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Policer les mobilités

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Anne Conchon
, 
Laurence Montel
, 
Céline Regnard

Partie 2. Concurrences et complémentarités

Policer le port d’Anvers : contrôles policiers publics et privés, entre complémentarité et rivalité, fin xixe-début xxe siècle

Margo De Koster et Pieter Leloup

Texte intégral

  • 1  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, rapport de la commission spécia (...)

« Mais si les particuliers parviennent, comme nous l’espérons […] à établir collectivement une sécurité aussi complète que la peut établir l’initiative privée, nous sommes également d’avis que l’administration communale a le devoir de consacrer […] l’action privée, en lui donnant l’appui de certaines mesures de police, sans lesquelles l’action privée serait inefficace1. »

  • 2  Pieter Leloup, « “Stapels koopwaar als een bestendige aanlokking voor dieven”. Een casestudy van d (...)
  • 3  Paul Van de Laar, « Port Traffic in Rotterdam : The Competitive Edge of a Rhine-Port (1880-1914) » (...)

1Dans les analyses historiques de processus et phénomènes sociologiques et criminologiques les plus récentes, les villes portuaires occupent (à nouveau) une place centrale2. Les ports concentrant en grand nombre des circulations de biens et de personnes, leur existence dans une ville implique généralement des spécificités en matière de politique sociale, de réglementation du travail, de démographie et de migration, de criminalité et de dispositifs de sécurité3.

  • 4  Archives de l’État à Beveren, archives de la « Antwerpse Scheepvaartvereniging », Vols au port et (...)
  • 5  Archives de l’État à Beveren, archives de la « Antwerpse Scheepvaartvereniging », Vols au port et (...)
  • 6  Sauf précision contraire, toutes les traductions sont des auteurs.

2Le port d’Anvers était, contrairement à ses homologues internationaux de New York ou Hambourg, caractérisé par une organisation spatiale particulière, entrelaçant le territoire portuaire avec les quartiers résidentiels environnants. À cause de ce « nœud impossible à démêler4 » avec les zones résidentielles, la zone portuaire d’Anvers produisait des exigences supplémentaires en ce qui concernait la gestion de la sécurité. De plus, le port d’Anvers était connu par les initiés pour son attractivité pour les « émigrations clandestines » et les « éléments indésirables5 ». Ces deux caractéristiques font d’Anvers un cas intéressant à examiner dans le contexte de l’ouvrage collectif proposé. À côté du contrôle régulier assuré par la police portuaire et la douane, plusieurs organismes privés et hybrides y exerçaient des fonctions de police. Les services et entreprises de sécurité privées, comme la société Garde maritime & commerciale, Waak en Sluit (« Veiller et sécuriser6 »), et le corps des veilleurs du commerce (Handelswaakdienst), se sont consacrés principalement à la lutte préventive contre le crime, à la surveillance des biens, des quais et des alentours du port. Ces partenaires privés et hybrides ne disposaient pas des mêmes pouvoirs de police que leurs homologues publics. Néanmoins, dans le contrôle policier du port d’Anvers se tissait un partenariat public-privé, dans lequel les entreprises de sécurité fournissaient par exemple à la police communale d’Anvers des informations utiles sur les personnes et les activités suspectes.

3Dans cette contribution, l’accent est mis sur les contrôles policiers, publics et privés, sur la circulation des biens et la prévention du vol dans le port d’Anvers. Une attention particulière est donnée à la coopération, à la complémentarité ou à la concurrence entre ces forces de sécurité publiques et privées. Partant d’un corpus de sources archivistiques très varié (du fonds de la police communale d’Anvers aux archives de la chambre de commerce d’Anvers en passant par la presse quotidienne et commerciale locale), nous examinons le paysage des interactions et des collaborations policières publiques et privées, à Anvers, à partir des années 1889-1890, quand sont mises en place de nouvelles instances de police et de surveillance pour le port, jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale.

Anvers et son port : lieu privilégié pour les commerçants et… les voleurs

  • 7  Greta Devos, Stephan Vanfraechem, Full Steam Ahead. A Century of Antwerp Shipping Federation, Gand (...)
  • 8  Reginald Loyen, Haven in de branding : de economische ontwikkeling van de Antwerpse haven vanaf 19 (...)
  • 9  Christian Leysen, Olivier Boehme (dir.), 100 jaar Ahlers in Antwerpen. Een familiebedrijf in een w (...)
  • 10  Id., « Demografische ontwikkeling van de stad Antwerpen », dans Gustaaf Asaert, Luc Duerloo (dir.) (...)

4Dans un contexte libéral très favorable, marqué notamment par la suppression des entraves commerciales, telles que le péage de l’Escaut en 1867, le port d’Anvers connaît une croissance économique et structurelle extraordinaire à partir de la deuxième moitié du xixe siècle. Alors que la longueur utile d’accostage aux quais et la superficie totale du port sont multipliées par six entre 1860 et 1890, le port, qui était à l’origine un port de transit, devient un port commercial7. Au gré de cette transformation, les activités portuaires se développent et ne se limitent plus au simple transport maritime, au transport routier et à la manutention de marchandises. Elles s’orientent progressivement vers des fonctions de services. Des entreprises de distribution, des transporteurs, des intermédiaires et agents maritimes, des entreprises de stockage, mais aussi des compagnies d’assurances, des banques et des foires, liés au port, s’y installent8. Parallèlement à cette mutation, le flux des marchandises coloniales relativement onéreuses laisse place à un commerce de produits de masse bon marché, comme les minerais, les denrées alimentaires et les carburants. Ce bouleversement entraîne une immense extension des infrastructures portuaires et un décuplement du volume des marchandises traitées entre 1870 et 1913. Le flux de marchandises, qui représente 10 millions de tonnes en 1901, atteint les 19 millions à la veille de la Première Guerre mondiale9. L’expansion portuaire a également des répercussions sur la démographie de la cité scaldienne. Alors que, pendant les années 1860, le nombre d’habitants se situait encore autour des 110 000 personnes, la ville compte 270 000 résidents à la fin du siècle. Avec une population de près de 300 000 âmes en 1910, qui a plus que triplé depuis 1846, la ville portuaire dépasse de loin la croissance moyenne de 71 % enregistrée au cours de la même période dans le royaume belge10.

  • 11  Greta Devos, Gustaaf Asaert, Fernand Suykens, De Antwerpse Naties, zes eeuwen actief in stad en ha (...)
  • 12  Pieter Leloup, « The private security industry in Antwerp (1907-1934)… », art. cité.
  • 13  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal du 16 février 1891, p (...)

5L’extension des infrastructures portuaires et des activités commerciales a néanmoins un revers sur le plan de la protection du port et des marchandises. À partir de 1880, les autorités anversoises sont confrontées aux premières plaintes invoquant une forte augmentation de la délinquance contre les biens commise dans le port. Jusque-là, les pertes économiques enregistrées par le secteur portuaire étaient limitées et la surveillance des marchandises était essentiellement assurée en interne par les entreprises installées dans le port11. Au cours des décennies suivantes, plusieurs centaines de plaintes sont déposées auprès des autorités anversoises, de la police et de la chambre de commerce de la ville12. Pour le conseil communal anversois, la problématique des vols dans le port est intimement liée à celle de la circulation des marchandises dans les installations portuaires. Par divers règlements publics et ordonnances, la ville tente de garantir une circulation plus rapide des marchandises, en concertation avec les acteurs privés, telles que les autorités commerciales et portuaires. Le but est d’éviter l’entreposage anarchique et non surveillé de marchandises sur les quais et de réglementer l’ouverture et la fermeture des portes d’accès aux quais de l’Escaut13.

  • 14  Stad Antwerpen, Politie der Haveninrichtingen van 16 december 1889, Anvers, Stadsdrukkerij Jos. Ro (...)
  • 15  Id., Politiereglement Bewaking der Havenkaaien van 19 december 1898, Anvers, Drukkerij We De Backe (...)
  • 16  Id., Politie der Haveninrichtingen van 16 december 1889, Anvers, Stadsdrukkerij Jos. Roeder & C°, (...)

6Le 16 décembre 1889, le conseil communal approuve à cet effet un règlement intitulé « Police des établissements maritimes ». Il arrête des dispositions concernant la fermeture des grilles, les conditions d’accès aux quais de l’Escaut entre les grilles et le fleuve pour les fonctionnaires, employés, ouvriers, agents de police, veilleurs de nuit, mineurs, démarcheurs, etc. (art. 1-2), la manutention des marchandises sur les quais (art. 3), le chargement et le déchargement des véhicules (art. 4-5), les interdictions en matière d’ordre public dans le port (art. 6), l’utilisation du pont flottant et du bac (art. 7) et les sanctions pénales pour les contrevenants aux articles précédents (art. 8)14. Neuf ans plus tard, le conseil communal adopte un nouveau règlement intitulé « Surveillance des quais du port », qui abroge le précédent. Dans un contexte d’expansion rapide du port à la fin du xixe siècle, il entend assurer une surveillance des quais et des docks plus efficace que ce que prévoit l’ancien règlement de 1889. L’accent est davantage mis sur la surveillance et le contrôle du personnel affecté au gardiennage (art. 3-4), et sur la réglementation du trafic plus intense et de l’entreposage des marchandises sur les quais (art. 5-6). Les interdictions stipulées en matière de maintien de l’ordre public dans le port (art. 7-8) sont conservées, de même que les sanctions pénales pour les contrevenants (art. 9)15. L’intérêt croissant accordé à la réglementation interne du trafic portuaire et à la discipline des ouvriers et du personnel portuaire se dessine clairement à partir de la fin du xixe siècle. L’alourdissement des sanctions infligées aux contrevenants est particulièrement frappant. En effet, le règlement de 1889 prévoit une amende de « 5 à 25 francs et […] un emprisonnement de 1 à 7 jours, ou […] une de ces peines seulement » en cas d’infraction16. En 1904, la même violation est punie comme suit :

  • 17  Id., Politieverordening op het verkeer aan dokken en kaaien. Wijziging van 21 november 1904, Anver (...)

« 15 à 25 francs et […] un emprisonnement de 3 à 7 jours, séparément ou cumulativement. En cas de récidive, la peine d’emprisonnement sera toujours prononcée. Le tout sans préjudice des autres pénalités qui pourraient être édictées par la loi, ainsi que des dommages et intérêts à prononcer, le cas échéant, à charge des condamnés17. »

  • 18  A. Westerhuis, De ontwikkeling van het politietoezicht op de groote waterwegen, La Haye, Drukkerij (...)
  • 19  Voir par exemple L’Étoile belge, 5 juillet 1906 ; Le Matin, 6 mai 1913 ; Neptune, 5 novembre 1932  (...)
  • 20  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3687, annexe lettre Selb & Huvers (...)
  • 21  Id., Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3688, annexe lettre Compagnie de transport internationaux (...)
  • 22  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, Openbare zitting (1891), p. 105.

7Vu les pertes économiques liées aux vols dans le port, la chambre de commerce, en sa qualité d’organisation défendant les intérêts du monde économique anversois, décide de prendre les choses en main. À cet égard, la chambre du commerce entretient même des relations avec des autorités portuaires étrangères18. En interrogeant ses membres sur les vols commis dans le port, elle espère mieux cerner l’épineuse problématique de la sécurité qui ternit fortement l’image du port aussi bien dans le pays qu’à l’étranger19. En réponse à l’un de ses courriers de 1905, par exemple, des dizaines d’entreprises en relation avec le port donnent un compte rendu détaillé des marchandises qui leur ont été dérobées au cours de l’année. Ainsi, entre le 18 septembre et le 20 novembre 1905, plus de 28 caisses d’allumettes, 2 caisses de bougies, 2 caisses de lanternes, 2 caisses de verreries, 2 caisses de lait, 2 caisses de cognac et 1 caisse de chaînes ont disparu de deux hangars de l’agent maritime Selb & Huverstuhl20. La Compagnie de transports internationaux a, pour sa part, été dépossédée de 26 sacs de pâte de bois, 8 fûts d’huile, 1 caisse de quincaillerie et 8 lampes stockées dans une autre caisse entre le 5 août et le 9 novembre 190521. La découverte d’un vol intervient généralement des jours, voire des semaines après le délit, empêchant ainsi gravement toute action rapide et appropriée. Dès lors, l’ (les) auteur(s), le lieu et le moment des vols demeurent souvent inconnus. De fait, ce n’est qu’une fois arrivées à Copenhague qu’il est apparu que des caisses expédiées de Bruxelles via le port d’Anvers contenaient des pierres provenant d’un quai en démolition à Anvers et non les tissus qui auraient normalement dû être livrés22.

8L’administration portuaire considère que les vols présentent un caractère spécifique, circonscrit dans le temps et dans l’espace, découlant de l’organisation de la manutention des marchandises. Selon elle, les flux de marchandises font naître d’innombrables opportunités délictueuses. L’aménagement spatial particulier du port d’Anvers se caractérise par un enchevêtrement étroit des infrastructures portuaires et des quartiers ouvriers adjacents. Les entrepôts ne se situent pas uniquement dans le domaine portuaire, mais aussi dans les quartiers avoisinants. La surveillance et le contrôle efficaces des entrepôts et des transports de marchandises sont par conséquent plus complexes.

  • 23  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3688, lettre Armement Deppe à CCA (...)
  • 24  Gazet van Antwerpen (Journal d’Anvers), 2 février 1913.

9Les questionnaires de la chambre de commerce permettent d’identifier plusieurs points névralgiques dans le port d’Anvers. Soutenu en ce sens par la Nieuwe Werk Natie, l’armateur Armement Deppe déclare que de nombreux vols ont lieu dans les environs du dock de l’Amérique. Selon ces contemporains, les marchandises sont surtout subtilisées pendant leur transport vers les quais au niveau du bassin ou lors de leur entreposage sur les quais23. En général, les « parasites des quais » opèrent en deux groupes. Tandis que le premier groupe remplit des sacs de marchandises volées sur les quais situés en contrebas, l’autre groupe les hisse à l’aide d’une corde avant de prendre rapidement la fuite24.

  • 25  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, Verslag Opsporingsdienst, 5 février 190 (...)
  • 26  Id. (731#1132), Kaaien, handel en haven, le commissaire en chef de police, 9 février 1900.
  • 27  Greta Devos, Stephan Vanfraechem, Full Steam Ahead. A Century of Antwerp Shipping Federation, op. (...)

10Une vaste majorité des plaintes relatives aux vols commis dans le port pointent du doigt les ouvriers qui « ont les coudées franches quand il n’y a pas de vigilance25 ». Le commissaire de la police anversoise attribue aussi les vols aux ouvriers portuaires absolument dénués de scrupules : « Il existe à Anvers, comme dans tous les ports du monde, des ouvriers peu scrupuleux, qui volent de menus objets pendant leur travail à fond de cale, c’est-à-dire là où la surveillance de la police est impossible26. » Une manutention et un stockage efficaces requièrent l’engagement d’un très grand nombre de dockers. Le chargement et le déchargement des navires sur les quais sont assurés par les arrimeurs. Hors de l’enceinte des quais, la manutention des marchandises, c’est-à-dire le transport des quais vers les entrepôts et magasins, et vice versa, relève de la responsabilité des sociétés d’entreposage (les « nations » anversoises). À l’exception des grutiers, la majorité des ouvriers portuaires sont des travailleurs engagés à la journée par les arrimeurs et les sociétés d’entreposage, payés en fonction de l’offre et la demande de travail27. Les pratiques portuaires séculaires, telles que le chapardage de petites quantités de marchandises ou d’objets (bois, céréales, café, charbon, clous, boulons…) à usage personnel, sont donc courantes dans le port d’Anvers. Bien que les ouvriers considèrent cette habitude traditionnelle comme un complément innocent et relativement légitime à leur salaire, la coutume ne jouit pas de la même compréhension au sein de l’administration. Les ouvriers pris sur le fait sont passibles de sanctions (pénales) sévères.

  • 28  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, Maatschappij Volksbelang, 26 ju (...)

11Les dockers et le personnel navigant ne sont pas les seuls à être soupçonnés des vols. En effet, parallèlement aux dockers qui subtilisent des quantités relativement réduites de denrées alimentaires, bois ou autres marchandises, le port présente un attrait majeur pour les voleurs professionnels, notamment les « voleurs fluviaux », qui empruntent l’Escaut pour transporter la nuit leur énorme butin par bateau, sans être vus des veilleurs présents sur les quais. La société anversoise Maatschappij Volksbelang se plaint également des « incursions » quotidiennes des femmes et enfants qui, armés de balais et de sacs, dès 4 heures du matin, traînent parmi les piles de marchandises. Non seulement ils récoltent les grains de café, céréales ou haricots qui s’échappent des sacs de jute déchirés lors de la manutention, mais ils vont parfois jusqu’à fendre délibérément les sacs et balles pour voler, se plaint l’entreprise28.

  • 29  Id. (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal, 16 février 1891, p. 89.
  • 30  Ibid., p. 95.

12L’entassement tous azimuts et bien visible de marchandises sur et autour des docks est depuis longtemps une cause permanente d’exaspération pour l’administration anversoise. Si elle entrave la manutention efficace des marchandises et le déchargement rapide des cargaisons, cette pratique favorise également le vol29. Pour mettre fin à cette habitude, les autorités anversoises doivent d’abord obtenir l’aval du gouvernement, sans lequel la ville n’est pas habilitée à émettre une réglementation adéquate. Pieds et poings liés par l’inaction de l’État, les autorités anversoises ne peuvent décider en toute autonomie de l’aménagement et de l’organisation des docks30. L’absence de compétence formelle de l’administration communale en matière d’aménagement portuaire et de surveillance des installations entraîne, dans une certaine mesure, un glissement de la responsabilité relative à la protection en faveur d’acteurs privés. Les difficultés pratiques et surtout financières, liées à la mise en place d’une surveillance policière efficace et complète dans un port aussi étendu, sont un obstacle encore plus important pour les autorités locales anversoises.

Acteurs et stratégies de la gestion de la circulation des biens dans le port d’Anvers

La police portuaire publique

  • 31  Lode De Barsée, 100 jaar Politie Bordeauxstraat, 1878-1978, Anvers, Impr. Albert Van der Waals, 19 (...)

13En 1860, le corps de la police portuaire publique, qui dépend de la police communale d’Anvers, est tout juste constitué de cinq anciens marins, engagés en tant qu’agents sur les docks. Ils sont assistés de sapeurs-pompiers qui occupent un certain nombre de postes fixes au sein de la maison communale et des docks. À la suite de la réorganisation de la police anversoise en 1862, un commissaire de quartier pour la zone du port, un inspecteur de première classe affecté au service spécial des docks, ainsi que quelques adjoints et agents sont désignés. Quand, en 1867, un 7e district est créé pour la zone portuaire, la police portuaire d’Anvers voit le jour. Dans un premier temps, le nouveau corps de police prend ses quartiers dans un poste de garde sur le dock du Kattendijk. En 1879, il est toutefois transféré dans un véritable commissariat aménagé dans la rue de Bordeaux, où s’installent le commissaire Van De Walle et sa famille. Jusque dans les années 1970, le commissaire en charge du port continuera à occuper le premier étage du bâtiment : « Dans les annales de la ville d’Anvers, il apparaît toujours comme un bastion qui a symbolisé la sécurité et le contrôle de notre port pendant plus de cent ans31. »

  • 32  Amand De Lattin, De politie waakt : uit het Antwerpsch politie-archief 1790-1880, Anvers, Van Maer (...)

14Le commissariat principal de la police portuaire est situé à un endroit stratégique, au carrefour entre les docks les plus anciens (dont le dock Bonaparte, première extension cruciale du port construite sous Napoléon), la gare ferroviaire servant au transport des marchandises, les entrepôts centraux, où divers commerçants entreposent leurs marchandises, et les premier et deuxième districts densément peuplés. La violence est particulièrement diffuse aux confins du premier district, le Schipperskwartier ou quartier des marins, abritant d’innombrables maisons closes (en 1854, on comptait 47 maisons closes, occupant 260 prostituées) et dancings, et attirant une clientèle variée et rustre de matelots, dockers, débardeurs et aventuriers. Après l’extension du port et la modification des quais de l’Escaut en 1887, l’ancien quartier des marins est en grande partie démoli et ces activités de prostitution et de divertissement se déplacent d’à peine quelques rues dans le premier district32.

  • 33  H.B. Cools, J. Andriessen, Raymond Van Uytven, Karel Van Isacker, Antwerpen : twaalf eeuwen geschi (...)

15Au cours des années suivantes, la police portuaire doit faire face à l’extension extrêmement rapide de la zone portuaire : entre 1878 et 1909, des dizaines de kilomètres de nouveaux bassins et quais sont aménagés, aussi bien vers le nord qu’en direction du sud. Dans un même temps, le réseau ferroviaire se développe sensiblement et la mécanisation de l’équipement portuaire se poursuit. Entre 1863 et 1930, la ville bâtit également dix cales sèches pour la construction et la réparation des bateaux33. Il n’est dès lors nullement étonnant qu’en dix ans à peine, soit entre 1884 et 1893, trois bureaux annexes de la police portuaire soient aménagés (sur le Dam, le dock de l’Afrique et le dock Lefèbvre), afin d’organiser ne serait-ce qu’une présence minimale de police dans ces nouvelles zones.

Les acteurs hybrides : la police des quais et le corps des veilleurs du commerce

  • 34  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, rapport de la commission spécia (...)
  • 35  Ibid.
  • 36  Ibid.

16Sous l’impulsion de la chambre de commerce d’Anvers, une commission spéciale est instituée en 1887. Elle a pour mission d’élaborer des mesures pour mettre fin aux « déprédations considérables constatées sur les quais d’Anvers34 ». Consciente de l’urgence et de la complexité de la problématique de la sécurité dans le port, et conformément au principe de la liberté subsidiée qui prévaut en Belgique au xixe siècle, elle martèle l’importance d’une collaboration public-privé dans le domaine de la sécurité : « L’administration communale a le devoir de consacrer (pour ainsi dire) l’action privée35. » Même si elle met en exergue à plusieurs reprises la responsabilité privée en matière de lutte contre la criminalité, la commission s’adresse donc tout autant aux autorités locales anversoises. Outre la mise en place de mesures ponctuelles de prévention de la criminalité, elle estime que « des démarches seront faites auprès de l’administration communale pour obtenir la création, indispensable, d’une section de police des quais, avec personnel complet, bureau, postes de garde, etc36. ».

  • 37  Zondagsgazet (Journal du dimanche), 8 et 9 avril 1916.
  • 38  Stad Antwerpen, Politiereglement Bewaking der Havenkaaien van 19 december 1898, Anvers, Drukkerij (...)
  • 39  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, rapport de la commission spécia (...)
  • 40  Zondagsgazet (Journal du dimanche), 8 et 9 avril 1916.

17Le corps de la police des quais occupe une place particulière dans le paysage de la sécurité. C’est à l’initiative de la chambre de commerce et avec l’accord de l’administration communale anversoise que le collège des échevins procède à sa fondation le 1er avril 188937. Il est alors décidé que chaque porte s’ouvrant au niveau de la grille sera surveillée par un employé nommé par l’administration communale et compétent pour la surveillance des lieux au même titre que la police38. Les agents de quai font partie de la police communale anversoise tout en constituant un corps adjoint distinct, ou encore « une police sérieuse et spéciale… une double organisation39 ». Lors de sa constitution, le corps est composé d’un agent de quai en chef et de six agents de quai de 1re classe. Leur nombre augmente rapidement à deux agents de quai en chef et 38 agents de quai de 2e classe. En 1896, quand le service de mesure des marchandises est intégré au corps, l’organisation compte deux agents de quai en chef, six agents de quai de 1re classe et 42 agents de quai de 2e classe. En 1904, un troisième agent de quai en chef vient étoffer son effectif. Une nouvelle réorganisation majeure intervient en 1911 à la suite de l’énorme extension des infrastructures et de la circulation des marchandises que le port a connue depuis la fin du xixe siècle. Outre la création d’une nouvelle fonction d’inspecteur en chef, quatre surveillants en chef sont affectés au corps. Venant s’ajouter aux 63 agents de quai-surveillants et 192 agents de quai, ils forment un corps de 260 personnes à la veille de la Première Guerre mondiale40.

  • 41  Gazet van Antwerpen (Journal d’Anvers), 27 octobre 1913.

18Aux côtés de la chambre de commerce, ce sont essentiellement les forces libérales de l’administration communale qui ont appelé de leurs vœux la création du corps de la police des quais. Les cercles catholiques contestent donc d’emblée l’organisation. Pour la Gazet van Antwerpen, journal catholique conservateur, il s’agit d’une organisation purement constituée de « propagandistes libéraux », inapte à assurer sa mission de prévention de la criminalité. Selon elle, sa création a essentiellement pour but de se substituer à la véritable police publique et de la remplacer par une police portuaire constituée d’agents de quai servant exclusivement les intérêts portuaires libéraux. En d’autres termes, il s’agirait, selon le journal, d’un corps de police portuaire purement privé41.

  • 42  Archives de la Fédération royale des gestionnaires de flux de marchandises, Livre d’actes, 5 octob (...)
  • 43  Ibid., 7 août 1889.

19Devant la persistance des vols dans le port et sur les quais, l’Association des nations réunies (Bond der Verenigde Naties) décide fin 1888 d’entamer des discussions avec la chambre de commerce anversoise. Les deux institutions conviennent de s’adresser à l’administration communale afin d’obtenir une extension de l’effectif de la police portuaire de, respectivement, 25 agents pour le service de jour et 25 agents pour le service de nuit. Elles ébauchent également la création d’un service de gardiennage public-privé. Le but est d’établir quelle structure peut encadrer la fondation de ce service de nuit spécial, doté d’un effectif de 70 à 75 veilleurs de nuit engagés et nommés par la ville42. L’année suivante, les négociations entre l’Association des nations réunies, la chambre de commerce et l’administration communale connaissent un coup d’accélérateur. La définition des grandes lignes du cadre dans lequel l’institution devra opérer est confiée aux différentes nations, qui devront travailler en concertation43.

  • 44  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3687, Handelswaakdienst, 1907.
  • 45  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, Statuten wakerskorps van den ha (...)

20Le corps des veilleurs du commerce, dont la dénomination officielle est « service spécial de veilleurs de nuit aux docks et aux navires dans le port d’Anvers » (Bijzondere dienst van nachtwakers voor de goederen aan de dokken en de schepen in de haven van Antwerpen)44, voit le jour en 1890. L’organisation générale et les activités du corps de veilleurs sont placées sous le contrôle d’un comité spécial. Cinq délégués de l’administration communale et quatre délégués de la chambre de commerce sont désignés pour exercer le contrôle sur le corps45. En première instance, ce sont les nations qui peuvent faire appel au corps des veilleurs. Quatre francs doivent être déboursés par mission de surveillance et par veilleur, que ce soit de jour ou de nuit. Quand le nombre de veilleurs le permet, d’autres entreprises du port d’Anvers peuvent également demander l’intervention du corps des veilleurs du commerce. Les veilleurs, qui touchent un salaire mensuel de 80 francs, doivent être en possession d’un certificat de bonnes vie et mœurs. Seuls les hommes de 25 à 45 ans peuvent poser leur candidature.

  • 46  Het Handelsblad (Journal du commerce), 16 janvier 1896.

21Dans la pratique, la (demande de) mission de surveillance intervient toujours de manière relativement informelle, afin d’autoriser le contrôle par le veilleur. Avant le début de la mission, l’administrateur du corps des veilleurs du commerce remet au veilleur (de nuit) un document mentionnant le numéro du bassin dans lequel les marchandises à protéger sont entreposées, ainsi que les instructions utiles. Une fois sur place, le veilleur contrôle si la marchandise est au complet et couverte. Une surveillance de nuit débute aux alentours de 18 h et prend fin à 7 h 30 le jour suivant. Après avoir vérifié que rien n’a disparu, le propriétaire des marchandises signe le document que le veilleur restitue à son chef de service au bureau du corps des veilleurs du commerce. Le veilleur est ensuite payé pour sa mission46.

  • 47  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal du 16 février 1891, p (...)

22Bien qu’il s’agisse d’une organisation officielle, le corps des veilleurs du commerce ne contribue pas à assurer la sécurité publique, mais offre contre paiement des services de gardiennage à des tiers qui s’adressent directement au responsable de la société à cet effet ou passent par l’entremise des nations. Aussi bien la chambre de commerce que les cercles libéraux anversois se plaignent cependant des commerçants qui ne font appel que sporadiquement au corps des veilleurs pour faire protéger leurs marchandises. Le prix demandé, 4 francs par mission de gardiennage, est nettement supérieur à celui réclamé par la plupart des veilleurs privés et joue en défaveur du corps des veilleurs du commerce47.

Le secteur privé : services de surveillance nocturne et entreprises de gardiennage

  • 48  Dominique Kalifa, Naissance de la police privée : détectives et agences de recherches en France 18 (...)

23Au début du xxe siècle, l’organisation de la sécurité à Anvers et dans son port connaît quelques évolutions majeures, comparables à celles observées dans d’autres centres urbains européens à cette époque48. À partir de 1906, en quelques années à peine, diverses organisations sans lien avec l’État commencent à proposer des services de surveillance et de protection à une clientèle payante. Aux côtés de détectives privés, des services de surveillance nocturne tels que Waak en Sluit et Sécurité-Veiligheid cherchent à effectuer des missions de gardiennage dans la ville portuaire. C’est néanmoins surtout la société Garde maritime & commerciale (GMC) qui, à partir de 1907, imprime durablement sa marque dans le secteur de la sécurité privée à Anvers jusqu’à la fin du xxe siècle. Lorsqu’elle est constituée, le 18 avril 1907, l’objet social de l’entreprise est le suivant :

  • 49  Annexes du Moniteur belge, 18 avril 1907, acte 2724, section I, art. 2.

« L’organisation d’un service de veilles pour le port d’Anvers, ainsi que pour la surveillance de travaux, garde des propriétés, mobilières et immobilières et autres opérations similaires avec ou sans responsabilité contre les vols, durant la surveillance et moyennant entente préalable49. »

  • 50  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3687, Brief Garde maritime & comm (...)

24Alors que ce sont principalement les négociants en marchandises et la chambre de commerce qui ont pris l’initiative de la création du corps des veilleurs du commerce, la GMC doit davantage sa naissance au soutien administratif et financier apporté par les agents maritimes et les transporteurs. Quoi qu’il en soit, tout comme le corps des veilleurs du commerce, la GMC est initialement liée au port d’Anvers. À ses débuts, la GMC se présentait comme une « société de surveillance pour le port d’Anvers », orientée vers la « garde de marchandises sur quai, saisies et navires50 ».

  • 51  Luc Keunings, Des polices si tranquilles. Une histoire de l’appareil policier belge au xixe siècle(...)
  • 52  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3688, lettre s.a. Sécurité-Veilig (...)
  • 53  Ibid., lettre Wach- und Schliess-Gesellschaft Elberfeld-Barmen, 16 août 1906.
  • 54  Waak en Sluit (Veiller et sécuriser), Société de surveillance « Waak en Sluit », Anvers, Laporte  (...)

25Un an environ avant la fondation officielle de la GMC, d’autres entreprises s’efforcent déjà de proposer leurs services de gardiennage dans le port. Ainsi, la montée en puissance rapide des services de gardiennage nocturne sur le continent européen depuis 1901 s’étend également à la Belgique et, plus spécifiquement, à Anvers. En 1910, la ville portuaire compte 439 agents de sécurité privés divers, un nombre très supérieur à celui de Bruxelles (262) et Charleroi (226), par exemple51. La problématique persistante de la sécurité dans le port d’Anvers n’a pas échappé à la société anonyme Sécurité-Veiligheid, un « service particulier de veilleurs de nuit de la ville, des faubourgs et du port ». En tant que service de gardiennage nocturne, il est responsable de « toutes veilles, gardes de marchandises à bord ou sur quai, navires, saisies, matériaux de construction et constructions en cours d’exécution, établissements et maisons particulières52 ». C’est cependant surtout Waak en Sluit qui se démarquera dans ce secteur d’activité. Dès le 14 août 1906, deux ans avant la mise en place d’une société sœur anversoise, une filiale de Kolner Wach- und Schliess-Gesellschaft fait sa publicité dans le port d’Anvers et alentour. Le but est d’arriver à la constitution d’une entreprise anversoise sur le modèle allemand de Kolner Wach- und Schliess-Gesellschaft. Selon ses propres dires, la société répond de la sorte au besoin de disposer d’une « organisation de veilles sérieuses, qui s’imposent aux particuliers avec le concours éventuel de sociétés de veilleurs en rapport avec l’organisation de la police des quais53 ». Waak en Sluit est finalement constituée à Anvers le 1er mars 1907. Elle décrit ainsi son objet principal : « Surveiller les propriétés contre les effractions, les vols, les dégradations, les dangers de l’eau et du feu, surveiller les objets qui nous sont confiés et les préserver contre les dégâts54. »

Polices plurielles

26Nous avons déjà montré que le secteur de la sécurité dans le port d’Anvers se caractérisait par une vaste offre de services de police publics, privés et hybrides. Chacune de ces organisations possédait sa propre structure, ses compétences territoriales et policières, ses objectifs et ses priorités. La coexistence de ces divers services débouche régulièrement sur des conflits, aussi bien au niveau de l’administration communale que sur le terrain proprement dit.

Compétences et territoires

  • 55  Margo De Koster, « Routines et contraintes de la police urbaine à Anvers, 1890-1914 », dans Jean-M (...)
  • 56  Archives de la ville d’Anvers (MA#41928-41931), Fonds de la police, Police du port (7e district), (...)
  • 57  Ibid.

27Le service de police public du (7e) district portuaire, la police portuaire, est officiellement le seul organe spécifiquement compétent pour procéder à des arrestations et à des verbalisations. Par conséquent, les autres services de police et de sécurité du port dépendent de la police publique et sont tenus de collaborer avec elle, comme nous le verrons ultérieurement. Par ailleurs, la police portuaire est aussi dans une large mesure une police de quartier « ordinaire », contrainte d’intervenir dans les querelles de voisinage, de faire cesser le tapage nocturne, d’arrêter les prostituées qui ne se soumettent pas à des examens médicaux réguliers et d’effectuer les autres missions typiques d’une police de quartier55. Presque 40 % des missions menées par la police portuaire en 1890 sont de cette nature et n’ont aucun lien spécifique avec le port56. Pour les affaires spécifiquement liées au port, il faut souligner que le rayon d’action de la police portuaire est limité à l’ancienne zone portuaire autour du dock du Kattendijk, c’est-à-dire à la partie la plus méridionale des quais nord, limitrophe des 1er et 2e districts du centre-ville : en 1890, neuf interventions de la police portuaire sur dix y sont concentrées57.

  • 58  Id. (731#1132), Kaaien, handel en haven, Noorderdokken, Verslag toezicht der kaaien, 17 septembre (...)
  • 59  Gazet van Antwerpen (Journal d’Anvers), 9 avril 1912.
  • 60  Het Handelsblad (Journal du commerce), 6 juin 1913.

28Nous avons vu précédemment que, parallèlement à l’extension des activités portuaires anversoises, l’effectif de la police des quais avait fortement augmenté en deux décennies, pour compter plus de deux cents membres. Le champ d’action de ce corps de police suit la même tendance : à partir de 1898, un règlement communal étend son domaine d’intervention des quais fermés situés le long de l’Escaut aux nouveaux quais au nord. Dès lors, la police des quais est active dans les mêmes zones portuaires que celles de la police portuaire régulière, même si la surveillance pour laquelle elle est compétente est limitée aux entrepôts. En 1901, un rapport du corps de la police des quais en charge des quais nord indique qu’elle constitue dans la pratique la seule présence policière dans ces parties les plus septentrionales du port58. Dix ans plus tard, l’administration communale anversoise décide de confier la surveillance des quais exclusivement aux agents de quai et d’en décharger la police portuaire. Officiellement, le but est de pouvoir affecter un plus grand nombre d’agents de police dans la ville, mais la presse catholique n’y croit pas59. Néanmoins, les projets visant à poursuivre dans cette voie, à recruter 250 agents de quai supplémentaires et à conférer au service de véritables compétences de police sont abandonnés en 191360.

  • 61  Ibid., 10 avril 1897.

29Outre la surveillance des entrepôts, les agents de quai sont aussi responsables du contrôle des entrées et des sorties aux portes du port. Ils ont pour mission de vérifier les bons de sortie délivrés, par exemple, par les grossistes. Pour lutter contre le vol, le bon de sortie doit être systématiquement présenté à l’agent de quai de service pour pouvoir emporter ou transporter des marchandises hors du port. Le document mentionne l’adresse et le nom du propriétaire des marchandises, leur nature, leur volume, leur origine et leur destination, l’adresse et le nom du transporteur, et la signature du propriétaire ou d’un employé. Ces mesures de prévention rendent plus difficile le détournement de marchandises, mais ne constituent néanmoins pas un système étanche. Par ailleurs, vu leur surveillance statique aux grilles du port, les agents de quai sont souvent comparés à des « automates remontés à intervalle régulier et qui ne font pas un pas de plus que nécessaire61 ».

  • 62  Ibid., 6 novembre 1913, 10 février 1914.
  • 63  Stad Antwerpen, Politiereglement Bewaking der Havenkaaien van 19 december 1898. Wijziging van 16 f (...)
  • 64  Zondagsgazet (Journal du dimanche), 8 et 9 avril 1916.

30S’ils se saisissent d’un suspect, les agents de quai doivent le remettre directement aux mains de la police portuaire, car ils ne sont pas compétents pour verbaliser. Dans la pratique, cependant, cette disposition est appliquée de manière assez vague et n’empêche nullement les agents de quai d’arrêter quand même des voleurs62. Le corps de la police des quais considère néanmoins que, de ce fait, il ne peut fonctionner de manière autonome. Même si le corps de la police des quais s’est très rapidement développé et a acquis la responsabilité d’un territoire portuaire toujours plus vaste, il n’a jamais été un service de police « à part entière », avec les compétences et le pouvoir discrétionnaire qui y sont attachés. Ainsi, dans leurs activités quotidiennes, les agents de quai doivent faire rapport de leurs missions de surveillance à la police régulière. À la fin des années 1890, cette situation provoque un certain mécontentement au sein de ce corps qui considère que ses agents ne sont pas des fonctionnaires de police, mais des employés communaux. En 1909, sur modification de l’article 4 du règlement de police relatif à la surveillance des quais portuaires du 19 décembre 1898, cette situation pénible et nébuleuse pour toutes les parties est résolue en détachant complètement les agents de quai de la police publique régulière d’Anvers et en confiant la supervision des agents de quai aux « employés supérieurs du service du port63 ». Peu avant la Première Guerre mondiale, il est même envisagé de conférer au corps une administration autonome, entièrement indépendante de la police publique régulière. Le projet n’aboutira cependant pas64.

  • 65  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3688, Vols sur quais : Les veille (...)
  • 66  Het Handelsblad (Journal du commerce), 20 janvier 1891.
  • 67  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, op. cit.

31Contrairement au corps de la police des quais, le corps des veilleurs du commerce est de nature privée. Toutefois, sur autorisation spéciale du bourgmestre, les veilleurs sont dotés d’une arme à feu similaire à celle des agents de la police anversoise65, qu’ils ne rechignent d’ailleurs pas à utiliser. Le 20 janvier 1891, le Journal du commerce d’Anvers rapporte que, la nuit précédente, un veilleur de nuit a tiré un coup de revolver sur six gaillards « louches » qui traînaient entre les marchandises sur le dock de l’Asie66. Les veilleurs sont tenus de s’apporter secours et assistance mutuels, et doivent obligatoirement donner suite aux ordres de la force publique : « Les veilleurs du commerce sont obligés de se prêter mutuellement assistance. Ils doivent obéir à toute réquisition, soit des agents de police, de la douane, des chemins de fer67. » Les employés de navigation et le personnel de la police d’Anvers contrôlent les veilleurs dans l’exercice des missions qui leur sont confiées par leur supérieur. Chaque jour, une liste reprenant tous les postes auxquels les veilleurs sont affectés la nuit suivante est soumise au commissaire de police en chef. Les veilleurs, reconnaissables à leur casque de service orné à l’avant d’une plaque en cuivre portant l’inscription Corps des veilleurs du commerce, sont armés de matraques et de revolvers. Lors de l’inauguration du service le 1er avril 1890, 33 veilleurs sont affectés aux quais nord et 14 aux quais sud. Le territoire qu’ils doivent couvrir chevauche dans une certaine mesure celui de la police des quais. Néanmoins, vu la nature commerciale du corps des veilleurs du commerce, la surveillance est organisée et exercée de manière sensiblement différente. L’organisation n’est pas conçue comme une mesure permanente de lutte et de prévention de la criminalité, mais elle a pour vocation d’intervenir ponctuellement, à la demande expresse d’un grossiste ou d’une autre entreprise portuaire. Chaque mission de gardiennage a une durée d’environ douze heures et a une finalité plutôt privée que publique. Le veilleur n’est responsable que de la protection des biens du client qui paie pour ce service. Il n’est pas affecté à un hangar spécifique ou aux grilles afin d’y contrôler les personnes qui entrent ou sortent du port.

  • 68  Annexes du Moniteur belge, 18 et 19 mars 1907, acte 1296, section II, art. 3.
  • 69  Waak en Sluit (Veiller et sécuriser), Société de surveillance Waak en Sluit, Anvers, Laporte & Dos (...)

32L’objet social du service privé Waak en Sluit est le suivant : « La société a pour objet la surveillance de jour et de nuit de toutes propriétés mobilières et immobilières situées à Anvers, ou dans la province d’Anvers et toutes les opérations commerciales et financières se rattachant directement ou indirectement aux affaires de ce genre68. » Aussi bien dans la ville portuaire d’Anvers qu’en dehors, la société assure la surveillance privée des marchandises, mais aussi des maisons, commerces, usines et entrepôts. Au cours des premières années, l’entreprise travaille surtout dans les quartiers urbains résidentiels d’Anvers. Après quelques années cependant, elle étend son activité aux sites industriels et à la zone portuaire. Certaines sources laissent penser que la surveillance nocturne des habitations, dans le cadre de laquelle les veilleurs s’occupaient de contrôler la fermeture des portes et fenêtres des maisons des abonnés de l’entreprise, constitue sa principale activité, contrairement au contrôle et à la surveillance des marchandises dans le port ou sur d’autres sites non résidentiels69.

  • 70  Het Laatste Nieuws (La Dernière Nouvelle), 11 décembre 1909.
  • 71  Ibid., 30 juin 1911.
  • 72  Het Handelsblad (Journal du commerce), 25 mai et 14 septembre 1907.

33La police publique a elle aussi pour mission la surveillance nocturne des quartiers et, plus spécifiquement, elle est chargée de contrôler la fermeture des portes et fenêtres. En 1909, lors d’une ronde nocturne effectuée un vendredi soir, la police du premier quartier dénombre 17 portes ouvertes70. La police publique contrôle également la bonne fermeture des caves71. Le domaine d’action des veilleurs de nuit coïncide donc largement avec celui de la police publique. Ils mènent par ailleurs des missions de surveillance statiques et mobiles aussi bien dans le port que dans des lieux publics des différents quartiers d’Anvers. L’entreprise précise aux Anversois qu’elle intervient uniquement dans l’intérêt de sa clientèle payante. Elle s’arroge donc le droit de pénétrer dans la propriété privée du client, dans son logement, dans un commerce ou un hôtel, une entreprise, un entrepôt ou un jardin, notamment. Pour cette surveillance interne, la société exige néanmoins un supplément en fonction de la superficie à contrôler. La presse fait cependant aussi l’éloge de l’entreprise pour ses interventions dans le port. Celle-ci a, par exemple, remis à la police quatre voleurs pris en flagrant délit dans le port et signalé un incendie sur un des bateaux amarrés72. Vu qu’ils ne possèdent aucune compétence en matière de police, les veilleurs privés sont toujours tenus de remettre les voleurs qu’ils attrapent à la police.

L’efficacité opposée à la critique

  • 73  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal, 16 février 1891, p.  (...)
  • 74  Ibid., p. 108.

34En raison, notamment, de l’expansion constante du port et de la superficie totale des bassins, l’insuffisance de la surveillance policière publique est demeurée une question délicate au cours des dernières décennies du xixe siècle. Ainsi, selon l’échevin Tonnelier en 1891, hormis dans la zone portuaire sud où grilles et veilleurs permettent de lutter contre la criminalité, les docks et entrepôts des autres parties du port font l’objet de très nombreux vols73. Toujours selon Tonnelier, le problème ne réside pas dans la compétence de la police, qui fournit un excellent travail, mais bien dans le nombre de policiers74.

  • 75  Lode De Barsée, 100 jaar Politie Bordeauxstraat 1878-1978, op. cit., p. 18
  • 76  Archives de la ville d’Anvers (MA#41928-41931), Fonds de la police, Police du port (7e district), (...)

35Les registres des procès-verbaux de la police portuaire semblent confirmer cette affirmation : même si les agents de la police portuaire et « Monsieur le Commissaire » entretiennent de nombreux contacts avec la population locale (qui les affuble de divers sobriquets comme « le poète et le paysan », « l’hippopotame et l’oiseau » ou « le petit poison et la grosse goutte »)75, et même si la police portuaire parvient à prendre sur le fait bon nombre de voleurs (12 % des procès-verbaux en 1890), de multiples cambriolages commis sur les quais et sur des bateaux demeurent non élucidés (18 % des procès-verbaux en 1890)76. En outre, nous avons vu précédemment que le rayon d’action de la police portuaire est limité à l’ancienne zone portuaire autour du dock du Kattendijk, c’est-à-dire à la partie la plus méridionale des quais nord.

  • 77  Gazet van Antwerpen (Journal d’Anvers), 6 janvier 1913.
  • 78  Ibid., 3 octobre 1913.

36Les critiques à l’encontre de l’action des agents de la police des quais émanent essentiellement de la sphère politique, qui oppose la soi-disant inefficacité et la partialité des agents de quai à l’efficacité et à la neutralité de la police publique. Ainsi, le quotidien catholique Journal d’Anvers déclare par exemple encore en 1913 : « La fiabilité du service de gardiennage est véritablement défaillante. Les preuves en ce sens abondent […]. Quand en reviendra-t-on au service de police en place précédemment ? Aujourd’hui la situation est lamentable en raison de ce service fondé sur le copinage77. » Quelques mois plus tard, on pouvait lire : « Les agents de quai, qui comptent parmi leur rang un noyau dur d’agitateurs politiques, sont les enfants chéris du cartel78. »

  • 79  Ibid., 10 février 1913.
  • 80  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, Noorderdokken, Verslag toezicht (...)

37Par ailleurs, dans la lignée de la limitation des compétences du corps de la police des quais, évoquée précédemment, la forte dépendance des agents de quai à l’égard de la police portuaire régulière fait l’objet de nombreuses critiques. Ces critiques se font notamment entendre parmi les agents de quai, qui se plaignent de devoir « aller prévenir les agents de police de service, à l’extérieur des quais, que des voleurs sont à l’œuvre et qu’ils doivent intervenir79 » (notre traduction). Ou, selon les termes du chef du corps de la police des quais responsable des quais nord en septembre 1901 : « Quand nous devons faire appel à la police, l’agent de quai doit à chaque fois se rendre au 62 du dock Lefèbvre. Entre-temps, le suspect a pris la fuite80. »

  • 81  Het Handelsblad (Journal du commerce), 26 avril 1890.
  • 82  Het rapport vermeldt voor het jaar 1905 dat het aantal agenten van de handelswaakdienst die ’s nac (...)

38Paradoxalement, selon la presse, la constitution du corps des veilleurs du commerce et l’application du nouveau règlement portuaire contribuent certes à réduire les vols dans le port, mais aussi à déplacer la criminalité dans la ville : « En quelque sorte, le nouveau règlement applicable sur les quais et le corps des veilleurs ont repoussé les voleurs plus loin dans la ville et, à présent, ils recommencent à piller les rues, comme des corbeaux81. » Bien que le corps des veilleurs du commerce ait en effet permis de déjouer divers vols, il fait globalement défaut à sa mission de surveillance, selon les initiés. La nuit surtout, le nombre de veilleurs est insuffisant et le commerce ne fait pas suffisamment usage du service82. Quinze ans après la constitution du service de surveillance, on peut lire dans un rapport de la chambre de commerce :

  • 83  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3688, Vols sur quais : Les veille (...)

« Nombreux sont les vols que ses veilleurs ont prévenus : de plus, un grand nombre d’arrestations de malfaiteurs sont dues à la vigilance du personnel. […] ce service saurait dans une plus large mesure contribuer à assurer la sécurité de notre port83. »

39Le fait que personne en dehors de l’administration communale anversoise n’accorde de crédit à une entreprise de gardiennage privée placée sur le même pied que la police régulière est également imputable, selon toute présomption, à la réputation douteuse des veilleurs. Le comité central de la chambre de commerce d’Anvers, qui a pourtant porté sur les fonts baptismaux le corps des veilleurs du commerce, s’interroge fortement sur la qualité du service et de ses agents, comme il ressort d’une enquête de 1906 :

  • 84  Ibid., Sécurité des marchandises sur les quais. Enquête faite par le comité central. Rapport génér (...)

« Il est de toute évidence que dans l’ensemble le nombre de veilleurs est sensiblement insuffisant et que la qualité comme la validité de ces préposés sont de justes sujets de critique. Très généralement les veilleurs sont impotents et aucune garantie de leur honorabilité n’est prise84. »

  • 85  Ons Vaderland (Notre Patrie), 26-29 septembre 1915 et 6 mai 1916.

40Près de cent ans plus tard, sur la base des archives, il n’est pas évident d’établir dans quelle mesure les sociétés de gardiennage privées ont su exercer leur rôle de prévention de la criminalité dans les différents quartiers et, surtout, dans le port de la cité scaldienne. Les chiffres officiels relatifs aux tendances concernant la criminalité acquisitive dans le port font défaut. Les documents ne se réfèrent que dans des termes généraux aux « veilleurs privés » ou aux « veilleurs de nuit privés », sans entrer dans les détails concernant les entreprises pour lesquelles ils travaillent. Toutefois, vu la grande diversité dans la nature, l’ampleur, le territoire ou le type de surveillance exercée par les diverses entreprises, cette généralisation est problématique d’un point de vue historique. Certains journaux comme le Journal du commerce ne tarissent pas d’éloges, dans des dizaines d’articles, sur l’action des veilleurs de nuit de l’entreprise Waak en Sluit dans la lutte contre la criminalité et les troubles nocturnes à l’ordre public. À l’inverse, d’autres sont nettement plus critiques. Ce sont essentiellement les liens étroits qu’entretiennent la direction du Journal du commerce et la société Waak en Sluit, d’origine allemande, qui sont vus d’un mauvais œil par la presse belgicaine pendant la Première Guerre mondiale85, qui expliquent l’attention particulière accordée par le journal à l’entreprise.

  • 86  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, Vols sur les quais, lettre du c (...)
  • 87  Ibid., lettre du commissaire en chef de la police, 25 mars 1889.
  • 88  Ibid.

41La collaboration avec la police publique varie en fonction de l’entreprise. De même, sur le plan du professionnalisme et de l’efficacité, tous les acteurs privés du domaine de la sécurité ne sont pas comparables. Le chef de service de la station de marchandises principale d’Anvers déclare ainsi en 1890 sans ambages qu’il y a des « bons veilleurs et des mauvais86 ». Plusieurs veilleurs privés ont aussi de nombreuses condamnations pour vol à leur passif, une réalité que les entreprises Waak en Sluit et la Garde maritime & commerciale tentent de limiter en soumettant leur personnel à un contrôle préalable. Les problèmes liés à l’âge ne doivent pas non plus être négligés : il n’est pas rare que les veilleurs soient trop âgés ou trop jeunes. Certains ont à peine 16 ans et ne font physiquement pas le poids face aux risques possibles associés à leur profession. Les veilleurs sont particulièrement exposés au danger lors de leurs rondes nocturnes sur les quais. La situation est telle que certains veilleurs privés craignent quelques endroits spécifiques du port, de peur « d’être tué ou d’être jeté dans l’Escaut87 ». Sur ce plan, les rondes nocturnes de la police régulière sont plus efficaces, selon certains, mais l’insuffisance numérique des agents ne leur permet pas de contrôler tout le port. Ce n’est pas tellement le manque de fermeté des interventions de la police mais plutôt le manque de professionnalisme des veilleurs qui est avancé dans les milieux policiers comme un des facteurs empêchant la protection efficace des marchandises88.

  • 89  Clive Emsley, Crime and Society in England, 1750-1900 [1987], Harlow, Longman, 2010, p. 168-170.
  • 90  Archives de la ville d’Anvers (MA#41928), Fonds de la police, Police du port (7e district), procès (...)
  • 91  Id. (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal, 16 février 1891, p. 102-103.
  • 92  De Vlaamsche Post (Le Courrier flamand), 8 mai 1915.

42Les marchandises entreposées sur les quais et dans les hangars suscitent également la convoitise des serviteurs de la loi eux-mêmes, en dépit de leur obligation officielle ou contractuelle de surveillance et de protection du port. L’absence souvent incriminée d’un éclairage nocturne artificiel adéquat et l’insuffisance des contrôles des veilleurs pendant leur service créent les circonstances et les opportunités adéquates. Non seulement ils ferment les yeux contre paiement lorsque des voleurs sont à l’œuvre, mais ils participent eux aussi à la substitution de marchandises. Une pratique qui ne se limite pas au port d’Anvers89. Ainsi, deux jeunes gens pris en flagrant délit de vol de charbon par la police portuaire en 1890 ont déclaré que le veilleur chargé de surveiller le wagon contenant le charbon n’a pas bronché lorsqu’ils sont arrivés sur les lieux90. Un an plus tard, une autre plainte est déposée auprès de l’administration communale anversoise pour un vol commis alors qu’aucun veilleur de commerce n’était présent, bien que, afin de ne pas devoir supporter les frais, la société d’entreposage ait déclaré qu’une bande de voleurs avait agressé son veilleur et subtilisé 500 kg de céréales91. Les agents de quai sont par ailleurs souvent soupçonnés de vol. L’arrestation de deux agents de quai en 1915 pour suspicion de vol de charbon est loin d’être un cas exceptionnel92.

Collaboration ou concurrence

  • 93  Archives de la ville d’Anvers (MA#41928-41931), Fonds de la police, Police du port (7e district), (...)

43Il est étonnant de constater que les diverses sources disponibles mettent surtout en évidence la collaboration entre les multiples services de police et de sécurité du port d’Anvers. Cette collaboration est naturellement en partie inévitable, vu que le corps des agents de quai, le corps hybride des veilleurs du commerce et les acteurs privés dépendent de la police publique pour pouvoir effectuer certains actes, comme arrêter et verbaliser les contrevenants. En outre, les interactions entre les divers acteurs invoqués dans les procès-verbaux de la police portuaire en 1890 laissent penser que chacun d’eux s’occupait d’un territoire bien défini et exerçait une surveillance spécifique93. On peut donc parler d’une forte complémentarité entre les divers services de police et de sécurité dans le port.

  • 94  Gazet van Antwerpen (Journal d’Anvers), 2 février 1913.
  • 95  Het Handelsblad (Journal du commerce), 14 septembre 1907, 10 avril 1908, 1er mai 1909.

44La collaboration entre les services de police officiels et les entreprises de gardiennage privées prend diverses formes. Il n’est pas rare que des veilleurs privés assistent leurs collègues de la police régulière lors de l’arrestation de suspects. Lorsque des voleurs présumés sont surpris dans le hangar 22 sur le Jordaenskaai, un coup de feu est tiré et deux agents du 1er district entament la poursuite. Quelques rues plus loin, l’un des suspects est arrêté grâce à l’intervention du veilleur de nuit S94.. La presse commerciale professionnelle des années 1900 fait état d’informations similaires concernant des actions couronnées de succès menées par les veilleurs de Waak en Sluit, et ayant entraîné l’arrestation de voleurs sur les bateaux à vapeur ou dans les rues à proximité des docks, qu’ils ont ensuite remis à la police portuaire95.

  • 96  Archives de l’État à Beveren, Parket van de Procureur des Konings te Antwerpen, n° 2227, rapport d (...)
  • 97  Luc Keunings, « Veilleurs et détectives privés à Bruxelles de l’Indépendance à 1914 », Le folklore (...)

45Les autorités anversoises et la police judiciaire sont également d’avis que, depuis leur constitution, Waak en Sluit et la Garde maritime & commerciale sont les entreprises de gardiennage les plus fiables et les plus professionnelles des zones urbaine et portuaire anversoises. Les relations avec les entreprises plus petites semblent en revanche moins constantes96. La collaboration entre les acteurs privés et publics de la sécurité dépend donc en grande partie du contexte local et urbain. Ainsi, les services de police bruxellois sont très méfiants à l’égard du service de gardiennage nocturne privé La Ronde de Nuit qui, sur le plan de son fonctionnement et de son organisation, est le pendant bruxellois de Waak en Sluit97.

  • 98  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal, 16 février 1891, p.  (...)
  • 99  Het Handelsblad (Journal du commerce), 2 février 1908.
  • 100  Ibid., 7 juillet et 18 novembre 1908.
  • 101  Het Volk (Le Peuple), 10 et 13 janvier 1912.
  • 102  Voir par exemple Het Handelsblad (Journal du commerce), 10 janvier et 15 février 1912.

46La concurrence joue surtout de manière indirecte entre les services de gardiennage, par une guerre des prix par exemple. Nous avons déjà indiqué que les négociants rechignaient à payer 4 francs pour un veilleur de nuit agréé du corps des veilleurs du commerce et préféraient s’en remettre à un veilleur privé inconnu mais meilleur marché, effectuant la même mission de surveillance98. Dans certains cas, la concurrence prend aussi d’autres formes. Il est ainsi question de violence physique entre des veilleurs qui s’agressent, armés de bâtons99, et de pratiques de concurrence déloyale. Les veilleurs volent parfois les plaquettes de cuivre fixées sur les logements des abonnés lorsqu’elles portent le nom d’entreprises concurrentes100. En interne, des frictions se manifestent au sein de certaines entreprises de gardiennage. Une grève impliquant une trentaine de veilleurs de nuit de la société Waak en Sluit qui, au début 1912, réclament 100 francs par mois au lieu des 74,5 francs prévus, est tuée dans l’œuf à la suite de l’intervention de la police du 3e district, à la demande du sous-directeur qui craint que des troubles n’éclatent. Les veilleurs de nuit en grève sont désarmés par les agents de police accourus sur place, et ensuite probablement licenciés101. Dans les semaines qui suivent la grève, le Journal du commerce d’Anvers publie en effet diverses offres d’emploi intitulées « Waak en Sluit recherche des veilleurs102 ».

47Les interventions de la police anversoise ne se limitent de toute évidence pas à cela. Lors de la constitution officielle du corps des veilleurs du commerce le 30 mars 1890, un individu dont on ne sait s’il est un opposant politique (à l’administration communale) ou un membre d’un service privé, pénètre dans la salle :

  • 103  Ibid., 4 avril 1890.

« Alors qu’il parlait encore, un incident s’est produit […]. Certains ont dit que l’intrus était un socialiste. D’autres affirment qu’il s’agissait d’un veilleur privé qui voyait dans la nouvelle société une concurrence à l’égard de sa profession103. »

  • 104  Archives de la ville d’Anvers (MA#41928), Fonds de la police, Police du port (7e district), procès (...)

48Les veilleurs de nuit présents et fraîchement engagés maîtrisent le perturbateur et le remettent à la police appelée sur les lieux, qui l’arrête et rétablit l’ordre. L’incident démontre clairement toute la complexité du système de plural policing dans le port d’Anvers : c’est la police portuaire publique qui doit rétablir l’ordre lors d’un événement ayant pour objet l’instauration du corps des veilleurs du commerce, perturbé par un individu considéré soit comme un opposant politique (contestant l’administration communale), soit comme un membre jaloux d’un autre service privé104.

49Le contrôle et l’ordonnancement de la circulation des biens dans le port d’Anvers au tournant du xxe siècle sont le fait d’acteurs multiples, et leur organisation correspond entièrement à une logique de polices plurielles. Ce chapitre a esquissé un panorama des différents acteurs policiers actifs dans la mise en ordre des circulations. Ils ont été mis en place en premier lieu pour promouvoir une circulation fluide des marchandises entre les navires et la ville, et en même temps prévenir le vol ou la dégradation de ces biens : la police communale du (7e) district portuaire d’Anvers (la police du port), le service semi-public de la police des quais, le service hybride du corps des veilleurs du commerce et des entreprises de sécurité privées. Cet assemblage complexe de services de police et de surveillance spécifiquement destinés au port et aux quais se met en place en l’espace d’à peine une décennie et répond à un mariage spécifique des intérêts et besoins des autorités communales, celles du port, la chambre de commerce, les grands commerçants et les chefs de police de la ville. Tous ces intérêts et objectifs sont liés à une même réalité : la croissance énorme du port, du trafic de marchandises et de la superficie des docks et des quais.

50En examinant des archives révélatrices de leur action quotidienne, nous avons voulu mettre en lumière les processus complexes de mise en ordre des circulations, leurs résultats et leurs failles. À Anvers, au tournant du xxe siècle, l’image dominante est celle d’une forte complémentarité des différents services de police et de sécurité du port (entraînant aussi un degré important de collaboration), qui travaillent chacun sur un espace différent et y exercent des formes de contrôle spécifiques. La police communale du district portuaire et la police des quais ne connaissaient finalement qu’un succès limité en termes de prévention des vols, sur le plan géographique (zones très spécifiques) et pour le nombre de voleurs arrêtés. Faute de compétences policières suffisantes, la police des quais avait surtout beaucoup de difficultés à assurer une circulation fluide des biens entre les navires et les rues. Les veilleurs privés semblaient être plus efficaces, mais il leur manquait une approche systématique, leur action se limitant à la détection de voleurs ponctuels, et leurs opérations étant compromises par un manque d’autorité (jeune âge des veilleurs) et une forte concurrence interne entre les différentes entreprises privées.

Notes

1  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, rapport de la commission spéciale, Vols sur les quais, 9 février 1887.

2  Pieter Leloup, « “Stapels koopwaar als een bestendige aanlokking voor dieven”. Een casestudy van de economische visie op criminaliteit en criminaliteitscontrole in de haven van Antwerpen (1880- 1940) », Tijdschrift voor Criminologie, 57, 4, 2015, p. 411-125 ; Pieter Leloup, « The Private Security Industry in Antwerp (1907-1934). A Historical-Criminological Analysis of its Modus Operandi and Growth », Crime, Histoire & Sociétés, 19, 2, 2015, p. 119-147 ; Margo De Koster, « Routines et contraintes de la police urbaine à Anvers, 1890-1914 », dans Jean-Marc Berlière, Catherine Denys, Dominique Kalifa, Vincent Milliot (dir.), Métiers de police. Être policier en Europe, xviiie-xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 345-362.

3  Paul Van de Laar, « Port Traffic in Rotterdam : The Competitive Edge of a Rhine-Port (1880-1914) », dans Reginald Loyen, Erik Buyst, Greta Devos (dir.), Struggling for Leadership : Antwerp-Rotterdam Port Competition between 1870-2000,Heidelberg/NewYork, Physica Verlag, 2003, p. 63-86 ; Richard Lawton, Robert Lee (dir.), Population and Society in Western European Port-Cities, c. 1650-1939, Liverpool, Liverpool University Press, 2002.

4  Archives de l’État à Beveren, archives de la « Antwerpse Scheepvaartvereniging », Vols au port et service sanitaire (nr. 207) ; « Ons triestig politiekorps », De Morgenpost, 21/02/1937.

5  Archives de l’État à Beveren, archives de la « Antwerpse Scheepvaartvereniging », Vols au port et service sanitaire (nr. 207) ; « La surveillance au port d’Anvers », Lloyd Anversois, 23/08/1939.

6  Sauf précision contraire, toutes les traductions sont des auteurs.

7  Greta Devos, Stephan Vanfraechem, Full Steam Ahead. A Century of Antwerp Shipping Federation, Gand, Pandora/Snoeck-Ducaju, 2001.

8  Reginald Loyen, Haven in de branding : de economische ontwikkeling van de Antwerpse haven vanaf 1900, Louvain, université Pers Leuven, 2008, p. 63-64.

9  Christian Leysen, Olivier Boehme (dir.), 100 jaar Ahlers in Antwerpen. Een familiebedrijf in een wereldhaven, Anvers, University Press Antwerp, 2009, p. 12 ; Reginald Loyen, Haven in de branding…, op. cit., p. 135.

10  Id., « Demografische ontwikkeling van de stad Antwerpen », dans Gustaaf Asaert, Luc Duerloo (dir.), Antwerpen in de xxste eeuw. Van Belle Epoque tot Golden Sixties, Anvers, Pandora, 2008, p. 16-19.

11  Greta Devos, Gustaaf Asaert, Fernand Suykens, De Antwerpse Naties, zes eeuwen actief in stad en haven, Tielt, Lannoo, 1993, p. 210.

12  Pieter Leloup, « The private security industry in Antwerp (1907-1934)… », art. cité.

13  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal du 16 février 1891, p. 89 ; conseil municipal du 9 mars 1891, p. 205-206.

14  Stad Antwerpen, Politie der Haveninrichtingen van 16 december 1889, Anvers, Stadsdrukkerij Jos. Roeder & C°, 1889, p. 4-13.

15  Id., Politiereglement Bewaking der Havenkaaien van 19 december 1898, Anvers, Drukkerij We De Backer, 1899, p. 4-13.

16  Id., Politie der Haveninrichtingen van 16 december 1889, Anvers, Stadsdrukkerij Jos. Roeder & C°, 1889, p. 12.

17  Id., Politieverordening op het verkeer aan dokken en kaaien. Wijziging van 21 november 1904, Anvers, Stadsdrukkerij De Vos & Van Der Groen, 1905, p. 6.

18  A. Westerhuis, De ontwikkeling van het politietoezicht op de groote waterwegen, La Haye, Drukkerij Mouton & Co, 1929, p. 104-110.

19  Voir par exemple L’Étoile belge, 5 juillet 1906 ; Le Matin, 6 mai 1913 ; Neptune, 5 novembre 1932 ; The Syren and Shipping, 20 septembre 1911.

20  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3687, annexe lettre Selb & Huverstuhl à CC, 14 décembre 1905.

21  Id., Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3688, annexe lettre Compagnie de transport internationaux à CC, 13 novembre 1905.

22  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, Openbare zitting (1891), p. 105.

23  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3688, lettre Armement Deppe à CCA, 12 novembre 1907.

24  Gazet van Antwerpen (Journal d’Anvers), 2 février 1913.

25  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, Verslag Opsporingsdienst, 5 février 1900.

26  Id. (731#1132), Kaaien, handel en haven, le commissaire en chef de police, 9 février 1900.

27  Greta Devos, Stephan Vanfraechem, Full Steam Ahead. A Century of Antwerp Shipping Federation, op. cit., p. 25-26.

28  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, Maatschappij Volksbelang, 26 juillet 1882.

29  Id. (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal, 16 février 1891, p. 89.

30  Ibid., p. 95.

31  Lode De Barsée, 100 jaar Politie Bordeauxstraat, 1878-1978, Anvers, Impr. Albert Van der Waals, 1978, p. 2.

32  Amand De Lattin, De politie waakt : uit het Antwerpsch politie-archief 1790-1880, Anvers, Van Maerlant, 1946, p. 130-131, p. 161.

33  H.B. Cools, J. Andriessen, Raymond Van Uytven, Karel Van Isacker, Antwerpen : twaalf eeuwen geschiedenis en cultuur, Anvers, Mercatorfonds, 1986, p. 307-310.

34  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, rapport de la commission spéciale, Vols sur les quais, 9 février 1887.

35  Ibid.

36  Ibid.

37  Zondagsgazet (Journal du dimanche), 8 et 9 avril 1916.

38  Stad Antwerpen, Politiereglement Bewaking der Havenkaaien van 19 december 1898, Anvers, Drukkerij We De Backer, 1899, p. 8.

39  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, rapport de la commission spéciale Vols sur les quais, 9 février 1887.

40  Zondagsgazet (Journal du dimanche), 8 et 9 avril 1916.

41  Gazet van Antwerpen (Journal d’Anvers), 27 octobre 1913.

42  Archives de la Fédération royale des gestionnaires de flux de marchandises, Livre d’actes, 5 octobre 1888.

43  Ibid., 7 août 1889.

44  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3687, Handelswaakdienst, 1907.

45  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, Statuten wakerskorps van den handel, 24 février 1890.

46  Het Handelsblad (Journal du commerce), 16 janvier 1896.

47  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal du 16 février 1891, p. 104-106.

48  Dominique Kalifa, Naissance de la police privée : détectives et agences de recherches en France 1832-1942, Paris, Plon, 2000 ; Ronald Van Steden, Privatizing Policing. Describing and Explaining the Growth of Private Security, La Haye, Boom Juridische uitgevers, 2007 ; Sigmund Nelken, Das Bewachungsgewerbe. Ein Beitrag zur Geschichte des Selbstschutzes, Berlin, Verband der Wach- und Schließ-Gesellschaften (Kölner Verband) E.V., 1926.

49  Annexes du Moniteur belge, 18 avril 1907, acte 2724, section I, art. 2.

50  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3687, Brief Garde maritime & commerciale aan Kamer van Koophandel Antwerpen, 21 novembre 1910, p. 1.

51  Luc Keunings, Des polices si tranquilles. Une histoire de l’appareil policier belge au xixe siècle, Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 66.

52  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3688, lettre s.a. Sécurité-Veiligheid, 23 juin 1906.

53  Ibid., lettre Wach- und Schliess-Gesellschaft Elberfeld-Barmen, 16 août 1906.

54  Waak en Sluit (Veiller et sécuriser), Société de surveillance « Waak en Sluit », Anvers, Laporte & Dosse, 1910, p. 4.

55  Margo De Koster, « Routines et contraintes de la police urbaine à Anvers, 1890-1914 », dans Jean-Marc Berlière, Vincent Denys, Dominique Kalifa, Vincent Milliot (dir.), Métiers de police, op. cit., p. 350-360.

56  Archives de la ville d’Anvers (MA#41928-41931), Fonds de la police, Police du port (7e district), procès-verbaux, 1er janvier 1890 au 31 décembre 1890, n° 1-2334.

57  Ibid.

58  Id. (731#1132), Kaaien, handel en haven, Noorderdokken, Verslag toezicht der kaaien, 17 septembre 1901.

59  Gazet van Antwerpen (Journal d’Anvers), 9 avril 1912.

60  Het Handelsblad (Journal du commerce), 6 juin 1913.

61  Ibid., 10 avril 1897.

62  Ibid., 6 novembre 1913, 10 février 1914.

63  Stad Antwerpen, Politiereglement Bewaking der Havenkaaien van 19 december 1898. Wijziging van 16 februari 1909, Anvers, Drukkerij De Vos & Van Der Groen, 1909.

64  Zondagsgazet (Journal du dimanche), 8 et 9 avril 1916.

65  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3688, Vols sur quais : Les veilleurs du commerce, 30 novembre 1905.

66  Het Handelsblad (Journal du commerce), 20 janvier 1891.

67  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, op. cit.

68  Annexes du Moniteur belge, 18 et 19 mars 1907, acte 1296, section II, art. 3.

69  Waak en Sluit (Veiller et sécuriser), Société de surveillance Waak en Sluit, Anvers, Laporte & Dosse, 1910 ; Het Handelsblad (Journal du commerce), 1er mars 1907.

70  Het Laatste Nieuws (La Dernière Nouvelle), 11 décembre 1909.

71  Ibid., 30 juin 1911.

72  Het Handelsblad (Journal du commerce), 25 mai et 14 septembre 1907.

73  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal, 16 février 1891, p. 90-91.

74  Ibid., p. 108.

75  Lode De Barsée, 100 jaar Politie Bordeauxstraat 1878-1978, op. cit., p. 18

76  Archives de la ville d’Anvers (MA#41928-41931), Fonds de la police, Police du port (7e district), procès-verbaux, 1er janvier 1890 au 31 décembre 1890, n° 1-2334.

77  Gazet van Antwerpen (Journal d’Anvers), 6 janvier 1913.

78  Ibid., 3 octobre 1913.

79  Ibid., 10 février 1913.

80  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, Noorderdokken, Verslag toezicht der kaaien, 17 septembre 1901.

81  Het Handelsblad (Journal du commerce), 26 avril 1890.

82  Het rapport vermeldt voor het jaar 1905 dat het aantal agenten van de handelswaakdienst die ’s nachts patrouilleerden in de haven, schommelde tussen 30 à 35 agenten in juni, 25 à 30 in juli, 30 à 35 in augustus en september, 40 à 45 in oktober en 50 à 55 in november ; ibid., 17 février 1891.

83  Archives de l’État à Beveren, Kamer van Koophandel Antwerpen, n° 3688, Vols sur quais : Les veilleurs du commerce, 30 novembre 1905.

84  Ibid., Sécurité des marchandises sur les quais. Enquête faite par le comité central. Rapport général du bureau, 31 mars 1906, p. 3.

85  Ons Vaderland (Notre Patrie), 26-29 septembre 1915 et 6 mai 1916.

86  Archives de la ville d’Anvers (731#1132), Kaaien, handel en haven, Vols sur les quais, lettre du chef de la gare principale, 29 mars 1889.

87  Ibid., lettre du commissaire en chef de la police, 25 mars 1889.

88  Ibid.

89  Clive Emsley, Crime and Society in England, 1750-1900 [1987], Harlow, Longman, 2010, p. 168-170.

90  Archives de la ville d’Anvers (MA#41928), Fonds de la police, Police du port (7e district), procès-verbaux, n° 448, 25 mars 1890.

91  Id. (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal, 16 février 1891, p. 102-103.

92  De Vlaamsche Post (Le Courrier flamand), 8 mai 1915.

93  Archives de la ville d’Anvers (MA#41928-41931), Fonds de la police, Police du port (7e district), procès-verbaux, 1er janvier 1890 au 31 décembre 1890, n° 1-2334.

94  Gazet van Antwerpen (Journal d’Anvers), 2 février 1913.

95  Het Handelsblad (Journal du commerce), 14 septembre 1907, 10 avril 1908, 1er mai 1909.

96  Archives de l’État à Beveren, Parket van de Procureur des Konings te Antwerpen, n° 2227, rapport d’information, police judiciaire, 22 mai 1951.

97  Luc Keunings, « Veilleurs et détectives privés à Bruxelles de l’Indépendance à 1914 », Le folklore brabançon, 1982, p. 107.

98  Archives de la ville d’Anvers (750#179), Havendiefstallen, conseil municipal, 16 février 1891, p. 105-106.

99  Het Handelsblad (Journal du commerce), 2 février 1908.

100  Ibid., 7 juillet et 18 novembre 1908.

101  Het Volk (Le Peuple), 10 et 13 janvier 1912.

102  Voir par exemple Het Handelsblad (Journal du commerce), 10 janvier et 15 février 1912.

103  Ibid., 4 avril 1890.

104  Archives de la ville d’Anvers (MA#41928), Fonds de la police, Police du port (7e district), procès-verbaux, n° 488, 31 mars 1890.

Auteurs

Vrije Universiteit Brussel, département de criminologie
Historienne et sociologue, est professeur de criminologie historique à la Vrije Universiteit Brussel et la Vrije Universiteit Amsterdam. Ses recherches portent sur l’histoire de la régulation sociale, du crime et de la déviance, des polices et de la justice dans les contextes urbains, xixe-xxe siècles.

Vrije Universiteit Brussel, département de criminologie
Historien et criminologue, est affilié au groupe de recherche Crime and Society (CRiS) de la Vrije Universiteit Brussel et à l’Institut de recherche internationale en politique criminelle (IRCP) de l’Université de Gand. Il travaille à une thèse de doctorat sur le développement de la sécurité privée en Belgique au cours du xxe siècle.

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