt, le professeur Luchaire met en garde contre les dangers qui guettent les territoires décolonisés :
« L’indépendance juridique peut s’accompagner d’une forme nouvelle de colonialisme qu’il convient d’appeler alors néocolonialisme ; il y a néo-colonialisme lorsque, dans un État juridiquement indépendant, l’économie est organisée non dans l’intérêt des nationaux de cet État, mais dans celui d’un État étranger (ou de ses nationaux), qui exercent une pression sur l’ancienne colonie18. »
25Autrement dit, l’indépendance politique, qu’on appellera parfois formelle, ne règle pas tout. Elle devra s’accompagner, aussi, d’une indépendance économique et même culturelle. Ces efforts ne pourront pas être le fait du seul Etat anciennement colonisé. Il conviendra de mettre en œuvre une politique de coopération.
26Dans son « Que sais-je ? » le professeur Luchaire développe un véritable plaidoyer en sa faveur. Après avoir dressé un tableau des besoins des pays sous-développés et des motifs de l’aide, il évoque les problèmes à résoudre. Ils sont relatifs au caractère de l’aide, à ses origines, à sa nature, à sa destination. Cette aide peut provenir soit des organismes internationaux, soit des États. Il souligne que les objectifs de l’aide ne peuvent être atteints que « dans un climat de stabilité politique »19. Les pays sous-développés en ont besoin pour écarter toute dépense introductive, de prestige ou d’armement excessif, éviter l’inflation et obtenir de leur population les efforts nécessaires.
27Plus tard, dans l’Annuaire du Tiers Monde20, le professeur Luchaire élargira encore sa vision. Il écrit, page 8 :
« Il n’y a plus aujourd’hui de réponse nationale à des questions qui sont devenues internationales ; il n’y en a pas non plus à l’intérieur des seuls pays industriels ; c’est la grande certitude de ce dernier quart de siècle ; le Tiers-Monde n’est pas l’affaire de quelques spécialistes ; elle est celle de tout le public. »
28Il ajoute : « Il est aujourd’hui devenu parfaitement banal d’affirmer que le dialogue Nord-Sud est désormais la préoccupation essentielle de notre planète ». Autrement dit, il est bien vrai que le développement des pays du tiers-monde doit être recherché ailleurs que dans l’aide, sans doute nécessaire mais non suffisante. Il faut, certes, aider les pays défavorisés à rattraper leur retard. Mais on ne saurait oublier les aspects politiques, juridiques, financiers de ces relations internationales nouvelles. Le professeur Luchaire en fera la théorie dans son enseignement de Droit international du développement qu’il dispensera à l’université Paris I dans les années 1970.
29Cette action et cette réflexion attirent l’attention des spécialistes. C’est ainsi que le 18 avril 1961, le professeur François Luchaire sera élu membre de l’Académie des sciences d’outre-mer au fauteuil de Fernand Blondel, ancien directeur au Bureau d’études géologiques et minières. Il prendra officiellement séance, le 5 mars 1971. Il sera reçu, rue La Pérouse, par Louis Boujard. Par ailleurs les nombreux États qu’il a aidés ne se sont pas montrés ingrats. Il est grand officier des Comores, commandeur de Madagascar, du Togo et de la Haute-Volta, officier du Gabon et du Dahomey, chevalier du Cameroun, de Mauritanie et du Tchad.
30Deux propos me paraissent éclairer le professeur Luchaire et la période bouleversée couverte par son œuvre.
« Pour qui tend convenablement sa voile au souffle de la Terre, un courant se décèle qui force à prendre toujours la plus haute mer. Plus un homme désire et agit noblement, plus il devient avide d’objets larges et sublimes à poursuivre. La seule famille, le seul pays, la seule face rémunératrice de son action ne lui suffisent bientôt plus. Il lui faudra des organisations générales à créer, des voies nouvelles à frayer, des Causes à soutenir, des Vérités à découvrir, un Idéal à nourrir et à défendre. Ainsi, peu à peu, l’ouvrier de la Terre ne s’appartient plus. Petit à petit, le grand souffle de l’Univers, insinué en lui par la fissure d’une action humble mais fidèle, l’a dilaté, soulevé, emporté. »
31Quoi mieux que ces formules du Père Pierre Theillard de Chardin sauraient caractériser l’action éminente menée par le professeur François Luchaire dans le secteur de l’outre-mer ?
« Les pires bouleversements de l’Histoire ne sont que rythmes saisonniers dans un plus vaste cycle d’enchaînements et de renouvellements. Et les Furies qui traversent la scène, torches hautes, n’éclairent qu’un instant du très long thème en cours. Les civilisations mûrissantes ne meurent point des affres de l’automne, elles ne font que muer. L’inertie seule est menaçante. »
32C’est ce qu’écrit Saint-John Perse, et que le professeur François Luchaire, serviteur de l’outre-mer, aurait pu placer en exergue à son action et à son œuvre.
Notes de bas de page
1 F. Luchaire, Droit international du développement, Paris, Université Paris I, Centre de polycopies, 1973,t. 1, page 9.
2 Paris, PUF, « Thémis », 1966, 508 p.
3 Paris, LGDJ, Extrait de la Revue juridique et politique de l’Union française, n° 2, avril-juin 1955.
4 Paris, LGDJ, 1957, 294 p.
5 Extrait de la Revue juridique et politique de l’Union française, Paris, LGDJ, janvier-mars 1955, 52 p.
6 Nouvelles Réalités Algériennes, n° 4, septembre 1955, 21 p.
7 Avec la collaboration de R. Doublier, Fasc. A, 1956.
8 Bulletin de l’Association pour l’étude des problèmes de l’Union française, n° 109, février 1957.
9 Paris, LGDJ, Extrait de la Revue juridique et politique de l ’ Union française, n° 2, avril – juin 1958, p. 221 -294.
10 Paris, Dalloz, 1960.
11 Université d’Aix-Marseille, Institut d’études juridiques de Nice, vol. VII : La Justice, PUF, p. 397-425.
12 Jurisclasseur administratif fascicule 132, 1964.
13 Leyde, A. W. Sijthoff, 1976, p. 241-308, Académie de droit international de La Haye, recueil des cours, t. 144, 1975,1.
14 Paris, Economica, 1992, 198 p.
15 Op. cit, 2e éd., p. 17.
16 Op. cit., p. 39 et 40.
17 Op. cit., p. 42.
18 Op. cit, p. 45.
19 Op. cit., p. 125.
20 Paris, Berger-Levrault, 1976, p. 7 et s.
Auteur
Professeur à l’université René-Descartes, Paris V Membre de l’Académie des sciences d’outre-mer
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