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Les Jacobins de l’Ouest

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Christine Peyrard

Première partie. L'émergence d'une conscience politique nationale

Chapitre cinquième. Une situation d’opinion publique : la fuite du roi

Testo integrale

  • 1 Après les travaux fondateurs de J. Habermas, ceux des historiens M. Ozouf (60) p 21-53, R. Chartie (...)
  • 2 Voir Bourdieu (51) p 222-236, J. Padioleau (61), JJ Becker « L’opinion » (56) p 161-185 ; P. Labor (...)

1La rupture introduite dans la vie politique par la fuite à Varennes est trop essentielle pour ne pas donner lieu à l’analyse des diverses manifestations qu’elle a suscitées. Car l’événement crée une situation dans laquelle la communication des opinions, l’affrontement des idées et l’engagement d’actions autorisent un examen de l’opinion publique. Le concept, apparu en France au milieu du siècle avec la socialisation de la pensée des Lumières1, connait alors une grande vogue grâce à la liberté de presse et d’association. Connotée tour à tour positivement par les uns, tel Saint-Martin de la Rigaudière père qui, à sa sortie de prison en 1790, l’invoque comme « cour d’appel » à la sentence prononcée contre lui, et négativement par d’autres, comme Le Bouyer de Monhoudou qui dénonce l’emprise des clubs, l’opinion publique revêt d’emblée une double acception, celle d’un contre-pouvoir et d’un lieu de manipulation. Aujourd’hui encore, sociologues et historiens soulignent les difficultés inhérentes à l’analyse des phénomènes d’opinion2. Toutefois, l’analyse des conditions qui permettent d’expliquer cet engouement pour le terme reste en partie vaine si elle ne tente pas de cerner, au printemps 1791, la place et la réalité de la nouvelle culture politique des Français.

La peur et l’organisation de la nation

2La nouvelle du départ du roi des Français mit trois jours à se répandre dans la région. Les uns l’apprirent pas le courrier officiel de l’Assemblée nationale. Ainsi, la municipalité du Mans fit annoncer le soir du 22 juin, à tous les carrefours, « la fâcheuse nouvelle de la fuite du Restaurateur de notre liberté » en interdisant aux citoyens de s’attrouper, en donnant l’ordre d’illuminer les maisons pendant trois nuits et établissant des corps de garde dans toutes les avenues. Les Lavallois connurent la nouvelle le lendemain, en pleine procession de la Fête-Dieu, ce qui entraîna un beau tumulte. Les jacobins de Lisieux apprirent, en même temps, la fuite et l’arrestation du roi, le 23 juin, par un émissaire du club de Bernay, comme ceux de Pont-l’Evêque par un clubiste de Honfleur. Enfin, au bout du Cotentin, ceux de Cherbourg connurent l’information, le 24 juin, en lisant le journal de Gorsas. Que la presse écrite parisienne parvienne avant la rumeur publique, deux ans après la Grande Peur, et transmette l’idée de « fuite » et non d’« enlèvement », traduit le niveau de la communication politique. L’hypothèse de l’enlèvement, reprise dans un seul club, celui d’Alençon, avait pourtant été soulevée par les Jacobins de Paris dans leur circulaire de mai aux sociétés affiliées pour réunir une force départementale afin de « protéger le roi et s’opposer à son enlèvement si les ennemis du bien public parvenaient à l’arracher de la capitale ».

  • 3 A.D.S. L 270. Délibérations des 23 et 24 juin 1791 de la municipalité du Mans. c’est sur des terre (...)
  • 4 A.N. F7 3682/10
  • 5 D’après Le Journal Général de la Sarthe, 10 juillet 1791.

3Aussitôt, la peur de l’invasion étrangère fait procéder à l’application d’un des premiers décrets de l’Assemblée constituante et executive, depuis le 21 juin, concernant la mise en activité de la garde nationale et la levée des volontaires. C’est « au nom de la Patrie » que la municipalité de La Ferté-Bernard appelle le 22 juin les citoyens à s’unir et se tenir prêts pour repousser l’ennemi. Mais la peur de l’étranger, c’est aussi celle de tout voyageur et la municipalité du Mans oblige hôtes et particuliers à déclarer leur nom et qualité. Ainsi, l’accusateur public Juteau-Duhoux signale la présence chez lui du ci-devant marquis de Dreux-Brézé dont il a été le chargé d’affaires. Entré dans l’Histoire par l’apostrophe de Mirabeau en juin 1789, le ci-devant maître de cérémonies de la Cour, fuyant la capitale en même temps que son roi, est un suspect de choix pour la municipalité qui, en attendant l’ordre de l’Assemblée, appose les scellés sur ses papiers, et l’assigne à résidence chez ce fonctionnaire, clubiste et lieutenant de la garde nationale, après s’être fait confirmer que son intention n’était pas de rejoindre son régiment en Alsace mais ses terres du Maine3. La peur du désordre pousse la municipalité de Château-Gontier à anticiper les événements par des mesures de salut public : censure du courrier, désarmement de citoyens et emprisonnement des prêtres réfractaires4. Car les manifestations spontanées ont eu lieu dans les rues, un peu partout, même à La Flèche, ville alors dépourvue de société politique et réputée tranquille : « Les cris de fouet et de lanterne se sont fait entendre des différentes parties de la ville contre ceux que le peuple appelle les aristocrates et un vicaire rétracté a dû partir »5. A Laval, dès le 24, un rassemblement s’est formé contre les prêtres insermentés ; au Mans, contre les sœurs et l’administration de l’hôpital. Partout, les municipalités doivent expulser ou faire arrêter les réfractaires, désignés comme les ennemis du bien public.

  • 6 Reinhard (116) p 431 et 454.

4La plupart des clubs tiennent des séances extraordinaires et décrètent même la permanence, comme à Cherbourg ou Argentan. On renouvelle à Lisieux ou Alençon le serment de Vivre libre ou mourir. Le club de Falaise propose à l’Assemblée nationale dans sa pétition du 24 juin de faire déclarer La Patrie en danger. La société de Château-du-Loir réclame le 29 la confiscation des biens d’émigrés et leur distribution aux soldats de la nation. On félicite de Valognes, Bernay, Argentan ou Laval la municipalité de Varennes6. Partout, on se mobilise pour la défense de la ville : le 23 juin, le club d’Argentan réclame des canons à celui de Falaise et lui signale les perquisitions des voitures et l’ouverture du courrier des habitants ; le lendemain, le club de Honfleur appelle les citoyens de la campagne à s’armer dans une brochure diffusée à 3 000 exemplaires et sollicite des canons à celui du Havre tandis que le clubiste de Lisieux ou de Cherbourg s’engage à faire en personne son service de garde national.

  • 7 A.N. F7 3684/3. « Mémoire relatif à l’état de Mortagne, aux causes de l’anarchie effrayante sous l (...)

5C’est l’époque aussi où plusieurs clubs sont créés comme celui de Mortagne dans l’Orne. Dans ce chef-lieu de district de quelques 6.000 habitants où les ci-devant nobles sont à la tête des corps constitués, une douzaine de personnes se réunissent, en juin 1791, dans la maison d’un « ancien cuisinier » qui sert de local au club. Les nouveaux clubistes, dont l’influence grandit avec les circonstances, auraient affirmé que « les nobles et les prêtres avaient fourni de l’argent pour le départ du roi et opérer la contre-révolution »7. L’organisation, avec l’aide d’officiers municipaux et de gardes nationaux, du désarmement de tous les nobles de l’état-major et des perquisitions chez les riches propriétaires de la ville et des environs instaure alors un nouveau lieu de légitimité révolutionnaire.

  • 8 Aulard (67).

6Partout, le contrôle de la force armée est à l’ordre du jour dans les clubs. A Granville comme à Honfleur, on désarme les officiers de la garde nationale qui n’ont pas fait acte de patriotisme. A Cherbourg, on forme un Conseil de guerre national pour chercher des armes et surveiller les côtes. Au Mans, il n’y eut pas de délibérations pendant la semaine troublée, un Conseil d’administration militaire de la garde nationale, transformé en instance à la fois exécutive et délibérante, ayant occupé le local. L’action conjointe des deux clubs de la ville et de la garde nationale s’acheva par une adresse commune pour réclamer, le 19 juillet, l’amnistie générale pour les actes de patriotisme et de violence commis dans les châteaux sarthois. Car la fuite du roi n’a pas seulement mis en branle les institutions créées par la Révolution, renforcé leur unité et créé une dynamique unitaire : elle a été aussi, comme Aulard l’a bien souligné, l’un de ces rares événements nationaux » qui, connus de tous, émurent la Nation entière8.

Les mouvements populaires dans les campagnes

7L’inquiétude suscitée par la fuite du roi a réveillé de vieilles peurs : malgré l’abolition, certes partielle, de la féodalité, la suppresion de la noblesse (juin 1790) et la reconversion, parfois réussie, des ci-devant seigneurs en propriétaires terriens assujettis à l’impôt, le complot aristocratique hante toujours l’imaginaire paysan.

  • 9 Décret des 10, 18 et 22 mai 1791, rapporté par Le Chapelier le 9 mai : « Le droit de pétition appa (...)

8Les formes nouvelles d’intervention politique restent peu pratiquées dans les campagnes : les clubs, à quelques exceptions près, déjà signalées, ne s’implantent guère sous la monarchie constitutionnelle ; les pétitions à l’Assemblée nationale sont peu nombreuses. L’étude des adresses au comité des Droits Féodaux montre le faible usage de cette pratique politique de 1789 à 1792. Une vingtaine d’adresses seulement viennent des départements normands plus alphabétisés que ceux du Maine où moins d’une dizaine ont été conservées ; mieux encore, la majorité n’émanent pas des communautés rurales, mais de simples particuliers. La pétition collective, il est vrai, n’a guère les faveurs d’une révolution libérale9.

  • 10 D’après P. Caron et Ph. Sagnac, Le Comité des Droits Féodaux et de Législation et l’abolition du r (...)

9Les municipalités ou « les habitants de la commune » qui parviennent à se faire entendre ne sont pas ceux qui se sont soulevés dans le bocage normand ou le Maine en juillet 1789. Nulle revendication n’est exprimée par les municipalités de la Sarthe ou de la Mayenne ; celles de l’Orne, peu nombreuses, se contentent de demander des explications ou de réclamer, comme les officiers municipaux de Couterne, les droits de péage sur les ponts. On dénonce, ailleurs, les prétentions du ci-devant seigneur : ainsi, le 7 septembre 1790, quatorze « paroisses » du canton de Moyaux, dans le Calvados, invoquent le droit naturel pour critiquer son refus de la déduction de l’impôt des vingtièmes sur les rentes foncières. Si on revendique surtout les biens communaux, les communes de Cambremer, Beuvron, Bonnebosq et Crévecoeur (proches de ce foyer de jacobins ruraux) s’associeront en avril 1792 pour demander la suppression des droits du treizième denier et la modification des tarifs du rachat des droits féodaux10.

  • 11 A.N. DXIV 2/3/5/6/8 et 10. Les pétitions au Comité des Droits Féodaux sont classées par départemen (...)

10Mais les plus nombreux à demander des explications sur les droits rachetables ou abolis, à protester ou à revendiquer sont, en fait, des nobles ; ensuite, viennent à titre professionnel les avocats ; dans le groupe silencieux des paysans émergent quelques laboureurs et meuniers qui se préoccupent de la cherté des impôts subsistants ou du devenir de leur moulin banal ; enfin, des syndics, procureurs, prêtres, marchands ou anonymes complètent le lot des pétititionnaires11. Le double recours à l’écrit et à l’Assemblée nationale suppose une acculturation des masses populaires aux formes nouvelles de la vie politique. Ces voix paysannes qui ne se font entendre que par la médiation communautaire ou municipale, nous les retrouvons pendant l’été 1791 dans leurs pratiques spécifiques d’intervention politique.

  • 12 A.D.O. L 2613. Le châtelain de La Motte-Fouquet, en « citoyen opprimé », porte plainte le 4 juille (...)
  • 13 D’après V. Duchemin et R. Triger, Les premiers troubles de la Révolution dans la Mayenne, 1888.

11Dès l’annonce de la fuite du roi, dans l’après-midi du 23 juin, une foule qui rassemble toute la population masculine, en âge de porter les armes, des communes de La Motte-Fouquet et Magny-le-Désert avec à leur tête le maire de celle-ci, se porte comme en 1789 au château du ci-devant marquis de Falconer. La perquisition du château ornais s’est faite « sans aucun acte de malhonnêteté », les armes livrés aussitôt et les gardes-forestiers désarmés le lendemain12. A Laval, le 24 juin, c’est le département qui envoie un détachement de gardes nationaux au château de Lancheneil à Nuillé-sur-Vicoin où la rumeur a signalé un dépôt d’armes. A Argentan, le 29, c’est le club qui fait réquisitionner les canons du château de Rabondanges. Mais ce sont plus souvent les municipalités rurales et leur garde nationale qui sont sollicitées pour fouiller les châteaux. Dans la Mayenne, on se porte au château d’Hauteville à Charchigné, déjà attaqué en 1789 ; à celui d’Oisseau comme à celui d’Evron où la garde nationale réquisitionne les armes et les pièces de canon. Le départ de certains châtelains, comme ceux de Niafles, est interprêté comme une désertion et une trahison : la garde nationale de Craon arrête leurs voitures et les interne dans une maison pendant six semaines13. Dans la Sarthe, on signale au rédacteur du Journal Général que tous les châteaux des environs de Mamers ont été fouillés et leurs occupants contraints de se rendre en ville pour être placés sous surveillance. Le châtelain de St-Côme, quoique muni d’un passeport, a même été arrêté par la garde nationale de Rémalard avant d’être relâché sur ordre du département de l’Orne. Puis, d’autres troubles sont signalés dans le district de Sablé et du Mans où, notamment, les officiers municipaux et la garde nationale de Ballon ont procédé en bon ordre à la visite des châteaux des environs.

12Sur fond de vieilles luttes antiseigneuriales, les manifestations immédiates et spontanées des citoyens des campagnes s’inscrivent dans la prise de conscience générale qui modèle les comportements collectifs : la municipalisation des dépôts d’armes, au nom de la patrie en danger, est bien un mot d’ordre qui parcourt alors villes et campagnes. L’événement du 25 juin dans la Mayenne met en lumière un autre trait des mentalités populaires dans une société révolutionnée.

  • 14 A.N. F7 3682/10. Le 26 juin 1791, un arrêté du département de la Mayenne annonce l’arrivée de « br (...)
  • 15 A.D.M. L 2001. Le 21 septembre 1791 sont maintenus en prison un garçon-tisserand de Cuillé pour av (...)

13C’est jour de foire à Cuillé, modeste chef-lieu de canton du district de Craon, quand la nouvelle de la fuite du roi se répand et l’on dira, ensuite, que la responsabilité de l’affaire incombe à une multitude de Bretons14. Le château de Cuillé appartient à un ci-devant parlementaire de Bretagne, De Farcy, qui réside ordinairement dans son hôtel de Rennes. L’après-midi, son château est investi par la foule et pillé de fond en comble : on s’empare des miroirs de toilette et des chandeliers, on boit le vin et le cidre et tous les jeunes gens et jeunes femmes se parent de fleurs ou de branches d’orangers. C’est la fête au château pour tous ceux qui se disent « bons citoyens ». La garde nationale de Gennes intervient trop tard, après l’incendie du château qui a lieu dans la soirée. L’information judiciaire, conduite du 30 juillet au 15 septembre par Esnue de Lavallée, futur conventionnel, aboutit à l’arrestation de 25 complices dont l’âge moyen est de 28 ans. Cette jeunesse rurale qui célèbre dans la joie l’arrestation de Varennes est originaire des communes voisines d’une douzaine de kilomètres à la ronde. C’est en famille qu’ils sont venus à la foire et, à la fête, frères et sœurs, parents et enfants se sont retrouvés. Ce sont tous des salariés du monde rural qui ne savent pas signer leur nom ou qui l’écrivent avec beaucoup de difficultés15.

  • 16 Déjà, lors de la crise frumentaire du printemps 1790, les châteaux voisins, dans le district d’Ern (...)

14Dans cette histoire de gestes qui est muette sur l’événement qui la suscite, la fête des villageois au château de Cuillé s’inscrit dans la vieille lutte sociale contre les gens du château16. Que l’historien l’interprête comme la première fête républicaine ou comme une fête carnavalesque d’ancien style est sans importance au regard du rêve égalitaire qui se matérialise à l’annonce de la disparition du roi, vécue comme une bonne nouvelle.

  • 17 Journal du département de la Sarthe, 17 juillet 1791. Menacé de meurtre et d’incendie, Menjot d’El (...)

15La peur de juin 1791 n’a pas l’ampleur de celle de 89 ni de 92 ; on ne peut suivre de cheminement à partir d’épicentres ; les manifestations connues sont éloignées de centres urbains et jacobins et ont lieu dans des districts réfractaires au serment constitutionnel. Mais la mobilisation des campagnes se poursuit dans la première quinzaine de juillet. Le journal sarthois recense avec indignation les perquisitions de châteaux qu’ignore son confrère du Calvados. Dans l’ouest de la Sarthe, les habitants de plusieurs communes se réunissent le 3 juillet pour chercher des armes. Ainsi, 400 hommes armés, effrayant avec leurs moustaches et leurs hâches, obligent un notaire à marcher à leur tête vers le château de Chemiré-le-Gaudin, puis celui de Louplande, déjà visité quelques jours plus tôt par les habitants de Souligné. Le château est dévasté : les orangers ont été saccagés, les armoires et les malles ont été ouvertes, les chartriers bouleversés ainsi que tous les vieux parchemins. Lorsque le juge arrive pour établir le procès-verbal des dégradations, le tocsin rassemble tous les habitants qui contraignent le fonctionnaire à rebrousser chemin. Le même jour, à l’est du département, les municipalités et gardes nationales de Montfort, Lombron et La Chapelle-Saint-Rémy perquisitionnent dans le château du colonel de la garde nationale de Connerré17.

  • 18 A.D.O. L6125.
  • 19 Journal de la Sarthe, 4 et 25 septembre 1791.

16Les fêtes offrent, enfin, un autre cadre de rassemblement patriotique. Dans l’Orne, à Saint-Pierre-la Rivière, c’est le jour du 14 juillet qu’on casse les bancs de l’église et qu’on promène à l’envers sur un âne trois notables de la commune18. Dans la Sarthe, à Bouloire, c’est le lendemain de la fête nationale que la foule, encadrée par la garde nationale, se porte vers le château dont le régisseur et ancien feudiste est le procureur de la commune. La confrontation permanente entre la municipalité et la garde nationale, soutenue par le peuple, devient alors conflit ouvert : la foule déménage ses meubles et sa famille vers Le Mans tandis que le procureur fait ouvrir une enquête judiciaire qui aboutit au décret d’arrestation des officiers de la garde. L’huissier, chargé de l’exécution de la sentence, accompagné pourtant d’un détachement de gendarmes et gardes nationaux de Saint-Calais, est réduit à l’impuissance devant la mobilisation de toute la population. Enfin, c’est au moment de l’annonce de l’acceptation de la constitution par le roi que des troubles éclatent dans le district de Mamers où le châtelain de La Perrière doit venir se réfugier en ville19.

17Ainsi, la pétition, la presse et le club n’ont pas détrôné la rue, la fête et la foire comme lieux d’expression de l’opinion. Pourtant, l’absence de maîtrise du langage politique va écarter la masse rurale du débat idéologique qui va s’organiser autour du sort du roi. Avant de le présenter, il est important de donner à la fête de Cuillé toute sa place dans l’imaginaire politique des populations du bocage et de souligner, dans le vide laissé par l’absence du roi, que la Nation prend corps en désignant comme bouc-émissaire de la crise les anciens privilégiés, en municipalisant les dépôts d’armes et en assurant le pouvoir exécutif. Une « Nation orpheline » selon Aulard, singulièrement mûre pour la République.

Le roi et 25 millions de Français

  • 20 Reinhard, op. cité, p 88.

18Lorsque Vire organise la levée générale et proclame que « l’enlèvement du roi ne saurait changer le sort de 25 millions d’hommes »20, la cité du Calvados donne le cadre du débat politique de l’été 1791. Débat nouveau qui sollicite la publicité des opinions sur le régime politique de la France.

  • 21 Aulard (66)

19Le « républicanisme » dont se défend Robespierre est encore une idée neuve et équivoque dans les clubs de l’Ouest. Aucune parution ne permet, comme Aulard a pu le faire à Paris, de prendre acte de la naissance à la fin de 1790 d’un « parti républicain »21. Si ses organes de presse sont lus dans les clubs, les délibérations de juillet 1791 ne permettent pas à l’opinion républicaine de se développer. Pourtant, c’est l’époque où la question de la déchéance du roi est posée parallèlement à celle de l’extension du suffrage qui revient avec plus d’acuité dans les débats. Mais au Mans comme à Cherbourg ou Argentan, l’avant-garde politique essuie un échec. La motion du 30 juin contre l’inamovibilité et l’hérédité du « premier fonctionnaire public » a été ajournée et définitivement repoussée le 10 juillet dans le chef-lieu de la Sarthe. Celle de la déchéance du roi et l’élection d’un régent qui finit par aboutir le 15 juillet à Cherbourg provoque de nombreuses démissions dont le club tiendra compte en choisissant, une semaine plus tard, d’adhérer aux Feuillants pour réintégrer les démissionnaires. L’adresse du club d’Argentan demandant le 19 juillet à l’Assemblée nationale la mise en jugement du roi est aussitôt suspendue sur les conseils du frère et ami Goupil-Préfelm.

20Néanmoins, la fuite à Varennes marque un incontestable tournant dans l’opinion dominante dont la presse sarthoise est un bon reflet. Jusqu’à cette date, les Affiches de la Flèche qui entouraient Louis XVI des marques de respect attachées au corps du roi et à ses fonctions, hésitant ainsi entre « Sa Majesté » et le « Roi des Français », ne cachent pas leur consternation. Seule, l’intervention de la « populace » parisienne au Champ de Mars justifie le maintien du chef de l’exécutif, au nom de la constitution. Dès lors, le terme « républicain » apparait, connoté négativement comme « une faction », « des suppôts », « un fanatisme » ou « un système imbécile ». Toutefois, le journal témoigne aussi qu’au cours de cette année décisive l’amour de la Loi a remplacé l’amour du Roi.

21Accablé par une telle faute politique, Le Journal de la Sarthe se félicite d’abord que la fuite du « premier citoyen » n’ait suspendu aucune affaire d’ordre privé ou publique, comme la vente des biens nationaux. S’il s’enthousiasme devant les premiers enrôlements de volontaires et l’ardeur patriotique des habitants de la campagne, il les met ensuite en garde contre la violation des propriétés et le désarmement des riches habitants. Déchiré par l’imposant silence fait, pendant la fête de la Fédération, autour du nom du « malheureux Bourbon », il apostrophe son roi en le tutoyant pour expliquer qu’« un premier fonctionnaire » ne peut être « un maître » et que s’impose la clémence pour un peuple libre et souverain.

22Mais le Calvados offre, à cette époque de censure de la presse, une situation plus originale qui tient en partie au rôle médiatique de son évêque.

Un évêque républicain : Claude Fauchet

  • 22 Aulard, « Claude Fauchet », La Grande Encyclopédie.
  • 23 Ph. Le Harivel, Nicolas de Bonneville, préromantique et révolutionnaire (1760-1828), Strasbourg, 1 (...)

23L’abbé Fauchet, quand il est élu à 47 ans évêque du Calvados est, déjà, un personnage. Prédicateur du roi, indisposant la Cour par la liberté de son langage, il avait tout d’un « Fénelon révolutionnaire »22. Sa soutane trouée par les balles, le 14 juillet 1789, le consacra apôtre parmi les vainqueurs de la Bastille. Mais bientôt le voici oracle au Palais Royal, au sein de la Confédération des Amis de la Vérité. Procureur général du Cercle Social, il annonce une philosophie nouvelle en collaborant avec N. de Bonneville à La Bouche de Fer23. Consacré évêque constitutionnel, voici Claude Fauchet parcourant à partir du mois de mai sa terre de mission. Précédé par l’adresse élogieuse de la Société Fraternelle des anciens membres de la Commune de Paris que la société du chef-lieu diffusa dans le Calvados, ses prêches dans les églises comme ses discours à la tribune des clubs de Lisieux le 10 mai, de Caen les 11 et 13, de Bayeux le 14, de Caen les 20 et 21, de Honfleur le 26, de Lisieux les 28 et 29 où il annonce la création d’une société à Pont-l’Evêque, fondent sa réputation de nouveau Chrysostome.

  • 24 La Gazette de Paris, du 5 juillet, y voit l’œuvre « d’infâmes jacobites » puis, le 5 août, impute (...)

24Si les sources des clubs précisent le contenu de ses discours - comme celui du 28 mai à Lisieux où il réfuta la crainte d’un gouvernement républicain en montrant, à partir des derniers décrets, que celle de « voir renaître le despotisme » et d’être « la victime des folies d’un roi » était beaucoup plus grande- Le Courrier du Calvados qui, pourtant, ne tarit pas d’éloge sur « l’infatigable M. Fauchet », reste fort évasif. L’évêque, lié au milieu républicain de Paris, ne s’est pas contenté de prêcher « l’amour de Dieu et de la Patrie » après la fuite du roi. Mais sa mission républicaine est difficile à évaluer tant le journal patriote de Caen semble boycotter tout événement ou prise de position compromettant. On sait l’indignation que le petit club de Condé-sur-Noireau manifesta dans son adresse du 2 juillet à l’Assemblée nationale et reproduite dans le Journal des Amis de la Constitution : « Louis XVI est généralement regardé comme un traître et un parjure. Nous désirons que l’Assemblée nationale venge au plus tôt l’outrage qui vient d’être fait au peuple français ! ». Et, à défaut de sources clubistes à Bayeux et Caen, on connait par la presse nationale les événements qui ont eu lieu le 4 juillet dans le chef-lieu du département où la statue de Louis XIV a été renversée aux cris de « Plus de Louis ! » et le 20 juillet à Bayeux où les inscriptions de « Place Louis XVI » et « Rue Royale » ont été arrachées. Après l’arrestation de clubistes, dont le président de la société de Bayeux, le vicaire épiscopal Chaix d’Est-Ange, la municipalité de cette ville porta plainte contre l’évêque et son vicaire, accusés de prêcher la République dans les clubs. On sait que l’Assemblée nationale s’empara de cette pétition pour justifier son réquisitoire contre les clubs, rédigé par Le Chapelier un ancien du Club breton24.

  • 25 B.N. 8° Lk 7/1510.

25Le vainqueur de la Bastille qui a vu naître la souveraineté nationale juge que la fuite du roi fait avancer l’infaillible destinée du peuple dans son discours épiscopal, le 14 juillet 1791, devant l’autel de la Patrie à Caen. Son commentaire, adapté aux circonstances, de l’Évangile selon St-Luc rappelle que le Libérateur du genre humain avait en horreur les despotes dont il fut la victime et qu’il a donné, avec ses premiers disciples, le modèle d’une république qui doit servir d’exemple universel25. Enfin, sa Prière à la Nation française que Le Courrier du Calvados n’a pas plus reproduite, se place sous l’invocation du Seul Souverain que l’homme d’Église reconnaisse et qui a déposé les puissants pour élever les humbles. L’adresse de la société de Caen témoigne des mêmes réticences aux discours de son évêque puisqu’elle approuve les décrets des 15 et 16 juillet de l’Assemblée nationale en ajoutant : « Nos devoirs sont de désabuser nos frères égarés par les principes d’un républicanisme plus pernicieux encore qu’il n’est exécutable ». Toutefois, elle réserve un acceuil chaleureux à sa personne lorsqu’elle apprend le nombre de ses ennemis à Bayeux.

  • 26 B.N. 8° Ld 4/8010. Entre temps, le 10 août, le club de Caen, sous la présidence de Fauchet, s’étai (...)
  • 27 D’après un article de La Bouche de Fer, cité par Aulard.

26Le 24 août, alors qu’une campagne de presse nationale prélude à l’instruction d’une procédure par le ministère de la Justice, l’évêque du Calvados, président de la société des Amis de la Constitution de Caen, adresse une circulaire à tous les curés de son diocèse et à tous les clubs du département dans laquelle il dénonce l’arrivée massive à Caen d’aristocrates et appelle les gardes nationaux à venir prêter main forte à ceux du chef-lieu26. Toujours président du club le mois suivant, son élection triomphale à l’Assemblée Législative, alors qu’il est frappé d’un décret de prise de corps, couronne le pugnace « prédicateur de l’égalité »27.

Apparition d’une presse pamphlétaire en Normandie

27Alors que Le Courrier du Calvados veut ignorer toute manifestation répulicaine et consacre tous ses éditoriaux de juillet à convaincre ses lecteurs que Louis XVI n’est ni parjure ni déserteur, une presse pamphlétaire surgit pour contester l’ordre du discours dominant et la censure gouvernementale.

28On ne connait pas les auteurs des Epîtres de Jean Bart aux habitants du Calvados, de Duchesne-Boudant à ceux de Caen et du Redoutable Père Jean de Domfront qui paraissent dans l’été 1791. Toutefois, les deux premiers sont imprimés à Caen par les presses du Courrier du Calvados qui, par ailleurs, en assure la publicité auprès de ses abonnés. Le dernier, quoiqu’imprimé à Paris, était l’œuvre d’un Domfrontais dont le grand érudit Léon de la Sicotière n’a pas voulu dévoiler le nom. Le surgissement d’une forme d’expression qui utilise l’arme du rire dans le contexte historique de la fuite du roi mérite un examen d’autant plus attentif qu’il n’a guère de précédent et sera sans lendemain.

29L’appropriation de la culture révolutionnaire de la capitale est d’abord à souligner. Les personnages qui permettent aux publicistes normands de jouer fictivement du « Je » sont des héros popularisés à Paris depuis 1790 : Jean Bart, l’ancien marin, fume la pipe, jure à tout bout de champ et boit chopine avec le père Duchesne, marchand de fourneaux ; le père Jean, fils de tonnelier, a passé sa vie à voyager avec ses compères Mathieu et Don Diego. Du bas de l’échelle sociale d’où ils sont issus, ils ont conservé le langage familier et utilisent volontiers, à Caen comme à Paris, les expressions injurieuses à caractère sexuel. Du haut où leurs humanités ou leurs voyages les ont placés, ils sont capables d’éclaircir les débats politiques en faisant, comme le Père Jean, de savantes références à l’histoire antique. Ces médiateurs culturels sont de bons patriotes. Le bois gravé qui orne la une de Jean de Domfront le présente un sabre à la main droite, deux pistolets à la ceinture et une pique coiffée du bonnet phrygien à la main gauche ; derrière lui, la Bastille d’un côté et, de l’autre, le couvent où il a laissé son habit de capucin ; à ses côtés, une table garnie d’un pichet et d’une chope. Enfin, Jean Bart et le Père Jean se réclament du Père Duchesne dont la lecture déchainait les éclats de rire au club d’Alençon, ville natale de son principal rédacteur.

30Les événements qui ont donné l’occasion aux pamphlétaires normands d’un commentaire à chaud de l’actualité sont : la convocation des assemblées primaires (1ère épître de J. Bart), la fuite du roi (2ème épître), la démolition de la statue de Louis XIV à Caen (Duchesne-Boudant), les décrets des 15 et 16 juillet (3ème épître), la fusillade du Champ de Mars (1er numéro du Père Jean) et les menaces de guerre d’août 1791 (3ème numéro). En réponse à ces grands événements nationaux ou locaux, entrent en scène des personnages issus des tréteaux de foire qui manient le vocabulaire de la place publique. La dérision carnavalesque, qui correspond à la suspension du pouvoir monarchique, et l’intrusion du rire qui succède à la peur permettent d’établir une communication entre plusieurs publics reconnaissant dans Jean Bart le bonimenteur des jours de foire ou dans le Père Jean le héros picaresque du siècle des Lumières. Car c’est une vieille tradition littéraire que la révolution politise. En témoigne surtout la continuation des aventures de Jean de Domfront, emprunté à l’ouvrage licencieux de Du Laurens, Le Compère Mathieu ou les Bigarrures de l’esprit humain (1766), dont l’auteur anonyme du pamphlet de l’été 1791 rappelle la longue histoire aventureuse dans le premier numéro pour faire de ce héros un grand patriote du faubourg St-Antoine. L’imaginaire politique puise à de multiples sources, à la fois populaires - c’est l’image naïve du graveur sur bois et la saveur des expressions familières dans le langage du porte-parole - et érudites, dans la formalisation savante du grotesque et l’élaboration claire du discours politique.

31Au delà des points communs qui tiennent à la contestation de l’ordre du discours, les trois séries de pamphlets se distinguent par le choix des événements qui motivent la prise de parole. Jean Bart s’adresse aux habitants du Calvados, avant les élections prévues pour le mois de juin, parce que c’est le département « le plus gangrené de l’empire ». La première lettre marque l’entrée dans la campagne électorale en reprochant aux habitants « leurs courbettes aux ci-devant », en fustigeant le choix des « coqs de paroisse » et autres « gros bonnets » qui ne font pas appliquer les décrets pour conseiller l’élection « d’hommes neufs » et de « bonnets de laine ». La seconde est consacrée à la fuite de Louis XVI, « un triste sire qu’on croyait bon homme ». Bien documenté sur la réquisition des poudres et canons, sur le rôle de l’évêque, « un solide particulier qui ne ménage personne et a raison » dont « une femme me disait l’autre jour qu’il convertirait le diable », Jean Bart appelle à la surveillance des aristocrates toujours redoutables, malgré « leur figure renversée » et dont « les calotins » feraient bien de se tenir éloignés. Enfin, J. Bart pense que l’Assemblée nationale a eu raison de considérer « l’escapade royale comme un quart de foutaise » et de faire du roi « le centre d’unité pour faire exécuter la loi » car ceux qui veulent « culbuter la royauté ne sont que des cerveaux estropiés, des tas d’aboyeurs et des bougres de tribuns incapables de s’entendre entre-eux ». Une quatrième épître est mentionnée dans Le Courrier du Calvados du 1er septembre, dans le nouveau contexte électoral. C’est l’instruction judiciaire relative à la démolition de la statue royale qui motive l’intervention du Père Duchesne. La mise à terre de l’effigie royale à Caen est traitée comme un fait divers sans portée politique qui ridiculise l’accusateur public, manipulé par les aristocrates, tout en contestant une justice qui cherche à compromettre « les habits bleus » au moment où elle libère « le fanatique prêtre, perturbateur de l’ordre ».

32A la différence de ces deux séries de pamphlets qui partagent l’opinion des journalistes caennais qui ont pris la défense de Claude Fauchet et ont opté pour le compromis politique de la Constituante, le pamphlet, imprimé à Paris, se situe dans la mouvance cordelière qui n’est pas structurée en province. Le Père Jean de Domfront prend la parole, en effet, après « le carnage du 17 juillet qui n’aurait jamais dû salir la belle révolution française ». S’engageant à succéder « au véritable Père Duchesne, tué très illégalement », il réclame « la liberté de penser, de parler et d’écrire ». Liberté, égalité, fraternité, patrie, union sont les grandes valeurs qu’il ne cesse de marteler pour réfuter l’épithète de « factieux » qui court désormais à Paris et dans les départements. Les menaces de guerre l’engagent, dans le troisème numéro, à militer pour le rassemblement de tous les patriotes en demandant aux législateurs de mettre fin à la distinction entre citoyens actifs et passifs, de s’occuper des pauvres qui sauront vaincre ou mourir si l’on s’occupe de leur travail et de leur salaire et, enfin, de créer les bases d’une « fédération universelle des peuples ». Pas d’allusion à la vie locale de sa contrée d’origine, pas un mot non plus sur le premier fonctionnaire public. En revanche, la prédominance du thème social dans le pamphlet parisien souligne les différences avec les représentations provinciales de la vie politique, telles qu’elles se sont exprimées dans l’imprimerie du Courrier du Calvados : la subversion formelle de l’ordre du discours, dans les pamphlets caennais, n’implique pas une révolution du champ politique.

Le bastion royaliste normand

33Entre la consternation provoquée par l’arrestation du roi et son acceptation de la constitution, il n’est pas facile de saisir les manifestations royalistes pendant l’été 1791.

  • 28 Voir A. Challamel, Les clubs contre révolutionnaires, Paris, 1895, p 171 et L. Coudart, « Les lect (...)

34Si Le Courrier du Calvados mentionne la joie des abonnés caennais à l’arrivée de la poste, quand reparait L’Ami du Roi de l’abbé Royou, et nous informe que certains cafés de la ville leur servaient de lieux de rencontre, on ne connait pas de structures associatives qui, ailleurs, ont été signalées. On ne sait si c’est une Société des Amis de la Paix, ou un cercle pour lire La Gazette de Paris qui était projeté à Falaise28 et, aussitôt, dénoncé par la société des Amis de la Constitution qui n’a pas toléré la création d’un club monarchique dans la ville le 18 septembre 1791. De fait, l’opinion royaliste normande n’a occupé qu’une place mineure dans l’espace public. Il est évidemment difficile d’apprécier l’influence des prêtres non-conformistes, dont se préoccupe beaucoup la presse patriote, dans ces départements globalement réfractaires au serment constitutionnel, à l’exception de l’Eure et de la Manche.

  • 29 Godechot (194), p 480. A.N. C 207 et C 210.

35Les papiers mis sous séquestre en août 1792 de B. Farmain du Rozoi restent le principal indicateur d’une opinion royaliste déclarée et publique, malgré le caractère très fragmentaire des registres d’abonnement à La Gazette de Paris qui ne livrent que quelques centaines de noms et adresses, alors que le tirage du journal variait de 2 à 5.000 exemplaires. Or, l’un des quotidiens les plus hostiles à la Révolution compte dans ces départements, de 1790 à 1792, 73 abonnés, soit le dixième de ses lecteurs connus. Le Calvados est le département classé au premier rang des abonnés provinciaux29. Mis à part la dizaine d’abonnés caennais, les lecteurs sont surtout des ruraux (45 %). La grande majorité des abonnés sont, comme dans le reste de la France, des ci-devants (57 %). Ils font adresser leur quotidien soit dans leur hôtel en ville, soit dans leur château à la campagne ; mais nombreux sont ceux qui donnent l’adresse d’un voisin en ville. Surtout, et c’est très original dans la presse révolutionnaire, plus de la moitié sont des femmes (53 %). Les imprimeurs Le Roy à Caen, Bouquet à Falaise, Gomont à St-Lô comme les libraires Le Baron à Caen, Mistral à Lisieux, Chérier au Mans ont peut-être tenu un cabinet de lecture. Les curés ne représentent qu’une infime proportion d’abonnés (7 %), inférieure de moitié à la moyenne nationale. On en trouve un dans les villes de Caen et Argentan, les trois autres dans les campagnes du Calvados et de la Mayenne. Mais il faut signaler que la profession de 19 % des abonnés n’est pas signalée. Enfin, trois marchands (à Bernay, Fiers et Alençon), un boulanger (Alençon), un receveur (Bayeux) et un homme de loi (Craon) complètent la liste des lecteurs attitrés.

  • 30 B.N. 4° Le 2/255. La Gazette de Paris, le 14 juillet 1791.

36Mais l’audience du journal ne se réduit pas au nombre de ses abonnés : la campagne préparée par Du Rozoi le 11 juillet 1791 le montre bien. Le recrutement de volontaires qui s’offrent en « otages » pour obtenir la pleine liberté du roi obtient un succès public en Normandie et, surtout, dans le Calvados, avec près de 200 réponses dans l’été, soit environ 5 % du résultat national. C’est le 14 juillet que le journal lance son projet de « Pacte de Famille » pour contrer la Fédération dite « républicaine » et « imaginée au xvième siècle par la secte du protestantisme ». Il propose de célébrer en ce jour la fête de « l’amour filial », réunissant toute la famille autour de son chef « Sa Majesté Catholique ». Parmi les premiers à s’inscrire dans ce pacte, on rencontre le nom du futur chef de l’armée fédéraliste, avant d’être celui des émigrés, le comte de Puisaye qui déclare : « Je jure sur mille ans de noblesse, sur l’honneur de ma race, sur mon épée, en face du Dieu que j’adore, d’être à jamais fidèle à mon Roi et à ma Souveraine »30.

  • 31 Bertaud (36) p 16.

37Succès public ? Assurément, même si ceux qui répondent massivement sont des jeunes nobles, des femmes et des curés. Toutefois, la mobilisation nationale des royalistes marque ses limites si on la rapporte à l’engagement de quelques 600 volontaires par département pour défendre la Patrie et qui fut beaucoup plus massif dans les départements côtiers, particulièrement dans le Calvados31.

La crise feuillante

  • 32 Maintenant (102).
  • 33 Correspondance des frères Lindet publiée par Montier, Société d’Histoire de la Révolution français (...)

38La décision de l’Assemblée nationale de redonner au corps du roi le caractère sacré d’antan, par le décret sur l’inviolabilité du 15 juillet, en le régénérant par un nouveau serment civique, ouvre une grande crise dans le mouvement jacobin. La scission des Feuillants, le 16 juillet, révèle aux provinciaux les difficultés du compromis politique dans la capitale32. Le 18, au lendemain de la Fusillade du Champ de Mars, Thomas Lindet, constituant et évêque d’Evreux, écrit à son frère dans l’Eure : « L’opinion était formée dans Paris ; ce n’était pas celle de quelques factieux, ce n’était pas une opinion factice : il ne restait plus de traces du nom du roi effacé partout ; on voulait voir abolir la chose... La haine du roi faisait vouloir l’abolition de la royauté ; la crainte du désordre va réconciler avec la royauté et peut-être avec le roi »33. L’analyse des réactions des clubs de l’Ouest à la scission de la société-mère permet d’éclaircir les conditions de formation et d’évolution des opinions collectives.

39La surprise et la consternation caractérisent les adresses des clubs de Bernay, Louviers et Verneuil (Eure), d’Alençon, Argentan et Bellême (Orne) et de Bayeux (Calvados) qui réclament l’union de tous les patriotes. Mais les sociétés des Amis de la Constitution du Mans (Sarthe), d’Honfleur (Calvados), de Cherbourg, St-Lô et Valognes (Manche) soutiennent la scission alors qu’aucune ne manifeste sa fidélité à la vieille maison. Que l’opinion modérée règne sans partage, dans la première quinzaine de juillet, n’est pas une surprise après les prises de position conformistes du Mans et de Cherbourg, notamment, sur la question du suffrage et de la forme de gouvernement.

  • 34 R. Halévi, « Feuillants », (89) p 366-372.
  • 35 B.N. 8° Lb 40/805. Dans la liste des membres du club des Feuillants figurent Besnard-Duchêne (Valo (...)

40Car il faut souligner l’influence des Feuillants dans les départements. Grâce aux archives qu’ils ont déménagées au moment de la scission et au journal de la société, ils maîtrisent la correspondance avec les sociétés affililiées. Contrairement à ce qui a pu être rapidement écrit34, les Feuillants ont déployé une tactique conforme à leur stratégie de suspicion vis à vis des démocrates parisiens. C’est, d’abord, la circulaire du 16 juillet qui tranquillise aussitôt le club de Valognes comme celui de Saint-Lô et leur fait approuver la dénonciation des séances tumultueuses et l’attachement à l’Assemblée nationale. C’est, ensuite, l’accélération des affiliations demandées en supprimant, le 29 juillet, les conditions nécessaires auparavant ; ainsi, ont été affiliées les sociétés de Moyaux (Calvados), Château-Gontier (Mayenne), Granville et Thorigni (Manche). C’est, enfin, le rôle joué par les députés qui, à de rares exceptions près, ont tous opté pour le compromis politique35. Leur influence a été plus ou moins importante selon qu’ils entretenaient une correspondance suivie ou pas avec le club de leur ville. C’est le cas de Bécherel, l’évêque de la Manche, avec le club de Cherbourg dont le portrait ornait même le local. Le club qui ne se prononce pas à la réception, le 20 juillet, de la circulaire des Feuillants car il attend un courrier des Jacobins qui n’arrivera que le 26, décide aussitôt reçue la lettre de Bécherel, le 22, de s’affilier aux Feuillants. C’est le cas, aussi, de Mollien à Honfleur et de Livré au Mans, dont les correspondances sont moins décisives puisque le club du Calvados s’est prononcé sur les conseils d’un autre membre influent alors à Paris, Taveau (futur conventionnel) et celui de la Sarthe a décidé la scission trois jours avant de recevoir la lettre de son député faisant l’apologie des Feuillants.

41D’autres Constituants étaient les fondateurs du club de leur ville. Si l’on peut penser que l’influence de Buschey à Bernay a été équilibrée par celle de Thomas Lindet, en revanche le prestige de Goupil-Préfelm n’a pas été déterminante sur le club d’Argentan. Orateur redoutable, il défendit le 10 juillet, devant les Jacobins hostiles, le principe de l’inviolabilité du roi ; à la tribune de l’Assemblée, le 15 juillet, il dénonça les sociétés patriotiques en assurant qu’« on voulait substituer la clubocratie à l’aristocratie ». A la réception de la lettre de leur compatriote, devenu président du club des Feuillants, les clubistes qui venaient de se prononcer pour la mise en jugement du roi choisirent d’envoyer, le 23 juillet, une lettre favorable à la réunification. Puis, leur adhésion aux Jacobins, le 18 août, après la lettre de Robespierre, montre les limites de l’influence que peut exercer un tel député dans un modeste club provincial et révèle la force d’un mouvement d’opinion qui contraint le prestigieux ex-constituant à justifier, le 9 octobre, sa conduite devant ses compatriotes. L’attitude du club d’Alençon, chef-lieu du département, sera encore plus intransigeante en refusant d’admettre l’ex-Feuillant dans le local de ses séances, le 20 novembre et en proposant, une semaine plus tard, de rayer de ses sociétés affiliées le club d’Argentan qui a pardonné les erreurs de Goupil-Préfelm, après son amende honorable, en le choisissant comme président.

  • 36 Mathiez (104 et 105)
  • 37 A.C. Le Mans, 1007.

42Le rapport de forces se modifie, en effet, dès la première quinzaine du mois d’août où comme Alençon, Vimoutiers (Orne), Le Mans (Sarthe), Caen, Lisieux (Calvados), Avranches (Manche), Evreux, Pont-de-L’Arche (Eure) optent pour les Jacobins. Le premier club à se prononcer en leur faveur, le 3 août, est celui du bourg de Vimoutiers. Déjà, le 23 juillet, il s’était élevé contre « la pusillanimité de l’Assemblée nationale » en ajoutant : « Nous sommes vraiment découragés du peu de fermeté que montrent nos Représentants au sujet du roi », mais il admirait autant, alors, Robespierre que Barnave. Puis, le 7 août, c’est la Société Fraternelle du Mans, installée dans le faubourg populaire, où fabricants et marchands cotoient cordonniers et jardiniers, où on fait fi de la distinction entre citoyens actifs et passifs qui conseille celle des Amis de la Constitution, siégeant dans la ville haute, de maintenir son affiliation aux Jacobins. Dans ce « berceau de la sans-culotterie » 36 mancelle, la soixantaine de membres qui signent la pétition du 24 août pour solliciter directement du club parisien leur affiliation, dénoncent la persécution des « plus zélés défenseurs de nos droits » et ajoutent : « Quel était l’espoir de nos ennemis ? Craignent-ils, à leur aspect, de voir renaître dans nos climats les vertus austères de Rome libre ?...Bientôt, au milieu de nous, rentrés dans la classe de simples citoyens, nous les traduirons devant le tribunal de l’opinion publique. L’aspect d’un parti nombreux et puissant ne pourra jamais nous ébranler ; imbus de vos principes, sortis de votre exemple, nous serons incorruptibles comme vous. Comme vous, bravant la calomnie, nous péririons intacts ou nous vivrons libres ! »37. Sous leur pression, la principale société mancelle va décider, le 14 août, de renouer la correspondance puis, le 28, de maintenir l’affiliation aux Jacobins.

43Le principe de la double correspondance est le compromis utilisé dans les clubs qui avaient fait allégeance aux Feuillants. Celui d’Honfleur, par exemple, écrit le 10 août aux Jacobins, aux Feuillants et au frère et ami Taveau. Aux premiers, il dit sa réticence devant les « démocrates affectés » ; aux seconds, il reproche la pérennité de « l’esprit de faction » ; au dernier, il indique son revirement par la nécessité de l’union. La rupture avec les Feuillants n’est consommée qu’à la fin octobre, comme à Cherbourg où, après un semestre de luttes intestines, les pro-jacobins l’ont emporté le jour où le club a pris connaissance du décret du 9 octobre 1791 rapporté par Le Chapelier, au nom du Comité de constitution, limitant son intervention publique.

44Plus que l’efficacité de la propagande jacobine, c’est bien le débat politique en cours qui modifie l’opinion provinciale sur la scission. Au club d’Alençon, c’est le renforcement des conditions censitaires d’accès à l’électorat qui, le 8 août, motive à la fois sa pétition à l’Assemblée nationale contre le marc d’argent et sa demande d’affiliation aux Jacobins ; à Cherbourg, c’est le réquisitoire de l’illustre Feuillant contre l’existence politique des sociétés patriotiques qui provoque la prise de conscience de l’enjeu politique de la scission. La formation d’une opinion collective est trop complexe pour être réduite au concept de manipulation : la politique feuillante a échoué, non par l’inefficacité de sa propagande, mais parce que l’expérience concrète d’un été républicain a transformé la communication politique.

  • 38 Les nouveaux clubs : Périers, Thorigny-sur-Vire, St-Hilaire du Harcouet (Manche), Sablé et La Flèc (...)

45Certes, la participation clubiste au débat politique n’est pas uniforme : un tiers des clubs n’ont pas pris position sur la scission ; mais elle se développe avec la création d’une douzaine de clubs, dont huit dans le seul mois de juillet38. Non seulement le roi a perdu toute considération depuis Varennes, mais la représentation nationale au sein d’une Assemblée qui a opté pour le compromis avec la Cour, n’est plus seule gardienne de la légitimité révolutionnaire.

***

46En multipliant les sources d’analyse sur la perception de la fuite du roi, nous avons montré la grande variété non seulement des attitudes politiques et leur impact respectif sur la population (défense du régime constitutionnel contre la propagande républicaine ou monarchique), mais aussi les lieux et mécanismes de formation de l’opinion politique. La pétition, le journal et le club, c’est-à-dire les formes modernes de la culture politique, ne détrônent pas dans une France rurale les méthodes d’action directe de la communauté villageoise, même si elles se moulent dans les cadres institutionnels nouveaux de la municipalité ou de la garde nationale.

47Cette coexistence de différents niveaux de prise de conscience se traduit dans l’inventaire des formes d’expression politique. Une fête carnavalesque dans un bocage noir de prêtres réfractaires, le prêche républicain d’un évêque en mission dans le département le plus royaliste de France, un légalisme prudent dans un Cotentin optant pour la constitution civile du clergé et pour le parti feuillant et faisant sienne la devise proposée par le club cherbourgeois « Liberté d’opinions, liberté d’expression et soumission à la loi », une critique de la représentation parlementaire par les « sans-culottes » manceaux au nom de la souveraineté populaire constituent autant de représentations constitutives d’une réalité historique dans sa complexité sociale.

48L’attention portée aux mentalités collectives souligne, tout autant que l’offensive contre les clubs inscrite dans le rapport Le Chapelier, l’importance du puissant mouvement d’opinion qui transforme, dans la crise de l’été 1791, l’association patriotique en une force politique nationale : la conquête de son autonomie dans le champ politique est devenue une donnée essentielle de la culture révolutionnaire.

Note

1 Après les travaux fondateurs de J. Habermas, ceux des historiens M. Ozouf (60) p 21-53, R. Chartier (177) p 32-52.

2 Voir Bourdieu (51) p 222-236, J. Padioleau (61), JJ Becker « L’opinion » (56) p 161-185 ; P. Laborie (59), P. Champagne (54).

3 A.D.S. L 270. Délibérations des 23 et 24 juin 1791 de la municipalité du Mans. c’est sur des terres plus paisibles qu’après le 10 août se réfugiera le citoyen Dreux, vite considéré comme un émigré dans les districts d’Evron et de Sillé où l’on vendra une partie de ses terres et du mobilier de son château de La Lucassière, avant d’apprendre sa radiation de la liste des émigrés.

4 A.N. F7 3682/10

5 D’après Le Journal Général de la Sarthe, 10 juillet 1791.

6 Reinhard (116) p 431 et 454.

7 A.N. F7 3684/3. « Mémoire relatif à l’état de Mortagne, aux causes de l’anarchie effrayante sous laquelle gémissent les bons citoyens et aux moyens que le pouvoir exécutif pourrait utiliser ».

8 Aulard (67).

9 Décret des 10, 18 et 22 mai 1791, rapporté par Le Chapelier le 9 mai : « Le droit de pétition appartient à tout individu et ne peut être délégué. En conséquence, il ne pourra être exercé en nom collectif par les corps électoraux, judiciaires, administratifs ni municipaux, par les sections des communes, ni les sociétés de citoyens ». Cité par Aulard (35), p xciii.

10 D’après P. Caron et Ph. Sagnac, Le Comité des Droits Féodaux et de Législation et l’abolition du régime seigneurial, Paris, 1907, p 197.

11 A.N. DXIV 2/3/5/6/8 et 10. Les pétitions au Comité des Droits Féodaux sont classées par départements.

12 A.D.O. L 2613. Le châtelain de La Motte-Fouquet, en « citoyen opprimé », porte plainte le 4 juillet auprès des autorités départementales de l’Orne qui lui rendront justice en condamnant cet acte de violence et en lui faisant rendre ses armes.

13 D’après V. Duchemin et R. Triger, Les premiers troubles de la Révolution dans la Mayenne, 1888.

14 A.N. F7 3682/10. Le 26 juin 1791, un arrêté du département de la Mayenne annonce l’arrivée de « brigands de Bretagne » qui viennent incendier les châteaux. Celui de Martigné-Ferchaud a été également brûlé. Voir Abbé Gaugain, Histoire de la Révolution dans la Mayenne, Laval, 1917, t 1, p 240 et R. Dupuy (85) p 243.

15 A.D.M. L 2001. Le 21 septembre 1791 sont maintenus en prison un garçon-tisserand de Cuillé pour avoir mis le feu avec un cierge à la chapelle, deux sœurs travaillant dans un cabaret de Rannée pour avoir commencé le pillage, les cabaretiers père et fils de ce même village breton, un garçon-laboureur de Méral, un tisserand et un garçon-charpentier de Gennes pour avoir cassé les meubles. Le 12 janvier 1792, de Farcy récupère les objets volés.

16 Déjà, lors de la crise frumentaire du printemps 1790, les châteaux voisins, dans le district d’Ernée, avaient été visités par les villageois à la recherche de grains qui ont été réquisitionnés et taxés (A.D.M. B 1723).

17 Journal du département de la Sarthe, 17 juillet 1791. Menacé de meurtre et d’incendie, Menjot d’Elbenne porte plainte et la renouvelle le 15 juillet sans aboutir, en vertu de la loi d’amnistie du 15 septembre. Il récupère ses armes le 12 novembre.

18 A.D.O. L6125.

19 Journal de la Sarthe, 4 et 25 septembre 1791.

20 Reinhard, op. cité, p 88.

21 Aulard (66)

22 Aulard, « Claude Fauchet », La Grande Encyclopédie.

23 Ph. Le Harivel, Nicolas de Bonneville, préromantique et révolutionnaire (1760-1828), Strasbourg, 1923.

24 La Gazette de Paris, du 5 juillet, y voit l’œuvre « d’infâmes jacobites » puis, le 5 août, impute aux protestants la responsabilité du déboulonnage de la statue du révocateur de l’Edit de Nantes. Voir aussi, le Journal des Clubs ou Sociétés patriotiques du 24 août 1791 et Aulard (35), p xciv.

25 B.N. 8° Lk 7/1510.

26 B.N. 8° Ld 4/8010. Entre temps, le 10 août, le club de Caen, sous la présidence de Fauchet, s’était prononcée pour le maintien de l’union avec les Jacobins, « notre premier point de ralliement ».

27 D’après un article de La Bouche de Fer, cité par Aulard.

28 Voir A. Challamel, Les clubs contre révolutionnaires, Paris, 1895, p 171 et L. Coudart, « Les lecteurs de la Gazette de Paris », (98) p 211-221.

29 Godechot (194), p 480. A.N. C 207 et C 210.

30 B.N. 4° Le 2/255. La Gazette de Paris, le 14 juillet 1791.

31 Bertaud (36) p 16.

32 Maintenant (102).

33 Correspondance des frères Lindet publiée par Montier, Société d’Histoire de la Révolution française, 1899.

34 R. Halévi, « Feuillants », (89) p 366-372.

35 B.N. 8° Lb 40/805. Dans la liste des membres du club des Feuillants figurent Besnard-Duchêne (Valognes), Bécherel (Cherbourg), Vieillard (St-Lô), Angot (St-Sauveur) Pouret (Périers), Mollien (Honfleur), Le Roy (Bayeux), Pain (Caen), Enjubault de la Roche (Laval), Maupetit (Mayenne), Goupil de Préfelm (Argentan), Livré et Ménard-Lagroye (Le Mans), Buschey-Desnoër (Bernay).

36 Mathiez (104 et 105)

37 A.C. Le Mans, 1007.

38 Les nouveaux clubs : Périers, Thorigny-sur-Vire, St-Hilaire du Harcouet (Manche), Sablé et La Flèche (Sarthe), St-Pierre-sur-Dives (Calvados), Ginai (Orne), Château-Gontier (Mayenne).

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