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Urbanisme et mobilité

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Xavier Desjardins

Partie 4. La réforme des institutions locales : solution ou subterfuge ?

La réforme des institutions locales : solution ou subterfuge ?

Texte intégral

1Quel urbaniste n’a-t-il pas déploré que ses solutions restent lettre morte et que les institutions ne soient pas à la hauteur de ses ambitions ? La plupart des écrits des urbanistes se désolent de cette incapacité des institutions à se saisir de manière convenable des enjeux d’aménagement. Idelfonso Cerdá en 1867 critiquait déjà l’inadaptation des périmètres administratifs : « Lorsque l’on essaie d’étendre un noyau urbain, il est presque toujours indispensable de prendre certaines dispositions applicables au-delà du territoire et de la juridiction de la municipalité. Et comme il est difficile, et parfois absolument impossible, d’harmoniser les intérêts de chacune des municipalités à la juridiction desquelles ressortit le terrain urbanisable, l’extension ne s’effectue pas ou mal, et elle ne peut ni satisfaire à l’esprit d’unification qui doit présider à sa réalisation, ni à l’intérêt présent ou à venir du noyau agrandi. Combien d’irrégularités et d’absurdités proviennent de causes semblables ? » (Cerdá, 1867, p. 113). Un peu plus tard, Henri Sellier, à propos de la région parisienne, critique non seulement les périmètres inadaptés des municipalités, mais une organisation administrative « caduque » qui paralyse « toute initiative intelligente » et rend « impossible tout effort collectif » (Sellier, 1917, p. 32). Depuis, rares sont les travaux d’urbanistes qui ne proposent pas une réflexion sur l’organisation institutionnelle souhaitable. La difficulté à orienter la périurbanisation, notamment dans un sens plus favorable aux transports collectifs, a souvent été imputée à l’organisation administrative. Le transfert des compétences d’urbanisme aux communes a nui à la capacité d’orienter de manière coordonnée le développement des grandes agglomérations et de leur couronne périurbaine (Wiel, 2002 ; Desjardins, 2007).

2Les sciences politiques ont depuis longtemps montré l’importance des institutions dans la construction des politiques publiques. Quels sont les moteurs des politiques publiques ? Leurs idées ? Les intérêts des uns et des autres, ou la représentation qu’ils se font de leur propre intérêt ? Ou encore les institutions, qui par leurs règles, organisations et habitudes de fonctionnement tendent à agir mécaniquement et à perpétuer leurs pratiques ?

3Pour Bruno Palier et Yves Surel (2005), ces « trois I » des Idées, des Intérêts et des Institutions ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et peuvent se combiner. Si nous avons identifié quelques « idées » des politiques d’aménagement et repéré quelques acteurs de leurs transformations, il nous faut nous pencher sur les institutions. Les approches dites « néo-institutionnalistes » en sciences politiques ont l’avantage de fournir un cadre théorique qui permette de comprendre pourquoi, malgré l’intérêt qu’y trouveraient certains acteurs économiques ou politiques, malgré certaines révolutions idéologiques, certains changements de politiques publiques semblent impossibles. Ni la recherche du profit ni les théories, néolibérales ou autres, ne peuvent, à elles seules, rendre compte des dynamiques récentes des politiques publiques, où l’on observe une absence de convergence entre les nations et de fortes continuités dans certains secteurs de l’action publique. Malgré la globalisation et le tournant néolibéral, chaque pays semble préserver les traits spécifiques qui caractérisent ses politiques publiques. Les processus de développement institutionnel subissent en effet les contraintes imposées par les règles choisies précédemment. Les discussions sur les institutions sont décisives, car ce sont elles qui fixent les modalités de la coopération sociale dans le temps.

4Dans le domaine de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, les réformes institutionnelles ont été incessantes depuis trente ans. Elles ont retouché continûment le cadre général fixé par la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) de 1982 et les lois de décentralisation de 1982 et de 1983. On pense souvent, nous l’avons déjà dit, que l’organisation institutionnelle locale est un obstacle à l’intégration des politiques d’urbanisme et de transport, graal de tous les urbanistes. Cette intégration a pour objet la coordination entre les différents modes de transport, souvent gérés par des institutions différentes. Si l’on s’intéresse au système de mobilité, c’est-à-dire non seulement à l’offre de transport, mais aussi à la structure territoriale de la demande, on observe que celle-ci est déterminée par la conjonction de différents secteurs de l’action publique, notamment l’urbanisme, le logement, l’éducation, le développement économique. La mise en cohérence des différentes politiques est donc au cœur du débat. Enfin, ces politiques doivent être conçues à une échelle adaptée aux problèmes à résoudre, ce qui impose souvent des coopérations entre échelons territoriaux de même rang. Gérer à la bonne échelle, articuler de manière efficace les différents modes de transport, accorder les différentes politiques sectorielles avec les objectifs poursuivis en matière de mobilité : tels sont les objectifs sans cesse réaffirmés des promoteurs d’une meilleure coordination entre politiques de mobilité et dynamiques territoriales (May et al., 2006).

5Les réformes institutionnelles ont été presque permanentes depuis une vingtaine d’années (1). Que produisent ces réformes ? Incontestablement, le système institutionnel a favorisé le renouveau du transport collectif en lien avec une urbanisation densifiée dans les agglomérations (2). De leur côté, s’ils n’ont pas été totalement ignorés, les espaces peu denses ont été largement délaissés par les politiques publiques en ce qui concerne l’articulation entre transport et urbanisme (3). Faut-il choisir entre la poursuite d’une cohérence territoriale, temporelle et sectorielle (cohérence peut-être illusoire) et la résignation ? Derrière les enjeux institutionnels, on devine une difficulté à énoncer le but des politiques locales de mobilité (4).

© Éditions de la Sorbonne, 2017

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