Des sociétés en mouvement. Migrations et mobilité au Moyen Âge
|Mouvements de peuples et ethnogenèse
Migration, intégration, identités : les fondations Scandinaves en question (Orient-Occident, viiie-xie siècle)
Texte intégral
- 1 La bibliographie sur ce point est considérable et il ne saurait être question de prétendre ici, et (...)
- 2 J. Byock, L’Islande des Vikings, Paris, 2007, p. 15.
1Notre connaissance du phénomène viking a considérablement évolué au cours des trois ou quatre dernières décennies1. La chronologie traditionnelle de ce phénomène (entre la fin du viiie et le milieu du xie siècle) a été discutée afin de replacer le mouvement dans la dynamique des sociétés nordiques sur le long terme, tandis que l’expansion scandinave a été resituée dans une histoire plus générale de l’Europe. Les Vikings ont rencontré des sociétés très différentes par leur degré d’organisation politique et sociale. Les conditions de leur implantation furent variables, selon que celle-ci intervint au terme d’une conquête militaire, à la suite d’une installation concertée avec les autorités locales ou en raison d’une diffusion de groupes le long d’axes commerciaux. Les structures mises en place varièrent aussi selon que les migrants reproduisirent des modèles importés de Scandinavie, plus ou moins adaptés aux conditions locales, ou s’insérèrent dans des structures existantes. Les rapports avec les élites et les populations indigènes étaient en partie conditionnés par ces facteurs, de même que les identités qui s’élaborèrent au contact des différents peuples. Des migrants venus de Scandinavie et des établissements vikings des îles Britanniques mirent en œuvre la première grande entreprise de colonisation médiévale sur une terre jusque-là inhabitée, l’Islande, où ils développèrent un « laboratoire social fascinant2 ».
- 3 Les Vikings, premiers Européens, viiie-xie siècle. Les nouvelles découvertes de l’archéologie, éd. (...)
- 4 D. Dumville, « Vikings in the British Isles : A Question of Sources », The Scandinavians from the (...)
2L’histoire des fondations Scandinaves, tant dans l’Ouest que dans l’Est de l’Europe, appelle à des comparaisons afin de s’interroger sur les convergences et les divergences qui apparaissent dans les processus à l’œuvre3. Ces approches sont bien évidemment inséparables des sources disponibles4, de leur traitement par les spécialistes et du questionnement qui leur est appliqué dans une démarche qui a été très tôt pluridisciplinaire. S’il est possible de dresser un état des lieux de la recherche, il est plus difficile d’identifier des « modèles », qu’il serait possible de confronter à d’autres mouvements de population. Toute tentative doit partir d’un examen des traditions historiographiques propres à chacun des territoires concernés, comme tenteront de le montrer quelques exemples développés, qui ne sauraient prétendre à un panorama complet.
- 5 Un tableau d’ensemble dans K. Holman, The Northern Conquest. Vikings in Britain and Ireland, Oxfor (...)
3Pour les îles Britanniques5, les principales questions abordées sont relatives au nombre des colons, à leur impact sur les sociétés où ils se sont établis, à l’équilibre ethnique entre les Scandinaves et les populations indigènes dans les zones colonisées, à la création de nouvelles communautés, au côté pratique et quotidien de la colonisation. Ces questions très générales se déclinent avec plus ou moins d’importance selon les zones concernées.
- 6 F. Stenton, Anglo-Saxon England, 3e éd., Oxford, 1971, p. 502-525 ; J. Nelson, « Sir Frank Stenton (...)
- 7 P. Sawyer, The Age of the Vikings, 2e éd., Londres, 1971, p. 172-173.
- 8 D. Hadley, The Vikings in England, Settlement, Society and Culture, Manchester, 2006. Voir égaleme (...)
4En Angleterre, le débat a été très intense sur la taille des armées vikings et sur la densité des migrants, et, par contrecoup, sur les structures sociales qu’ils avaient pu amener ou consolider. L’idée d’une migration massive avait été soutenue par Frank Stenton. Celui-ci défendait également que l’originalité des structures sociales du Nord et de l’Est de l’Angleterre – par exemple la présence d’une catégorie particulière de paysans libres, les sokemen, en qui il voyait les descendants des colons danois – provenait de l’interruption dans le développement des institutions indigènes sous l’effet d’une colonisation étrangère6. Ces idées furent remises en question au début des années 1960 par Peter Sawyer, dont les théories ont largement façonné le débat sur cette page de l’histoire de l’Angleterre pendant plus de trois décennies. Pour Peter Sawyer, les effectifs des armées danoises opérant en Angleterre avaient été largement surestimés, et il convenait de revoir à la baisse la densité et l’influence de la colonisation nordique dans le pays : en dehors de leurs établissements, d’une influence certaine sur le langage et sur une partie de la terminologie légale ou administrative, « les Scandinaves ne paraissent pas avoir laissé de marque distinctive sur l’Angleterre7 ». Les travaux entrepris depuis une quinzaine d’années sont venus nuancer considérablement ces dernières conclusions8. Ils l’ont fait tout en élargissant le champ d’investigation aux fondements et aux formes d’organisation politique des implantations norroises, aux destinées de l’Église en terre anglo-danoise, aux élites, aux établissements ruraux et urbains, aux formes de la création culturelle. Ils ont aussi permis de sortir d’une approche quantitative centrée sur le nombre, au profit d’un questionnement mettant davantage en avant les processus de cohabitation et d’interaction entre les communautés anglo-saxonnes et les nouveaux venus. L’historiographie actuelle est, en effet, beaucoup plus sensible aux phénomènes d’adaptation (réciproque), aux processus d’acculturation et à l’émergence d’une identité anglo-scandinave, en un mot plus attachée à découvrir les dynamiques politiques, sociales et culturelles à l’œuvre dans l’Angleterre anglo-scandinave.
- 9 Ireland and Scandinavia in the Early Viking Age, éd. H. B. Clarke, M. Ni Mhaonaigh, R. Ó Floinn, D (...)
- 10 Dumville, « Vikings in the British Isles... », loc. cit. n. 4, p. 218-219.
- 11 D. A. Binchy, « The Passing of the Old Order », The Impact of Scandinavian Invasions on the Celtic (...)
- 12 Ch. Doherty, « The Viking Impact upon Ireland », The Vikings in Ireland, op. cit. n. 9, p. 29-35.
- 13 H. Mytum, « The Vikings in Ireland : Ethnicity, Identity and Culture Change », Contact, Continuity (...)
5L’historiographie de l’Irlande pour la période viking9 a connu, sur certains de ces aspects, des évolutions de même nature, mais présente, par d’autres côtés, des spécificités. Plus qu’ailleurs, semble-t-il, on s’est interrogé sur les effets des assauts vikings sur l’Église10. Plus généralement, les spécialistes s’accordaient sur les profondes transformations connues par l'île du fait des invasions vikings. En 1959, lors du First International Congress of Celtic Studies (publié en 1962), qui portait sur The Impact of Scandinavian Invasions on the Celtic-speaking Peoples, c. 800-1100 AD, la plupart des communications sur l’Irlande ont insisté sur l’importance des changements, mis en exergue notamment par Daniel Anthony Binchy, qui les évoquait sous un titre évocateur : The Passing of the Old Order11. Cette interprétation procédait, pour une bonne part, d’une vision de la société irlandaise décrite comme archaïque, conservatrice et politiquement émiettée ; ces structures permettaient d’expliquer, du moins en partie, la lenteur et le caractère discontinu de l’implantation des nouveaux arrivants, cantonnés sur certains districts côtiers. De telles vues sont, en grande partie, abandonnées aujourd’hui. Si l’importance des Scandinaves dans le développement de la vie urbaine et économique de l’île n’est pas niée, ont également été soulignés la présence et le rôle des centres monastiques qui, dès le viie siècle, rassemblaient population, activités et richesses. Selon Charles Doherty, au moment où les Vikings firent leur apparition sur les côtes irlandaises, ces centres étaient sur le point de devenir les villes et les villages de l’Irlande, et ils continuèrent par la suite à acquérir les caractéristiques des établissements urbains12. La société politique connaissait également des transformations, avec le passage de chefferies tribales en royaumes plus étendus et mieux territorialisés. Ainsi, dans cette histoire, les Vikings apparaissent moins comme les initiateurs ou les déclencheurs des transformations de la société irlandaise que comme des éléments qui accompagnèrent et précipitèrent un mouvement de transformation déjà en cours. D’autres interrogations ont porté sur la chronologie, les intentions et la nature des implantations Scandinaves : comment est-on passé de simples comptoirs sans véritable permanence aux cités hiberno-scandinaves ? Quels furent l’étendue et les caractères de leur domination territoriale ? L’intégration des nouveaux venus dans la vie politique et sociale de l’Irlande, les échanges (matériels, culturels, matrimoniaux) entre les deux communautés ont été observés. Une historiographie récente, plus attentive aux questions d’identité et d’ethnicité13, a aussi pu souligner le contraste apparent entre les signes évidents d’une intégration des Hiberno-Scandinaves dans la vie irlandaise et leur place demeurée périphérique dans la société de l'île, où ils restent considérés comme des « étrangers ».
- 14 Pour une possible chronologie plus précoce, voir B. Ballin Smith, « Norwick : Shetlands First Viki (...)
- 15 F. T. Wrainwright, « The Scandinavian Settlement », The Northern Isles, éd. F. T. Wrainwright, Édi (...)
- 16 Barrett, « Beyond War or Peace... », loc. cit. n. 15, p. 207.
- 17 Les Hébrides furent cédées à l’Ecosse en 1266 (par la Norvège), les Orcades et les Shetland en 146 (...)
- 18 B. Crawford, « The Scandinavian Contribution to the Development of the Kingdom of Scotland », Viki (...)
- 19 Barrett, « Beyond War or Peace... », loc. cit. n. 15, p. 207-218. James Barrett oppose notamment d (...)
6Les interrogations sur la chronologie intéressent l’Écosse, dont les archipels formaient des relais sur les routes menant à l’Atlantique nord et à la mer d’Irlande. Deux points, notamment, sont discutés. L’un concerne les premiers contacts entre cette partie des îles Britanniques et la Scandinavie, un problème qui s’insère dans le débat, plus vaste, sur la chronologie du mouvement viking et les dynamiques qui sous-tendent l’expansion scandinave au viiie siècle. L’autre point a trait aux débuts de l’installation durable des nouveaux venus, dont l’activité croissante en mer d’Irlande laisse supposer la création d’établissements permanents à une date précoce du ixe siècle, même si les premiers témoignages directs ne semblent pas remonter, en l’état actuel des recherches, au-delà du milieu du ixe siècle14. D’autres questions récurrentes portent sur les modalités, pacifiques ou non, par lesquelles les Vikings se sont approprié les archipels écossais et – mais les deux choses sont liées – sur le sort des populations pictés. Y a-t-il eu une conquête brutale accompagnée de l’éviction, selon des modalités discutées, des populations indigènes ? S’agit-il au contraire d’un processus progressif ? Les vues traditionnelles sur le sujet sont assez bien résumées par l’affirmation de Frederick Wrainwright (1962), selon laquelle « la colonisation scandinave fut une migration de masse. Les Scandinaves sont arrivés en nombre suffisant pour submerger les premiers habitants, politiquement, socialement, culturellement et linguistiquement15 ». Mais elles ont été sérieusement remises en cause dans les années 1970 à mesure que les découvertes archéologiques permettaient de mettre en évidence des situations plus complexes, où coexistaient des témoignages matériels que l’on pouvait rattacher aux différentes populations. Les discussions ont été d’autant plus intenses que « l’Écosse de la période viking fournit l’un des exemples les plus clairs, attestés par l’archéologie, d’un mouvement de population vers un territoire auparavant occupé16 ». Le pays a la particularité de présenter des situations très contrastées entre les régions qui ont été presque entièrement scandinavisées (Shetland, Orcades) et celles, comme les Hébrides, où la culture celtique a mieux résisté et où les témoignages d’acculturation réciproque sont plus évidents. Certaines particularités tiennent au dynamisme de certaines formations politiques – on songe, par exemple, à la principauté des Orcades – et aux liens qui perdurèrent avec la Scandinavie jusqu’à une date avancée du Moyen Âge17. Une autre question concerne le rôle des Vikings dans la formation et le développement politiques du royaume d’Ecosse, unifié par les Scots18. Comme le soulignait James Barrett19, bien des interprétations divergentes concernant l’impact scandinave sur l’Ecosse ont surgi de traditions historiographiques concurrentes, d’où la nécessité de prendre en considération tout l’éventail des variables qui ont pu influencer cette présence nordique, mais également les questions relatives au pouvoir, au statut social et aux différentes manières dont cela se manifeste dans les sources archéologiques.
- 20 A. Chédeville, H. Guillotel, La Bretagne des saints et des rois : ve-xe siècle, Rennes, 1984, p. 3 (...)
- 21 J. Besteman, « TWO Viking Hoards from the Former Island of Wieringen (the Netherlands) : Viking Re (...)
- 22 Pour un aperçu historiographique, P. Bauduin, Le monde franc et les Vikings, Paris, 2009, p. 37-46
- 23 E. Joranson, The Danegeld in France, Rock Island, 1923.
- 24 M. Bloch, La société féodale, 5e éd., Paris, 1968, p. 76.
- 25 L. Musset, Les invasions, t. 2, Le second assaut contre l’Europe chrétienne (viie-xie siècles), 2e(...)
- 26 A. D’haenens, Les invasions normandes en Belgique au ixe siècle : le phénomène et sa répercussion (...)
- 27 P. Wormald, « Viking Studies : Whence and Whither ? », The Vikings, éd. R. T. Farrell, Londres, 19 (...)
- 28 Voir par exemple S. Coupland, « The Frankish Tribute Payments to the Vikings and their Consequence (...)
- 29 S. Lebecq, « Aux origines du phénomène viking. Quelques réflexions sur la part de responsabilité d (...)
- 30 N. Lund, « Allies of God or Man ? The Viking Expansion in a European Perspective », Viator, 20 (19 (...)
7Les assauts des Vikings contre le monde franc n’ont pas entraîné l’effondrement total des dominations politiques, sauf celui du regnum breton pour le temps d’un bref « interrègne scandinave20 ». À l’exception de la Normandie, il n’y a pas eu d’implantation durable de principautés Scandinaves. Cette région est la seule où l’on peut observer des matériaux linguistiques (toponymie, anthroponymie, emprunts lexicaux). Les témoignages archéologiques sont rares, même si des découvertes récentes ont pu modifier les vues traditionnelles des historiens sur la présence nordique dans certaines régions comme la Frise21. Pendant longtemps, les questions ont concerné l’impact des attaques vikings sur l’évolution interne du monde franc, l’« effondrement des cadres » civils ou ecclésiastiques, la défense face aux envahisseurs22. Plusieurs de ces travaux – comme ceux d’Einar Joranson sur les danegelds en France (1923)23 – contribuèrent à façonner le tableau d’une période calamiteuse ouvrant la voie aux transformations de l’âge féodal. Cette vision catastrophiste avait été corrigée par Marc Bloch24, et plus tard par des historiens – comme Lucien Musset, Peter Sawyer25 – qui s’attachèrent à replacer les invasions vikings dans un mouvement plus général des peuples Scandinaves. Les recherches d’Albert d Haenens, dans leur ambition d’évaluer la « portée réelle » des invasions, tendirent à limiter les effets dévastateurs des assauts Scandinaves en même temps quelles amenaient une critique plus radicale des sources écrites contemporaines, censées véhiculer une « rhétorique des lamentations26 ». Les effets les plus pernicieux de cette révision – la tendance notamment à minimiser les dévastations provoquées par les raids et la désorganisation subie par le regnum Francorum – ont été vite corrigés27, même s’ils n’ont pas totalement disparu. Une évaluation plus juste des mesures défensives et de pratiques telles que le versement de tributs par les autorités franques a été entreprise28. L’attention portée aux échanges entre les pays riverains des mers septentrionales a permis de mieux comprendre et de situer le mouvement viking29, tandis qu’ont pu être mis en évidence les liens et les parallèles entre la conjoncture politique franque et celle des royaumes Scandinaves30. Deux aspects, enfin, ont bénéficié d’un intérêt croissant au cours des trois dernières décennies. L’un concerne l’image des Vikings et plus généralement la perception du Nord et des peuples Scandinaves par les auteurs du monde franc dans une perspective qui met en exergue les questions relatives à l’altérité. L’autre a trait aux relations entre les élites franques et les chefs Scandinaves, ainsi qu’aux processus d’intégration de ces derniers dans le milieu franc, qui sont observables avant même l’établissement d’une principauté normande en Neustrie.
- 31 Sur ce débat et son influence sur l’historiographie des débuts du duché de Normandie : P. Bauduin,(...)
- 32 Voir en dernier lieu la thèse d’E. Van Torhoudt, Centralité et marginalité en Neustrie et dans le (...)
8Concernant précisément la Normandie, les débats sur l’implantation des Scandinaves et les premiers développements de ce qui devient le duché normand ont été examinés pendant près d’un demi-siècle sous le prisme de l’absence ou non de continuité avec la Neustrie carolingienne. Sur ce point, la polémique qui avait, un temps, opposé Michel de Boüard à Lucien Musset trouva un avatar assez inattendu à la fin des années 1980 dans les travaux de l'historienne américaine Eleanor Searle31. Si la thèse de la continuité semble l’emporter, elle avive aussi les paradoxes de l’histoire normande : comment expliquer la survie de structures politiques et administratives plus solides qu’ailleurs, alors qu’en apparence la discontinuité paraît complète avec l’aristocratie32 ? Comment comprendre une présence Scandinave, bien attestée par les textes, la toponymie et l’onomastique, et l’absence presque totale de témoignages matériels ou d’influences stylistiques nordiques ? Le contraste entre la réussite politique de la principauté normande et l’impossibilité de voir émerger l’expression d’une culture Scandinave ou franco-scandinave a été souligné. Les réponses esquissées mettent en avant la réussite d’un processus d’intégration qui permit aux nouveaux arrivants de s’insérer dans les réseaux d’alliances et dans les structures politiques du monde franc. Plus que vers un retard de l’archéologie viking en France, c’est peut-être davantage vers une assimilation relativement rapide sur le plan des cadres de vie et de pensée qu’il faut rechercher la relative faiblesse des traces matérielles de l’implantation scandinave en Normandie.
- 33 J. Blankoff, « Un faux problème : les théories normannistes et antinormannistes sur les origines d (...)
- 34 C. Zuckerman, « Introduction », Les centres proto-urbains russes entre Scandinavie, Byzance et Ori (...)
- 35 Voir les contributions sur « Trente années de discussion varègue, 1965-1995 », regroupées dans Str (...)
- 36 Un aperçu synthétique dans F. Androshchuk, « The Vikings in the East », The Viking World, op. cit.(...)
- 37 On pouvait encore lire dans la 5’édition de 1992 d’un manuel d’histoire médiévale destiné aux étud (...)
9C’est sans doute en Russie qu’on saisit le mieux les enjeux et les conséquences des débats historiographiques dont la virulence a été renforcée par des oppositions idéologiques33. La querelle se développa au milieu du xviiie siècle entre des savants d’origine allemande, notamment Gerhard Müller, et des savants russes, en premier lieu Mikhail Lomonossov (1711 – 1765), dans le contexte d’ouverture du pays initié par Pierre le Grand. Ce qu’on a appelé la « question varègue » posait le problème des origines de l’État russe et de ceux qui lui avaient donné son nom. Y répondre, c’était prendre parti sur la capacité pour les Russes – pensés ici en tant que peuple slave – à créer leur propre état et à contrôler leur histoire depuis les origines. De là, l’élaboration de deux systèmes – qu’on qualifia plus tard de « normannisme » et d’« antinormannisme » –, avec, d’une part, une « théorie normande », qui attribuait l’essentiel du développement social et politique de la Russie au facteur scandinave, et, d’autre part, les tenants d’une genèse autochtone (et d’abord slave) de la Rus’. Si les débuts de la période soviétique virent une relative neutralisation de la question, la fin des années 1930 engagea l’historiographie officielle soviétique dans un dogme antinormanniste dont la contestation pouvait coûter cher34 : celui-ci s’inspirait des enseignements du matérialisme historique, selon lequel la naissance de l’État (russe) résultait du développement des forces productives et de l’évolution sociale (des Slaves de l’Est), et non d’un apport extérieur. L’historiographie des années 1960-1970 a été marquée par des tentatives destinées à contourner l’antinormannisme officiel, notamment autour du « séminaire varègue » de Leo Klejn et de son élève Gleb Lebedev à Leningrad35, que vinrent ensuite rejoindre d’autres chercheurs (Evgeni Nosov, Vassili Bulkin, etc.), alors que parallèlement les publications de fouilles, la poursuite ou l’ouverture de chantiers archéologiques (Gnezdovo, Rjurikovo Gorodisce, Staraja Ladoga, Timerevo, Pskov, etc.) apportaient des matériaux disponibles pour de nouvelles approches de la « question varègue ». Parfois qualifiées de « néonormannisme », les positions défendues se voulaient dégagées de la dialectique obsolète dans laquelle le débat sur la genèse de l’Etat russe avait été enfermé depuis si longtemps. Certes, il ne faut pas exagérer l’impact des querelles idéologiques dans le développement des études historiques sur la Russie ancienne. Beaucoup de chercheurs de 1ère soviétique optèrent pour des vues pragmatiques à partir de la documentation qu’ils recueillaient36. Mais il faut aussi admettre que la grille de lecture proposée a eu une postérité non négligeable, y compris en dehors de l’Union soviétique37.
- 38 Zuckerman, « Introduction », loc. cit. n. 34, p. 2.
- 39 Plagne, Les origines de l’État russe..., op. cit. n. 33. Il est encore trop tôt pour voir si la cr (...)
- 40 L. Klejn, « Normanism and Antinormanism in Russia », article inédit à paraître. Leo Klejn y expliq (...)
10Ces débats sont-ils aujourd’hui complètement oubliés ? En 2000, Constantin Zuckermann rappelait que les contraintes idéologiques avaient laissé des séquelles dont il fallait tenir compte, « parce que les conceptions historiques évoluent plus lentement que les slogans idéologiques et qu’une très grande partie des idées exposées dans ce volume ont été élaborées à l’ombre du débat antinormanniste, soit dans le cadre de l’idéologie officielle, soit comme tentative pour la contourner38 ». Et il constatait que de nombreuses études mettaient au centre du débat l’appartenance ethnique supposée des occupants et mettaient en avant la présence slave. L’ère postsoviétique s’est accompagnée d’un desserrement des contraintes idéologiques, accompagné de doutes ou d’hésitations dans un pays qui cherchait sa place dans le monde de l’après-guerre froide. Aujourd’hui, il semble que, même si la question varègue n’occupe pas la place qu'elle avait autrefois dans la conscience identitaire du pays, elle tend à reprendre un rôle idéologique de valorisation nationale39. Et ce mouvement est assez fort pour susciter les craintes de l’émergence d’un « nouvel antinormannisme » au début du xxie siècle40. Par ailleurs, l’éclatement de l’Union soviétique a peut-être eu pour effet la reconnaissance de différences régionales qui, jusque-là, n’avaient pas eu toute leur place dans une histoire qui avait mis en avant la construction unitaire de l’État russe.
- 41 Musset, Les invasions, t. 2, op. cit. n. 25, p. 123 sq„ en part. p. 135-137 et 223. Sur les critiq (...)
- 42 G. Lebedev, Epokha vikingov v Severnoj Evrope i na Rusi [L’âge viking en Europe du Nord et en Russ (...)
- 43 Dumville, « Vikings in the British Isles... », loc. cit. n. 4, p. 222 sq.
- 44 Ib id. , p. 226.
11Modèles continuité/discontinuité en Normandie, normannisme contre antinormannisme, voire néonormannisme et néo-antinormannisme en Russie, peace model contre war model pour les archipels septentrionaux de l’Écosse, que l’on analyse aussi en termes d’earldom model contre pagan reaction model, sont quelques-unes des expressions rencontrées dans les travaux consacrés aux implantations vikings en Europe. En définitive, rares sont les modèles généraux ayant pour ambition d’expliquer le mouvement viking et les fondations Scandinaves, et, lorsqu’il y en a, ils renvoient fréquemment à des questions de périodisation. Lucien Musset avait proposé – comme hypothèse de travail d’abord cohérente pour l’expansion Scandinave en Occident – de distinguer deux vagues d’invasions, avec à l’intérieur de la première (fin viiie siècle-vers 930) trois phases : celle du pillage, puis celle des danegelds (des tributs) et enfin le temps de l’exploitation directe, où les Vikings s’installent sur place et prennent directement en main le pays41. En Orient, Gleb Lebedev distinguait six périodes sur une chronologie longue (du viiie au xiiie siècle), qui se décomposaient en dix étapes. Ses trois premières périodes (du milieu du viiie au début du xie siècle) mettaient l’accent sur le développement progressif, puis l’organisation des échanges de biens matériels, la création d’établissements d’abord instables, puis permanents et à caractère interethnique, la participation des Varègues à la fondation et à l’unification de l'État rus’, puis leur assimilation dans cet ensemble42. Pour les îles Britanniques, David Dumville a tenté d’élaborer un modèle capable de dépasser ou de surmonter les différentes vues « nationales » de l’historiographie et le caractère différencié des sources disponibles43. S’il débute par une chronologie – des premiers raids à la formation d’établissements durables et à la mise en place d’une hybridation culturelle –, il défend aussi l’idée que partout les intentions et l’attitude des Scandinaves furent globalement les mêmes, mais que ce furent les réponses des populations autochtones qui varièrent44.
- 45 Franks, Northmen, and Slavs : Identities and State Formation in Early Medieval Europe, éd. I. Gari (...)
- 46 Cultures in Contact..., op. cit. n. 8.
- 47 « Migration and Transcultural Identities in the Viking Age » (ESF SCH Exploratory Workshop, dir. J (...)
- 48 Bauduin, Le monde franc..., op. cit. n. 22, p. 31-37.
- 49 G. Bührer-Thierry, « Conclusions » du colloque « Vers l’Orient et vers l’Occident : regards croisé (...)
- 50 J. Jesch, « Myth and Cultural Memory in the Viking Diaspora », Viking and Medieval Scandinavia, 4 (...)
12Les débats sur l’identité, l’ethnicité et l’ethnogenèse, sur la formation des royaumes ou des formes de regroupement territorial en Europe45 ont enrichi la gamme des approches. Ils ont aussi été un moyen de dépasser ou de surmonter les antagonismes qui avaient monopolisé l’attention des chercheurs. Une partie de ces travaux a privilégié le thème des « cultures en contact46 » et une vision de l’ethnicité inspirée, en partie, des travaux de l’ethnologue norvégien Frederick Barth sur les frontières culturelles. Un des effets de cette démarche a été de mettre l’accent sur la diversité des expériences issues du mouvement viking. La tendance est ici moins à des modèles explicatifs généraux qu’à des méthodes d’analyse qui permettent de faire ressortir ces différences. La difficulté à définir une « identité viking » a récemment été soulignée47, parce que cette dernière n’a rien de monolithique, mais que les identités créées à la faveur de l’implantation des Scandinaves dans plusieurs territoires de l’Europe résultent de différents processus, où entrent en considération l’hybridation culturelle, la création (ou la recréation) d’un passé, les oppositions générées ou accentuées par le contact avec l’autre. L’accommodation – dans un double sens de compromis et d’adaptation48 –, les phénomènes de médiation, le concept de Middle Ground49 sont aussi sollicités pour rendre compte de l’interaction entre les groupes autochtones et les migrants Scandinaves. Les recherches actuelles abordent l’expansion viking non seulement en termes de migrations ou de mouvements de peuples, mais également en termes de diaspora50, ce qui suppose la conscience d’une origine commune et l’existence de contacts sous diverses formes, réelles ou imaginaires, avec le territoire d’origine et/ou avec les migrants qui en sont issus. La pertinence de cette notion pour les espaces d’action des Vikings reste discutée, et il est difficilement concevable qu’on puisse l’appliquer à l’ensemble des territoires où s’installèrent les Scandinaves.
- 51 Voir les contributions de Stefano Gasparri, Magali Coumert et Bruno Dumézil.
13Au terme de ce bref parcours, un constat s’impose. Il n’existe pas de schéma historiographique dominant permettant une vision englobante du mouvement viking et des implantations qui en résultèrent. Il n’y a pas ici la place pour un débat comparable à ceux sur la « chute de Rome » ou la « transformation du monde romain » pour la période des « grandes migrations », dont l’appellation est elle-même soumise à la critique51. C’est parce que, en grande partie, les sociétés que rencontrèrent les Scandinaves étaient très différentes les unes des autres. Le contact qui s’y produisit engendra des formes d’organisation politique, sociale et culturelle très variables et des traces matérielles, linguistiques et mémorielles qui sont, selon les pays, diversement attestées ou prises en compte par les études consacrées à la période viking. Il reste à déterminer dans quelle mesure cette diversité renvoie à des réalités historiques fondées ou à la prégnance de traditions historiographiques qui, depuis un siècle, voire plus, ont orienté l’analyse des implantations Scandinaves.
Notes
1 La bibliographie sur ce point est considérable et il ne saurait être question de prétendre ici, et dans les pages qui vont suivre, à l’exhaustivité. Parmi quelques jalons récents : The Scandinavians from the Vendei Period to the Tenth Century. An Ethnographic Perspective, éd. J. Jesch, Woodbridge, 2002 ; The Viking World, éd. S. Brinks, N. Price, Londres-New York, 2008.
2 J. Byock, L’Islande des Vikings, Paris, 2007, p. 15.
3 Les Vikings, premiers Européens, viiie-xie siècle. Les nouvelles découvertes de l’archéologie, éd. R. Boyer, Paris, 2005 ; Les fondations Scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Actes du colloque de Cerisy-la-Salle (25-29 septembre 2002), éd. P. Bauduin, Caen, 2005. Dans une même optique de comparaison, mais étendue cette fois à l’Orient, signalons le colloque international à deux sessions, « Vers l’Orient et vers l’Occident : les contacts interethniques à l’époque de la formation de la Rus’ de Novgorod. Culture, mémoire, identité » (Saint-Pétersbourg, Novgorod et Staraja Russa, 21-24 juillet 2009) et « Vers l’Orient et vers l’Occident : regards croisés sur les contacts et les dynamiques culturelles à l’âge viking » (Caen, 22-24 septembre 2009), actes à paraître.
4 D. Dumville, « Vikings in the British Isles : A Question of Sources », The Scandinavians from the Vendei Period..., op. cit. n. 1, p. 209-240.
5 Un tableau d’ensemble dans K. Holman, The Northern Conquest. Vikings in Britain and Ireland, Oxford, 2007 ; The VikingWorld, op. cit. n. 1, p. 341 sq.
6 F. Stenton, Anglo-Saxon England, 3e éd., Oxford, 1971, p. 502-525 ; J. Nelson, « Sir Frank Stenton and the Vikings », The Stenton Lecture 2005, Reading, 2005.
7 P. Sawyer, The Age of the Vikings, 2e éd., Londres, 1971, p. 172-173.
8 D. Hadley, The Vikings in England, Settlement, Society and Culture, Manchester, 2006. Voir également J. D. Richards, Viking Age England, Stroud, 2000 ; Vikings and the Danelaw. Proceedings of the Thirteenth Viking Congress, éd. J. Graham-Campbell et alii, Oxford, 2001 ; Cultures in Contact : Scandinavian Settlement in England in the Ninth and Tenth Centuries, éd. D. M. Hadley, J. D. Richards, Turnhout, 2001.
9 Ireland and Scandinavia in the Early Viking Age, éd. H. B. Clarke, M. Ni Mhaonaigh, R. Ó Floinn, Dublin, 1998 ; The Vikings in Ireland, éd. A. Ch. Larsen, Roskilde, 2001.
10 Dumville, « Vikings in the British Isles... », loc. cit. n. 4, p. 218-219.
11 D. A. Binchy, « The Passing of the Old Order », The Impact of Scandinavian Invasions on the Celtic-Speaking Peoples, c. 800-1100 A.D., First International Congress of Celtic Studies Held in Dublin, 6-10 July, 1959, éd. B. Ó Cuiv, rééd. Dublin, 1983, p. 119-132.
12 Ch. Doherty, « The Viking Impact upon Ireland », The Vikings in Ireland, op. cit. n. 9, p. 29-35.
13 H. Mytum, « The Vikings in Ireland : Ethnicity, Identity and Culture Change », Contact, Continuity and Collapse. The Norse Colonization of the North Atlantic, éd. J. Barrett, Turnhout, 2003, p. 113-137 ; O. Viron, « Ethnicité et identité en Irlande prénormande à travers la saga Cogadh Gaedhel re Gallaibh (xiie siècle) », Identité et ethnicité : concepts, débats historiographiques, exemples (iiie-xiie siècle), éd. V. Gazeau, P. Bauduin, Y. Moderan, Caen, 2008, p. 195-212.
14 Pour une possible chronologie plus précoce, voir B. Ballin Smith, « Norwick : Shetlands First Viking Settlement ? », West over the Sea. Studies in Scandinavian Sea-Borne Expansion and Settlement Before 1300. A Festschrift in Honour of Dr Barbara E. Crawford, éd. B. Ballin Smith, S. Taylor, G. Williams, Leyde-Boston, 2007, p. 287-297.
15 F. T. Wrainwright, « The Scandinavian Settlement », The Northern Isles, éd. F. T. Wrainwright, Édimbourg, 1962, p. 126-127 : Scandinavian settlement amounted to a mass migration. The Scandinavians arrived in number sufficient to overhelm the earlier inhabitants, politically, socially, culturally and linguistically, cité par J. H. Barrett, « Beyond War or Peace : The Study of Culture Contact in Viking-Age Scotland », Land, Sea and Home. Proceedings of a Conference on VikingPeriod Settlement (Cardiff, July 2001), éd. J. Hines, A. Lane, M. Redknap, Leeds, 2004, p. 209.
16 Barrett, « Beyond War or Peace... », loc. cit. n. 15, p. 207.
17 Les Hébrides furent cédées à l’Ecosse en 1266 (par la Norvège), les Orcades et les Shetland en 1468-1469 (par le Danemark).
18 B. Crawford, « The Scandinavian Contribution to the Development of the Kingdom of Scotland », Vikings in the West, éd. S. Stumann Hansen, K. Randsborg, Copenhague, Munksgaard, 2000 (Acta archaeologica, 71), p. 123-134.
19 Barrett, « Beyond War or Peace... », loc. cit. n. 15, p. 207-218. James Barrett oppose notamment deux modèles historiographiques respectivement qualifiés (p. 210) d’earldom model et de pagan reaction model, et dont l’opposition recouvre également deux conceptions de l’ethnicité. Le premier met en avant une migration pacifique à ses débuts, suivie d’une domination politique, culturelle et linguistique norroise au moment de la mise en place de la principauté des Orcades. L’autre modèle (avec une approche fonctionnaliste de l’ethnicité) insiste là encore sur les débuts pacifiques, suivis d’une phase de cristallisation des tensions ethniques due à l’expansionnisme chrétien autour de la mer du Nord. James Barrett met en relation ces modèles avec deux autres opposés sur l’importance de la guerre et de la paix entre les deux communautés. Il rejette l’hypothèse d’une extermination (genocide hypothesis) des populations pictes et celle (Laithlind hypothesis) d’un royaume viking installé de manière précoce en Écosse (J. H. Barrett, « The Norse in Scotland », The Viking World, op. cit. n. 1, p. 411-427).
20 A. Chédeville, H. Guillotel, La Bretagne des saints et des rois : ve-xe siècle, Rennes, 1984, p. 374 sq.
21 J. Besteman, « TWO Viking Hoards from the Former Island of Wieringen (the Netherlands) : Viking Relations with Frisia in an Archaeological Perspective », Land, Sea and Home..., op. cit. n. 15, p. 93-108 ; M. Grootehedde, « The Vikings in Zutphen (Netherlands). Military Organisation and Early Town Development after the Viking Raid in 882 », Vikings on the Rhine. Recent Research on Early Medieval Relations between the Rhinelands and Scandinavia, éd. R. Simek, U. Engel, Vienne, 2004, p. 111-132
22 Pour un aperçu historiographique, P. Bauduin, Le monde franc et les Vikings, Paris, 2009, p. 37-46.
23 E. Joranson, The Danegeld in France, Rock Island, 1923.
24 M. Bloch, La société féodale, 5e éd., Paris, 1968, p. 76.
25 L. Musset, Les invasions, t. 2, Le second assaut contre l’Europe chrétienne (viie-xie siècles), 2e éd., Paris, 1971 ; Sawyer, The Age..., op. cit. n. 7.
26 A. D’haenens, Les invasions normandes en Belgique au ixe siècle : le phénomène et sa répercussion dans l’historiographie, Louvain, 1967 ; Id., « Les invasions normandes dans l’Empire franc au ixe siècle. Pour une rénovation de la problématique », I Normanni e la loro espansione in Europa nell’alto Medioaevo, Spolète, 1969 (Settimane di studio del Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 16), p. 233-298 ; Id., Les invasions normandes, une catastrophe ?, Paris, 1970.
27 P. Wormald, « Viking Studies : Whence and Whither ? », The Vikings, éd. R. T. Farrell, Londres, 1982, p. 128-153.
28 Voir par exemple S. Coupland, « The Frankish Tribute Payments to the Vikings and their Consequences », Francia, 26 (1999), no 1, p. 57-75.
29 S. Lebecq, « Aux origines du phénomène viking. Quelques réflexions sur la part de responsabilité des Occidentaux (viiie-début ixe siècle) », La progression des Vikings, des raids à la colonisation, éd. A.-M. Flambard Héricher, Rouen, 2003, p. 15-25.
30 N. Lund, « Allies of God or Man ? The Viking Expansion in a European Perspective », Viator, 20 (1989), p. 45-59.
31 Sur ce débat et son influence sur l’historiographie des débuts du duché de Normandie : P. Bauduin, La première Normandie (xe-xie siècles). Sur les frontières de la haute Normandie : identité et construction d’une principauté, Caen, 2004, p. 25-28.
32 Voir en dernier lieu la thèse d’E. Van Torhoudt, Centralité et marginalité en Neustrie et dans le duché de Normandie. Maîtrise du territoire et pouvoirs locaux dans l’Avranchin, le Bessin et le Cotentin (vie-xie siècles), doct. histoire, univ. Paris 7, 2008. L’auteur souligne (p. 228), pour cette partie occidentale de la Normandie, la pérennité des cadres territoriaux laïques et militaires. À l’exception notable des Rorgonides, la grande aristocratie franque ne paraît pas avoir cherché à s’enraciner ni avoir mené une stratégie de contrôle territorial dans la région au ixe siècle (ibid . , p. 127-158). Il existe cependant au xie siècle une aristocratie « bajocasso-cotentinaise » probablement ancienne mais dont les origines et les ramifications demeurent obscures (ibid . , p. 550-562).
33 J. Blankoff, « Un faux problème : les théories normannistes et antinormannistes sur les origines de l’État kiévien », Revue des pays de l’Est, 1 (1984), p. 31-50 ; V. Duczko, Viking Rus. Studies on the Presence of Scandinavians in Eastern Europe, Leyde-Boston, 2004, p. 1-9 ; la thèse de Nicolas Piagne sur Les origines de l’État russe dans la mémoire collective et leur enjeu dans la conscience nationale (xviiie-xxe siècle), dirigée par Tamara Kondratieva (univ. de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis), soutenue en janvier 2009 à l’EHESS, et surtout l’ouvrage récent de L. Klejn, Spor o varyagakh : Istoriya protivostoyaniya i argumenty storon [Le débat sur les Varègues : l’histoire d’une confrontation et les arguments des deux camps], Saint-Pétersbourg, 2009.
34 C. Zuckerman, « Introduction », Les centres proto-urbains russes entre Scandinavie, Byzance et Orient, éd. M. Kazanski, A. Nercessian, C. Zuckerman, Paris, 2000, p. 2.
35 Voir les contributions sur « Trente années de discussion varègue, 1965-1995 », regroupées dans Stratum plus, 1 (1999), no 5, p. 91-178.
36 Un aperçu synthétique dans F. Androshchuk, « The Vikings in the East », The Viking World, op. cit. n. 1, p. 517-542, notam. p. 529-532.
37 On pouvait encore lire dans la 5’édition de 1992 d’un manuel d’histoire médiévale destiné aux étudiants français de 1er cycle que « les thèses des historiens polonais, appuyées sur d’importantes découvertes archéologiques, réfutent celles des “normannistes” qui attribuaient à l’intervention suédoise la fondation des villes et des Etats slaves » (J. Heers, Précis d’histoire du Moyen Âge, 5e éd., Paris, 1972, p. 74).
38 Zuckerman, « Introduction », loc. cit. n. 34, p. 2.
39 Plagne, Les origines de l’État russe..., op. cit. n. 33. Il est encore trop tôt pour voir si la création (mai 2009) d’une « commission contre la falsification de l’histoire », officiellement destinée d’abord à contrôler la réévaluation de la « Grande Guerre patriotique », aura un effet pour l’historiographie des débuts de l’État russe.
40 L. Klejn, « Normanism and Antinormanism in Russia », article inédit à paraître. Leo Klejn y explique les circonstances qui le décidèrent à publier son livre (Spor o varyagakh..., op. cit. n. 33), resté inédit depuis 1960 et actualisé pour l’édition de 2009. Nous remercions vivement Alexander Musin, directeur de recherches à l’Institut pour l’histoire de la culture matérielle (Saint-Pétersbourg), de nous avoir transmis ce texte.
41 Musset, Les invasions, t. 2, op. cit. n. 25, p. 123 sq„ en part. p. 135-137 et 223. Sur les critiques de ce modèle, en particulier concernant la phase des danegelds, voir Coupland, « The Frankish Tribute Payments... », loc. cit. n. 28.
42 G. Lebedev, Epokha vikingov v Severnoj Evrope i na Rusi [L’âge viking en Europe du Nord et en Russie], Saint-Pétersbourg, 2005, p. 590.
43 Dumville, « Vikings in the British Isles... », loc. cit. n. 4, p. 222 sq.
44 Ib id. , p. 226.
45 Franks, Northmen, and Slavs : Identities and State Formation in Early Medieval Europe, éd. I. Garipzanov, P. Geary, P. Urbanczyk, Turnhout, 2008.
46 Cultures in Contact..., op. cit. n. 8.
47 « Migration and Transcultural Identities in the Viking Age » (ESF SCH Exploratory Workshop, dir. Judith Jesch et Christina Lee, Nottingham, 29-31 mars 2006). Nous remercions le professeur Judith Jesch (université de Nottingham) de nous avoir transmis le rapport scientifique de cet atelier, disponible sur le site de l’European Science Foundation [http://www.esf.org/activities/exploratoryworkshops.html].
48 Bauduin, Le monde franc..., op. cit. n. 22, p. 31-37.
49 G. Bührer-Thierry, « Conclusions » du colloque « Vers l’Orient et vers l’Occident : regards croisés... », cité n. 2. Ce concept est emprunté à Richard White (The Middle Ground : Indians, Empires, and Republics in the Great Lakes Region, 1650-1815, Cambridge, 1991 ; trad. fr. : Le Middle Ground. Indiens, empires et républiques dans la région des Grands Lacs, 1650-1815, Toulouse, 2009) pour désigner un « entre-deux », à la fois géographique et social, créateur de valeurs et de pratiques partagées par des populations qui s’adaptent les unes aux autres.
50 J. Jesch, « Myth and Cultural Memory in the Viking Diaspora », Viking and Medieval Scandinavia, 4 (2008), p. 221-226. Voir également le résumé des communications du séminaire tenu à Leicester (9-10 janvier 2007) sur ce même thème [http://www.nottingham.ac.uk/english/csva/vin/seminari/].
51 Voir les contributions de Stefano Gasparri, Magali Coumert et Bruno Dumézil.
© Éditions de la Sorbonne, 2010