Aimer et détester la police ?
Le peuple et les polices au siècle des Lumières
Loving and hating the police? The people and the police during the Enlightenment
p. 49-64
Résumés
Quel rapport le peuple de Paris entretient-il à l’autorité et à un système policier qui a une réputation d’excellence et d’efficacité à l’échelle de l’Europe au Siècle des Lumières ? Si les témoignages directs sont rares, archives judicaires et policières laissent entrevoir une forte tradition de tensions et de résistances à l’égard des forces de police. L’attitude des populations est néanmoins plus nuancée. En effet, la police des Lumières mène une politique consciente visant à renforcer la légitimité de son action, à se faire accepter, voire aimer, grâce à son travail de médiation, aux multiples services qu’elle rend et à l’amélioration de ses agents. Mais en dépit de ses efforts et de ses discours, l’accumulation des tensions sociales et politiques dans les années 1780, l’aspiration à de nouveaux droits contraires à l’arbitraire conduisent à la critique radicale d’une police de plus en plus assimilée au « despotisme » de l’Ancien Régime.
What was the relationship of the people of Paris with authority and with a police system which had a Europe-wide reputation for excellence and efficacy during the Enlightenment? If direct testimonies on this question are rare, legal and police archives hint at a strong tradition of tension and resistance towards the police. The attitude of the city’s inhabitants was nevertheless more nuanced than this. Indeed, the police of the Enlightenment period conducted a conscious policy aimed at reinforcing the legitimacy of its work, at making itself accepted, and even loved, thanks to its work as a mediator, the multiple services it rendered and the improvement of its agents. Yet despite its efforts and rhetoric, the accumulation of social and political tensions in the 1780s and the aspiration to new rights contrary to arbitrary rule led to a radical critique of a police which was increasingly assimilated to the ‘despotism’ of the Old Regime.
Texte intégral
1La conclusion du Peuple de Paris s’intitule « Le peuple et les polices ». Cette ouverture, en apparence éloignée des préoccupations liées à l’étude de la « culture matérielle » qui constituent la trame de l’ouvrage, ne doit pourtant pas étonner1. D’abord parce que cette grande administration de la police parisienne, symbolisée par la puissante machine du Châtelet et de la lieutenance générale de police, exerce des responsabilités très larges qui, de la voirie à la régulation du marché du travail, des subsistances à la salubrité publique, de l’assistance aux mœurs, déterminent pour une part les conditions de vie du plus grand nombre2. Mais peut-être faut-il plus fondamentalement relever que cette ouverture vient au terme d’un ouvrage qui s’emploie à rendre compte de la culture du peuple, au sens matériel et anthropologique, avec le souci de tenir à distance le discours de la sauvagerie et de l’étrangeté tenu par les réformateurs et les observateurs moraux, ainsi qu’une interprétation misérabiliste des difficultés de la vie fragile, conduisant à imaginer ce peuple comme abruti de misère, passif, aliéné. Mais il s’agissait aussi de se déprendre du mythe d’un peuple acteur, inéluctablement en marche vers le Grand Soir. Le propos de Daniel Roche invitait à interroger le rapport du peuple à l’autorité et à la discipline dans sa diversité, plus largement à la civilisation urbaine : le peuple est-il policé, à quelles conditions peut-il l’être ? À la fin d’une démonstration qui restituait au peuple sa part de liberté et les accommodements dont il fut capable avec les contraintes ordinaires de la vie, en un mot qui rendait justice à une forme de richesse, ignorée, méprisée, de la vie des classes populaires, pouvait-on envisager les relations entre la police et la population autrement qu’à travers l’alternative simpliste : se soumettre ou se révolter ?
2 Du côté des administrateurs et de maints observateurs, l’affaire est entendue : le peuple est incapable de se policer de lui-même. Il faut un appareil et des politiques pour le guider, le contenir, éduquer ses franges les plus stables3. À cet égard, le projet policier se déploie dans trois domaines clefs qui connaissent tous, au siècle des Lumières, des turbulences et des transformations importantes : les subsistances et l’abondance sur les marchés sans laquelle le contrat d’obéissance qui lie le peuple à son souverain est rompu ; la discipline du travail dont procède la place que l’on occupe dans la hiérarchie des états, mais aussi l’obéissance à une injonction religieuse et morale dérivée du péché originel ; le contrôle extensif des mœurs enfin, qui permet de cibler les milieux à risques, creuset des futures classes dangereuses et de l’imaginaire des bas-fonds4. Au-delà des transformations de l’économie réelle, les deux premiers domaines sont traversés par les remises en cause et les vives controverses portées par les tenants de l’économie politique libérale à partir des années 1760 ; elles ébranlent les conceptions de la police, mais aussi ses manières de faire, longtemps plus préventives que répressives, en prétendant réduire le champ de ses interventions conformément aux conceptions d’un État maigre5. Comment dès lors obtenir l’obéissance du peuple si on confie au seul marché « libre » le soin de le nourrir et si l’idée d’une subordination par le travail est détrônée par le principe subversif d’un contrat librement négocié ? Le troisième domaine retient pour sa part l’attention parce qu’il donne lieu au xviiie siècle à une extension sans précédent des moyens de la police du Châtelet, dans le sillage de la réforme voulue par Colbert, jusqu’à féconder des utopies policières dont Daniel Roche rappelle l’une des plus saisissantes, ce mémoire de 1749 pour la Réformation de la police de France dû à l’exempt Guillauté6.
3Ce qui est en jeu, c’est l’essor vertigineux de la surveillance, la multiplication d’agents spécialisés qui n’ont plus de lien évident avec la magistrature, c’est le développement des instruments écrits : formulaires, registres, fichiers7. En un mot, la lutte contre toutes sortes d’indésirables, des prostituées aux sodomites, des mendiants aux bandes de voleurs, s’accompagne au xviiie siècle du développement des moyens d’une police administrative, pointée par Montesquieu, soulignée par le lieutenant général de police Lenoir, parfois expéditive et secrète, qui apparaît de plus en plus comme un domaine distinct de l’antique police jurisprudentielle8. Avant les violentes remises en cause de ce style de police en 1789 et sur cette toile de fond, il y avait ces acteurs longtemps mal connus, aujourd’hui un peu davantage, les commissaires au Châtelet, les inspecteurs, et de nombreux auxiliaires dont les espions9. Face à ceux-là, le peuple n’est pas d’un bloc. Et de même que D. Roche refusait de n’appréhender le peuple qu’à travers le filtre d’une aliénation brutale produite par les difficultés de la vie matérielle, il proposait d’envisager le rapport « des populations laborieuses et indigentes avec la police, comme un alliage de complicité familière, de tolérance obligatoire et d’interventions mal supportées ». Presque au même moment, Steven Kaplan, dans un article programmatique sur les commissaires paru en 1980, suggérait que le peuple avait « autant de raisons d’aimer que de ne pas aimer la police10 ». C’était, dans l’un et l’autre cas, inviter à lire les relations police-population de manière complexe et nuancée, alors même que l’histoire sociale parisienne s’avérait extrêmement féconde et explorait la prodigieuse richesse de la série Y des Archives nationales, tandis que l’objet de recherche « police » souffrait encore d’un déficit de légitimité, voire du statut « d’objet sale11 ». Il serait difficile de brosser ici le panorama complet de bientôt quatre décennies de travail historique pour montrer comment le défi a pu être relevé et le programme pour une part rempli12. Mais à partir d’une collection d’observations, on peut faire retour sur une tradition de tensions et de résistances entre le peuple et la police au xviiie siècle ; on peut évoquer les réponses apportées par la police pour conforter la légitimité de son action ou de ses acteurs et s’interroger sur les dynamiques du changement qui ont été à l’œuvre, en ce domaine, dans le Paris des Lumières.
« Police partout, justice nulle part » : une tradition de tensions et de résistances
4Rares sont les sources qui permettent d’accéder directement à la manière dont les représentants de la population parisienne envisagent, ressentent, décrivent leurs relations avec les divers acteurs du système policier parisien. Le plus souvent, l’étude des rapports entre police et population passe par les filtres de l’archive judiciaire et policière, à travers lesquels on peut néanmoins s’efforcer de reconstituer les paroles, les manières d’être au monde et de penser des catégories populaires13. C’est ce qui rend précieuse la lecture que Daniel Roche a proposée de l’autobiographie du vitrier parisien Ménétra14. Elle apporte un éclairage sur les acteurs de la police parisienne auxquels le peuple « moyen » est confronté dans sa vie quotidienne.
5Compagnon vitrier, Ménétra appartient au monde du peuple urbain stabilisé et qualifié, celui du salariat des métiers organisés ; puis, lorsqu’il devient maître à son tour, il entre dans celui de la petite bourgeoisie de la boutique et de l’atelier. Le vocabulaire utilisé par Ménétra, moqueur, insolent, pour désigner policiers et forces de l’ordre, est ancré dans un horizon d’insubordination ordinaire à l’égard de ces figures de l’autorité, dont on est quelquefois assez proche, dont on peut rire et que l’on peut ridiculiser, à condition de savoir ne pas aller trop loin. Dans son cas, cet horizon est probablement mâtiné d’un esprit libertaire assumé. La transgression peut paraître importante, puisqu’elle peut aller jusqu’à s’opposer à l’arrestation d’un voisin, d’une connaissance, en organisant le tumulte et le « bachanal » pour l’empêcher. À côté des « tristes-à-patte », « lapins ferrés » et autres « pousse-culs » qui désignent les soldats du guet et de la garde, la figure de la « bête noire », apparemment celle du commissaire revêtu de sa robe sombre de magistrat, est plus ambiguë. Elle peut être presque paternelle lorsque le magistrat morigène la bande de garnements, à laquelle le jeune Ménétra appartient, pour avoir fait des niches à des marchandes de pommes avec des pétards. Elle est ensuite assurément marquée par la proximité dans de nombreuses circonstances de la vie sociale, au travail, dans la rue ou au cabaret, pour lesquelles le commissaire s’impose comme un recours habituel, un médiateur et un arbitre, un personnage dont on attend justice mais avec lequel on maintient ses distances. Les inspecteurs et leurs affidés, pour leur part, sont peu présents, mais des personnages comme Ménétra ne sont pas de leur gibier courant. L’expérience de l’arbitraire possible, la méfiance à l’égard des mouches, mais aussi la reconnaissance d’une police qui sait « être juste » envers les démunis, conformément aux valeurs d’une économie morale d’inspiration chrétienne, préoccupent à son tour le libraire janséniste Siméon Prosper Hardy. Ce dernier offre un regard, plus savant, socialement moins proche des franges populaires, assurément plus conservateur que celui de Ménétra mais également plus politique15. Il témoigne à la fois des attentes sécuritaires à l’égard de la police, qui peuvent être celles de la bourgeoise établie, mais aussi de la méfiance que peuvent inspirer certains de ses agents au-delà même du peuple de Paris.
6Mais à l’épreuve des archives, des papiers des commissaires ou de ceux de la Bastille, les cas de rébellions ordinaires contre la police jaillissent des dossiers et les résistances à l’action de celle-ci peuvent sembler endémiques. Toutefois, il importe de contextualiser toujours finement ces rébellions pour ne pas faire de l’hostilité à la police une sorte d’invariant des relations entre les populations et les agents de cette administration. Les contextes et les acteurs de chaque conflit qui se noue, du plus élémentaire au plus grave, doivent être à chaque fois pris en compte car ce qui est en cause se résume rarement et uniquement au face à face « naturellement » conflictuel entre police et population. Les rapports de voisinage, des concurrences professionnelles, des tensions accumulées d’origines multiples, les maladresses et le degré d’insertion du policier dans la communauté de voisinage ou de quartier tiennent leur rôle16. La concurrence entre revendeuses, étalants, métiers de la rue, dont certains travaillent pour la police, par exemple, n’est pas sans incidence sur les rapports que tel ou tel d’entre eux entretient avec cette institution17.
7Comme le montre Ménétra, injures, coups, violences ne visent pas tous les subordonnés de la lieutenance générale de police indistinctement. Tous les acteurs de cette police ne sont pas considérés de la même manière, ni n’inspirent la même défiance. En fait, les Parisiens s’en prennent le plus souvent aux inspecteurs, aux jurés des corps de métiers, au guet, à la garde de Paris ou aux archers de l’Hôpital, vus comme particulièrement inefficaces et acharnés contre les mendiants ou les pauvres gens sans défense. On s’en prend aux jurés d’une communauté, à leur huissier ou à tous ceux dont l’autorité n’est pas très assurée, qui ne sont pas forcément maîtres dans l’art de gérer les foules et de maintenir l’ordre18. Ces intervenants ont toutes chances de perdre leur sang-froid. L’ordre n’est alors ramené que par la présence de nombreux soldats appelés en renfort. Les militaires constituent les seules véritables forces de maintien de l’ordre en cas d’incidents graves, avec tous les risques que de tels déploiements peuvent comporter, comme le déroulement des émeutes pré-révolutionnaires le démontre à l’envi19.
8Les inspecteurs qui se déplacent, munis d’ordres du roi, pour des arrestations ciblées, affrontent pour leur part des situations qui peuvent rapidement dégénérer. D’une façon générale, les visites, les patrouilles et les arrestations constituent les moments forts de la résistance au travail des inspecteurs de police, qui, en se substituant aux archers de l’Hôpital pendant la magistrature de Sartine, augmentent leurs risques d’être confrontés à des résistances20. Afin d’éviter les rassemblements dangereux pour l’action de la police, les perquisitions, le plus souvent accompagnées de l’arrestation d’un suspect, sont organisées de préférence la nuit. Dans son mémoire sur la police de Paris, le commissaire Lemaire justifie cette tactique, parce qu’elle permet de trouver plus facilement ceux que l’on veut appréhender et parce qu’elle garantit une plus grande tranquillité aux forces de l’ordre21. Selon une circulaire de Lenoir, le luxe de précautions pris en 1777 lors du lancement d’une nouvelle campagne d’arrestations de mendiants et de vagabonds montre que le risque d’émotion n’est pas pris à la légère22. Les inspecteurs doivent stationner le moins longtemps possible dans les rues avec leurs proies et utiliser une sorte de fourgon cellulaire qui dissimule les personnes arrêtées à la vue du public ; la coordination avec les commissaires, sommés d’être présents dans leurs études, doit être parfaite pour accélérer les procédures d’emprisonnement et éviter les attentes ou les trop longs transferts propices à l’émeute. Pourtant, en dépit de l’animosité que ce type d’activité suscite nécessairement dans un Paris « capitale des pauvres », les archives montrent que les inspecteurs, du moins ceux de la Sûreté, sont comparativement beaucoup moins rudement chahutés et agressés que leurs employés et subalternes, ou encore que les espions et les informateurs, les mieux placés au palmarès de la détestation populaire23. Ceux qui « travaillent à la police » sont brutalement et physiquement agressés. Il n’a, semble-t-il, jamais fait vraiment bon être identifié comme un collaborateur de la police dans le Paris populaire du siècle des Lumières. Cette quotidienneté de l’insulte et des coups portés contre les auxiliaires des inspecteurs pousse Sarraire à recommander en 1762 des sanctions très sévères pour imposer le respect de ces agents dans l’exercice de leurs fonctions24. Si la population réserve plutôt ses coups aux agents les plus subalternes de la police, c’est sans doute au prix d’un calcul des risques et des peines encourues, sans doute moindres à l’égard de personnages malgré tout peu considérés, y compris par les officiers de police eux-mêmes.
9Les commissaires au Châtelet connaissent aussi leurs rébellions. Si on compare, d’un bord à l’autre du siècle, deux quartiers parisiens du vieux centre, Saint-Eustache et le Louvre, on note que les rébellions contre les policiers sont plus fréquentes à Saint-Eustache, mais aussi moins intenses, limitées aux menaces et aux insultes, ou aux irrévérences, au cours de la première moitié du siècle25. La typologie des « rébellions » rencontrées par les commissaires du Louvre pendant la seconde moitié du xviiie siècle est très large et traduit une échelle d’intensité plus ouverte : de la simple résistance au moment de l’arrestation à la prise d’assaut de l’hôtel du commissaire. Dans ce quartier, ces rébellions marquées apparaissent très concentrées au cours des années 1751-1752, comme si les émeutes du printemps 1750 liées à « l’affaire des enlèvements d’enfants » avaient laissé subsister un sillage de tensions entre police et population26. En outre, tous les commissaires ne paraissent pas logés à la même enseigne. Certains ont un charisme limité et manquent du courage physique nécessaire pour affronter la foule. Cadot dans le quartier du Louvre est de cette sorte, moins homme de terrain que bureaucrate enfermé dans son étude. Certains cas de résistance aux arrestations apparaissent comme le symptôme d’une intégration imparfaite du commissaire au sein de son quartier et comme la conséquence de sa non-reconnaissance par la population, en particulier lorsqu’il intervient dans un département qui n’est pas le sien. Ils nous permettent de comprendre à quel point les Parisiens ressentaient le besoin de connaître les forces de police auxquelles ils avaient à faire. L’exemple du commissaire Pierre Régnard le Jeune montre, avant 1750, que les cas de rébellions les plus spectaculaires auxquels il est confronté se déroulent hors de son quartier Saint-Eustache ou alors que son autorité est encore mal établie, son expérience limitée, peu après son arrivée en poste. En clair, quand le commissaire est directement pris à partie, c’est qu’il est perçu comme un élément étranger au corps social ou qu’il intervient en dehors de la juridiction qui lui est reconnue.
10Dans ses relations avec les différents acteurs de la machine policière, la population parisienne a donc ses têtes de turcs obligées – mouches, informateurs et bas auxiliaires – avec lesquels la confrontation est permanente, l’hostilité toujours vive et prête à éclater. Puis il y a ceux qui ont mauvaise presse, comme les inspecteurs ou les soldats de la garde, mais que la répression contraint à respecter davantage et, enfin, ceux qui, comme les commissaires au Châtelet, jouissent d’une autorité ancienne et ne sont pas directement assimilés aux formes les plus répressives de la police, même si en un siècle leurs pratiques se sont assurément transformées. Face aux tensions et aux risques d’émeute, l’institution n’est pas restée inerte, sourde aux plaintes, et les lieutenants généraux de police ne se sont pas contentés d’user de la contrainte.
Améliorer la police ?
11On peut affirmer aujourd’hui que la dynamique de réforme du système policier parisien, impulsée à la fin des années 1660, s’est accompagnée d’une politique consciente visant à conforter et à construire la légitimité d’une police mieux recrutée pour certains de ses corps, mieux encadrée et aux procédures administratives mieux normées, mieux éprouvées. Qu’il s’agisse de l’obligation de résidence dans les quartiers, faite aux commissaires comme aux inspecteurs, de l’accessibilité permanente que les officiers doivent au public, de leur disponibilité pour assurer un service continu, du respect imposé à leur dignité en contrepartie des sanctions de leurs indélicatesses, la hiérarchie policière et administrative s’est employée à rapprocher une police en pleine transformation de ses administrés27. On peut émettre l’hypothèse d’un succès – fragile – de la bataille du respect qui a été conduite et qui passe par l’amélioration, la « professionnalisation » des corps de policiers, censés devenir « irréprochables » en contrepartie de la sanction plus systématique des insolences et des rébellions à leur égard. Pour les forces armées qui assument des fonctions de police, J. Chagniot a montré que l’évolution des attitudes de la population parisienne à l’égard du guet ou de la garde de Paris au siècle des Lumières n’était pas restée figée dans une pure hostilité28. Longtemps, cette force de maintien de l’ordre fut mal respectée, y compris par les militaires tels les mousquetaires à l’origine sociale plus relevée, et par le peuple, plus particulièrement hostile aux « enlèvements de police » auxquels la garde participait. Après 1750, un usage de la garde plus circonstancié, l’action des tribunaux qui imposent plus fermement le respect après les cas de rébellion, et enfin, les progrès de la discipline militaire, apaisent la situation. Le même processus se retrouve peu ou prou dans la compagnie des inspecteurs, d’ailleurs recrutés parmi d’anciens militaires dans la seconde moitié du siècle : la discipline s’est renforcée sur la troupe comme sur les officiers de police. Les inspecteurs indélicats sont placés sous surveillance, parfois punis ou placardisés, contraints dans les cas les plus graves à revendre rapidement leur office, l’essentiel étant d’agir sans faire de « vague », afin de préserver l’institution de tout scandale public. Dans le même temps, les incivilités à leur égard ont été beaucoup plus sévèrement punies29.
12Vu depuis les bureaux centraux de la lieutenance générale de police, cet effort de légitimation passe davantage encore par le développement des services rendus aux populations. Cette orientation trouve au sommet sa justification dans la mise en place d’institutions nouvelles qui organisent une sorte de service public dans les domaines sanitaires ou de l’assistance, depuis le Bureau centralisé des nourrices mis en place par Sartine en 176730 jusqu’à l’installation des bureaux de filature pendant la magistrature de Lenoir, en passant par le soutien à des institutions de soins comme l’hôpital pour les vénériens de Vaugirard31. De plus en plus, dans la seconde moitié du siècle, la lieutenance générale de police soutient et patronne de multiples autres initiatives visant l’utilité sociale et l’amélioration urbaine32.
13De façon plus ordinaire, cet effort concerne également les pratiques professionnelles, les conceptions mêmes du métier des subordonnés du lieutenant de police, qui s’attachent à faire d’eux de « bons ouvriers », capables de répondre aux attentes de la population, de jouer un rôle de médiation efficace, tout en contribuant au bon fonctionnement de la « machine » policière. Les admonestations que contiennent les circulaires du lieutenant général de police aux syndics de la compagnie des commissaires au Châtelet brossent ainsi « en creux » le portrait du bon commissaire. Ce dernier doit savoir maintenir un juste équilibre entre ses fonctions payantes de justice civile et ses tâches gratuites de police que l’administration s’efforce de rémunérer. Il doit être un bon administrateur de son quartier, à l’écoute des populations, scrupuleux dans l’organisation de son travail et l’animation de son équipe, prompt à s’engager dans les missions particulières que le chef de la police pourrait lui confier. Si jusqu’en 1789 aucun commissaire ne ressemble vraiment à un autre, la formation se faisant largement sur le tas, ce que l’on sait aujourd’hui des itinéraires professionnels et des profils montre que certaines compétences spécialisées, proactives, administratives, sont plus particulièrement valorisées par les lieutenants généraux33. La compagnie des commissaires, rouage essentiel de la machine policière, est aussi contrôlée par ceux des officiers les plus zélés et les plus expérimentés qui entrent dans les vues du chef de la police.
14Les missions des inspecteurs, apparus sous la magistrature de d’Argenson (1697-1715), ne sont pas restées cantonnées au seul registre de la surveillance, de l’arbitraire et de la stricte répression dans lequel on tend à les enfermer le siècle durant. Il s’agit incontestablement d’une force de police pure – les inspecteurs ne sont pas revêtus de la dignité du magistrat – principalement vouée à lutter contre le vol, la prostitution et les sodomites, également spécialisée dans le contrôle des logeurs et la surveillance générale des lieux comme des groupes à risques. Leur recrutement, qui se stabilise après la refondation du corps en 1740, est étroitement contrôlé par le lieutenant général de police qui en fait durablement une force à sa main. Leur apparition traduit l’extension des pouvoirs de police administrative détenus par le lieutenant général au détriment des formes plus jurisprudentielles et consultatives de police, défendues par le parlement et appréciées par les notables et la population. Si les réticences sont nombreuses au moment de l’introduction de cette nouveauté, tant de la part des commissaires au Châtelet qui redoutent la concurrence des nouveaux venus qu’au sein du peuple, heurtés par l’adoption d’un nouveau style de police, plus expéditif et répressif, il faut remarquer que d’Argenson conserve un sens très politique du compromis avec de larges franges de la population34. L’argumentaire de d’Argenson repose sur le surcroît de protection que cette nouvelle police pourrait offrir à la population35. L’hypothèse d’un élargissement du pouvoir protecteur d’une police paternaliste, au début du xviiie siècle, à travers l’accès facilité pour les familles, y compris modestes, aux demandes d’enfermement est en train d’être plus précisément testée36. Dans le système qui se met en place progressivement et qui est réorganisé après la grave crise liée aux émeutes du printemps 1750, les inspecteurs, qui se substituent alors définitivement aux exempts dans ce type d’activité, passent du statut d’auxiliaires de terrain essentiellement chargés des arrestations à un statut d’officiers beaucoup plus polyvalents, chargés certes de surveiller et de procéder à des arrestations, mais aussi d’enquêter dans les quartiers, sous la houlette des commissaires, pour vérifier le bien-fondé des demandes présentées par les familles.
15Quoiqu’il en soit, dans la seconde moitié du siècle et jusqu’à la Révolution, les inspecteurs, même lorsqu’ils exercent des spécialités comme celle de la Sûreté (répression du vol), s’affirment de plus en plus comme une police insérée dans la communauté des quartiers, un caractère qui n’est plus l’apanage des seuls commissaires à la fin du xviiie siècle. On les voit alors arbitrer de nombreux petits conflits quotidiens et se faire médiateurs dans les affaires de famille. Ils doivent vérifier précisément, auprès des parents et du voisinage, les arguments présentés à l’appui des demandes d’enfermement. La hiérarchie entre les deux corps de policiers ne disparaît absolument pas, au contraire des craintes manifestées par certains commissaires rétifs aux évolutions en cours et parfois même par Louis-Sébastien Mercier37. Mais ils sont l’un et l’autre pris dans une même dynamique qui uniformise et redéfinit pour une part leurs pratiques, et qui reconfigure leurs rapports avec la population à partir d’une double matrice créatrice d’identité professionnelle, l’une plus judiciaire pour les commissaires, l’autre plus militaire pour les inspecteurs, mais toutes deux mises au service d’une nouvelle police. Loin de s’opposer au développement d’une police de sûreté moderne, plus répressive et proactive, centrée notamment sur la lutte contre la criminalité contre les biens ou les atteintes aux mœurs, l’insertion communautaire des commissaires et surtout celle des inspecteurs, la facilite et la légitime y compris dans l’esprit des plus conservateurs, ou des plus méfiants, comme le libraire Hardy. Dès le siècle des Lumières, à Paris, l’opposition habituelle entre une police traditionnelle de proximité, peu répressive, et une police « moderne », liée à la sûreté de l’État, apparaît non seulement vaine, mais surtout sans objet. Il ressort déjà qu’une police peut gagner sa légitimité à condition de s’ancrer dans la communauté, de répondre aux besoins des populations, d’apparaître, enfin, non exclusivement comme un outil de répression, mais comme étant au service du public. La dernière condition de cette acceptation sociale étant d’obtenir le respect, ce qui suppose une grande rigueur interne et une vigoureuse défense du corps, ce que la sanction assez systématique des négligences, des indignités de la police comme des incivilités à son égard cherche à obtenir. Sartine comme Lenoir semblent en avoir eu pleine conscience. Ce qui n’était pas faire d’eux des révolutionnaires, mais simplement de ces administrateurs et magistrats « améliorateurs », comme il y en eut d’autres au siècle des Lumières. Ajoutons que cette vision d’une « juste » police n’était en rien incompatible avec une vision paternaliste et holiste de la société38.
La dynamique enrayée
16Le développement de la nouvelle police voulue par d’Argenson visait, en particulier, à réprimer plus fermement les illégalismes populaires, source d’une inquiétude croissante dans une ville en expansion au début du xviiie siècle. Ce fut l’un des enjeux sous la Régence de la traque de la bande de Cartouche, dont le souvenir impressionna longtemps les mémorialistes39. À la fin du siècle, le système policier parisien encore perfectionné par Berryer et ses successeurs pouvait prétendre satisfaire certaines attentes sécuritaires dont le libraire Hardy, et même Louis-Sébastien Mercier, pouvaient se faire les porte-paroles dans leurs écrits. Il n’en restait pas moins que la construction de cet ordre public se faisait largement au détriment des plus pauvres, des « indésirables », de cette populace à laquelle semblait réservées les formes les plus arbitraires de police. La magistrature de Lenoir (1775-1785, dates rondes) est ainsi caractérisée par une répression très dure à l’encontre des mendiants et des prostituées40. La dégradation de la conjoncture économique et sociale dans la décennie qui précède la Révolution constitue probablement un motif de tensions supplémentaires entre la police, chargée du maintien de l’ordre, mais aussi de la police des pauvres et de la police des mœurs, et certaines franges de la population fragilisée en quête de moyens de survie, y compris aux marges de la légalité. Mais l’accumulation de tensions immédiatement pré-révolutionnaires, si elles jouent un rôle dans le discrédit qui semble peser sur la police du Châtelet, ou sur certains de ses agents, en 1789, ne suffit sans doute pas à éclairer l’effondrement d’une machine policière parisienne, enviée ou redoutée à l’échelle de l’Europe.
17Aussi déterminées qu’aient pu être les grandes orientations définies par la Lieutenance générale pour professionnaliser les forces de police, pour couvrir le territoire urbain et pour améliorer la qualité des services rendus à la population, plusieurs évolutions de fond ont pu se conjuguer pour faire entrer en crise la police englobante, aux vastes domaines de compétence, de l’Ancien Régime. La première, complexe, associe les effets de la croissance démographique et urbanistique de la ville avec les transformations de la société et des pouvoirs urbains. Si l’on suit les riches hypothèses développées par D. Garrioch, les effets de la métropolisation et des mobilités croissantes de la population rendent les régulations interpersonnelles traditionnelles moins performantes, au moment même où les notables abandonnent de plus en plus leurs rôles de médiateurs41 – parmi eux, certains commissaires au Châtelet, dont la valeur des offices a fortement augmenté pour atteindre les 100000 livres à la fin du siècle42. Une distance sociale accrue envers la population de la part de ces officiers et une modification plus générale des pratiques de la notabilité parisienne auraient pu éroder l’autorité « naturelle » des commissaires au Châtelet. Mais sur ce point, il n’y a sans doute pas d’évolution linéaire ni uniforme d’un corps qui reste très divers et pour lequel les qualités personnelles des officiers et la configuration de chaque quartier demeurent des facteurs d’appréciation important. Pour un commissaire Cadot au Louvre en marche vers la noblesse, distant à l’égard de la population, peu proactif, on peut compter les Chenon père et fils, commissaires par conviction, jouissant, dans le même quartier du Louvre, d’une notoriété certaine en dépit de l’exercice de certaines spécialités difficiles, comme les Ordres du roi43. Il n’en reste pas moins, au regard des effectifs très limités de la police du Châtelet, que lorsque les médiations possibles s’affaiblissent, tout épisode de tension aiguë peut, dans un certain nombre de cas, plus facilement mettre aux prises directes la foule et la troupe à la veille de la Révolution. Ajoutons à cela la mémoire sans doute pas complètement effacée des formes consultatives et traditionnelles de police, susceptibles de nourrir les regrets d’un ordre ancien idéalisé dans certaines franges de la bourgeoise parisienne, peut-être même au sein de la compagnie des commissaires44. La municipalisation rapide de la police parisienne en 1789, après la prise de la Bastille, manifeste sans doute une volonté d’effacer la politique suivie depuis 1667, une réaction nourrie par une référence implicite au passé mêlée à des aspirations nouvelles. À rebours, cela illustre le fait que la police d’Ancien Régime est plus divisée que l’histoire institutionnelle ne l’a longtemps laissé imaginer45.
18Par ailleurs, l’usage répressif de la police rencontre la question d’un arbitraire de plus en plus insupportable au fil du temps. Dans les années 1780, chez Mercier dans son Tableau de Paris, dans les pamphlets, chez Peuchet dans le tome X de l’Encyclopédie méthodique, on lit une critique universelle de l’espionnage et des enlèvements de police qui « défigurent la police parisienne46 ». Si l’on ajoute à cela les virulentes dénonciations du système des lettres de cachet, on touche là les effets de la diffusion des thèmes et principes du réformisme pénal et judiciaire depuis la décennie 1760. Dans l’Europe des Lumières, l’ouvrage de Beccaria, Des délits et des peines, nourrit des critiques acerbes contre les procédures abusives et expéditives, contre l’absence de garanties individuelles, contre l’excès punitif et les inégalités juridiques47. L’aspiration à la réforme judiciaire et à la modération judiciaire ne peut laisser les pratiques policières hors du champ des interrogations critiques. Les retombées concrètes de ces débats, ou les formes de leur vulgarisation au sein d’un large public, qu’on songe à la répression de la mouvance janséniste ou de l’opposition parlementaire, font le lien entre une sphère d’affrontements qui mobilise l’opinion éclairée et celle où se déploient les aspirations politiques du peuple parisien. L’affaire des « billets de confession » devient ainsi un truchement pour la vulgarisation de la philosophie du droit naturel par les avocats de la cause janséniste48.
19Au-delà, la question qui se pose est celle de la construction du thème du « despotisme » de la police et on pourrait dire de sa lente politisation aux yeux d’un large public. La police n’est pas forcément l’administration chargée de « faire le bonheur des hommes en société », contrairement aux justifications qu’on en donne dans le mémoire pour la cour de Vienne rédigé par le commissaire Lemaire, ou à destination d’un plus large public, dans le Dictionnaire universel de police de Nicolas des Essarts49. Elle est même de plus en plus conduite à « choisir son camp » et peut éprouver des difficultés à le faire. Les travaux de S. Kaplan ont souligné le rôle fondamental qu’avait pu jouer le « moment libéral » à partir des années 1760 qui, en subvertissant les règles de la police des subsistances, avait sapé totalement les fondements de la police traditionnelle et de l’obéissance des peuples envers le roi nourricier, plongeant les magistrats de police dans l’incertitude quant à leur rôle, préventif ou répressif, et pour certains, comme Lenoir, dans le maelstrom du « complot de famine50 ». Au printemps 1775, lors du cycle émeutier de la guerre des farines, certains responsables du maintien de l’ordre en vinrent à désobéir à la loi royale et à Turgot pour apaiser le mécontentement populaire et, parfois, par attachement aux anciennes régulations liées à la police des subsistances51. Si, en 1776, la tutelle de la police sur le monde du travail peut sembler sortir renforcée de l’échec de la tentative par Turgot d’abolir les corporations, puis de leur réorganisation sous Necker, celle-ci ne parvînt plus à endiguer vraiment la montée de « l’insubordination ouvrière » que la perspective d’une émancipation envers le contrôle des maîtres avait enflammée52. Et dans le grand affrontement qui oppose les magistrats du parlement au pouvoir royal, la police apparaît plus que jamais dans son rôle de main armée de l’État. Ainsi lorsqu’elle doit prendre de corps tel ou tel conseiller au parlement, comme Fréteau de Saint-Just arrêté le 21 novembre 1787 par l’inspecteur Quidor et le commissaire Chenon, une arrestation qui déclenche une vaste campagne d’opinion qui oblige la police à se justifier53. Si les « petites mains » de la police sont ainsi mises en cause, que dire de l’implication de grands magistrats, qui, tels Lenoir ou Thiroux de Crosne, les deux derniers lieutenants généraux de police, ont au début de leur carrière donné leur appui et participé au « coup » du chancelier Maupeou, incarnation d’un despotisme ministériel honni54 ?
20Lorsque s’élèvent les tensions et le niveau de conflictualité, cette police est renvoyée à sa fonction brute de maintien de l’ordre aux mains d’un pouvoir royal hésitant. Mais comme peuvent l’attester les expériences les plus ordinaires de la population à la fin du siècle, dès lors que pèse l’argument de l’efficacité de la police, on ne renonce pas aux services rendus à la population, même si c’est en même temps la plus liberticide et la plus « despotique » des polices. Son acceptation par d’assez larges pans de la population citadine, fluctuante au xviiie siècle selon les périodes, jamais totalement acquise, pouvait être assortie de réserves, plus ou moins actives, et ponctuée de moments de crise. Cet instable compromis d’un ordre, fondamentalement inégal, était-il suffisant pour détourner des sujets devenus citoyens d’une aspiration à davantage de justice ? Et les sevrer du désir et des promesses d’un nouveau système, fondé sur des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ? Apparemment non.
Notes de bas de page
1 Daniel Roche, Le peuple de Paris. Essai sur la culture populaire au xviiie siècle, Paris, Aubier-Montaigne, 1981, p. 278-284.
2 Marc Chassaigne, La lieutenance générale de police de Paris, Paris, Arthur Rousseau, 1906 ; Alan Williams, The Police of Paris, 1718-1789, Bâton-Rouge/Londres, Louisiana State University Press, 1979.
3 J.-C.-P. Lenoir, « Mémoires », Titres X « Ouvriers, manouvriers, domestiques » et XI « Les pauvres, les mendiants », fonds ancien, médiathèque d’Orléans, Mss 1422, fol. 634- 713.
4 Dominique Kalifa, Les bas-fonds. Histoire d’un imaginaire, Paris, Seuil, 2013.
5 Steven L. Kaplan, Bread, Politics and Political Economy in the Reign of Louis XV, La Haye, Martinus Nijhoff, 1976, 2 vol. ; Id., La fin des corporations, Paris, Fayard, 2001 ; Id., The Stakes of Regulation : Perspectives on Bread, Politics and Political Economy Forty Years Later, Londres/New York, Anthem Press, 2015.
6 Mémoire sur la réformation de la police de France. Soumis au roi en 1749 par M. Guillauté, officier de la maréchaussée de l’Île-de-France. Illustré de 28 dessins de Gabriel de Saint-Aubin, éd. par Jean Seznec, Paris, Hermann, 1974.
7 Vincent Milliot, Un policier des Lumières, suivi de Mémoires de J.-C.-P. Lenoir, ancien lieutenant général de police de Paris, écrits en pays étrangers dans les années 1790 et suivantes, Seyssel, Champ Vallon, 2011 ; Revue d’histoire des sciences humaines, 19, 2008, Histoire des savoirs policiers en Europe (xviiie-xixe siècles).
8 Paolo Piasenza, Polizia e città. Strategie d’ordine, confliti e rivolte a Parigi tra Sei e Settecento, Bologne, Il Mulino, 1990 ; Paolo Napoli, Naissance de la police moderne. Pouvoir, normes, société, Paris, La Découverte, 2003.
9 Justine Berlière, Policer Paris au siècle des Lumières. Les commissaires du quartier du Louvre dans la seconde moitié du xviiie siècle, Paris, École des Chartes, 2012 ; Vincent Milliot avec la collaboration de Justine Berlière, « L’admirable police ». Tenir Paris au siècle des Lumières, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016, première partie.
10 Steven L. Kaplan, « Note sur les commissaires de police de Paris au xviiie siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 28/4, 1981, p. 669-686.
11 Sur cet objet « sale » ou « objet perdu » des sciences sociales, voir les travaux, pionniers, de Jean-Marc Berlière. Parmi de très nombreux ouvrages, citons Érica-Marie Benabou, La prostitution et la police des mœurs au xviiie siècle, Paris, Perrin, 1987 ; Arlette Farge, La vie fragile. Violence, pouvoirs et solidarités à Paris au xviiie siècle, Paris, Hachette, 1986 ; David Garrioch, La fabrique du Paris révolutionnaire, Paris, La Découverte, 2013 ; Christian Romon, Mendiants et vagabonds à Paris, d’après les archives des commissaires au Châtelet (1700-1784), thèse de doctorat dirigée par Robert Mandrou, École des hautes études en sciences sociales, 1981, 2 vol.
12 Vincent Milliot, « Mais que font les historiens de la police ? », dans Jean-Marc Berlière et al. (dir.), Métiers de police. Être policier en Europe, xviiie-xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 9-34 ; Vincent Denis, « L’histoire de la police après Foucault. Un parcours historien », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 60/4-4 bis, 2013, p. 139-155.
13 C’est au cœur de l’œuvre d’Arlette Farge, voir par exemple, Effusions et tourments, le récit des corps. Histoire du peuple au xviiie siècle, Paris, Odile Jacob, 2007.
14 Jacques-Louis Ménétra, Journal de ma vie. Compagnon vitrier au 18e siècle, éd. par Daniel Roche, Paris, Montalba, 1982, voir p. 35-36, 195, 204 et 248-249.
15 Pascal Bastien, Daniel Roche, « Le Journal d’un temps qui passe : Mes Loisirs, ou l’autre Tableau de Paris », dans Siméon-Prosper Hardy, Mes Loisirs, ou Journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connoissance (1753-1789), éd. par Pascal Bastien et al., Paris, Hermann, 2012-2019, 7 vol. parus, t. 1, p. 1-29 ; Nicolas Lyon-Caen, « Hardy : un janséniste face au coup Maupeou », dans ibid., t. 2, p. 1-24 ; Pascal Brouillet, Vincent Milliot, « Entre tradition et modernité : Hardy et la police de Paris », dans ibid., t. 4, p. 1-33.
16 Garrioch, La fabrique du Paris révolutionnaire, op. cit., 3e partie.
17 Berlière, Policer Paris…, op. cit., p. 227-230 ; Milliot, « L’admirable police »…, op. cit., p. 169-173.
18 Arlette Farge, « Le mendiant, un marginal ? Les résistances aux archers de l’Hôpital dans le Paris du xviiie siècle », dans Les marginaux et les exclus dans l’histoire, Paris, Union générale d’éditions (Cahiers Jussieu, 5), 1979, p. 312-329.
19 Jean Chagniot, Paris et l’armée au xviiie siècle. Étude politique et sociale, Paris, Economica, 1985 ; Arlette Farge, Jacques Revel, Logiques de la foule. L’affaire des enlèvements d’enfants, Paris 1750, Paris, Hachette, 1988 ; Pascal Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle (1718-1791). Étude institutionnelle et sociale, thèse de doctorat dirigée par Jean Chagniot, École pratique des hautes études, 2002.
20 Christian Romon, « Mendiants et policiers à Paris au xviiie siècle », Histoire, Économie et Société, 1/2, 1982, p. 259-295.
21 « La police de Paris en 1770. Mémoire inédit composé par ordre de G. de Sartine sur la demande de Marie-Thérèse », éd. par A. Gazier, Mémoires de la Société de l’Histoire de Paris et de l’Île de France, 5, 1878, p. 1-131.
22 Lettre de Lenoir aux syndics de la compagnie des commissaires, AN Y 12830, 19 août 1777.
23 Milliot, « L’admirable police »…, op. cit., p. 129-138 et 169-173.
24 Bibliothèque de l’Arsenal, Ms. 10119 (19 novembre 1762) : Bulletin de la sûreté, Sarraire, 16 novembre 1762.
25 Cécile Colin, Le métier de commissaire. Pierre Régnard le Jeune et le quartier de police Saint-Eustache (1712-1751), mémoire de maîtrise dirigé par Jean Nicolas, université Paris VII-Denis Diderot, 1990.
26 Berlière, Policer Paris…, op. cit., p. 258-274.
27 Milliot, « L’admirable police »…, op. cit.
28 Chagniot, Paris et l’armée…, op. cit.
29 Milliot, « L’admirable police »…, op. cit., p. 129-139.
30 Voir la contribution de Clyde Plumauzille dans ce volume, p. 39-48.
31 Dominique Margairaz, « L’invention du “service public” : entre changement matériel et “contrainte de nommer” », dans Michel Margairaz, Olivier Dard (dir.), Le service public, l’économie, la République (1780-1960), Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52/3, juillet-septembre 2005, p. 10-32 ; Milliot, Un policier des Lumières…, op. cit., p. 360-375.
32 David Garrioch, « The Police of Paris as Enlightened Social Reformers », Eighteenth Century Life, 16/1, 1992, p. 43-59 ; Vincent Milliot, « Qu’est-ce qu’une police éclairée ? La police amélioratrice selon Jean-Charles-Pierre Lenoir (1775-1785) », Dix-Huitième Siècle, 37, 2005, p. 117-130.
33 Justine Berlière, « De la noblesse et de la dignité de la police : les commissaires au Châtelet », dans Milliot, « L’admirable police »…, op. cit., p. 33-72.
34 Robert Cheype, Recherches sur le procès des inspecteurs de police, 1716-1720, Paris, Presses universitaires de France, 1975.
35 De la correction fraternelle, ou de l’obligation d’empêcher le mal d’autrui quand on le peut, s. l., s. n., n. d., cité par Paolo Piasenza, « Juges, lieutenants de police et bourgeois à Paris aux xviie et xviiie siècles », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 45/5, 1990, p. 1202.
36 Goulven Kerien, « Police et population à Paris au xviiie siècle : un contrôle social partagé (médiation et enfermements de famille) », thèse de doctorat en cours dirigée par Vincent Milliot, université Paris 8.
37 Rachel Couture, « Inspirer la crainte, le respect et l’amour du public ». Les inspecteurs de police parisiens, 1740-1789, thèse de doctorat dirigée par Pascal Bastien, Vincent Milliot, université du Québec à Montréal/université de Caen Basse-Normandie, 2013, 2 vol. ; Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris, éd. par Jean-Claude Bonnet, Paris, Mercure de France, 1994, 2 vol., t. 1, chap. 489, « Commissaires », p. 1332.
38 Steven L. Kaplan, Vincent Milliot, « La police de Paris, une “révolution permanente” ? Du commissaire Lemaire au lieutenant de police Lenoir, les tribulations du Mémoire sur l’administration de la police (1770-1792) », dans Catherine Denys, Brigitte Marin, Vincent Milliot (dir.), Réformer la police. Les mémoires policiers en Europe au xviiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 69-116.
39 Patrice Peveri, « De Cartouche à Poulailler : l’héroïsation du bandit dans le Paris du xviiie siècle », dans Claude Gauvard, Jean-Louis Robert (dir.), Être parisien. Actes du colloque organisé par l’École doctorale d’histoire de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et de la Fédération des Sociétés historiques et archéologiques de Paris-Île-de-France (26- 28 septembre 2002), Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 135-150.
40 Benabou, La prostitution et la police des mœurs au xviiie siècle, op. cit. ; Romon, Mendiants et vagabonds à Paris…, op. cit.
41 David Garrioch, « The People of Paris and their Police in the Eighteenth Century : Reflections on the Introduction of a “Modern” Police Force », European History Quarterly, 24, 1994, p. 511-535 et Id., La fabrique du Paris révolutionnaire, op. cit.
42 Robert Descimon, « Les auxiliaires de justice du Châtelet de Paris : aperçus sur l’économie du monde des offices ministériels (xvie-xviiie siècle) », dans Claire Dolan (dir.), Entre justice et justiciables : les auxiliaires de la justice du Moyen Âge au xxe siècle, Sainte-Foy, Presses de l’université Laval, 2005, p. 301-325.
43 Berlière, Policer Paris…, op. cit.
44 Voir le cas du commissaire Ninnin : Milliot, Un policier des Lumières…, op. cit., p. 223.
45 Vincent Denis, « Policiers de Paris. Les commissaires de police en Révolution, 1789- 1799 », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, université Paris 8, 2017.
46 Milliot, « L’admirable police »…, op. cit., p. 13-18, 361-365.
47 Michel Porret (dir.), Beccaria et la culture juridique des Lumières (Actes du colloque européen de Genève, 25-26 novembre 1995), Genève, Droz, 1997 ; Id., Élisabeth Salvi (dir.), Cesare Beccaria. La controverse pénale (xviiie-xxie siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.
48 Nicolas Lyon-Caen, La boîte à Perrette. Le jansénisme parisien au xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 2010.
49 Nicolas-Toussaint des Essarts, Dictionnaire universel de police, Paris, Moutard, 1786-1790, 8 vol.
50 Steven L. Kaplan, Le complot de famine : histoire d’une rumeur au xviiie siècle, Paris, Armand Colin, 1982.
51 Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris…, op. cit.
52 Kaplan, La fin des corporations…, op. cit.
53 Archives nationales, Y 11442, novembre 1787.
54 Vincent Milliot, « L’écriture du chaos. Les “mémoires” de Jean-Charles-Pierre Lenoir (1732-1807) ou le monde perdu d’un ancien lieutenant général de police », Annales historiques de la Révolution française, 75/373, 2013, p. 35-57.
Auteur
-
Vincent Milliot
Professeur d’histoire moderne à l’université Paris 8 et chercheur à l’IDHES UMR CNRS 8533. Ses travaux portent sur l’histoire des régulations sociales à l’époque moderne (1650-1789) et sur l’histoire des pratiques administratives et des polices au Siècle des Lumières. Il a notamment publié Un policier des Lumières. Mémoires de l’ancien lieutenant général de police Lenoir (Champ Vallon, 2011) et « L’admirable police ». Tenir Paris au Siècle des Lumières (Champ Vallon, 2016). Il vient de diriger Une histoire des polices en France (Belin, 2020).
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