Chapitre 5. La carte en situation concurrentielle
p. 141-169
Texte intégral
1Nous l’avons vu, au xviiie siècle la carte se diffuse lentement, tant par sa présence dans les livres que pour ce que l’on en dit dans un périodique mondain. Deux phases de croissance se succèdent. La première va des années 1680 aux années 1720, suivie d’une accalmie d’une vingtaine d’années. La seconde voit l’établissement d’une carte plus commune. Il faudra cependant attendre le Directoire pour que la diffusion, un temps chaotique, ne se remette à croître. Décrite ainsi, ce qui correspond bien à la courbe présentée dans le deuxième chapitre sur les livres à cartes, voire à celle présentée pour le Mercure, l’impression générale est celle d’une croissance en terrain vierge en l’absence d’autre forme de description concurrente du monde. Au seuil de ce chapitre qui, au-delà des livres, porte sur la relation entre cartes et géographies, il est temps de dépasser cette impression jusqu’ici commode. En effet, à la fin du xviie siècle, une géographie existe sans la carte, en partie par le texte, mais également par d’autres formes de discours qui appartiennent à un cercle qui va de la liste – depuis sa version la plus simple – jusqu’au dictionnaire, qui s’étend de l’arbre à l’Encyclopédie, qui elle-même rejoint, au moins par la succession alphabétique de ses articles, le dictionnaire. Au cœur de cet ensemble se trouve la table, à égale distance des deux formes de discours et qui, sans en effectuer la synthèse, peut en signifier l’un ou/et l’autre.
1. Tables et cartes, entre concurrence et cohérence
2Fondamentalement, la tension qui mène à cette répartition est celle d’un choix qui reste longtemps problématique : celui de la mise en ordre à adopter lors d’une description. D’un côté, le cadre alphabétique, inventé au Moyen Âge mais de diffusion longtemps restreinte, a pour intérêt de passer en revue l’ensemble des mots, mais n’offre aucune organisation de la pensée. Charles Joseph Panckoucke parle ainsi du « vice abécédaire » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert1 que ces derniers qualifiaient, il est vrai, d’arbitraire2. La définition du mot « Lettre » de l’Encyclopédie insiste d’ailleurs sur les hasards ayant présidé à la mise en place de l’ordre alphabétique3, encore désigné, dans la définition même, comme table ou liste4. L’article donne, au passage, le nom de quelques livres « ou certaines matières sont écrites dans l’ordre alphabétique. L’Alphabet de la France est un livre de Géographie, où les villes de France sont décrites par ordre alphabétique5 » (doc. 5.05). C’est d’un livre de Pierre Duval (1619-1683), neveu de Nicolas Sanson (1600-1667), dont il est question6.
3À l’opposé de l’ordre alphabétique se trouve, d’une part l’ordre systématique, celui où la liaison entre les différentes branches d’un même sujet serait rendue évidente, et d’autre part l’ordre chronologique, à propos duquel Nicolas Desmarets préfère l’alphabétique dès qu’il s’agit de classer des notices biographiques, de façon à comprendre les filiations7. Une partie de l’objectif du rédacteur du « Discours préliminaire de l’Encyclopédie » consiste dans l’affirmation de la pertinence du travail, malgré le choix de l’ordre alphabétique, cela grâce à un système de renvois apte à reproduire le « vaste labyrinthe » des connaissances8. On notera, au passage, comme un marqueur de la diffusion de la carte, l’usage de la métaphore cartographique que d’Alembert est amené à produire en 1751, pour décrire cet objet qui outrepasse la liste :
L’ordre encyclopédique de nos connoissances […] consiste à les rassembler dans le plus petit espace possible, et à placer, pour ainsi dire, le philosophe au-dessus de ce vaste labyrinthe dans un point de vûe fort élevé d’où il puisse appercevoir à la fois les sciences et les arts principaux ; voir d’un coup d’œil les objets de ses spéculations, et les opérations qu’il peut faire sur ces objets ; distinguer les branches générales des connoissances humaines, les points qui les séparent ou qui les unissent ; et entrevoir même quelquefois les routes secretes qui les rapprochent. C’est une espece de mappemonde qui doit montrer les principaux pays, leur position et leur dépendance mutuelle, le chemin en ligne droite qu’il y a de l’un à l’autre ; chemin souvent coupé par mille obstacles, qui ne peuvent être connus dans chaque pays que des habitans ou des voyageurs, et qui ne sauroient être montrés que dans des cartes particulieres fort détaillées. Ces cartes particulieres seront les différens articles de l’encyclopédie, et l’arbre ou systême figuré en sera la mappemonde9.
4Au croisement des ordres alphabétiques et systématiques, se trouve l’idée de table. Les usages du mot sont complexes. Au xvie siècle, ce que nous appelons des cartes s’appelle parfois des tables. La séparation entre carte et table n’a donc rien d’évident a priori. Il semble cependant que, dans le cas des productions françaises, le xviie siècle soit celui de l’effacement du mot « table » au profit de celui de « carte » pour les figurations qui nous occupent. À cette époque, on le sait, le mot est souvent utilisé dans les ouvrages de géographie sous la forme de « tables géographiques ». On en trouve des traces dès les années 1640, au moment où Nicolas Sanson donne des leçons de géographie au roi. De ce moment jusqu’aux années 1770, on trouve une quarantaine de tables de géographie, cela alors que, depuis les années 1720, l’édition d’ouvrages portant ce nom est devenue marginale10. Sur l’ensemble des domaines du savoir et pour une période qui court de 1650 à 1800, on recense environ 150 ouvrages, soit sous la forme de livres, soit sous la forme de planches autonomes. Il faudrait sans aucun doute y ajouter les très nombreux travaux qui, s’ils ne renvoient pas clairement à une table, s’en rapprochent par leur structure ou leur aspect.
5Selon Lubin, la relation entre la table et la géographie est d’ailleurs particulièrement intime, puisque dans son Mercure Géographique, il propose un article « Mappa & Tabula » dans lequel il pose une étymologie liant table et carte au travers du mot « Mappa »11 :
Le mot de Mappa, en François Mappe, est le mot ancien duquel a été tiré celui de Nappe, on appelle donc ainsi le Planisphère ; parce qu’autrefois on l’étendoit sur la table, comme l’on fait une Nappe. On lui donne vulgairement le nom de Mappe Monde pour dire la Carte de toute la superficie de la terre & de l’eau.
Le Nom de Tabula en Grec πίναξ [Pinac12], d’où vient le mot Pinacographia, la composition des cartes ; les Géographes, qui font gloire de faire des Tables Géographiques, ne doivent pas rejetter la qualité de Pinacographes, en Italien Tavola, en Espagnol Carta ou Mapa, en Allemand ein Tafel, en Anglois a cart13.
6Ce texte court renvoie à une forte complexité européenne qui pose en même temps la relation de la carte à la table meuble, et celle entre la carte et la table géographique, l’une portant, entre le matériel et l’idéel, le dessin de la carte ; ainsi de ce « pinachographe » en même temps faiseur de tables géographiques et de cartes. Comme si les deux objets n’étaient que les deux faces d’une même description du monde : deux mises en ordre coexistantes et concordantes, ce que l’usage du mot « table » pour l’itinéraire de Peutinger14 ne fait que mêler un peu plus.
7Quant à la façon dont les dictionnaires décrivent le mot, au-delà de sa polysémie, il semble que pour ce qui concerne ses acceptions relatives à la mise en ordre, le processus soit le suivant. Pour le Dictionnaire françois de Pierre Richelet (1680) : « C’est un ordre alphabétique de toutes les matières principales d’un livre, des chapitres, ou titres d’un livre15. » Ce n’est qu’avec le Dictionnaire universel d’Antoine Furetière (1690) en plus de la table du livre qu’apparaissent de nouveaux usages du mot :
Table, se dit aussi de la description qu’on fait de quelque partie d’un art, ou d’une science en une feuille, pour la faire concevoir tout d’une veuë, et soulager l’imagination et la memoire. La Chronologie, la Geographie, ont esté plusieurs fois reduites en Tables. Les Historiens font des Tables Genealogiques. L’Esclache a fait imprimer la Philosophie en Tables. On appelle en Arithmetique la Table Pythagorique, celle qui contient la multiplication des dix premiers nombres l’un par l’autre jusqu’à cent […].
Table, se dit aussi d’un Indice ou Repertoire qu’on met à la fin, ou au commencement d’un Livre, pour le soulagement du Lecteur, afin qu’il y trouve facilement les endroits dont il aura besoin. La Table des matieres ; la Table des Auteurs citez ; la Table des Chapitres. Les Tables sont quelquefois de gros volumes, comme celle qu’a fait Daoiz sur le Droit Civil, et sur le Droit Canon16.
8Le dictionnaire de l’Académie de 1687 montre toute la complexité de la question puisque sa définition du mot associe carte et table : « Carte : sign. aussi, Une table, ou tableau qui contient la description ou du monde entier, ou de quelque région, ou province particulière17. »
9Il ne s’agit aucunement ici de postuler que la table n’existerait pas avant 1680 – comme l’a parfaitement montré Jack Goody, il y a une forme de consubstantialité entre écriture et table18 –, en revanche il apparaît que le mot se diffuse, et que des ouvrages imprimés sont plus nombreux à porter ce titre à partir de la fin du xviie siècle. Il semble surtout que la méthodologie de la table se diffuse dans des savoirs comme la chronologie, la géographie, l’histoire et l’arithmétique, et cela même si, comme nous l’avons vu, les géographes l’utilisent au moins depuis les années 1640. La diffusion du livre imprimé et le raffinement des méthodes typographiques mériteraient d’être pris en compte dans cette histoire de la diffusion des usages de la table (doc. 5.01).
10S’il est possible de comparer divers ouvrages qui se distinguent par des méthodes spécifiques, la plupart articulent différents types de tables, de façon à décrire au mieux les parties de la terre qui les intéressent. C’est ainsi le cas de La parfaite géographie de La Fontaine en 167119, qui joue tant sur la forme de la liste que sur celle de la série organisée de parenthèses ouvrant sur des alinéas (doc. 5.02).
11Cette définition, qui pose la table, soit comme outil de la conception par la vue, soit comme index va ensuite se maintenir jusque dans les Littré (1872- 1877)20. Le seul changement est la progressive disparition de la référence à la géographie au profit de l’histoire21. C’est ainsi que les Tables géographiques pour les vies des hommes illustres de Plutarque de Lubin22 – l’auteur du Mercure Géographique – offrent une liste alphabétique de noms de lieux, sous la forme d’un dictionnaire ; forme que son Mercure avait en grande partie utilisée. Alors que dans les années 1640 Nicolas Sanson propose, sous le nom de table, un système arborescent d’organisation des savoirs. Pour les Sanson, qui s’expriment par la voix de Guillaume dans l’Introduction à la Géographie :
les Tables géographiques […] par la disposition de leur Ordre, en faisant voir tout d’un coup en combien de Provinces ou Parties de chaque Estat se subdivise, & quelles en sont les Villes les plus considérables. Comme les Tables ont l’avantage par leur disposition Methodique d’aider merveilleusement la memoire, à retenir avec beaucoup de facilité & sans peine ce qu’elles vous representent, ce seroit avec beaucoup de raison que l’on pourroit leur donner le nom de Memoire locale, & enfin l’on peut dire que les Tables sont des Discours Methodiques, puisque chaque Table contient en Abregé, & par ordre de quoy faire un Volume entier23.

Doc. 5.01 Augustin Lubin, Tables géographiques pour les vies des hommes illustres, 1671, in-4°, p. 2 ; Nicolas Sanson, Table : « L’Asie », 1667, in-folio24.

Doc. 5.02 La Fontaine, La parfaite géographie, p. 15 et p. 2325.
12La table-système sous-entend une relation complexe à la carte. Il s’agit de textes disposés sur une feuille et qui ne tiennent que peu compte des positions géographiques des lieux. À ce titre, on est ici assez loin des cartogrammes de Palairet qui utiliseront un siècle plus tard la typographie pour produire des cartes. On s’éloigne cependant du texte par l’usage qui est fait de l’espace de la page. Par un jeu de distances et de positions dans un arbre, embranchement après embranchement, ce qui se trouve ici construit pourrait relever d’une cartographie de l’esprit, de même niveau que la « Carte du tendre » de De Scudéry, publiée en 165326.
13On reste tout autant éloigné d’une proposition plus ancienne, que l’on pourrait dire de géographie analogique, comme celle de Philip Kluwer lorsque reprenant soit Strabon, soit les auteurs de son temps, il donne à l’Europe une image qui permet de répartir les lieux selon des directions et des distances à l’intérieur d’une limite.
Strabon a donné à l’Europe la forme & figure d’un Dragon : la tête dusquel est l’Espagne, la Gaule le col, l’Allemagne le corps, les deux bras droits & gauche l’Italie & l’Istme Cimbrique. De notre temps on luy a donné le tableau d’une femme reposant en un siège, la teste de laquelle est l’Espagne, les extremitez de la Gaule representent le col, la poictrine est la mesme Gaule, à l’endroit qu’elle panche sous les monts Pyrenées ; les bras sont l’Italie & la Grande Bretagne, l’Allemagne est le ventre, le nombril la Boëme ; le reste du corps, qui est caché sous sa robe espanduë au large à l’entour de son siège, contient les pays de Norvege, de Dannemark, de Suede, de Finnie, Livonie, Lituanie, Prussie, Pologne, Hongrie, Sclavonie, Croatie, Dalmatie, la Grece, la Thrace, les Servie, Bulgarie, Transylvanie, Valachie, Moldavie, Tartarie, Precopense, & la Moscovie27.
14C’est très probablement l’image de l’Europe dans la Cosmographie de Sébastien Munster28, voire celle produite par Heinrich Buenting (doc. 5.03) qui s’imposent à Kluwer pour penser l’Europe en tant que femme. Cette analogie cartographique semble avoir eu une forte influence sur les conceptions de Kluwer. Au-delà, ces analogies seront reprises au xixe siècle, mais ne semblent courantes ni au xviie ni au xviiie siècles. Insistons cependant sur une différence : Kluwer renvoie textuellement à une image, mais n’en présente pas matériellement.
15À ce premier niveau de complexité s’en ajoute très tôt un deuxième qui opère un glissement vers la carte géométrique. C’est le cas à l’intérieur du recueil de tables de Nicolas Sanson de celles qui ne visent pas à organiser un savoir, mais à décrire le contenu d’une carte. Ainsi l’auteur offre-t-il une table alphabétique, précisant fonctions, latitudes et longitudes des villes présentes sur la carte du Rhin qu’il compose en 164629 (doc. 5.04). Les tables de latitudes et de longitudes, régulièrement annexées aux traités de géographie, entrent dans cette catégorie, mais alors qu’elles sont très présentes au xviie et dans le premier tiers du xviiie siècle, elles disparaissent progressivement ensuite. Encore en 1696, Robbe dans sa Méthode pour apprendre la Géographie considère que l’augmentation de la table des villes est un acquis de son ouvrage : « Afin que l’Ouvrage soit plus complet, j’ai ajouté dans cette nouvelle Edition […] les tables des Villes Principales contenues en chaque Province30. » Ensuite, il semble que le lieu de leur maintien soit celui de la réédition. Tout comme les tables de Nicolas Sanson durent autant que ses héritiers, celles de latitudes dans les livres durent autant que les ouvrages qui les portent. C’est ainsi le cas de la Géographie universelle de Claude Buffier (1661-1737) qui continue jusqu’à sa dixième édition de 1764 à offrir une table des latitudes et longitudes des villes31. De même, le Grand Dictionnaire Géographique d’Antoine-Augustin Bruzen de la Martinière contient des tables dans sa réédition de 176832.

Doc. 5.03 Dame Europe, allégorie dans Heinrich Buenting, Europa Prima Pars Terrae in Forma Virginis, Hanovre, 1581.

Doc. 5.04 Nicolas Sanson, Table alphabétique de toutes les villes entre 1646 et 1667.
16Un troisième niveau de complexité doit enfin être évoqué, même s’il ne concerne pas nécessairement tous les géographes producteurs de cartes.
17Celui-ci apparaît dans le frontispice de L’Alphabet de la France de Duval et fonctionne par association de trois formes de discours : la carte, la table et la description textuelle33, ce qui se rapproche de la définition que donnait le père Lubin (doc. 5.05).
18Si le frontispice est bien un protocole obligé de la lecture du livre34, ce qui se joue ici c’est une coexistence de formes de savoirs, dont aucune ne l’emporterait au moment où Duval publie son alphabet. Dans cet esprit, l’Introduction à la géographie publiée par Guillaume Sanson, en 1682, pose au début de son deuxième livre : « La Geographie est representée de 3 manieres. 1. Par Representation Geographique, 2. Par Methode, & 3. par Discours35. » Il ajoute plus loin : « Les tables géographiques sont les véritables guides des cartes36. » Pourtant, un siècle après le texte de Duval, cet équilibre apparaît rompu, car si quelques tables et tableaux géographiques se rencontrent encore, les seuls livres en forme de table qui se maintiennent sont les dictionnaires de géographie. Avec comme premier cas La Géographie royale du compilateur Philippe Labbé, dont le sous-titre précise : « L’on y trouvera aussi un dictionnaire géographique avec un abrégé de la sphère37… », suivie au début du xviiie siècle par trois à quatre dictionnaires par décennie, et à la fin du siècle par cinq ou six par décennie.

Doc. 5.05 Frontispice, Pierre Duval, L’alphabet de la France, 1658.
19Notons cependant quelques tentatives, souvent curieuses à nos yeux, qui tentent de produire des hybridations entre différentes formes de description du monde. Ainsi, et ce n’est qu’un exemple, cette carte historique du pédagogue milanais Girolamo Andrea Martignoni qui articule une carte centrale et une figuration en arbres qui décrivent chacun un pays en mettant en regard deux moments de son existence (doc. 5.06). Mais ce type de figuration, intéressante en soi, reste rare.

Doc. 5.06 Andrea Martignoni Girolamo, Carta istorica dell’Italia e di una parte della Germania dalla nascita di Gesu Cristo fino all’anno 1700, 1721.
2. Du globe à la carte
20Au-delà d’une concurrence liée à des formes, soit plus anciennes, soit différentes dans leurs objectifs, l’autre point sur lequel la tension se place est le globe. Il ne s’agit pas ici de scinder strictement le globe et la carte, en deux formes distinctes de figuration, mais bien plus de pointer une difficulté souvent soulignée du passage de l’un à l’autre. Cela mènera d’ailleurs à la valorisation de la carte au nom de son utilité. Le déplacement s’opère en plusieurs séquences. La première oppose la pertinence du globe et la facilité d’usage de la carte. La seconde met en regard les aspects de la matérialité de la figuration et ceux relatifs à la réflexion sur les distances.
21Le premier point à évoquer est celui de la tension entre la géographie et son objet. Il peut se résumer dans la question suivante : comment enregistrer le monde dans quelque chose qui ne serait pas le monde lui-même dans son entièreté ? C’est la question, encore aggravée, de la carte au 1/1e qui place l’incommensurabilité, et donc potentiellement l’inutilité, entre la terre et l’artefact qui la figure. Dit autrement, c’est une tension entre représentation – présenter à nouveau quelque chose que l’œil a déjà vu – et figuration – produire une image de ce que l’œil ne peut pas voir naturellement – qui se trouve ici posée à nouveaux frais. Cette interrogation va être formulée avec toute son acuité par le jésuite Jean François dès les années 1650. Un temps professeur de René Descartes, l’homme est mathématicien et s’intéresse à la géographie. La difficulté est explicitée dans l’usage de l’expression globe ou sphère artificiel (le). Quelques années plus tard, Gilles de Launay résumera parfaitement cette distance :
Les Astronomes et les Geographes, pour nous représenter la grande machine de l’univers, comprenant les Cieux & les élemens, ont esté obligé d’imaginer, & de feindre dans le Ciel & sur la terre plusieurs points, lignes & cercles pour en faciliter l’intelligence. Mais pour nous rendre une matière si delicate, plus facile à connoistre, les plus habiles d’entre eux ont fait une machine artificielle pour la représenter sensiblement à nos yeux, & à notre imagination. Ils ont nommé cet instrument sphere artificielle ou armillaire, pour la distinguer de la sphere naturelle du monde, qui est un globe, ou une boule solide, & si ronde que toutes les lignes droites, tirées de centre à la conférence sont égales38.
22Il y a donc d’un côté une sphère naturelle, et de l’autre une artificielle. Mais leur irréductibilité est dépassable selon François, du fait de la capacité d’imagination de l’homme39 :
Que si on dit que les figures représentantes c’est-à-dire les Cartes & les Globes n’ont pas ny la grandeur, ny la matière des objets representez ; puisque par exemple un Globe artificiel celeste estant petit, & d’une matière terrestre nous représente les Cieux, qui ont une vaste éstenduë, & sont d’une matière bien esloignée de la masse, & de la pesanteur de la terre. Je respond que l’imagination n’a du tout point de peine d’agrandir les mesures, d’accroistre les quantitez, & de se figurer en grand volume, & en des dimensions d’une grandeur extraordinaire, & telle que l’on pourroit souhaiter, ce qu’on luy montre racourcy & abregé dans une petite estenduë ; à cause que cette pratique luy est très ordinaire, & que l’esprit tant soit peu habitué és Mathématiques doit faire le mesme sur toute figure ; qui partant y acquiert une grande facilité40.
23Le passage du naturel à l’artificiel repose donc sur la culture mathématique qui rend acceptables les relations de matière et d’échelle. Elle ne résout cependant pas un deuxième passage qui est celui qui va du globe à la carte.
24Comme l’écrit Duval, en 1654, « des deux representations de la Terre & de l’Eau, celle qui se fait par Globe, est plus naturelle & plus approchante de la verité. Celle qui se fait par Planisphere emprunte quelque chose de l’Optique & de la Geometrie : elle est une imitation du Globe Terrestre41 ». Et cette idée d’une artificialité plus forte de la carte va se maintenir sur le temps long. Ainsi, en 1725, Charles Noblot, auteur d’une Géographie universelle, pose dès la préface qu’il « n’y a rien qui puisse mieux représenter [la terre] qu’un Globe, parce qu’il a la même figure42 ». Encore en 1755, Jacques de Malzet, dans ses Elemens Géographiques, affirme : « Outre qu’il représente mieux que les Cartes la figure de la Terre, on y découvre plus facilement la situation que les differens païs du monde ont les uns à l’égard des autres43. » Ce courant qui hiérarchise globe et carte s’épuise cependant au xviiie siècle, et se trouve contrecarré par un courant pragmatique qui met en avant l’utilité de la carte par rapport au globe. Déjà Guillaume Sanson, dans son Introduction à la géographie – dont les différentes rééditions jusqu’à celle de 1743 reprendront le texte –, pose que « parce que le Globe Artificiel par lequel nous representons le Globe Terrestre ne pouvant à cause de sa rondeur estre veu de l’œil d’un seul aspect, mais bien à deux fois. L’on est contraint de le representer en Plan en deux moitiez dont chacune est appelée Hemisphere44 ». L’argument est développé par l’abbé Louis Courcillon de Dangeau :
Il y a des boules qui sont faites pour représenter cet assemblage de Terre & de Mer : On les nome Globes, du mot latin Globus, qui signifie une Boule. Sur ces Globes, on représente assez bien la Terre, mais quand on a voulu la représenter sur quelque chose d’uni comme un Tableau, une Carte, & c. on y a trouvé de la dificulté. Comme on ne peut pas voir d’un coup d’œil toutes les parties d’une boule, on n’a rien trouvé de meilleur que de couper cette boule en deux moitiés, & de représenter ces deux moitiés l’une après l’autre, c’est ce qu’on a fait par la carte45.
25Nicolas de Fer, dans les différentes publications où il aborde le sujet, se range également du côté des pragmatiques. « Comme on ne peut pas découvrir toutes les parties d’un Globe d’un seul aspect, il n’a pas été possible de representer à l’œil toute la surface de la Terre dans une seule figure plate, on a donc été oblige de la partager en deux, & on donne à chacune de ces figures ce nom Grec Hemisphere46. »
26Une partie de cette tension a été par ailleurs absorbée par la mise en place de métaphores pour expliquer le passage du globe à la mappemonde. Nous l’avons vu, Dangeau explique le passage de la boule à la carte par une coupure. Duval avait, quelques années avant, proposé un système plus élégant qui, en outre, montre la relation entre globe et table : « Pour bien observer ce que c’est du Planisphere Terrestre, on peut se representer les deux moitiez du Globe posez sur une table ou elles s’enfoncent, & laissant des lignes avec d’autres marques imprimées qui font le Planisphere47. » Il reprendra d’ailleurs cette image, en 1663 dans La Sphère Françoise : « pour voir en quelque façon la construction du Planisphère il se faut persuader les deux moitiez du Globe applaties sur une Table, où elles laissent les lignes & les autres marques qu’elles portent48 ». En 1714, l’abbé Le François, auteur d’une Méthode abrégée et facile pour apprendre la Géographie – rééditée plus de trente fois entre 1729 et 187649, sous ce nom ou sous celui de Géographie de Crozat – reprend jusqu’en 1817, au moins, deux métaphores qui se succèdent. Dans un premier temps, pour imaginer la mappemonde « on doit s’imaginer que ce sont deux moitiez du Globe qu’on a applaties », puis, « afin de concevoir le rapport de ces cartes à la surface de la terre, on les doit considérer comme des morceaux détachés de dessus un grand globe »50.
27Par certains aspects, la Description de l’univers d’Allain Manesson-Mallet, en 1683, qui multiplie les gravures, relève de cette logique lorsqu’il présente des demi-globes aboutés de différentes façons (doc. 5.07). De même, la réédition de l’Introduction à la Géographie des Sanson par Gilles Robert de Vaugondy en 1743 relève d’une logique proche en essayant de familiariser le lecteur avec la multitude des façons possibles de réduire le globe à la mappemonde. Il multiplie ainsi les planches, offrant des figurations, en fuseaux, qui permettraient potentiellement de fabriquer un globe, voire des figurations du globe vu de l’intérieur, polaires ou non, avec la forme des continents qui s’en trouve inversée (doc. 5.08, 5.09, 5.10).

Doc. 5.07 Allain Manesson-Mallet, Description de l’univers, 1683, pl. LXXIV51.

Doc. 5.08 Introduction à la Géographie, revue par Gilles Robert de Vaugondy, 1743, pl. 4.

Doc. 5.09 Introduction à la Géographie, revue par Gilles Robert de Vaugondy, 1743, pl. 7.

Doc. 5.10 Introduction à la Géographie, revue par Gilles Robert de Vaugondy, 1743, pl. 12.

Doc. 5.11 Globe de Pocok (vers 1831).
28Quel rôle peut avoir cette débauche de 19 planches, si ce n’est pour mettre en scène toute cette gymnastique intellectuelle qui consiste à faire de l’œil l’acteur de la compréhension du passage du globe à la carte ? Il faudra attendre les années 1830 pour passer à l’étape du globe en papier gonflable qui permet le passage de la surface au volume (doc. 5.11).
29La question est également traitée du côté de la projection, et plus précisément dans le cadre de la forme des lignes de latitudes et longitudes sur les cartes. Elle ne concerne que certaines échelles de la carte puisque par exemple, en 1652, François affirme :
Le fondement de chaque Carte est que chaque Ville, ou endroit du Globe a pour assiette & pour propre lieu le point auquel deux sortes de lignes concourent, dont les unes sont les longitudes, les autres les latitudes […]. Et d’autant que l’invention & la description de ces deux lignes concourantes est anterieure à la position des Villes sur les Cartes, celles-là estant un moyen pour trouver le lieu de celles-cy, & pour les marquer il faut conclurre qu’autant que l’on trouvera de façons diverses de tirer ces deux sortes de lignes concourantes, qui representent les autres autant aura-t-on de manières diverses de faire des Cartes52.
30Il complète son principe en lui donnant une limite au niveau où l’on peut considérer que les latitudes sont « des lignes droites & parallèles », ce qui est possible pour des « Provinces particulières » ou de petits pays. Aujourd’hui, on le sait, cette coupure est celle qui marque la séparation entre cartes et plans53.
31Le problème de la perte de la vérité lorsque l’on passe du globe à la carte a donc été un frein à la diffusion et à l’acceptation du discours cartographique. Cet question générale se retrouve d’ailleurs dans celle du calcul des distances entre les lieux.
3. La question de la distance lors du passage du globe à la carte
32Par-delà la question de la projection, le lieu principal de l’explicitation de la tension entre globe et carte est celui du calcul des distances. Il donne lieu à des développements qui tendent à se réduire au xviiie siècle, mais qui occupent de nombreuses pages au xviie siècle. Partons de La connoissance et l’usage des Globes de Duval. La présentation de la question y est complexe, articulant textes et tableaux de chiffres. L’auteur y note d’abord la différence entre degrés de latitude et de longitude, c’est-à-dire que « les degrez de Latitude valent chacun 24 lieues de France », alors que « les degrez de Longitude ont 14 lieues de France sous la ligne Equinoctiale seulement, car plus avant vers le Midy, ou vers le Septentrion, ils diminuent toûjours, jusqu’à ce que sous les Poles ils deviènent à rien ». C’est là que Duval pose la différence entre le globe et la carte : « Pour mesurer la distance d’un lieu à un autre sur le Globe terrestre, il faut seulement se servir d’un compas, & poser ses deux pointes sur les deux places proposées, puis porter le compas ainsi ouvert sur les Degrez de la Ligne Equinoctiale, dont le nombre compris entre les deux pointes sera reduit en lieuës. » Alors que sur la carte « si les lieux proposés different seulement en Latitude, il faut multiplier chacun des Degrez de leur difference par 24 lieuës Françoises. Si ces lieux sont differents en Longitude & en Latitude tout ensemble, il faut avoir recours aux Operations ou de Geometrie ou d’Arithmetique »54. Passons ici les méthodes de calcul qui s’appuient à la fois sur des opérations simples et des tables de réduction des degrés qui occupent 8 pages sur les 91 de l’ouvrage. L’important est plus, pour ce qui nous concerne, dans leur proportion par rapport à l’ouvrage que dans leur contenu.
33Cette méthode savante de calcul de distance sur la sphère sera reprise, souvent de façon moins développée, dans les ouvrages qui suivent. On en trouve ainsi quelques éléments dans la Méthode pour apprendre facilement la géographie de Robbe, qui préfère passer par des climats, contenus dans la grille des latitudes et longitudes, et n’expliquer qu’ensuite la réduction de la surface des climats plus on va vers les pôles55. L’un de ses avatars les plus intéressants, qui pourrait aller jusqu’à la relégation de la carte à l’arrière-plan, est la proposition de « Géographie mentale » telle qu’elle va être proposée par Buffier, un enseignant jésuite, plus connu pour sa Grammaire françoise56 que pour ses ouvrages de géographie. Pour lui :
1. La Géographie mentale est le plan qu’on se fait dans l’esprit de la situation des divers pays du monde, indépendamment des Tables Géographiques, & d’autres semblables secours qui dirigent les yeux, les connoissances de l’esprit. 2. C’est ici au contraire l’esprit qui dirige les yeux : & au lieu que par la voie ordinaire, l’esprit par exemple, se représente l’Alemagne entre l’Italie & le Danemark, parce que les yeux la lui ont représentée située de la sorte dans une Carte de Géographie ; c’est ici l’esprit qui jugeant par des connoissances acquises d’ailleurs que l’Alemagne doit être entre l’Italie & le Danemark57.
34La méthodologie mise au point par Buffier consiste à construire mentalement le globe terrestre, y intégrer l’ensemble des latitudes et longitudes dont on connaîtra les numéros et, partant de la grille ainsi constituée, imaginer l’ensemble des carrés ainsi formés. Cela permet d’abord d’y placer les villes :
22. Lors donc qu’on dit qu’un pays, que Paris par exemple a 20. dégrez de longitude : c’est-à-dire qu’il est eloigné du premier méridien vers l’Orient de 20. degrez, autrement de 20. Méridiens […] ; & quand ont dit qu’un pays, que Paris par exemple a 48. degrez de latitude, c’est-à-dire qu’il est éloigné de l’Equateur de 48. degrez autrement de 48. Cercles paraleles à l’Equateur […].
25. Tout ce que nous venons de dire étant une fois compris, il n’est personne qui n’ait le secret de la Géographie mentale : puisqu’ayant imaginé sur le Globe tous les quarrez dont nous venons de parler, il verra aussi-tôt par le moyen des chiffres ou degrez de longitude & de latitude, et quel quarré on doit placer chaque pays.
26. Je n’ai parlé jusqu’ici que des quarrez où il faut placer chaque ville : mais chaque quarré étant assez étendu, on demandera à quelle endrois du quarré il faut le placer ; à quoi je réponds que ce que l’on aura fait par le moyen des Cartes à l’égard de la surface de la Terre en général, il le faut faire à l’égard de chaque quarré en particulier, quand on voudra savoir au juste, quelle situation doivent avoir diverses villes ou divers cantons dans ce même quarré58.
35Plus de carte donc, ni de globe, ou plutôt toutes les cartes et tous les globes dans la mémoire personnelle : voilà ce que les tables de coordonnées fournies dans le livre59 doivent rendre possible. On est là dans une logique finalement très proche de celle développée par Roland Fréart de Chambray (1606-1676) lorsqu’il disjoignait les yeux du corps, peu aptes à juger des beautés d’un tableau, des yeux de l’entendement, capables d’atteindre la perspective par l’optique théorique60. La question de la distance entre les lieux procède de la même logique, et ayant mémorisé les tables de réduction des degrés61, tous les apprentis doivent, in fine, connaître et maîtriser la géographie du monde et les distances qui s’y trouvent inscrites. Si cette forme de construction mentale du monde nous apparaît aujourd’hui difficile tant elle sollicite à la fois mémoire et pensée dans l’espace, notons cependant que la Géographie universelle de Buffier sera rééditée 14 fois entre 1715 et 178162. Au fil des versions, l’exigence envers les apprentis ira en diminuant, et après 1739 – soit après la mort de Buffier – l’ouvrage sera augmenté de cartes. Pourtant, l’idée d’une connaissance du monde pouvant s’abstraire de la carte par une approche mathématisée se maintiendra, profitant peut-être de la critique du regard développée par Diderot dans sa Lettre sur les aveugles63.
36Le second avatar de la question de la distance sur le globe et sur la carte trouve son expression dans un texte du Genevois Pierre Viollier, lecteur de géographie de 1704 à 1713, puis professeur à l’université de Genève de 1713 à sa mort en 171564. Ce texte a pour principal défaut d’avoir été très peu diffusé en France, et pour double intérêt sa clarté quant à l’explicitation du calcul des distances et sa remise en cause de la question. Quant à la différence entre globe et carte, Viollier la décrit très clairement : « La mappemonde, qui étant la Projection du Globe sur un Plan doit avoir ses degrés plus étendus sur ses extrémitez qu’ils ne le sont dans son milieu, & par conséquent inégaux65. » Il offre d’ailleurs à la page suivante une gravure plein texte figurant une mappemonde qui explicite la réduction, tout en abordant la question du calcul des distances (doc. 5.12).

Doc. 5.12 Pierre Viollier, Gravure figurant les cercles des latitudes et des longitudes pour le calcul des distances entre trois points sur le globe, p. 95.
37La question des distances sur la carte se construit en deux temps. Le premier passe par une déconnexion entre carte et distance, posant qu’il est possible de passer plutôt par une table de coordonnées des latitudes et des longitudes. Viollier effectue alors le calcul pour la distance entre Paris et Dunkerque66. Le deuxième temps pose à nouveau la question de la distance, mais cette fois-ci entre Genève et Paris, et sur la carte. Il passe alors par une double critique. La première est celle de la carte pertinente :
J’aurai pu me servir de la Carte de France de Monsieur De L’Isle, que je tiens de son honneteté avec plusieurs autres qu’il a composées ; mais parce que je ne sais pas qu’il y en ait encore des semblables dans nos Quartiers j’ay employé celle que Monsieur De Fer publia l’an 1698 qui étant un peu plus commune, pourra fournir l’occasion à plusieurs personnes de justifier mon calcul sur une Carte semblable à celle sur laquelle j’aurai fait mon opération67.
38Autrement dit, il existe plusieurs cartes, les meilleures ne sont pas nécessairement disponibles, et on est alors réduit à utiliser les plus communes ; cela sous-entend un résultat moins exact. La seconde critique est probablement la plus intéressante : elle se situe après le calcul qui donne 76 grandes lieues entre Genève et Paris : « Je ne doute point que ceux qui font, ou qui ont fait et chemin ne se récrient, & ne disent qu’il y a bien plus de distance entre ces deux villes. » C’est la question de la distance en « ligne directe » qui est soulevée ici, et ce faisant qui produit une critique de la carte. « Parce que les détours des chemins par terre augmentent considérablement cette distance ; Je sais bien qu’on ne peut pas la définir précisement, cependant je crois qu’on ne s’éloigneroit pas beaucoup de ce qui en est en effet, si on la contoit à 20. pour cent, ce qui revient à 4. pour chaque 20 [lieues]68. »
39Cela amène Viollier à proposer une distance de 91 lieues entre Genève et Paris.

Doc. 5.13 Jean-Baptiste Nolin, Carte de Bretagne, 1695.
40Si la question avait été soulevée que par Viollier, on aurait pu n’y voir qu’une critique limitée. Pourtant, cet auteur semble avoir réfléchi à la question en s’appuyant sur la carte de la Bretagne de Nolin (doc. 5.13)69, dans laquelle le petit texte qui jouxte le cartouche explicite la difficulté. Nolin y écrit :
J’ay dressé cette carte sur leurs Mémoires, et afin de la rendre utile au public, j’ay cru que pour s’en bien servir il étoit nécessaire de donner une eschelle ou l’on vit les Mesures Astronomiques, c’est à dire les véritables distances que les Astronomes ont reconnu qu’il y avoit réellement d’une place à l’autre, & suivant cette eschelle, on trouve 19 Lieuës des Villes de Nantes à Vannes. Mais parceque cette eschelle n’est propre qu’aux savans, l’on en donne une autre qui marque les Distances itinéraires, c’est à dire le chemin qu’il faut faire pour aller d’une Ville à l’autre, et sur cette eschelle on trouvera 24 lieuës des Villes de Nantes à Vannes, et ainsi des autres à proportion. Lorsqu’on voudra se servir de l’Eschelle des Lieuës Itinéraires qui est la plus en usage, il ne faudra ouvrir le compas que pour la distance d’une Lieuë ou même d’une demie Lieuë, selon l’éloignement des Places, et si elles sont le long des costes, il faudra en suivre les contours pour imiter la Marche d’un Voyageur qui est obligé de tourner, à droit ou à gauche, à cause des chemins qui ordinairement ne sont pas droits, et puis la rencontre des rivières, des Bois, des Montagnes & c, ce qui allonge parfois très considérablement.
41La tension entre échelle savante et échelle plus commune a très probablement été ressentie de façon générale à ce moment de diffusion de la carte. Déjà Lubin avait évoqué la question dans son Mercure Géographique, mais en acceptant l’idée qu’il était impossible de faire mieux70. On verra dans un chapitre suivant qu’encore en 1685, Manesson-Mallet est en accord avec Lubin sur ce point71. Alexis Hubert Jaillot, en 1690, réussit à dépasser ce point de vue pessimiste en proposant une solution innovante. Dans l’un des cartouches de sa carte de La France divisée par Provinces où sont exactement remarquées toutes les routes des Postes du Royaume, on peut en effet lire : « Les routes de Postes sont marquées par une petite ligne, et par des points. Chacune ligne marque la distance d’une lieue. Chacun point marque celle d’un quart de lieue. » Dès lors, le calcul à vol d’oiseau, fautif, pouvait être remplacé par un comptage de traits et de points.
42Si la question est posée au moins jusque dans les années 1830, avec un moment d’intensité lors du découpage des départements pour lequel la carte est utilisée, elle est résolue techniquement dès le premier tiers du xviiie siècle. En 1724, Meynier présente devant l’Académie des sciences un odomètre avec lequel il souhaite tenter de réunir une carte construite par triangulation (contrairement à celle de Jaillot) selon les normes fixées par l’Académie. On se trouve là face à une description réaliste des distances sur le terrain (doc. 5.14). Son objectif est de publier des cartes :
où les […] routes seroient marquées par des lignes ou des points, & le nombre de lieuës réduites, des toises trouvées & marquées par des chiffres sur les mêmes points ou lignes. On verroit par là avec assez de précision la quantité de chemin qu’il y a d’un endroit à l’autre, ce qui ne sçauroit être de même sur les cartes ordinaires, à cause que […] les contours [n’y sont pas compris] : car dans les cartes de Géographie, on ne sçauroit être plus juste qu’en se servant pour la position des lieux de la latitude & de la longitude de ces mêmes lieux, sans entrer dans le détail des irrégularités des chemins ; de manière que l’on est sujet à trouver sur une carte, beaucoup moins de chemin qu’il n’y en a effectivement72.

Doc. 5.14 Meynier, « Usage de l’odomètre de M. Méynier », Machines approuvées par l’Académie Royale des Sciences, Paris, Académie des sciences, 1724.
43Meynier présente alors comme exemple une petite région de la prévôté & vicomté de Paris dont la carte a été dressée par Delisle73. Il souhaite offrir, à titre de complément, la publication d’un Livre des routes des provinces qui donnerait la distance « d’un endroit à un autre ». On sent là combien la distance sur la carte peut être vue comme éloignée de la distance réelle74.
44La question que ces différentes remarques et divers travaux pose est celle de la pertinence de la carte pour penser l’itinéraire. On pourrait d’ailleurs pousser le raisonnement un peu plus loin en posant que la carte n’est pas, à la fin du xviie siècle, entièrement conçue pour dire l’itinéraire. Le fait que Cassini décide de ne pas tracer la majeure partie des voies sur ses cartes75, en prétextant leur labilité, peut être mis en série avec cette citation du « Discours préliminaires de l’Encyclopédie » qui décrivait les relations entre les pays (savoirs) de sa mappemonde comme passant par des routes rectilignes, antithétiques au labyrinthe. Le modèle de la route droite, mis en place par un corps des Ponts et Chaussées d’abord formé sur la carte – nous y reviendrons –, alors que les planches de Daniel Charles Trudaine donnent à voir le chevelu zigzaguant des voies diverses, pose ici la question de la façon dont le passage par la carte influe sur les productions des acteurs du temps.
45Sans aller aussi loin, la pertinence de la carte doit au moins être interrogée au regard du modèle concurrent de la description des itinéraires qui existe depuis plusieurs siècles à l’époque, sous la forme des guides de pèlerinage qui voient se succéder les noms de lieux selon un rythme qui correspond à une journée de déplacement. Genre qui s’est diversifié, par exemple avec La guide des chemins de France76 de Charles Estienne qui multiplie les itinéraires, puis avec les Livres de Poste qui se vendent en France à partir de 1703. Or ces différents ouvrages prétendent fournir une mesure de cheminement, à un moment où distance et temps n’ont pas achevé de se séparer77. Pour ce faire, ils utilisent l’espace de la page qui scande, ligne après ligne – dans une belle régularité –, les étapes du voyage. Modèle fort donc, qui mettra du temps à céder du terrain, malgré les tentatives évoquées plus haut, ainsi que celle de Jean-Aymard Piganiol de la Force, dans son Nouveau voyage de France en 1724, qui avait retranscrit les étapes des itinéraires qu’il décrivait dans des cartes insérées avant chacun de ces itinéraires78. Mais modèle qui, en ce début de xviiie siècle, commence à céder du terrain, offrant par là même les indices d’une diffusion de l’usage croissant de l’objet carte. Sans cet usage, la tension entre l’espace des savants – pour reprendre les mots de Nolin – et celui des voyageurs ne serait pas apparue.

Doc. 5.15 Jean-Aymard Piganiol de la Force, Voyage de la France, 172479.
4. Conclusion
46Au cœur même des savoirs géographiques, la carte se trouve dans un espace concurrentiel composé de multiples objets. La table, qu’elle se limite à la liste ou qu’elle s’étende jusqu’à la présentation d’un système de figuration du monde sur l’espace de la page, y tient une place éminente. Elle permet à la fois d’embrasser la totalité dans ses multiples détails sous la forme de dictionnaires et d’élaborer des constructions synthétiques par la mise en place de catégories et de sous-catégories. Le globe lui-même est d’abord un frein à l’adhésion à la carte puisqu’il offre un discours plus conforme à la morphologie du monde. Plus proche par leur mode de mise en image des territoires, les analogies cartographiques, comme ces dames Europe qui s’appuient sur un discours surfacique, conserveront malgré la carte une efficace qui les placent entre figuration et analogie. Celles-ci ne seront pas abandonnées ensuite. Des images représentant des personnages pour des pays, ou plus modestement le renvoi à des formes géométriques comme l’hexagone, le montrent parfaitement. Pourtant, diffusion il y a bien, et c’est ce point qu’il faut maintenant éclairer.
Notes de bas de page
1 Cité par Kathleen H. Doig, « L’Encyclopédie méthodique et l’organisation des connaissances », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, 12, 1992, p. 59-70.
2 Sur cet aspect, on lira : Roseline Rey, « La classification des sciences (1750-1850) », Revue de synthèse, IVe série, 1/2, 1994, p. 5-12.
3 « Lettre », dans Denis Diderot et Jean le Rond d’Alembert (dir.), Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné…, op. cit., 1765, vol. 9, p. 406.
4 « Alphabet », dans Denis Diderot et Jean le Rond d’Alembert (dir.), Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné…, op. cit., 1751, vol. 1, p. 296.
5 Ibid.
6 Pierre Duval, L’alphabet de la France, Paris, chez l’auteur, 1658.
7 Nicolas Desmarets, « Notice des Théories de la terre & des autres ouvrages qui ont trait à la Géographie Physique, & dont les principes ont pu & peuvent concourir aux progrès de cette science », dans Encyclopédie Méthodique, t. 1, Géographie Physique, Paris, H. Agasse, an III, p. 1-2.
8 Sur ce point on lira : Gilles Blanchard et Mark Olsen, « Le système de renvoi dans l’Encyclopédie : une cartographie des structures de la connaissance au xviiie siècle », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, 31/32, 2002, p. 45-69.
9 Jean le Rond d’Alembert, « Discours préliminaire », dans Denis Diderot et Jean le Rond d’Alembert (dir.), Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné…, op. cit., vol. 1, p. xi.
10 Pour les tables de Sanson, on verra : Mireille Pastoureau, Les Sanson : un siècle de cartogrphie française (1630-1730), thèse de doctorat, université Paris IV, 1981, p. 108. Pour les années 1770, on verra Jean-Joseph Lionnois, Tables Historiques, Généalogiques et Géographiques, Contenans l’Histoire du Peuple de Dieu, de la France, de la Lorraine, de l’Autriche, de l’Egypte, des Assyriens, des Babyloniens & Caldéens, Nancy, Georges Henry, 1771, in-folio.
11 Guillaume Sanson reprend cette étymologie dans son Introduction à la géographie, première partie, où sont 1. indiqués les sciences dont la Géographie emprunte plusieurs Principes. 2. La Description des différentes manières dont cette science est Représentée. 3. L’explication des Termes de toutes les parties de la Géographie. 4. Une Instruction de l’Usage des Cartes. Par le Sr Sanson d’Abbeville, Géographe ordinaire du Roy, Paris, chez l’auteur, 1682, p. 12.
12 Entre 1600 et 1719, une douzaine de livres dont deux seulement sont liés à la médecine – petit monde – et dix à la géographie portent le titre de Pinax.
13 Augustin Lubin, Mercure Géographique ou le Guide du Curieux des Cartes Géographiques, Paris, Christophe Remy, 1678, p. 347-348.
14 Marc Velser, Fragmenta tabulae antiquae in quis aliquot per Rom. provincias itinera, ex Putingerorum biblioteca edente et explicante Marco Velsero, Venise, chez Aldum, 1591.
15 Article « Table », dans Pierre Richelet, Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue française : ses expressions propres, figurées & burlesques, la prononciation des Mots les plus difficiles, le Genre des Noms, le Régime des Verbes : avec les Termes les plus connus des Arts & des Sciences. Le tout tiré de l’usage et des bons auteurs, Genève, Jean Herman Widerhold, 1680, p. 417.
16 Article « Table », dans Antoine Furetière, Essais d’un Dictionnaire, Dictionnaire universel contenant tous les mots françois tant vieux que modernes & les termes de toutes les Sciences & des Arts, specifiez dans la page suivante, Amsterdam, Henri Desbordes, 1690. Le mot n’est pas présent dans l’édition de 1685.
17 Article « Carte », Le Grand dictionnaire de l’Académie Françoise, Francfort-sur-le-Main, chez Fred Arnaud, 1687 (1re éd. 1694).
18 Jack Goody, La raison graphique, la domestication de la pensée sauvage, Paris, Minuit, 1978 (1re éd. angl. 1977).
19 De la Fontaine (Ingénieur du Roy), La parfaite géographie contenant une briefve description de toutes les parties du monde avec un Traité de la sphère, ensemble de remarques très curieuses sur l’usage du Globe & de la Carte, Paris, Estienne Loyson, 1671.
20 Sur des usages de la deuxième moitié du xviiie siècle on lira : Isabelle Laboulais, « La géographie dans les arbres encyclopédiques de la seconde moitié du xviiie siècle », dans Hélène Blais et Isabelle Laboulais, Géographies plurielles, Les sciences géographiques au moment de l’émergence des sciences humaines, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 63-94.
21 Sur ce point, on verra les cinq définitions successives du Dictionnaire de l’Académie française (1691, 1718, 1740, 1762, 1796).
22 Augustin Lubin, Tables géographiques pour les vies des hommes illustres de Plutarque, Paris, 1671.
23 Guillaume Sanson, Introduction à la géographie…, op. cit., p. 7.
24 Augustin Lubin, Tables géographiques pour les vies des hommes illustres, op. cit., Nicolas Sanson, Tables de la Géographie ancienne et Nouvelle ou méthode pour s’instruire avec facilité de la Géographie et connoistre les Empires, Monarchies, Royaumes, Estats, Republiques et Peuples tant Anciens que Nouveaux de toutes les parties du Monde, Paris, Mariette, 1667 (photo, bibliothèque d’Angers).
25 De la Fontaine, La parfaite géographie…, op. cit.
26 Claude Filteau, « Tendre », dans Cartes et figures de la Terre, Paris, Centre Georges-Pompidou, 1980, p. 205-207.
27 Phillip Kluwer, Introduction à la géographie universelle tant nouvelle que ancienne. Traduitte du Latin de Phillippe de Cluvier, Géographe. Seconde Edition reveuë, corrigée, & augmentée de figures, Paris, chez Jean Jost, 1642, p. 58.
28 Sébastien Munster, La cosmographie universelle, contenant la situation de toutes les parties du monde, avec leurs propriétez et apartenances, Bâle, Sébastien Munster, 1555.
29 Nicolas Sanson, Le cours de la rivière du Rhein depuis sa source jusqu’à son embouchure, Paris, Cordier, 1646.
30 Jacques Robbe, Méthode pour apprendre facilement la géographie dediée à Monseigneur le Duc du Mayne, Quatrième édition, revuê et augméntée de plusieurs choses considérables & d’une table des matière, Paris, Dezallier, 1695, dixième page de la préface non paginée.
31 Claude Buffier, Géographie universelle exposée dans les différentes méthodes qui peuvent abréger l’étude & faciliter l’usage de cette science ; avec le secours des vers artificiels et un traité de la sphère, Revue, corrigée & augmentée des changemens de domination arrivés, récemment dans les états de l’Europe : 2 d’une préface sur la méthode d’apprendre la Géographie, & sur les Livres faits à ce sujet : 3 d’une table des noms des pays en François & en Latin, avec leurs degrés de longitude & de Latitude pour les trouver tout d’un coup sur la Carte, Paris, Pierre-François Giffart, 1764 (10e éd.), in-8°.
32 Antoine-Augustin Bruzen de la Martinière, Le Grand Dictionnaire Géographique historique et critique, Paris, Les Libraires Associés, 1768, 6 vol.
33 Pour les atlas historiques, on lira Catherine Hofmann, « La genèse de l’atlas historique en France (1630- 1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “œil de l’histoire” », Bibliothèque de l’École des chartes, 158/1, 2000, p. 97-128.
34 Louis Marin, « Les enjeux d’un frontispice », art. cité.
35 Guillaume Sanson, Introduction à la géographie…, op. cit., p. 6.
36 Ibid., p. 7.
37 Philippe Labbé, La Géographie royale présentée au très chrétien roy de France et de Navarre Louys XIV par le P. Philippe Labbé. L’on y trouvera aussi un dictionnaire géographique avec un abrégé de la sphère et un avis touchant les dernières conquestes du roy, Lyon, Guillimin, 1681, in-12.
38 Gilles de Launay, La Cosmographie aisée contenant la sphère, l’usage du Globe terrestre et de la Géographie, le tout abrégé méthodiquement et succintement en faveur de la noblesse par G.D.L., Paris, Estienne Michallet, 1681, in-12° (1re éd. 1678, Langlois à Paris), p. 38.
39 Jean-Marc Besse, « De la représentation de la terre à sa reproduction : l’invention des géoramas au dix-neuvième siècle », dans Isabelle Laboulais-Lesage (dir.), Combler les blancs de la carte, modalités et enjeux de la construction des savoirs géographiques (xviie-xxe siècle), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2004, p. 35-59.
40 Jean François, La science de la Géographie, divisée en trois parties qui expliquent les divisions et les universalitez, & les particularitez du Globe Terrestre, Rennes, chez Jean Hardy imprimeur libraire, 1652, in-8°, p. 346-347.
41 Pierre Duval, La connoissance et l’usage des Globes, et des cartes de Géographie, par P. Du Val d’Abbeville Géographe du Roy, Paris, chez l’auteur, 1654, p. 7.
42 Charles Noblot, Géographie universelle, historique et chronologique ancienne et moderne, t. 1, première partie, Paris, chez Vilette, 1725, p. xxxvij.
43 Jacques de Malzet, Elémens Géographiques ou description abrégée de la surface du globe terrestre à l’usage des jeunes cavaliers de l’académie militaire, établie par sa Majesté Impériale et Roïale dans la ville et résidence de Vienne, Vienne, Jean Thomas Trattner, 1755, p. 2.
44 Guillaume Sanson, Introduction à la géographie…, op. cit., p. 13.
45 Abbé Louis Courcillon de Dangeau, Nouvelle métode pour aprendre facilement et sans maître la Geografie, et les premiers principes du Blazon a laquelle on a joint des tables avec des marges instructives pour aprendre aussi les premiers principes de l’histoire, avec la généalogie et la chronologie des principaux Princes de l’Europe, 1693, n. p.
46 Nicolas de Fer, Introduction à la Géographie avec une description historique sur toutes les Parties de la Terre, Paris, Gilles de Paulus du Mesnil, 1708, p. 3. Id., Introduction à la Géographie ou corespondance du Globe terrestre ou Mappe-Monde avec la sphère celeste par les cercles, les lignes et les points qui sont imaginés dans celle-cy et ceux qui se décrivent sur l’autre, Paris, chez Danet, gendre de l’auteur, sur le Pont Notre Dame, à la Sphère Royale, 1722 (gravure in-folio).
47 Pierre Duval, La connoissance et l’usage des Globes…, op. cit., p. 7.
48 Pierre Duval, La Sphère Françoise, c’est-à-dire le traité de Géographie qui donne la connoissance & l’usage du Globe & de la Carte, avecque les figures nécessaires pour ce sujet. Duval, Géographe du Roy, Paris, l’auteur, 1663, p. 2-3.
49 1729, 1741, 1751, 1758, 1762, 1770, 1780, 1781, 1793, 1798, 1799, 1809, 1811, 1813, puis tous les ans jusqu’en 1847, puis 1856, 1858, 1860, 1876.
50 Abbé Le François, Méthode abrégée et facile pour apprendre la Géographie, où l’on décrit la forme du Gouvernement de chaque Pays, ses qualités, les mœurs de ses habitants, & ce qu’il y a de plus remarquable, avec un abrégé de la sphère, & une table des Longitudes & Latitudes des principales villes du Monde, conforme aux dernières observations de Messieurs de l’Académie des Sciences, des RR. PP ; Jésuites & autres Astronomes, Nouvelle édition revue et corrigée, Paris, chez les Libraires associés (ici édition de 1741, in-12, p. 31-32).
51 Allain Manesson-Mallet, Description de l’univers contenant les différents systèmes du Monde, les cartes générales & particulières de la Géographie ancienne et moderne…, Paris, Denys Thierry, 1683, t. 1, p. 209.
52 Jean François, La science de la Géographie…, op. cit., p. 355-356.
53 Sur ce point on consultera le glossaire de Cartes et figures de la Terre, op. cit., p. 476-478.
54 Pierre Duval, La connoissance et l’usage des Globes…, op. cit, p. 58-59, puis 65.
55 Jacques Robbe, Méthode pour apprendre facilement la géographie…, op. cit., p. 38-52.
56 Claude Buffier, Grammaire françoise sur un nouveau plan : pour rendre les principes plus clairs et la pratique plus aisée, Paris, Leconte & Montalant, 1709.
57 Claude Buffier, Suite et troisième tome de la Pratique de la mémoire artificielle pour aprendre l’Histoire, contenant, la Géographie en Vers artificiels avec la Pratique de la Géographie Mentale, Paris, Leconte & Montalant, 1711, p. 205.
58 Ibid., p. 211-212.
59 Pour une partie de l’Europe, par exemple, p. 218-221.
60 Roland Fréart de Chambray, La perspective d’Euclide [suivi de] Idée de la perfection de la peinture desmontrée par les principes de l’art, Le Mans, Imprimerie de Jacques Isambart, 1762, p. 19-20. Sur ce point, on verra René Démoris, « Peinture et science au siècle des lumières, l’invention d’un clivage », Dix-huitième siècle, 31, 1999, Mouvement des sciences et esthétiques, p. 45-60.
61 Claude Buffier, Suite et troisième tome de la Pratique de la mémoire artificielle…, op. cit., p. 216.
62 1715, 1726, 1729, 1736, 1739, 1749, 1752, 1754, 1757, 1758, 1759, 1760, 1774 et 1781.
63 Gerhardt Stenger, « La théorie de la connaissance dans la lettre sur les aveugles », Recherches sur Diderot et l’Encyclopédie, 26, 1999, p. 99-111.
64 Sur Pierre Viollier, les informations sont assez rares. On verra cependant : Sigrist René, L’essor de la science moderne à Genève, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2004, p. 62 ; Paul Frédéric Geisendorf, L’université de Genève, 1559-1959, Genève, A. Jullien, 1959, p. 118 (on y apprend que le cours commence en 1704).
65 Pierre Viollier, L’usage de la sphère du Globe et des Cartes pour la Géographie, avec Des méthodes pour prendre la Distance des Lieux, par des tables des Meridiens, & des élévations de Pole, telles que sont celles que Messieurs de l’Académie Royale des Sciences nous donnent dans le Livre de La connoissance des temps, Genève, De Tournes & Jaquier, 1704, p. 93-94 (gravure p. 95).
66 Ibid., p. 72-73.
67 Ibid., p. 88.
68 Viollier Pierre, L’usage de la sphère…, op. cit. Le raisonnement est suivi de la page 73 à la page 90.
69 Ibid., p. 98.
70 Augustin Lubin, Mercure Géographique…, op. cit., p. 337-339.
71 Allain Manesson-Mallet, Les travaux de Mars ou l’Art de la Guerre divisé en trois parties, Paris, Denys Thierry, 1685.
72 Meynier, « Usage de l’odomètre de M. Méynier », Machines approuvées par l’Académie Royale des Sciences, Paris, Académie des sciences, 1724, p. 101-104.
73 Guillaume Delisle, Carte de la prévosté et vicomté de Paris, Paris, chez l’auteur, 1745 (BNF Ge DD 2987 [684] B).
74 Sur ce point, Nicolas Verdier, « Dal territorio alla carta : posta a cavallo e acculturazione dei rapporti col spazio tra la fine del settecento e l’inizio dell’ottocento », Quaderni Storici, 131, 2009, p. 579-606.
75 César-François Cassini de Thury, Avertissement ou Introduction à la carte générale et particulière de la France, s. l., n. d., p. 9-10.
76 Charles Estienne, La guide des chemins de France, Paris, Charles Estienne, 1552.
77 Anne Bretagnolle et Nicolas Verdier, « La mesure postale, reflet des évolutions dans le rapport au temps et à la distance au siècle des lumières », Cahiers de métrologie, 22/23, 2005, p. 63-74.
78 Sur ce point : Nicolas Verdier, « Les formes du voyage : cartes et espaces des guides de voyage », In Situ. Revue des patrimoines, 15, 2011 [http://insitu.revues.org/573].
79 Jean-Aymar Piganiol de la Force, Nouveau voyage de la France avec un itinéraire et des cartes, Paris, chez la veuve Florentin Delaulne, 1724, en face de la page 531 (graveur Baillieul).
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