Conclusion
p. 367-385
Texte intégral
1Au terme de cet ouvrage, de ces études de cas formant la mosaïque d’une discipline plongée dans la crise de la Seconde Guerre mondiale, au-delà des statuts (universitaires, professeurs de lycée, étudiants), des générations (ceux qui avaient vécu la Première Guerre mondiale, ceux qui avaient commencé leur carrière dans l’entre-deux-guerres, ceux qui étaient encore en cours d’études), des sexes ou des champs de spécialité, quels bilans tirer et quels enseignements retenir pour notre objet ? Prenons quelques exemples, adossés sur les situations évoquées précédemment ou sur de la documentation extérieure, notamment les nécrologies, dont les références sont accessibles par ailleurs (Clout, 2015), permettant de compléter la perspective et d’esquisser un panorama de la géographie française en situation de guerre mondiale.
Parcours individuels et collectifs en temps de crise : effets de lieux
2Il est d’abord manifestement illusoire de parler d’« une » géographie française dans la période considérée, tant on ne géographie pas de la même façon quand on se trouve en zone occupée par les Allemands ou les Italiens, en zone dite « libre », à Paris ou en province, ou encore en zones frontières ou refuges.
3Le Grand Ouest paye un tribut particulièrement fort à l’occupation allemande, au-delà du cas de Poitiers [voir le chapitre de Nicolas Ginsburger sur Téodore Lefebvre dans ce volume]. À Rennes, André Meynier organise un plan d’évacuation des habitants du Nord en direction de la Bretagne lors de l’automne 1939, puis de nouveau en juin 1940. Il accueille les réfugiés parisiens de la campagne de mai-juin 1940, en particulier les étudiants communistes [voir le chapitre de Nicolas Ginsburger sur les géographes communistes dans ce volume], et est témoin de l’évacuation de son université, devenu la Kommandantur. Il centralise, coordonne et complète pour l’Ouest les enquêtes lancées par Demangeon sur les mouvements de réfugiés – dont les résultats étaient rédigés dès 1941 mais qu’il n’a pas diffusés pour des raisons « d’opportunité » [voir le chapitre de Denis Wolff dans ce volume]. Malgré les interdictions, il mène des excursions sur le terrain et continue à enseigner. Le 4 juin 1944, la Gestapo vient prendre des otages chez les professeurs, dont Meynier. Autre cas, Maurice Le Lannou, spécialiste de la Sardaigne (il soutient sa thèse sur les paysans de l’île en 1941 justement) qui avait été envoyé en Corse en 1939 comme officier de renseignement pour s’informer sur les actions de l’Italie fasciste qui appuyait les autonomistes, aide le maquis : après la guerre, il est médaillé de la Résistance, titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 et de la Croix du combattant volontaire de la Résistance (Anonyme, 1966). Meynier, libéré, prend Suret-Canale comme assistant en 1945-1946, tandis que Le Lannou est nommé comme expert à la conférence de Paris de 19461 pour les discussions de fixation de la frontière italo-yougoslave (Le Lannou, 1947), rejoignant en la matière l’exemple des géographes (dont Martonne) qui avaient participé aux négociations de paix consécutives à la fin de la Première Guerre mondiale (Ginsburger, 2010). Sur la côte bretonne du Finistère proche de Brest, un petit réseau d’amitié a lié Camille Vallaux, Élicio Colin et l’un des amis d’enfance de ce dernier, Auguste Dupouy2, réseau qui s’est renforcé durant l’Occupation, alors que Colin, qui s’y trouvait en famille en 1940, devait rester prisonnier de la zone dite « réservée ». Dupouy et Vallaux, alors rédacteurs à La dépêche de Brest (Vallaux depuis 1932), quittent ce journal radical-socialiste au début de la guerre, puis sont rappelés par son ancien directeur en 1941, pour faire contrepoids aux autonomistes qui y étaient entrés, avant de quitter définitivement la publication au moment où elle fut rachetée (à vil prix) par l’écrivain et fonctionnaire Yann Fouéré (1910-2011) et l’industriel Jacques Guillemot, autonomistes antisémites, proches de l’Action française et soutenus par les Allemands (Lageat, 2009). Arrêté en 1943, emprisonné à Quimper puis relâché, Colin devait probablement relever des réseaux de soutiens aux aviateurs alliés et des Résistants animés par son gendre l’ex-député Crouan, qui est pour sa part arrêté par la Gestapo le 6 mars 1943, condamné à mort, déporté le 1er juillet et passé par plusieurs camps avant d’être libéré le 29 avril 1945 par les troupes américaines. À Caen, René Musset exprime très tôt son opposition à l’encontre des Allemands et du Régime de Vichy. Il est dénoncé en 1942 comme ayant fourni des informations aux Alliés et appartenant à un groupe de résistants qui a attaqué un train rempli de soldats allemands. Il est arrêté et déporté dans plusieurs camps de prisonniers, d’abord à Compiègne, puis à Sachsenhausen-Oranienburg, finalement à Buchenwald dont il est délivré par les troupes américaines en avril 1945 : il retourne alors en Normandie dans un très mauvais état de santé, découvrant que l’université avait été détruite par les bombardements alliés et que tous ses livres et papiers avaient été anéantis. Pendant son absence, l’enseignement à Caen est assuré par des suppléants, Poirier et Dresch.
4Le sud de la France semble plus préservé et laisse davantage la place à des stratégies d’évitement ou d’opposition. Ainsi, à Montpellier, la succession de Sion est difficile, après son décès inattendu. Gottmann passe un an dans la ville, puis quitte le pays en octobre 1941 pour l’Espagne, le Portugal, Cuba et les États-Unis. Pierre Gourou y enseigne à Gilles Sautter et Jean Gallais, jusqu’à 1942, moment où il est nommé à la chaire de géographie de Bordeaux de 1942 à 1944, avec Louis Papy sur la chaire de géographie coloniale à partir de 1943. Lyon, d’abord située hors de la zone d’occupation allemande, mais pas de l’influence de Vichy, voit ses géographes, notamment les professeurs titulaires, André Allix et André Gibert, poursuivre leurs travaux, ce dont La Revue de géographie de Lyon est le reflet. Ils continuent certes à diriger les travaux des étudiants, dont des étudiantes toujours plus nombreuses (Ginsburger, 2017c), mais cela ne les empêche pas de rester attentifs au contexte, et aux modifications du champ disciplinaire. Membre du jury de l’agrégation d’histoire et géographie pour les hommes, de l’agrégation féminine d’histoire entre 1938 et 1941, Allix participe ainsi aux discussions de 1943 autour de l’agrégation séparée de géographie, peu de temps après l’invasion de la « zone libre » en novembre 1942 par les troupes allemandes. La Résistance s’y développe, et certains géographes s’y trouvent mêlés, Allix en particulier, dont les cours à l’université et les conférences à la société de géographie de la ville, en particulier en 1943-1944, montrent une pensée de géographie politique, voire géopolitique, tout à fait surprenante et critique, défiant la censure, en particulier concernant la place du Japon en Asie (Allix, 1945). En 1944 et jusqu’en 1960, le géographe est nommé recteur de l’académie de Lyon (Gibert, 1966), signe de confiance indéniable de la part du régime de nouveau républicain.
5Restent les villes situées près de la ligne de démarcation. À Dijon, en zone occupée, Georges Chabot reste doyen de l’université pendant les deux premières années, puis démissionne mais continue à enseigner, faisant soutenir par exemple sa thèse de doctorat en 1944 à Fernand Mory, tandis que son collègue géologue Ernest Chaput décède de mort naturelle en 1943 (Ginsburger, 2014b). Avec le déclenchement de la Drôle de guerre, l’université de Strasbourg, menacée, est évacuée à Clermont-Ferrand, en particulier le professeur titulaire Henri Baulig. Il enseigne aux étudiants strasbourgeois et, à travers son Centre d’études européennes, aide des évacués et des étudiants juifs. En juin 1943, les troupes allemandes arrêtent plusieurs étudiants, puis le 5 juin 1944, Baulig fut lui-même interpellé par la Gestapo à son domicile, après avoir été sollicité par un mouchard pour adhérer à une fausse œuvre d’assistance aux familles des universitaires déportés : seul son âge (soixante-sept ans) l’empêcha d’être emprisonné dans un camp de concentration, et il est libéré le 29 juillet (Strauss, 2005, p. 258), au contraire de son collègue byzantinologue Jean Lassus, plus jeune et pour sa part déporté à Dachau. Mais dans la ville universitaire, c’est Philippe Arbos qui est le titulaire, qui poursuit en partie ses travaux, faisant par exemple soutenir sa thèse à Lucien Gachon, et aidant par exemple Marc Bloch, participant à la préservation du manuscrit de L’étrange défaite. À Grenoble, Blanchard est en poste pendant toute la guerre, poursuit sa Revue de géographie alpine et publie plusieurs volumes de sa monographie sur Les Alpes occidentales (vol. 2, 3 et 4). La baisse du nombre de DES est compensée par l’activité de femmes ayant déjà fait une partie de leurs études avant-guerre, et qui s’ancrent ainsi partiellement dans le paysage disciplinaire local, par exemple Germaine Verner-Veyret qui signe plusieurs articles dans la Revue de géographie alpine (RGA) entre 1940 et 1945. Blanchard met en avant ces signatures féminines et note :
[La vie de l’IGA est] un peu ralentie, puisque la plupart de nos jeunes hommes a dû nous quitter. Mais les jeunes filles tiennent ferme le drapeau de la maison, et le bilan que nous avons à présenter de notre activité nous paraît honorable. […] On jugera ainsi que nous aurions mauvaise grâce à nous plaindre. […] [Cela] projette une lueur favorable sur la santé intellectuelle de la France
Blanchard, 1944, p. 333.
6Se constitue donc ici un milieu de femmes-géographes relativement important mais disparaissant le plus souvent rapidement de la discipline. En 1939, Jean Robert, en 1945, Paul Veyret soutiennent leurs thèses malgré les conditions difficiles. À la Libération, si le cas de Jules Blache est le plus spectaculaire [voir le chapitre de M.-C. Robic dans ce volume], rappelons que Blanchard, pour sa part, sert brièvement comme représentant du commissaire de la République à Lyon, avec responsabilité des affaires inter-alliées.
7Sans surprise, la situation du pôle parisien, particulièrement bien renseignée, est complexe. Pendant la Drôle de guerre, Martonne et Demangeon poursuivent leur enseignement, secondés un court moment par Gottmann, l’assistant de recherches du second [voir les chapitres d’Emmanuelle Loyer et de Denis Wolff dans ce volume], par l’Égyptien Hassân Awad et le Portugais Orlando Ribeiro [voir le chapitre de Suzanne Daveau dans ce volume]. L’arrivée des troupes allemandes et la menace nazie poussent Gottmann, Juif né Russe et naturalisé Français, à suivre les conseils de Demangeon et de Martonne, et à fuir Paris dès juin 1940 pour retrouver Sion à Montpellier, tandis que Ribeiro retourne à Lisbonne le 7 juin, de même qu’Awad en Égypte. Cinq jours après le décès de Demangeon [voir le chapitre de Denis Wolff dans ce volume], le 30 juillet 1940, un commando de SS investit l’Institut de géographie de Paris et saisit les archives de l’UGI, notamment en raison de la germanophobie de Martonne, qui en était le président3. Désormais bien seul comme enseignant, il retrouve Cholley, démobilisé, et Sorre, démis de ses fonctions officielles puis nommé sur la chaire de Demangeon en mars 1941 [voir le chapitre de Dylan Simon dans ce volume]. Robequain reste prisonnier jusqu’à la fin de l’année 1941, tandis que Larnaude est nommé secrétaire privé de Carcopino à Vichy, entre février 1941 et avril 1942. Des enseignants du secondaire sont recrutés pour prendre en charge les cours de Demangeon et de Larnaude, en particulier Clozier, Dresch et Perpillou. Des assistants sont également recrutés, parmi lesquels Jacqueline Beaujeu-Garnier et Jean Chardonnet, et des étudiants sont formés, quasiment dans des conditions de temps de paix, en particulier les normaliens. Dès lors, l’équipe enseignante de l’Institut de géographie de Paris est marquée à la fois par son instabilité et par la stabilité de son ampleur traditionnelle. Le travail continue donc. Si les Annales de géographie sont interrompues puis paraissent avec un volume réduit du fait des restrictions de papier (Beauguitte, 2008), les trois professeurs publient des livres importants pendant la période chez Armand Colin4 et, de 1939 à 1942, dix thèses de doctorat d’État sont soutenues dans la capitale5, tandis que l’Association de géographes français (AGF), dirigée par Martonne et comptant une moyenne de 400 membres, se réunit régulièrement, au contraire de la Société de géographie de Paris. Se met également en place un pôle particulièrement féminisé de cartographes bibliothécaires parisiennes, sous l’impulsion de Myriem Foncin (Ginsburger, 2017c, p. 117-118). Devenue en 1939 cheffe de la section des Cartes et plans du département des Imprimés de la Bibliothèque nationale, puis conservatrice en chef le 16 mars 1942 (Antonutti, 2020, p. 115), elle y recrute en 1943 M. Bourel de La Roncière, bibliothécaire de la Société de géographie de Paris en 1940 puis au département des Imprimés de la Bibliothèque nationale en 1942 (Joly, 2013, p. 73), et poursuit son travail sur la bibliographie cartographique de la France, entrepris depuis 1936 avec Pauline Sommer (Sommer, 1948), nommée bibliothécaire de l’Institut de géographie de la faculté des lettres de Paris en 1944 (Joly, 2013, p. 95). De Martonne, souffrant de la faim et du froid malgré ses séjours dans sa maison de campagne, a la satisfaction d’être élu (à sa troisième candidature) en 1942 membre de l’Académie des sciences, puis de voir la fondation de l’agrégation de géographie confirmée sur son impulsion. Il part à la retraite à l’été 1944, à l’âge de soixante-dix ans, et est remplacé par Cholley, assistant du doyen pendant l’Occupation, puis élu doyen en 1945 pour plus de dix ans, aidant de jeunes hommes à fuir le STO, en particulier Jean Malaurie qui se cache et est poursuivi par la police pendant plus d’un an. D’autres persécutions et répressions touchent les géographes restés dans la capitale occupée. Ancel est arrêté du fait de ses origines juives, emprisonné en décembre 1941 à Compiègne où il donne notamment des conférences, puis est relâché en mars 1942 pour raisons de santé, et meurt en décembre 1943 des conséquences de ses privations [voir le chapitre de Nicolas Ginsburger dans ce volume].
Trajectoires, mobilités et circulations dans un monde en crise
8Aux effets de lieux s’ajoutent des effets de temps, d’événements, qui sont également à penser en termes d’échos et de circulations géographiques intenses d’un centre, voire d’un continent à l’autre dans le cadre d’une guerre mondialisée, en Allemagne et dans le monde, entre exils et tourisme forcé dans un territoire certes très différencié selon les situations militaires, mais où les mobilités ont été fortes, en particulier du fait des combats. Ainsi, pour un certain nombre d’entre nos géographes (Sorre, Lefebvre, Larnaude, Chabot, mais aussi Demangeon et Martonne), la guerre de 1940 est une sorte de réplique de celle de 1914 (Ginsburger, 2010). Comme pendant la Grande Guerre mais plus brièvement, certains sont mobilisés dans les services auxiliaires en fonction de leurs compétences de géographes. André Cholley, professeur à la Sorbonne, est mobilisé comme major, et est affecté au Service géographique de l’armée (SGA), où il travaille avec une partie de ses étudiants, en particulier les jeunes Jean Tricart et Jacqueline Garnier, mais aussi Paul Marres [voir le chapitre de Nicolas Ginsburger sur les géographes communistes dans ce volume]. L’expérience combattante des géographes français dans les armées sur la ligne de front est donc particulièrement localisée dans l’est de la France : c’est le cas par exemple de Louis Poirier, le futur Julien Gracq, posté en Lorraine, puis dans les Flandres, et de Pierre Gourou par exemple [voir article de Gavin Bowd dans ce volume]. Avec le déclenchement de la Drôle de guerre, les voyages prévus s’interrompent, par exemple celui d’Ernest Chaput en Turquie (Ginsburger, 2014b). Mais la première conséquence de la défaite française est le fait que certains des militaires sont faits prisonniers et sont envoyés de force, comme des milliers d’autres soldats français, dans des camps en Allemagne. C’est le cas notamment de Poirier, prisonnier de guerre envoyé dans un camp en Silésie, de retour en février 1941 pour des raisons de santé (malnutrition et infection pulmonaire), ou encore de Robequain. Jean Delvert et Jean Corbel sont tous deux faits prisonniers, mais réussissent à s’échapper. G. Schouler et A. Roze enseignent dans le Oflag XVIIA en Basse-Autriche, Jean-Émile Hermitte à l’université en captivité. Gaston Galtier est rapatrié pour raison de santé, Marcel Gautier passe cinq ans dans un Oflag, René Lebeau est en captivité en Prusse orientale jusqu’en juin 1944, tandis que Henri Enjalbert est emprisonné en Poméranie où il enseigne aux autres prisonniers et lit les ouvrages de géographes allemands comme Penck, Passarge ou Hettner, achetés à Leipzig. André Journaux et Birot se trouvent en Prusse orientale, donnant des cours pour « tuer le temps », dans des conditions de vie très pénibles qui font rapatrier Birot en France en avril 1944. Jacques Dupuis, lui aussi captif en Prusse orientale, lit de nombreux livres en français et en allemand, y apprend l’hindi, se spécialisant plus tard dans l’étude de l’Inde, consacrant sa thèse à Madras. À la fin de la guerre et avec la défaite allemande, Raynal fait partie des forces d’Occupation françaises en Allemagne et en Autriche, de même que Borde et Delvert. Cependant, la poursuite des combats oriente également d’autres géographes vers la péninsule Ibérique et le Maghreb, en particulier dans les rangs gaullistes. Outre le cas très particulier de Pierre Denis (Oulmont, 2012 ; 2015), on sait ainsi que René Raynal participe au débarquement américain en Afrique du Nord en novembre 1942, puis se porte volontaire dans la campagne de Tunisie avant d’être fait prisonnier, puis rapatrié, démobilisé, traversant les Pyrénées en août 1943, se retrouvant en prison, puis s’échappant vers le Maroc pour de nouveau débarquer en Provence en août 1944 et participant à la libération des Alpes du Sud, de la Franche-Comté et de l’Alsace. Jean Borde et Jean Delvert fuient également en Espagne en juin 1943, sont internés dans un camp de concentration, puis s’échappent au Maroc avant de s’engager dans les Forces françaises libres, débarquant en Provence et participant à la libération de la France de l’Est. Les itinéraires des géographes communistes sont également marqués par cette problématique du déplacement. Suret-Canale et Dresch ont ainsi dû, par choix ou par force, connaître des déplacements professionnels ou personnels [voir le chapitre de Nicolas Ginsburger sur les communistes dans ce volume], qui ne sont cependant pas vraiment comparables à l’exil forcé de Gottmann, qui rejoint, comme d’autres, la péninsule Ibérique [voir le chapitre de Suzanne Daveau dans ce volume], puis les États-Unis pour y échapper à la persécution et y connaître une expérience nouvelle en termes d’organisation du travail scientifique et de paysages géographiques [voir le chapitre d’Emmanuelle Loyer dans ce volume]. Comme Monbeig au Brésil [voir le chapitre d’Heliana Angotti-Salgueiro dans ce volume], il y fait l’expérience de l’ailleurs et du lointain. Tous deux puisent dans cette expérience une certaine singularité dans la discipline, pour partie liée aux rencontres interdisciplinaires qu’ils y ont vécues : l’un cultivera par la suite cette singularité en poursuivant sa carrière dans le monde anglo-saxon tandis que l’autre se tournera largement vers les sciences humaines et sociales au sein du CNRS, avec une certaine distance par rapport à la géographie universitaire « traditionnelle ».
De certains effets de la guerre sur la communauté géographique et sur la conception de la discipline
9Quelles incidences de la Seconde Guerre mondiale sur le travail géographique en France peut-on déceler, que ce soit sur les pratiques des géographes, sur leurs représentations de la discipline ou encore sur ce qu’ils conçoivent comme les enjeux de l’activité scientifique ?
Pugnacité et résilience collectives
10Les conditions de la pratique pendant le conflit ont été décidées « à chaud » par l’affichage d’une volonté de continuer le travail de recherche, ce dont témoignent tant les directeurs de revues (Beauguitte, 2007 ; 2008) que les « patrons » vieillissants, appuyés par leurs élèves et les réseaux qu’ils avaient construits leur vie durant. C’est ce que confirment les bilans d’après-guerre dressés depuis l’intérieur de la communauté, d’abord par ces sortes d’attestations de bonne conduite qu’ont signées à la sortie de la guerre les leaders historiques de la discipline, tels Blanchard à propos de son IGA (1947) ou Martonne (1945) au titre de l’Association de géographes français. De tels bilans de la géographie française dans l’épreuve sont aussi dressés dans des articles destinés aux publics étrangers, tels ceux signés en 1946 par deux jeunes géographes, Perpillou et Gottmann. Aussi légitimes l’un que l’autre par leur proximité avec l’un ou plusieurs des maîtres d’avant-guerre, ces deux auteurs se distinguent par les lieux d’où ils parlent : Perpillou est resté en France tandis que Gottmann6 pouvait asseoir son analyse sur une comparaison implicite entre l’activité géographique en pays occupé et celle des géographes étatsuniens, mobilisés sur tous les théâtres d’opération, dans toutes sortes d’offices d’information et de renseignement et d’administrations destinées au Warfare. Rédigées sur un mode strictement descriptif et énumératif chez Perpillou, dotées d’une tonalité distanciée voire critique chez Gottmann (qui souligne toutefois les contraintes de la situation de guerre : « geography through ordies », « the imprint of war »), ces synthèses attestent du niveau soutenu de la production des géographes français durant le conflit, malgré l’adversité et la difficulté d’accès au terrain. Si ces deux bilans partagent une fonction informative, primordiale en temps de reprise des échanges scientifiques dans le monde, ils visent aussi un enjeu plus radical, celui de la reconstitution de la scène internationale de la géographie d’avant-guerre7. Chacun à sa manière, tout en clôturant une période collective d’épreuve, ils tendent à restaurer l’ordre antérieur, à réintégrer et à reconstituer l’École française, leader des années 1930, dans le gotha international. Ces enjeux de la scène savante internationale sont assez semblables à ceux qu’affrontent les politiques pour rendre à la France un statut de grande puissance.
11Si nous revenons aux publications des années de guerre, il faut admettre que le parti de poursuivre le travail scientifique comme forme de résistance (en particulier comme une expression libre de la raison et comme combat intérieur pour sauvegarder sa liberté, motifs exprimés par Blache notamment), confère à certaines publications une densité particulière. La signification de certaines d’entre elles est explicite, telles les conférences de Faucher, prononcées et publiées pendant la Drôle de guerre ; d’autres portent un sens équivoque, telles certaines « petites géographies locales » ou encore des propos sur la géographie scolaire, qui rappellent les accents agrariens et anti-intellectualistes du régime sans obligatoirement en partager les valeurs. D’autres publications diffusent probablement un message crypté qui peut nous échapper. Ainsi d’une étrange communication de Léon Aufrère sur la « dissymétrie de l’avenue des Champs-Élysées », prononcée en juin 1942 à l’institut de géographie de Paris dans une connivence probable entre l’orateur et les auditeurs, et dont Jean-Louis Tissier (2016) a souligné le caractère subtilement « intempestif », sa vocation subversive, libératoire, n’ayant été dévoilée publiquement par l’auteur qu’en 1950 ! En revanche, tel jeune géographe analysant l’invasion de la vallée du Rhône par des doryphores n’y aurait mis aucune malignité (Lefort, 2011, p. 205)… Au total, avec la banalisation volontariste de la recherche géographique, quelques écrits attestent de réactions à une situation de contrainte, de violence, mais leur sens est parfois indécidable. De même pour certains engagements, qui se situent sans doute moins « aux côtés de Vichy » que du côté « préparer la reconstruction » [voir le chapitre d’Efi Markou dans ce volume]. Souvent aussi, peut-on imaginer, le work as usual a été une manière d’ignorer tout simplement la guerre…
12Toutefois s’impose l’impression d’une forte résilience des géographes, comme communauté, reposant sur un souci collectif de résister par le travail et par le déploiement de plusieurs formes de solidarité que l’on peut interpréter comme solidarité « ordinaire » et presque banale entre spécialistes, universitaires, normaliens, ou encore comme une solidarité fonctionnelle (ministre/ universitaire, inspecteur/enseignant par exemple). Mais une dynamique collective d’enquêtes a fonctionné aussi, sous l’autorité morale de Demangeon par exemple, faisant fi d’éventuelles dissensions politiques d’avant-guerre (entre la minorité communiste d’alors et un corps de collègues centristes ou socialistes). La pugnacité dont a témoigné Demangeon, son idée d’une « mission » intellectuelle à continuer malgré tout est représentative d’un état d’esprit et d’une pratique collective des géographes français pris dans la tourmente, et dont l’action de Meynier à Rennes ou celle de Faucher à Toulouse (dans un contexte très pluridisciplinaire) sont exemplaires. De même, au-delà des conflits entre « écoles » personnelles qui se sont vivement exprimés lors des débats sur l’opportunité de créer une licence et une agrégation de géographie, autour du conflit Martonne/Blanchard croisant une opposition Paris/ province marquée par des alliances opportunistes locales entre géographes et historiens (Dumoulin, 1994 ; Ginsburger, 2017a), les interpublications dans les revues respectives de l’école de Paris et de l’école de Grenoble manifestent une volonté de cohésion.
13« Pour moi, la solidarité géographique n’est pas un vain mot », affirme Baulig dans une correspondance d’avril 1941 avec Gottmann [voir illustration du chapitre d’Emmanuelle Loyer dans ce volume], alors qu’il cherche à l’aider dans ses contacts avec les États-Unis, où il a acquis lui-même un réseau d’amis géographes lors de son séjour d’avant la Première Guerre mondiale. Les relations avec l’étranger sont capitales, qu’elles soient le fait d’un exil forcé comme dans le cas de Gottmann, d’un séjour plus ou moins contraint comme celui de Monbeig au Brésil ou de la recherche de contacts dans les pays proches, les pays neutres aux frontières de la France servant tant de sas et de plaque tournante dans la guerre que de lieux où poursuivre une certaine activité scientifique. L’Espagne et le Portugal, ainsi que le Brésil, continuent, à ce titre, à accueillir des géographes français, orthodoxes ou non, et à construire leur(s) propre(s) école(s) de géographie sur le modèle de l’École française, plus précisément des écoles locales centrées sur des villes universitaires, en incorporant ses savoir-faire à leurs propres impératifs de construction nationale, comme le montrent les chapitres de Suzanne Daveau, d’Heliana Angotti-Salgueiro et de Josefina Gómez Mendoza, cette dernière voyant dans ces interactions institutionnelles, intellectuelles et personnelles « un tissu très dense et un écosystème favorable, malgré un contexte historique hostile, au développement des études de terrain et des échanges, à la floraison de véritables écoles, nationale et catalane, de géographie, issues de communications intenses avec les vidaliens, orthodoxes ou hétérodoxes ». La diplomatie culturelle d’avant-guerre se poursuit ainsi, sous contraintes certes, motivant encore un « tisseur de réseaux » comme Martonne (qui poursuit son magistère de géomorphologue et son œuvre de président de l’UGI pour maintenir l’influence française dans l’après-guerre), à se déplacer à plusieurs reprises au Portugal, en Espagne et en Égypte, y retrouvant ses anciens assistants de la Sorbonne. De leur côté ses jeunes collègues, Monbeig et Gottmann, tout en jouant un rôle très contrasté de géographe (l’un contribuant à la création d’une école et l’autre à l’effort de renseignement militaire), s’ouvrent à des expériences intellectuelles nouvelles et s’acculturent à des expériences de construction territoriale américaines différentes mais toutes deux marquées par le dynamisme spatial et le changement.
Une réflexivité inédite
14À lire un certain nombre de textes publiés pendant la guerre et l’Occupation ou immédiatement après la guerre en France, qui témoignent d’une activité réflexive inusitée auparavant, il ressort toutefois de l’activité continuée des géographes l’impression de singularités intéressantes à relever et à analyser. Cette réflexivité a des supports polymorphes, comme le montrent les chapitres précédents : il peut s’agir d’un traité de géographie humaine (Sorre, 1943 ; 1948a ; 1948b), d’une histoire de la discipline (Clozier, 1942), d’une initiation à l’enseignement supérieur (Cholley, 1942) [voir le chapitre de Dylan Simon dans ce volume], de propositions en matière de géographie tropicale (Martonne, 1946 ; Gourou, 1948) [voir le chapitre de Gavin Bowd dans ce volume], mais aussi de diagnostics épistémologiques sur la géographie humaine (Gottmann, 1947 ; Poirier, 1947), de débats sur sa structuration interne et sur son enseignement (Enquête organisée par Chabot dans L’information géographique, 1947 ; compte-rendu de journées d’étude sur l’enseignement de la géographie menées sous l’égide d’Allix et publiées dans Études rhodaniennes, 1948), d’un manifeste de géographie humaine (Le Lannou, 1949), etc. À cette littérature réflexive, parfois commentée sur le vif, se superpose le réseau des écrits internes et externes saluant la fin du grand œuvre de l’École française de géographie : la collection de Géographie universelle Vidal de La Blache et Gallois, dont les derniers tomes, consacrés à la France, sont signés par les deux « patrons » Martonne et Demangeon : or le second disparaît en 1940 tandis que le premier est mis à la retraite rapidement après 1945, signant la fin de la génération des élèves directs du « maître » Vidal8. Les historiens des Annales, partenaires anciens de la discipline, sont particulièrement attentifs à ces parutions, notamment Lucien Febvre (Robic, 2018) et ses proches lieutenants, Fernand Braudel (1944) et Charles Morazé (1948). En outre, des outsiders se mêlent à ces conversations interdisciplinaires, tel le jeune urbaniste Maurice-François Rouge (1944a ; 1944b ; 1947), qui y ajoute le point de vue de l’action aménagiste [voir le chapitre d’Efi Markou dans ce volume].
15L’analyse des rencontres de Max Sorre présentée par Dylan Simon a révélé la complexité des points de vue exprimés à l’époque face à une géographie conçue comme une « écologie de l’homme ». Cependant, la plupart des textes de l’époque sont saturés par le terme de « milieu », qui est comme un marqueur de la géographie française, encore que bien d’autres auteurs s’en emparent aussi (tel Friedmann, 1945). Mais la notion est parfois reconstruite par les géographes (par exemple sous la forme du couple milieu interne/milieu externe proposé par Gottmann), le terme est souvent décliné en syntagmes multiples (tels ceux de milieu physique, biologique, ou humain, fréquemment associés selon un ordre de complexité croissante, voire celui de milieu spatial), parmi lesquels s’impose au final celui de « milieu géographique ». À cette notion revendiquée comme distinctive par Demangeon (1942) correspond tant l’argument de la complexité de la causalité géographique que le souci d’affirmer un point de vue spécifique à la géographie, dans le champ des sciences : celle-ci se caractériserait comme un carrefour ou une synthèse de disciplines, selon des expressions courantes, ou encore comme la recherche de « combinaisons » de facteurs hétérogènes, ainsi que l’établit Cholley (1942). Mais il semble aussi que la défense de cette expression de « milieu géographique » vise particulièrement à laver la discipline du « péché » déterministe, qu’il soit physique ou biologique, donc à valoriser la créativité humaine. Ce souci s’accompagne de l’affichage d’une conception hétérodoxe de la géographie comme discipline totalement anthropocentrique (et non pas à la fois physique et humaine), ce que proclament deux géographes d’importance, Cholley (1942) et George (1947a). À ces deux titres, nombre des textes réflexifs invoquant l’initiative humaine sont empreints d’une sorte de surenchère qui vise, au-delà de l’affichage savant du principe de non-déterminisme, à signifier non seulement la liberté humaine mais encore son universalité – et cette surenchère nous semble relever, pour partie au moins, du combat que mènent les géographes à la fois contre la Geopolitik qu’ils ont déjà critiquée avant guerre et contre les présupposés racistes et les pratiques du nazisme.
16En fait, un autre terme décisif pour signifier l’inventivité humaine est celui d’organisation, fréquent, mais que mobilisent surtout quelques auteurs-clés. Le cas le plus manifeste est encore celui d’André Cholley (1942) qui en fait une pièce élémentaire de son lexique. Plus, le syntagme « organisation de l’espace » constitue une base essentielle de son manuel d’initiation à la géographie, qui déplace l’attention portée à la transformation active du milieu par l’homme en direction d’une créativité d’un autre ordre, politique ou social, qu’il réfère à la notion de « substratum territorial » (ibid., p. 36 et suiv.). Si la réputation de Cholley auprès de ses élèves a reposé par la suite sur sa notion de « combinaison » et non pas sur celle d’organisation de l’espace, il n’en reste pas moins que son manuel enregistre donc un autre événement lexical d’époque, qui est la récurrence du terme d’« espace », l’apparition de l’expression d’« espace géographique » et la configuration de la géographie comme discipline « spatiale » [voir les chapitres de Dylan Simon, de Gavin Bowd et d’Efi Markou dans ce volume] (voir aussi Robic, 1992 ; 1996). Ainsi, par exemple, de la comparaison qu’il dresse entre histoire et géographie :
L’Histoire s’applique surtout à étudier les transformations des groupements humains […] ; la Géographie considère le groupement humain par rapport à l’espace qu’il occupe, sous l’angle de l’organisation spatiale provoquée par sa conception de la vie en groupe, par l’existence de ses formes d’activité, par les relations entre les groupements humains qui l’entourent
Cholley 1942, p. 105, nous soulignons.
17Sans multiplier les exemples9, s’il est clair que parler de « tournant spatial » serait excessif, un tropisme spatial anime les géographes les plus réflexifs et se répand alors, au détriment d’un fondement mésologique qui reste prégnant mais qui se trouve diversement critiqué. Sans doute ce phénomène se nourrit-il à plusieurs sources. Il arbore en outre des formes diverses selon les auteurs, de sorte que l’on peut se demander s’il est fondé en raison, ou, comme s’interroge Dylan Simon, s’il s’agit d’un « affichage scriptural [ou si le mot est] simplement utilisé pour saisir un air du temps ». Il est malaisé de mesurer le poids de la référence au Raum (« espace ») allemand. Certes, plusieurs auteurs rappellent positivement, tel Sorre, le rôle de la notion d’espace dans une (vraie) géographie politique héritée de Ratzel et de Vidal de La Blache. Si la notion géopolitique et nazie d’« espace vital » (Lebensraum) est explicitement décriée (Faucher), voire tenue à distance comme « notion boueuse » (Blache), le risque que le terme critique d’espace s’infiltre par ce biais dans le vocabulaire des géographes français est limité ; mais on connaît par les travaux de Victor Klemperer le pouvoir de contamination du langage totalitaire. Ainsi Faucher mêle-t-il distanciation radicale et appropriation subreptice de l’expression :
Que devient en effet, dans cette organisation d’un espace qualifié de vital par l’Allemagne, le droit des autres peuples à la vie indépendante ? […] L’espace vital a reculé jusqu’aux limites de la terre. La distance n’existe plus. […] Il n’y a plus, à la vérité, de problèmes partiels, il n’y a plus qu’un problème central : le monde ne peut se sauver qu’en s’organisant
Faucher, 1940b, p. 16, 17 et 19.
18Plusieurs autres analystes de l’extension territoriale de l’humanité ou d’un peuple particulier conservent de leur côté un terme classique comme « œkoumène », tel Sorre ou encore Poirier, qui évoque comme exemple des performances techniques contemporaines l’extraordinaire entreprise menée par l’URSS en vue d’« aménager son œkoumène » (Poirier, 1947, p. 90).
19Parmi les autres sources de diffusion depuis l’allemand figure la langue de l’aménagement du territoire – tels les termes Raumordnung et Raumforschung, inventés dans les années 193010 –, une langue inscrite par le régime nazi dans ses institutions de recherche et d’intervention et appliquée aux entreprises de colonisation systématique des territoires envahis et occupés (Rössler, 1988 ; 1989 ; Rössler et Schleiermacher, 1993 ; Ingrao, 2016). Mais on trouve peu de références dans la bibliographie géographique française aux publications qui relèvent de la planification spatiale nazie, qui ne pouvaient guère intéresser un corps de géographes conscient avant-guerre des perspectives d’aménagement ouvertes à la discipline, mais peu engagé dans le souci du planning urbain, régional ou « total » qui animait la plupart de leurs contemporains dès la fin des années 1930 (Robic et Rössler, 1996 ; Robic, 2009). Ce sont souvent des outsiders, tel Yves-Marie Goblet, journaliste et spécialiste de géographie politique, par exemple, qui s’investissent le plus dans l’analyse prospective de ce que devrait être la région moderne (Goblet, 1942). En revanche, le lexique de l’action territoriale française (régionalisme, urbanisme) comprenait dès la reconstruction de l’après Première Guerre mondiale l’expression d’« aménager le territoire » (Sevin, 2006, p. 178) et, comme le révèle Efi Markou, les responsables de la décentralisation industrielle envisagée sous Vichy par la DGEN se représentaient bien leur objet sous l’angle de l’action planificatrice et spatiale. En outre « organisation » a été le maître mot de l’idéologie technocratique qui s’est développée dans l’entre-deux-guerres et que le régime de Vichy a incorporée, en concurrence avec une idéologie traditionaliste. Le terme était donc bien français et, étant associé à la rationalité technique, à distance des connotations du terme nazi d’organisation, selon Victor Klemperer : « Ils n’ont pas de “système” ils ont une “organisation”, ils ne systématisent pas avec l’entendement, ils cherchent à entrer dans le secret de l’organique » (2009, p. 140). Quelles que soient les sources d’inspiration, durant la Seconde Guerre mondiale, du syntagme d’« organisation de l’espace », qu’il soit autochtone ou importé, qu’il ait été consciemment construit ou non alors11, qu’il ait impliqué ou non une planification nationale, il pouvait s’inscrire dans le lexique français hors d’une référence étrangère.
20Le tropisme spatial peut au total puiser à plusieurs sources. Parmi elles, les perspectives de reconfiguration des disciplines ont pu jouer un rôle dans la recherche du caractère distinctif de chacune d’elles, comme l’indique la comparaison entre histoire et géographie opérée par Cholley à l’aube de l’offensive pour « désagréger » les deux disciplines, que l’on retrouve par exemple dans des textes de Febvre (tel Febvre, 1949, n. 88) ; mais il y aurait d’autres concurrences disciplinaires envisageables : Cholley évoque en 1942 la sociologie et l’ethnologie, mais on peut y ajouter l’économie et la démographie, toutes disciplines qui se sont affirmées très vite dans les nouvelles institutions de la Libération. Face à ce renouvellement potentiel ou avéré du champ de concurrences pendant les années 1940-1950, on pourrait attribuer l’usage de catégories philosophiques (nombre, espace, temps ou durée ou chronologie, évolution, forme…) à l’objectif de discriminer savoirs et disciplines.
21La nature de plusieurs critiques internes à la géographie permet toutefois d’interpréter ces transformations lexicales au prisme d’expériences induites ou révélées par la guerre mondiale. Poirier (1947) fait remonter l’emprise radicale de la technique au début du siècle et singulièrement à la Première Guerre mondiale. Mais nul doute que pour lui, l’expérience d’une guerre totale, vécue en temps réel, et l’exemple des entreprises spatiales prométhéennes qu’a suscitées « la dernière guerre », en URSS notamment, n’aient catalysé son diagnostic de « crise » et l’analyse selon laquelle il estime périmées la question de la relation homme-milieu et la croyance en la continuité temporelle sur lesquelles reposait selon lui la géographie classique. Quant à Gottmann, son expérience de la vie américaine et de la mobilisation de guerre comme ses fréquentations scientifiques exceptionnelles à Princeton l’ont projeté dans un univers inconnu de « la géographie d’hier », celui du changement, de la circulation et de la prévision mathématique. Si Poirier (1947) conclut son diagnostic de crise12 des fondements par une interrogation sceptique sur le devenir de ce « quaternaire historique » (p. 88) déterminé par la technique, il insiste sur la substitution d’une étendue pure, propre à la seule logique du plus court chemin, au milieu physique différencié. Gottmann esquisse une géographie spatialiste, peut-on dire, en proposant de fonder la science contemporaine à laquelle il aspire sur des objets hybrides, mobilisables dans des trajectoires savantes allant de la pratique sociale à la construction mathématique, telle la « circulation » ou le « carrefour », qui sont lieu de rencontre matérielle ou symbolique à toute échelle spatiale et objet de la topologie mathématique. De même, Rouge approche-t-il progressivement la notion générique de « réseau » en concevant sa géonomie à partir d’un cas exemplaire de la production territoriale soviétique, – le fameux combinat reliant les gisements de houille et de fer de l’Oural et de la Sibérie méridionale. Le « spatialisme » de l’époque ne se réduit donc pas à une rhétorique, il suscite un effort de construction théorique ad hoc appuyé sur des expériences contemporaines que l’économie de guerre a accélérées. Par ailleurs, Sorre assume de manière empirique cette dimension spatiale de la discipline dès le deuxième volet de son Traité de géographie humaine, et démontre par sa reprise d’exemples canoniques qu’elle préexistait à ce moment historique de la Seconde Guerre mondiale.
Spatialités nouvelles
22Pour autant, la réflexion conduite par les géographes français autour de la catégorie « espace » n’atteint pas le degré d’acuité qu’atteignent certains de leurs contemporains soumis aux expériences communes de la guerre et, en premier lieu, à la défaite. Exceptionnelles notamment sont les analyses que Marc Bloch a consacrées, dans L’étrange défaite, à l’espace polémologique conçu par les nazis, que le commandement français n’aurait ni anticipé, ni même reconnu pendant le conflit, de sorte que la victoire allemande lui apparaît comme une « victoire intellectuelle » (p. 66) et que le conflit lui semble avoir opposé « deux adversaires appartenant à des âges différents de l’humanité » (p. 67) :
Les Allemands ont fait la guerre d’aujourd’hui sous le signe de la vitesse. Nous n’avons pas seulement tenté de faire, pour notre part, une guerre de la veille ou de l’avant-veille. Au moment même où nous voyions les Allemands mener la leur, nous n’avons pas su ou voulu en comprendre le rythme, accordé aux vibrations accélérées d’une ère nouvelle
Bloch, 1990, p. 67.
23Selon Bloch, en moins d’un siècle, « la notion de distance a radicalement changé de valeur. La métamorphose s’est produite, à peu près, dans l’espace d’une génération et, si rapide qu’elle ait été, elle s’est trop bien inscrite, progressivement, dans nos mœurs, pour que l’habitude n’ait pas réussi à en masquer, quelque peu, le caractère révolutionnaire » (p. 66). Le « programme de rapidité » des Allemands, l’organisation du rythme de déplacement des troupes et de l’aviation (la Blitzkrieg), étaient en phase avec cette révolution spatiale. Leur intelligence pratique de la distance a aussi produit un changement qualitatif dans la conduite de la guerre, marqué par exemple par le rôle polymorphe de l’aviation, tant comme outil stratégique d’invasion que comme technique de panique de masse : un moyen de brutaliser civils et militaires par son surgissement, par l’attaque en piqué, par la stridence, c’est-à-dire par des biotechniques que Marc Bloch décrit et qu’il met à l’actif de la mobilisation des sciences humaines et sociales, telle la psychologie, là où l’état-major français n’a jamais, selon lui, admis l’utilité des experts (p. 88). Sous la plume de Bloch, la question de l’action ne se réduit ni à la distance à franchir, ni à l’étendue à investir, ni au choix élémentaire d’une position, mais relève d’un complexe « espace-temps » liant technique matérielle et pensée stratégique : vitesse, accélération, rythmes, se conjuguent ou non, dans l’action, avec une capacité d’anticipation et un degré d’inclination à l’opportunisme. Au total, pour préparer à ce régime moderne du temps et de l’espace, Bloch souligne le message de sa discipline : « L’histoire est, par essence, science du changement » (p. 150). On retrouve une telle sensibilité au changement spatial et temporel chez certains géographes tel Poirier, qui diagnostique la survenue d’une crise. Peut-être a-t-elle aussi été diffuse, mais peu consciente, chez d’autres spécialistes ? Parmi les géographes analysés ici, la sensibilité spatiale dont fait montre Bloch à l’épreuve de cette guerre n’affleure guère et, à l’inverse, chez Blache par exemple, les « leçons » qu’il tire en vue de la formation future des jeunes portent moins sur des considérations géographiques que sur la transformation de la discipline historique, qu’il souhaite délibérément sociale.
24En revanche, il est clair que la Seconde Guerre mondiale ne fait pas découvrir aux géographes la mondialité, car ils l’ont saisie comme telle et analysée dès le début du xxe siècle, et l’ont reconnue à nouveau lors de la crise économique et des politiques isolationnistes des années 1930 (Arrault, 2007). Leurs cours (Dupuy), leurs conférences (Faucher), leurs réflexions privées (Blache) manifestent éloquemment leur propension à scruter les avatars de cette dimension du monde en guerre. Les géographes français réaffirment volontiers, dans l’adversité, ce « principe de l’unité terrestre » sur lequel Vidal de La Blache, souvent rappelé alors, a fondé la légitimité de la géographie générale physique et humaine. Sensibilité exacerbée à la co-existence ? « Sous nos yeux mêmes et par leur collision nous avons le sentiment de l’unité de la terre », affirme ainsi Allix (1944), en se refusant à opposer radicalement les « civilisations » d’Orient et d’Occident.
25Si la guerre déstabilise les Empires, les géographes français ne militent pas alors, sauf exception, pour l’indépendance des colonies. La discipline géographique reste-t-elle pour autant immobile face à la décolonisation, dans le contexte de la Libération et de l’immédiat après-guerre ? La collectivité des géographes doit s’ajuster à une nouvelle donne mondiale qui est celle des guerres de libération, des décolonisations de fait et des politiques de développement prônées par les autorités étatsuniennes et inscrites dans les nouvelles institutions internationales. Des indices dévoilent l’émergence d’une police de la langue reléguant aux oubliettes la géographie coloniale (prisée par le régime de Vichy, qui a créé plusieurs chaires et employé Larnaude auprès de Carcopino). Dès 1946, Gottmann informe ainsi avec précautions le public américain de ces créations récentes, en mettant l’épithète entre guillemets et en signalant un certain anachronisme de l’appellation de géographie « coloniale » – « This being still the term for the dependent areas (not only French) throughout the world » (p. 90). Les correspondances en vue de l’organisation du premier congrès géographique international d’après-guerre en révèlent la dimension critique : en octobre 1947, Gottmann avise ainsi son ami Ribeiro (organisateur de cette manifestation à Lisbonne), du fait que la géographie coloniale, « c’est un mot fâcheux et qui froisse les gens », que Robequain « aurait voulu changer le titre en Géographie tropicale, ce qui n’est pas le même » et que « bref, on a changé le titre en Géographie de la Colonisation » (cité par Suzanne Daveau, 2007, p. 17). En évoquant cette police des mots, Gottmann effleure les ajustements des catégories de pensée et des cartes mentales du monde qui se produisent en 1946-1947 chez les géographes français, où la « géographie tropicale » s’inscrit dans les institutions de prestige, avec la chaire de Pierre Gourou au Collège de France et, sous ces auspices, se diffuse en géographie. Il ne faudrait pas y voir une simple substitution du tropical au colonial13, dans la mesure où, dans le même temps, s’est fait jour une critique de la « normalité » tempérée (Martonne, 1946), pas vers la construction d’une géographie « zonale » partiellement libérée d’un syndrome tropicaliste comparable à l’orientalisme. Cette géographie tropicale s’est diffusée partiellement dans le monde anglophone avant d’y être supplantée par une perspective économiciste de développement, plus pragmatique, parfaitement calée sur la politique des grandes agences internationales de l’après-guerre (Robic, 2008 ; Bowd et Clayton, 2019).
26Au-delà de cette réflexivité nouvelle et de ces ajustements, les continuités de part et d’autre de la guerre n’en sont pas moins réelles. Par rapport à d’autres disciplines et à d’autres traditions nationales, il y a eu une conjoncture propre à la géographie française du point de vue générationnel et des rythmes de la science. Les géographes ont connu une particulière tension, après une telle épreuve de la guerre, entre le souci de renouvellement et la fidélité à une tradition ou une école. Car en termes démographiques comme en termes de publications savantes, ce moment des années 1940 constituait pour eux, une « étape », un « âge de notre école » qui se termine, comme l’admettait André Allix (1949, p. 261) en analysant les derniers volumes de la Géographie universelle. La situation de guerre a pu favoriser la réflexivité des géographes, par loisir forcé, par éloignement du terrain, mais aussi par esprit de résistance dans l’épreuve et pour faire face aux situations nouvelles que la guerre puis l’immédiat après-guerre faisaient surgir. Beaucoup d’enjeux superposés ou successifs se sont rassemblés en un temps court, heurté, favorable à des classements et des reclassements successifs. Sur la période 1938-1948 élargie donc à quelques années d’avant-guerre et d’après-guerre, cette communauté scientifique s’est révélée combiner une pugnacité d’ensemble, de fortes solidarités de métier et des pics de discorde. La situation de sortie de guerre est cependant contrastée, son bilan presque indécidable, nous l’avons montré, avec des tendances nouvelles esquissées, des débats internes accentués, mais également un renforcement disciplinaire indéniable, en particulier du point de vue institutionnel, notamment acquis par la création de la licence et de l’agrégation, qui peut avoir des effets contradictoires sur la dynamique propre de la géographie et face à des concurrences nouvelles dans un champ intellectuel en évolution très rapide à la Libération par rapport à l’avant-guerre, en particulier par la création ou la refondation d’organisations fondamentales dans la structuration de la recherche (CNRS, Ined, Insee, CES, VIe section de l’EPHE…). Autrement dit, analyser la portée temporelle du conflit sur les itinéraires personnels et sur la discipline nécessiterait d’étudier encore davantage un champ scientifique plus large, d’analyser ses transformations structurelles et l’ouverture de nouveaux horizons de pratiques (l’aménagement du territoire par exemple) dans l’immédiat après-guerre, et de mieux cerner, au-delà de la période envisagée ici, le poids des facteurs externes, par exemple les ruptures géopolitiques créées par les décolonisations et la guerre froide.
Notes de bas de page
1 Rappelons que cette conférence (dite également « conférence des 21 nations »), tenue du 29 juillet au 15 octobre 1946, a abouti au traité de Paris signé le 10 février 1947. Elle réunissait les Alliés de la Seconde Guerre mondiale, principalement les États-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni et la France, mais aussi le Canada par exemple, pour négocier les détails du traité de paix avec l’Italie, la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie et la Finlande. Le traité s’est traduit par des transferts territoriaux (par exemple de l’Italie à la France, la vallée de la Roya, ou bien la Roumanie récupérant la Transylvanie septentrionale, transférée en 1940 à la Hongrie, abandonnant la Bessarabie et la Bucovine du Nord à l’URSS, la Dobroudja du Sud à la Bulgarie, tandis que la Hongrie était ramenée à ses frontières du 1er janvier 1938) et de fortes indemnisations.
2 Normalien, écrivain et spécialiste de littérature bretonne, il était professeur à Quimper.
3 Cette dimension de pillage et confiscation de « trophées » archivistiques et cartographiques lors de l’invasion de 1940 se retrouve ailleurs, en particulier pour le champ de la géographie et de la cartographie. Le SGA est ainsi transformé en Institut géographique national (IGN) par le général Hurault, pour que le matériel cartographique et les cartes ne soient pas réquisitionnés par les Allemands selon les termes de l’armistice signé le 22 juin 1940. La Société de géographie de Paris transfère ses cartes et livres à la Bibliothèque nationale pour les préserver des occupants.
4 En particulier le volume de la Géographie universelle (GU) sur la France physique pour Martonne en 1942, Les fondements de la géographie humaine en 1943 pour Sorre, tandis que le manuscrit de Demangeon sur La France économique et humaine dans la GU sont prêts au début du conflit, mais publiés par Colin seulement en 1946 et 1948, après révision par Perpillou.
5 À savoir celles d’Aimé Perpillou, René Clozier, Francis Ruellan, Jacques Weulersse, Jean Dresch, Louis Papy, Maurice Le Lannou, Antoine Albitreccia, Georges Baeckeroot et Yves Urvoy.
6 Voir d’ailleurs la communication à l’AGF qu’il consacre à l’activité des géographes américains durant la guerre (Gottmann, 1945), à laquelle fait écho celle de George (1945) sur la géographie soviétique depuis la Révolution.
7 On pourrait rapprocher ces bilans de l’activité de guerre de celui établi par Carl Troll pour l’Allemagne en 1947, un bilan sous forme de déculpabilisation, qui a été très vite traduit par les géographes américains et publié dans les Annals of the Association of American Geographers avec pour sous-titre : « a critique and justification » (Troll, 1947, 1949 ; voir aussi Ginsburger, 2011).
8 Remarquons à cet égard qu’avec Sion, Demangeon et Ancel, la guerre voit également s’éteindre successivement les grands « ancêtres » vidaliens Gallois (1941), Bertrand Auerbach (1942), Pierre Camena d’Almeida (1943) et Camille Vallaux (1945), tous depuis longtemps à la retraite cependant.
9 Chez les géographes, on trouve le champ lexical espace/spatial particulièrement chez Clozier, 1942 (la géographie comme « position-charnière entre diverses disciplines qu’elle coordonne comme une philosophie de l’espace ») – souligné dans le texte ; chez Cholley, 1942 ; Rouge, 1944 ; Gourou, 1948 (organisation de l’espace), Gottmann, 1944 ; 1946 (organization of space) ; espace géographique dans Sorre, 1948 ; le lexique spatial est peu usité par les géographes communistes tels George et Dresch.
10 La revue Raumforschung und Raumordnung est fondée en 1936, sous le titre de Monatsschrift der Reichsarbeitsgemeinschaft für Raumforschung, avec comme éditeur Konrad Meyer-Hetling (1901-1973), professeur d’agronomie et de politique agraire à l’université de Berlin. Sa parution est interrompue pendant la Seconde Guerre mondiale, période pendant laquelle Meyer est très impliqué dans le Generalplan Ost. La revue reprend immédiatement après le conflit, et se poursuit aujourd’hui.
11 Selon ses explications, Maurice-François Rouge, promoteur d’une « géonomie ou organisation de l’espace » (1944 ; 1947), aurait créé le terme ad hoc de géonomie en juillet 1941 durant sa captivité en Allemagne, grâce à l’aide d’un professeur de français du camp. On peut remarquer que ses informations sur le combinat Oural-Sibérie (UKK) s’appuient sur des sources allemandes. Des géographes comme Poirier et George sont très attentifs aussi à la planification soviétique et à sa maîtrise de l’espace (George, 1947b).
12 Dans son entretien avec Jean-Louis Tissier en 1978, Julien Gracq a rappelé son intérêt (distancié) pour Spengler et sa notion de crise (Gracq, 1978).
13 Cette substitution (sous forme de complexe) avait eu lieu chez les géographes allemands, difficilement et par la force des choses, après la perte des colonies imposée par le traité de Versailles, nourrissant pendant les années weimariennes un fort courant de géographie tropicale, mais aussi un esprit révisionniste particulièrement tourné vers la reconquête des terres extra-européennes perdues (Ginsburger, 2018).
Auteurs
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Nicolas Ginsburger
Docteur en histoire contemporaine et chercheur associé à l’équipe EHGO (CNRS, Paris). Il a consacré ses travaux aux géographes français et germanophones pendant les deux guerres mondiales, à la géographie coloniale française et allemande à la Belle Époque et aux femmes géographes au cours du xxe siècle. Avec Marie-Claire Robic, il a été commissaire scientifique d’une exposition consacrée à Paul Vidal de La Blache à la bibliothèque de l’ENS (2018) .
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Marie-Claire Robic
Ex-directrice de recherche émérite (CNRS) et membre de l’équipe EHGO (UMR Géographie-cités). Ses recherches portent sur l’épistémologie et l’histoire de la géographie depuis la fin du xixe siècle, en particulier sur l’École française de géographie, sur les interactions entre savoirs savants et autres champs de savoirs, et sur les circulations internationales. Elle a publié notamment Géographes face au monde. L’Union géographique internationale et les congrès internationaux de géographie (avec Mechtild Rössler et Anne-Marie Briend, 1996) .
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