Les discriminations ethniques dans l’accès au logement social
Le modèle français universaliste au travers du miroir britannique
p. 101-116
Texte intégral
1Ce texte prend pour point de départ un paradoxe. D’un côté, il existe un « modèle français d’intégration » qui s’affiche officiellement comme républicain, universaliste ; il est fondé sur le mythe issu de la Révolution française selon lequel le contrat social efface les origines ethniques, sur une conception abstraite de la citoyenneté et sur la négation des communautés (ethniques ou autres). Ce modèle informe la politique nationale du logement social, qui est fondée aujourd’hui sur deux principes universalistes : le droit au logement et la mixité sociale. De l’autre côté, le constat s’impose de l’usage constant, récurrent, de catégories ethniques par les acteurs locaux du logement social (organismes HLM ou autres).
2Comment un modèle réputé universaliste peut-il produire des discriminations ethniques ? Afin d’éclairer ce paradoxe, nous avons procédé à un détour comparatif par la Grande-Bretagne, et enquêté sur des terrains locaux afin d’étudier les politiques concrètement. Ce détour nous a menée de Birmingham à Marseille (Sala Pala, 2005). Il a une double vocation. Il est d’abord empirique, l’enjeu étant de mieux cerner la spécificité du rapport des institutions françaises aux « immigrés » en le contrastant avec un cas réputé très différent (Bleich, 2003 ; Favell, 1998 ; Lapeyronnie, 1993). On oppose souvent une action publique française supposée aveugle à l’ethnicité, qui refuserait toute reconnaissance des catégories ethniques et prendrait la forme de politiques universalistes niant toute pertinence à ces catégories, à une action publique britannique multiculturaliste qui reconnaîtrait les différenciations ethniques, encouragerait la mobilisation des communautés ethniques et aurait officiellement recours aux catégories ethniques, notamment à travers le développement de politiques d’égalité raciale et de gestion communautaire. En Grande-Bretagne, un important dispositif de lutte contre les discriminations ethniques a été développé dès les années 1960, alors que la France républicaine n’« inventait » la discrimination que dans les années 1990 (Fassin, 2002). Mais le détour par la Grande-Bretagne est également théorique. La problématique de la construction des frontières ethniques est très mobilisée dans les sciences sociales anglo-saxonnes depuis les années 1960-1970, alors qu’elle est longtemps restée complètement méconnue en France. Cette ignorance peut s’expliquer par les conditions de la production des recherches sur les relations interethniques dans le contexte français, à savoir la force de ce que Sayad (1999) a appelé la « pensée d’État » républicaine sur l’intégration et l’immigration, cette représentation selon laquelle les institutions françaises républicaines sont par nature intégratrices, et que le « problème » de l’immigration est donc dû à la mauvaise volonté d’« intégration » des immigrés.
3Cette pensée d’État a entravé, non seulement la reconnaissance publique des discriminations, mais aussi le développement des recherches sur ces phénomènes. Concrètement, elle s’est traduite par l’imposition de trois types de cadrages et de découpages des objets scientifiques et politiques : la « question de l’intégration » des « immigrés » ; la « question sociale » (ou l’« exclusion sociale » des « personnes défavorisées », « démunies », « en difficulté »), et la « question urbaine » ou « problème des banlieues ». Ces cadrages ont pour trait commun de construire un point aveugle : la question des rapports de domination à travers lesquels des groupes sont infériorisés en raison de leur origine ethnique réelle ou supposée (de Rudder, Poiret, Vourc’h, 2000). Tout l’intérêt d’une problématique en termes de construction des frontières ethniques (Barth, 1967) est de rompre avec une sociologie fondée sur les catégories de l’action publique et l’impensé qu’elles véhiculent, et de réintroduire la question du racisme et des discriminations.
4C’est à cette question que renvoie le débat, encore peu développé en France, sur l’existence d’un racisme institutionnel, débat crucial car il soulève la question des mécanismes sociaux assurant la reproduction des inégalités ethniques. Le concept de racisme institutionnel met l’accent sur le fait que les inégalités ethniques sont le produit, non pas (ou pas principalement) d’actes et attitudes individuels et intentionnels, mais de logiques, de contraintes, de routines, d’une culture institutionnelles, qui intentionnellement ou non ont pour effet de produire ces inégalités. Il s’articule à l’hypothèse selon laquelle les discriminations ne constituent pas un phénomène marginal, individuel et intentionnel, mais qu’elles renvoient plutôt à des processus institutionnels et non intentionnels. Ce concept théorisé dès les années 1960 aux États-Unis par les théoriciens du Black Power (Carmichael et Hamilton, 1967), et très tôt importé en Grande-Bretagne, est tout juste émergent en France (Wieviorka, 1998).
5C’est donc en nous fondant sur cette hypothèse du racisme institutionnel dans les attributions de logements sociaux que nous irons voir, « de l’autre côté du miroir »1 britannique, à Birmingham, comment les institutions qui gèrent le logement social produisent des discriminations et de la ségrégation ethniques. En observant Marseille au miroir de Birmingham, nous pourrons ensuite mettre en évidence les formes et les conditions de possibilité du racisme institutionnel au sein même du modèle français républicain et universaliste.
La traversée du miroir, ou le racisme institutionnel dans les attributions de logements sociaux à Birmingham
6Birmingham est une métropole à tradition industrielle située au cœur des West Midlands. Dans les années 1950-1960, elle a joué un rôle décisif dans l’accueil des immigrés, en particulier ceux en provenance du New Commonwealth. Elle compte aujourd’hui près de 30 % de minorités ethniques dans sa population (recensement de 2001). Très tôt y est apparu un problème de logement des minorités ethniques. Dans les années 1960, lorsque s’est développée en Grande-Bretagne la sociologie des relations raciales, la question du logement a cristallisé les recherches et Birmingham a fait office de laboratoire urbain. John Rex et ses collègues (Rex et Moore, 1967 ; Rex et Tomlinson, 1979) montrent que les mauvaises conditions de logement des minorités ethniques à Birmingham dans les années 1960 ne s’expliquent pas seulement par des choix culturels d’habiter, mais aussi et surtout par une politique municipale qui impose une règle de cinq ans de résidence à Birmingham comme critère d’éligibilité au logement municipal. Sous son apparente neutralité ethnique, cette règle ferme l’accès au parc à tous les nouveaux migrants. En cela, elle est constitutive de discrimination indirecte. La politique municipale explique donc la concentration des immigrés à la fois dans le secteur de l’accession à la propriété et dans certains quartiers de l’inner city.
7Quelques années plus tard, à la fin des années 1970, une enquête ethnographique est menée au sein du service municipal des attributions en vue de comprendre la persistance des inégalités raciales dans l’accès au logement municipal malgré la relaxation de la qualification résidentielle (Henderson et Karn, 1987 : 272). Selon les auteurs, il faut envisager les attributions autant, sinon plus, comme le produit de procédures et stratégies informelles que de politiques formelles. Si officiellement la stratégie municipale d’attribution se définit fondamentalement selon un objectif unique, la satisfaction du besoin en logement (housing need), la stratégie officieuse, beaucoup plus complexe, intègre deux autres éléments : l’objectif de réduction de la vacance et de remplissage des logements les moins attractifs, et celui de prévention des conflits de voisinage en vue de minimiser les coûts de gestion. La coexistence de ces objectifs contradictoires conduit à une recatégorisation des candidats, non plus selon le seul « besoin en logement » objectivé à travers le système de points, mais selon des catégories plus informelles, la « respectabilité » du ménage en particulier. C’est là qu’entrent en jeu les catégories de race et de classe, mobilisées par les acteurs des attributions, de façon plus ou moins consciente, comme des indices de cette respectabilité. Ainsi, « les pratiques discriminatoires sont un produit de la structure normale des attributions, et […] cette structure est telle qu’elle satisfait certains intérêts dans un schéma beaucoup plus large de compétition pour des ressources rares dans notre société » (id. : 277-278). La lutte contre les discriminations, pour être efficace, doit donc remettre en cause ce conflit d’objectifs et ce système informel de pratiques qui s’appuient sur des stéréotypes ethniques.
8Depuis les années 1990, l’agenda de recherche des discriminations ethniques dans le logement social en Grande-Bretagne a été délaissé pour différentes raisons (Harrison et Phillips, 2003). Quelques rares travaux semblent plutôt attester de la persistance d’un racisme institutionnel dans les attributions de logements sociaux (Jeffers et Hoggett, 1995 ; Halliday, 2000). Mais, des années après la mise en place de politiques locales antiracistes, « il est difficile de savoir dans quelle mesure des approches discriminatoires mises en évidence dans le passé ont effectivement disparu de la pratique » (Harrison et Phillips, 2003 : 79). Que nous apprend le cas de Birmingham ?
Le développement d’une politique locale antiraciste
9Les années 1980 ont été le témoin en Grande-Bretagne d’un développement très vaste des politiques locales antiracistes, notamment dans les grandes municipalités de gauche comme Birmingham (Back et Solomos, 1995), dans un contexte marqué par ailleurs par une vaste entreprise de libéralisation de la politique nationale du logement social et notamment la remise en cause du rôle de bailleur social des municipalités en faveur d’institutions privées, les associations pour le logement. À Birmingham, le parc municipal, qui comprenait environ 120 000 logements sociaux à la fin des années 1980, en compte aujourd’hui 80 000 suite à la vente (Right to Buy) et aux transferts partiels de logements municipaux. Une quarantaine d’associations pour le logement (dont cinq petites black housing associations) opère sur le territoire municipal, gérant environ 40 000 logements sociaux au total. On se focalisera ici sur le cas de la municipalité (Birmingham City Council, BCC).
10Dans les années 1980, la municipalité s’est dotée d’un service d’égalité, puis une race and housing team a été intégrée au service municipal du logement. Depuis 1990, plusieurs stratégies relatives au logement des minorités ethniques Black and minority ethnic (BME) housing strategy se sont succédées. Contrairement au cas marseillais – et plus largement français – il y a au sein de la municipalité de Birmingham une reconnaissance officielle des différences d’accès au logement social selon le groupe ethnique, qui s’appuie sur un outillage statistique visant à évaluer les différentiels d’accès au logement. En l’absence d’éclairage qualitatif des différences statistiques mises en évidence, ces différentiels d’accès sont toutefois sujets à une large gamme d’interprétations par les acteurs locaux. Selon l’interprétation dominante, les inégalités ou différences constatées dans l’accès au logement résultent d’un mélange complexe de contraintes et de choix : d’un côté les contraintes imposées par le système, en particulier issues des processus discriminatoires ; de l’autre les choix individuels articulés aux différences supposées des besoins ethniques ou culturels. Surtout, on observe une forte euphémisation des discriminations. Tout d’abord, les différentiels d’accès sont interprétés dans une large mesure comme le résultat, soit de « besoins différents » des groupes ethniques minoritaires, soit d’une inadéquation structurelle des logements de la municipalité aux demandes de ces groupes (en particulier en raison du manque de grands logements). Ensuite, le racisme des locataires blancs (désigné comme « harcèlement racial » ou encore « comportement antisocial ») est présenté comme une cause importante des réticences des minorités ethniques à entrer dans les quartiers de l’outer city à dominante blanche. La reconnaissance d’un racisme institutionnel au niveau des attributions de logements sociaux est finalement très limitée.
11Ainsi, la stratégie municipale pour le logement des minorités ethniques établit peu de mesures en vue de combattre le racisme institutionnel. Elle se focalise plutôt sur une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des minorités ethniques : développement de recherches sur les besoins en logement et aspirations des communautés ethniques minoritaires ; politique de communication en direction des groupes ethniques minoritaires ayant des problèmes de compréhension de la langue anglaise, etc. Elle se situe par ailleurs dans une perspective de lutte contre les discriminations individuelles, émanant des locataires (politique de lutte contre le harcèlement racial) ou, dans une moindre mesure, des agents municipaux (race awareness training). La lutte contre les discriminations institutionnelles se réduit pour l’essentiel à l’amélioration de la représentation des minorités ethniques dans le processus de décision et de mise en œuvre. Les liens entre le service des attributions et la race and housing team apparaissent très lâches.
Persistance et renouvellement du racisme institutionnel
12Le monitoring produit par la municipalité témoigne d’inégalités persistantes dans l’accès au logement municipal : « Un ménage européen [sic] a près de deux fois plus de chances de se faire attribuer un logement qu’un ménage d’appartenance ethnique minoritaire » (BCC Housing Department, 2002 : 11). Comment expliquer cette persistance alors que la municipalité développe une politique antiraciste depuis une vingtaine d’années maintenant ?
13Dès 1987, l’étude de Henderson et Karn avait bien montré que la lutte contre les discriminations ethniques impliquait de remettre radicalement en cause le processus d’attribution, de « reconsidérer tout le fondement des attributions, et en particulier l’accent mis sur la réduction du taux de vacance » (1987 : 279). Or la politique anti-discrimination de la municipalité n’a pas véritablement touché à ce fondement, misant davantage sur des mesures portant sur le contexte du processus d’attribution : ethnic monitoring, recrutement d’agents d’appartenance ethnique minoritaire, politique de communication en direction des minorités ethniques, établissement d’une cible en matière de proportion d’attribution à des minorités ethniques (cible proportionnelle à la présence des minorités ethniques sur la liste d’attente, c’est-à-dire 50 %). On peut ainsi constater la permanence du conflit d’objectifs entre satisfaction des besoins en logement, réduction de la vacance et évitement des conflits de voisinage. En outre, la législation nationale fixe aujourd’hui aux bailleurs sociaux un cadre souple qui leur laisse une forte marge de manœuvre pour définir et hiérarchiser les « besoins en logement ». Par exemple, le Code of guidance de l’ODPM (2002a) affirme que « les autorités locales peuvent avoir besoin de sortir des catégories de préférence raisonnable afin de remplir le stock vacant difficile à louer (hard to let). Cela est acceptable ». On voit ici comment les institutions nationales sont amenées à reconnaître et légitimer des pratiques locales tendant à privilégier l’objectif de minimisation de la vacance sur celui de satisfaction des besoins en logement. L’émergence au plan national d’un cadrage du problème des attributions en termes de choix (ODPM, 2002b) fragilise également la reconnaissance du besoin en logement comme principe de base des attributions.
14Dans les pratiques des acteurs locaux, les objectifs de réduction de la vacance et de maintien de la paix sociale dans les ensembles sont constamment présents à côté de, voire avant, celui de satisfaction des besoins en logement. Un motif clé des discours locaux, également très mobilisé au niveau national (ODPM, 2005), est celui des « communautés soutenables » (sustainable communities), qui rassemble à la fois l’objectif de réduction de la vacance (limiter le turn over en accueillant des ménages qu’on pressent susceptibles de s’ancrer dans le quartier) et celui de maintien de la paix sociale (il est présumé que les ménages resteront si tout se passe bien dans le voisinage). L’ambiguïté de l’adjectif « soutenable » (aux connotations sociales mais aussi financières) condense celle des stratégies informelles d’attributions. L’un des principaux vecteurs de racisme indirect tient dans un stéréotype très largement partagé selon lequel les minorités ethniques préféreraient vivre dans les logements de l’inner city. Ce stéréotype est d’autant plus prégnant qu’il s’articule étroitement aux intérêts des acteurs du logement social et sert leur objectif de réduction de la vacance. À partir du moment où il est considéré que les minorités ethniques préfèrent, pour des raisons qui tiennent à leurs « besoins spécifiques », vivre dans l’inner city, les stratégies consistant à résoudre les problèmes de vacance des logements dégradés de ces quartiers en les louant systématiquement aux ménages les plus captifs, à savoir les minorités ethniques, apparaissent comme en accord avec les attentes des ménages. Pourtant, la municipalité elle-même a produit en 1998 un rapport qui attestait d’un désir des minorités ethniques, en particulier des jeunes ménages, de vivre hors de l’inner city, dans des proportions beaucoup plus fortes que ce qui est communément admis par les acteurs locaux (BCC Housing department, 1998). De façon plus générale, les entretiens avec les acteurs des attributions révèlent la présence récurrente d’un certain nombre de stéréotypes ethniques : les minorités ethniques voudraient vivre dans des maisons (et non des appartements), au sein de leur communauté, dans des quartiers de l’inner city. Ces généralisations vont de pair avec l’occultation des conditions sociohistoriques qui ont favorisé la concentration des minorités ethniques dans l’inner city.
Marseille au miroir de Birmingham, ou comment les institutions républicaines (re) produisent les inégalités ethniques
15Grand port méditerranéen, Marseille a joué un rôle essentiel d’accueil des immigrés en France (Témime, dir., 1989-1991). Cette ville est historiquement marquée par une frontière nord/sud (Roncayolo, 1996) que les politiques de construction et d’attribution du logement social ont encore contribué à renforcer depuis les années 1960. La formation des « quartiers nord » et de leur population est en partie la conséquence de cette gestion ethnicisée du logement social (Dourlens et Vidal-Naquet, 1986). Aujourd’hui, les principaux groupes construits comme « immigrés » à Marseille sont les populations originaires du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie), d’Afrique noire et des Comores, les Comoriens constituant depuis les années 1980 la dernière grande vague d’immigration à Marseille. Le contexte local du logement social se caractérise par un marché très tendu et une forte différenciation du parc entre des cités très stigmatisées, dans les arrondissements du nord de Marseille, et des « beaux quartiers » d’habitat social au sud et dans le centre.
16En France, les systèmes locaux du logement social englobent une multitude d’acteurs au-delà des organismes HLM : services déconcentrés de l’État, collectivités locales, associations, CIL, etc. Les organismes HLM eux-mêmes constituent un monde pluriel, marqué par un clivage juridique entre des sociétés anonymes, offices publics, OPAC et SEM. Malgré les prérogatives des préfectures et des municipalités en matière d’attribution, les organismes HLM parviennent à maintenir une très forte autonomie en matière de gestion des attributions (Bourgeois, 1996). Pour cette raison, nous nous intéresserons ici principalement à leur rôle dans le processus d’attribution. Notre enquête nous a permis de mettre en évidence les rationalités institutionnelles qui conduisent à créer un écart entre le modèle idéal-typique weberien d’administration, supposé garantir l’égalité d’accès au service public, et la réalité du processus d’attribution sur le terrain. Ces processus concrets d’attribution se traduisent par la production de discriminations ethniques dans l’accès au logement social et de ségrégation ethnique au sein des quartiers d’habitat social.
Du modèle rationnel-légal d’administration aux « attributions fines »
17Selon le modèle idéal-typique de l’administration, la construction sociale de la clientèle d’une politique sociale est la résultante de deux processus simples : tout d’abord, la définition juridique par les instances compétentes de catégories d’ayants droit et/ou de personnes prioritaires ; ensuite, la catégorisation des candidats comme ayants droit ou non, comme prioritaires ou non, par les « agents d’exécution » sur le terrain. Ce modèle doit permettre le respect du principe d’égalité entre les candidats. Dans les faits, le processus de distribution des biens sociaux et de construction des « clients » des politiques sociales est souvent très différent de ce schéma (Lipsky, 1980).
18Certes, il existe bien des règles légales visant à encadrer les attributions de logements sociaux, lesquelles relèvent, dit la loi, de la seule compétence des organismes HLM (plus précisément des CAL, Commissions d’attribution des logements). Ces règles sont très complexes et font intervenir un grand nombre d’acteurs et d’échelles administratives (Brouant, Jégouzo, 1998). Depuis les années 1970-1980, le système d’attribution bâti dans les années 1950, fortement centralisé, organisé autour de la notion de besoins définie par l’État, a cédé la place à un système largement décentralisé au sein duquel les organismes HLM ont une forte autonomie dans la production des règles d’attribution, à l’intérieur d’un cadre souple fixé par l’État (central mais aussi local). Cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus général de décentralisation et est en lien avec une transformation radicale de la définition nationale du problème des attributions. D’une pure question de redistribution de ressources sociales en fonction des besoins en logement des ménages, les attributions ont été progressivement redéfinies comme un problème à la fois de satisfaction des besoins (le « droit au logement ») et de peuplement des territoires (désigné par l’expression de « mixité sociale »). Cette transformation décisive du cadrage national des attributions de logements sociaux est liée à la transformation radicale du contexte de la politique du logement social dans les années 1970 : baisse de la construction neuve, transformation de la composition du parc social avec l’accession à la propriété des classes moyennes et des franges les plus aisées de la classe ouvrière, et l’entrée massive des catégories défavorisées, dont nombre de ménages d’origine étrangère. On passe alors d’une problématique de « gestion des flux » à une problématique de « gestion des stocks » (Dourlens, Vidal-Naquet, 1986 ; voir aussi Dupuy, Giaccobe, 1988).
19La notion de mixité sociale est désormais omniprésente dans les textes aux côtés de celle de « droit au logement » (pour ne citer que les lois les plus emblématiques : loi relative à la mise en œuvre du droit au logement de 1990 (dite loi Besson) ; loi d’orientation pour la ville de 1991 (LOV) ; loi contre les exclusions de 1998 ; loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) de 2000), mais elle n’y est jamais explicitée. Souvent présentée comme une expression du refus républicain de la ghettoïsation, son institutionnalisation traduit dans les faits davantage la reconnaissance par le législateur de la légitimité des bailleurs sociaux à faire entrer des considérations de peuplement, de répartition spatiale des ménages dans leurs politiques et pratiques d’attribution. Or ces politiques de peuplement peuvent être, paradoxalement, ségrégatives. Au total, le cadre général imposé aux organismes HLM lorsqu’ils attribuent leurs logements, à savoir mettre en œuvre le « droit au logement » dans le respect de la « mixité sociale », apparaît donc d’une part flou (ces principes restant indéfinis dans les textes), et d’autre part contradictoire (la mise en œuvre d’une mixité sociale au sein d’un parc de logements sociaux globalement marqué par une surreprésentation des groupes défavorisés risquant de se faire au détriment du droit au logement des personnes appartenant à ces groupes). En ce qui concerne les critères d’attribution des logements sociaux, le Code de la construction et de l’habitat (CCH) se contente de produire des règles nationales très générales et d’organiser un certain nombre de dispositifs locaux au sein desquels les acteurs locaux sont invités à définir eux-mêmes le contenu de cette énigmatique « mixité sociale » et les conditions de sa conciliation avec le « droit au logement » (Règlement départemental d’attribution, Programme local de l’habitat, chartes intercommunales d’attribution, Plan départemental pour le logement des personnes défavorisées, accords collectifs départementaux, etc.).
20Or à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, la territorialisation des normes d’attribution est aujourd’hui un échec patent, comme dans nombre d’autres territoires locaux (Ballain, dir., 1998). L’incapacité des acteurs locaux à coproduire des normes d’attribution peut s’expliquer par plusieurs facteurs locaux défavorables : désintérêt des élus locaux pour le logement social, absence de tradition politique d’interventionnisme local sur le logement social (sauf à gérer celui-ci comme une ressource clientéliste), déficit d’intercommunalité, émiettement du secteur HLM (une vingtaine d’organismes HLM pour 64 000 logements sociaux). Le flou du cadrage national et l’échec de la territorialisation des normes d’attribution laissent au final une très forte latitude aux organismes HLM pour déployer leurs propres politiques d’attribution, dans une grande opacité.
21Si la décision d’attribution est formellement prise par une instance collégiale « souveraine » (CAL), constituée dans chaque organisme HLM, le processus décisionnel est dans les faits le plus souvent verrouillé avant la réunion de cette CAL. Les street-level bureaucrats (Lipsky, 1980) qui travaillent en amont de la décision (les agents de guichet, ceux chargés de gérer les candidatures et les libérations de logements au sein des services d’attribution, les gardiens de cité, les conseillers sociaux qui connaissent les familles et rendent visite aux candidats), et dans certains cas les élus (dans les offices publics), pèsent énormément sur celle-ci, au point que la CAL est dans certains organismes réduite à la fonction de « chambre d’enregistrement ». Les acteurs locaux font ainsi constamment référence à la gestion « fine », « au cas par cas », des attributions : il s’agit d’« aller sur les groupes, prendre la température, voir les problèmes, les cages d’escalier pour essayer d’affiner l’attribution » (responsable d’un service d’attribution d’une SA HLM). Autonomie des acteurs HLM, opacité des processus d’attribution et des critères, poids de l’informel, gestion au cas par cas, tout cela favorise la production silencieuse de discrimination et de ségrégation ethnique par le système du logement social.
Ethnicisation des « clients » et production des discriminations
22Faire une attribution « fine », c’est pour les acteurs locaux d’abord savoir faire la différence entre un « bon » et un « mauvais » candidat ; c’est ensuite savoir mettre le « bon » candidat au « bon » endroit, c’est-à-dire « gérer les équilibres territoriaux ». Parmi les raccourcis cognitifs qui permettent aux acteurs locaux de définir les frontières entre « bons » et « mauvais » clients, entre « équilibre » et « déséquilibre », entre « risque » et « non risque », les catégorisations ethniques jouent un rôle central, quand bien même d’autres modes de catégorisation, socio-économique en particulier (« RMIste », « chômeur », « famille monoparentale », « famille difficile », etc.) entrent en jeu et se combinent à eux. Passée au prisme des organismes HLM et de leurs intérêts spécifiques, l’attribution n’est plus seulement une question de droit au logement et de mixité sociale, mais aussi une question de bonne gestion du risque (qu’il soit politique ou financier), de bonne performance, de maintien de la sacro-sainte attractivité du patrimoine et de son image.
23Le « bon client » est alors le candidat « standard », conforme à la norme sociale, capable d’habiter et de voisiner « en bon père de famille ». Il est désigné par différentes expressions qui révèlent la dimension fortement ethnicisée de sa construction : « Français de souche » (ex-vice directeur de l’office municipal HLM), « parfait français » (directeur de l’Union régionale des comités interprofessionnels du logement, URCIL) ou encore « salarié lambda, très européanisé » (responsable du service d’attribution d’une SA HLM). Certains groupes immigrés ou perçus comme tels sont ainsi considérés comme de « mauvais clients ». Bien que l’enregistrement de données ethniques soit interdite, l’appartenance ethnique des candidats est évaluée par les street-level bureaucrats, soit au faciès ou d’après l’accent, soit à partir d’un faisceau d’indices présents dans le dossier de candidature (patronyme, nationalité et lieu de naissance, numéro de sécurité sociale, adresse). Sur la base de cette présomption d’origine, sont mises en œuvre des pratiques ayant pour effet l’évitement ou la ségrégation de certains candidats.
24Dans les discours des acteurs locaux, la discrimination de certains groupes « immigrés » est justifiée par leur supposée « inadaptation culturelle » : « Il y a des populations qui sont plus ou moins… on peut en accueillir plus que d’autres » (directeur de l’URCIL). De ce point de vue, le groupe le plus stigmatisé aujourd’hui à Marseille est sûrement celui des « Comoriens » : « Aujourd’hui, le problème numéro 1, ce sont toutes ces populations comoriennes. Elles n’ont pas les mêmes habitudes, ce sont des gens qui culturellement n’ont pas du tout la même façon d’occuper un logement » (responsable du service de gestion locative d’une SEM HLM). D’autres groupes font l’objet de stéréotypes ethniques très marqués : les « Gitans », par exemple, sont réputés sales, bruyants, incapables de cohabiter paisiblement avec le voisinage, « plus personne n’en veut d’autres » (représentante des locataires en CAL d’une SA HLM). Les stéréotypes ethniques mobilisés par les acteurs marseillais du logement social se déroulent non pas autour de l’idée d’une infériorité biologique mais autour du registre, propre au « néo-racisme » ou « racisme culturel » (Barker, 1981 ; Taguieff, 1988), d’une différence culturelle indépassable. A. Sayad (1999) a bien montré comment le mythe républicain universaliste, en présumant la force intégratrice des institutions, pouvait favoriser ce regard suspicieux sur la culture de l’« immigré », considérée comme responsable des « problèmes d’intégration ».
Stratégies de peuplement ethnicisées et production de la ségrégation
25L’objectif de mixité sociale reconnu par le législateur a l’effet paradoxal de légitimer jusqu’à un certain point le recours au critère ethnique comme critère d’attribution par les organismes HLM (Kirszbaum, 1999). Ceux-ci opèrent une traduction « gestionnaire » de la mixité sociale, souvent rebaptisée « gestion des équilibres de peuplement ». Dans ces traductions locales, l’une des interprétations possibles de la « mixité sociale » brille par son absence : celle qui consisterait à ouvrir davantage le parc des quartiers attractifs aux ménages en difficulté ou aux « groupes à risque ». Alors qu’implicitement c’est là le sens de la « mixité sociale » évoquée par la loi, dans les pratiques des acteurs HLM la mixité sociale apparaît plutôt comme un précieux alibi pour légitimer la sélection des « bons locataires ».
26La « gestion ethnicisée du risque » (Simon et Kirszbaum, 2001 : 4) s’incarne en un répertoire de stratégies de peuplement au sein desquelles on peut repérer deux principales logiques, qui peuvent sembler contradictoires mais dont la cohérence tient dans l’objectif commun : maximiser la valeur du patrimoine immobilier en gérant la répartition des populations disqualifiées au sein de ce patrimoine, lui-même fortement différencié. La première stratégie consiste à limiter la présence des minorités ethniques sur certains ensembles considérés comme attractifs, qu’il faut protéger des « groupes à risques ». Elle passe par la définition et la mise en œuvre de quotas officieux ou de « seuils de tolérance ». L’idée qu’il faut limiter la concentration de certains « groupes à risque » sur certains territoires est largement admise par l’ensemble des acteurs HLM. Cette représentation selon laquelle les territoires ne peuvent pas « tolérer » plus d’une certaine proportion de certains groupes aux caractéristiques « spécifiques », qui a émergé dans les années 1950-1960 face à la question du relogement des « immigrés » des bidonvilles, est toujours fortement mobilisée par les acteurs HLM locaux.
27La seconde stratégie, celle du remplissage, concerne le patrimoine le plus dévalorisé, dans lequel le taux de vacance est élevé et où les demandeurs les moins captifs refusent d’aller. Elle consiste à attribuer systématiquement les logements à des ménages captifs, à commencer par les minorités ethniques. Du point de vue des bailleurs, cette stratégie présente un triple intérêt : elle permet de résoudre la vacance dans des cités stigmatisées, de faire face aux obligations légales en termes d’accueil de publics défavorisés et, enfin, de préserver l’attractivité du patrimoine valorisé. Laisser « pourrir » une cité – pour reprendre le jargon HLM – protège en effet d’autres cités de l’établissement des groupes « à risque ». Des représentations liées à l’idée d’une « incompatibilité des cultures » viennent légitimer ces pratiques ségrégatives liées à la gestion des « équilibres ». À l’opposé de l’idée de mixité sociale, l’idée de cultures différentes présumées inconciliables légitime une ségrégation qui apparaît à la fois naturelle et culturelle (en tant que la culture est inscrite dans la « nature des choses »).
28La comparaison entre Birmingham hier et Birmingham aujourd’hui, tout d’abord, conduit à pointer les limites des politiques anti-discrimination développées depuis les années 1980. Les politiques antiracistes ont laissé intact le cœur des politiques d’attributions, notamment le conflit d’objectifs entre buts sociaux et manageriaux. Elles n’ont pas mis un terme aux stéréotypes sur les besoins ou préférences spécifiques des minorités ethniques. En solidifiant la représentation d’une spécificité de ces publics, ces politiques ont peut-être même contribué à essentialiser la « différence culturelle ». On ne peut toutefois pas se limiter à ces constats négatifs sur leurs limites, car ces politiques ont par ailleurs favorisé la reconnaissance de l’existence du racisme institutionnel, même si ce racisme institutionnel demeure euphémisé, en partie dissimulé derrière les invocations des besoins et préférences spécifiques des minorités ethniques et du harcèlement racial. Elles ont aussi très certainement un rôle dans l’effacement des stéréotypes ethniques les plus négatifs. Si les discours des acteurs révèlent une certaine essentialisation de la différence culturelle (notamment dans l’idée d’un désir « culturel » généralisé des minorités ethniques de vivre dans l’inner city), ils véhiculent en revanche très peu de stéréotypes sur l’inadaptation des immigrés ou le choc des cultures. Il est bien sûr très difficile de savoir si l’effacement de ces stéréotypes du discours des acteurs révèle leur effacement effectif des pratiques d’attribution ou plutôt un seul effet de censure des acteurs.
29Selon un paradoxe apparent, ces stéréotypes sont au contraire très fortement présents dans les discours et pratiques des acteurs marseillais, au pays de l’intégration républicaine et dans le cadre d’une politique du logement sociale universaliste, refusant toute catégorisation ethnique officielle. L’expérience marseillaise tient dans ce paradoxe d’un déni généralisé des discriminations, alors même que les représentations des acteurs des attributions sont très fortement ethnicisées. Le racisme institutionnel repose ici sur des mécanismes en partie similaires à ceux observés à Birmingham : la forte discrétion des bailleurs sociaux dans la définition de leurs stratégies d’attribution, les contradictions entre les objectifs de mise en œuvre du droit au logement et les objectifs de rentabilité. Il repose aussi sur des mécanismes originaux, à commencer par la contradiction bien française entre les principes de droit au logement et de mixité sociale. En l’absence de politique de lutte contre les discriminations, ces contradictions, et la référence implicite à la mixité ethnique contenue dans le principe de mixité sociale, nourrissent des stéréotypes abondants sur les groupes d’« origine immigrée ». Ces stéréotypes sont ordonnés par deux thématiques : à un niveau individuel, celle de l’inadaptation et de l’inadaptabilité de ménages trop « éloignés » culturellement ; à un niveau plus collectif, celle du choc des cultures et des difficultés de gérer la coprésence de groupes ethniques différents dans un ensemble résidentiel. L’idéologie républicaine de l’intégration, en mettant paradoxalement l’accent sur la bonne volonté intégratrice du pays d’accueil et les capacités d’assimilation des « immigrés », nourrit des représentations négatives de l’« immigré », rendu seul responsable d’une différence perçue comme un obstacle à l’intégration.
30L’étude des attributions de logements sociaux à Marseille conduit donc à mettre en évidence les mécanismes institutionnels qui, à rebours du mythe républicain de l’indifférenciation ethnique, reproduisent la discrimination et la ségrégation de certains groupes en raison de leur origine ethnique réelle ou supposée : l’indétermination du cadrage national entre « droit au logement » et « mixité sociale », le flou des critères d’attribution définis aux plans national et local, l’opacité des processus d’attribution à défaut de contrôle public effectif, le conflit entre objectifs sociaux et intérêts institutionnels (politiques ou managériaux) au sein des organismes HLM et in fine la suprématie des objectifs de bonne gestion (politique ou financière), favorisent la discrimination et la ségrégation de groupes ethniques minoritaires perçus comme des candidats « à risques » pour l’institution. Sans qu’il y ait intention raciste au sens étroit (c’est-à-dire intention de nuire et d’inférioriser certains groupes au nom de croyances racistes), les processus d’attribution fonctionnent sur la base de la discrimination et de la ségrégation ethniques.
31Ces résultats ont des implications théoriques fortes. Ils confirment la pertinence d’une conceptualisation en termes de racisme institutionnel. La discrimination et la ségrégation ethniques dans le logement social ne sont pas simplement l’effet de l’action d’individus racistes au sein des organismes HLM : c’est bien l’ensemble des acteurs rencontrés qui produisent les mêmes grilles de lecture du problème des attributions, en tirant les mêmes conséquences au niveau des politiques et pratiques mises en œuvre, à commencer par la nécessité de prendre en compte l’origine ethnique des candidats et locataires en place dans chaque situation d’attribution. Les stéréotypes ethniques ne sont pas confinés aux agents du front (conseillères sociales, gestionnaires de cités) mais partagés par l’ensemble des acteurs, du sommet de la hiérarchie à la base. Si discrimination et ségrégation ont leur source dans des processus institutionnels, cela signifie par ailleurs que la lutte contre ces phénomènes passe par l’introduction de changements institutionnels – tels qu’un resserrement des contrôles publics et de la transparence des attributions, ou encore une hiérarchisation claire des principes de « droit au logement » et de « mixité sociale » en faveur du premier, comme l’a préconisé le GELD (Simon et Kirszbaum, 2001) – et non pas simplement par la lutte contre les discriminations individuelles et intentionnelles.
32Le détour comparatif montre par ailleurs que les institutions n’opèrent pas dans un environnement lisse d’où seraient absents tout rapport de domination et toute idéologie légitimant celle-ci. Les représentations et stéréotypes ethniques prégnants dans la société globale rendent les pratiques discriminatoires et ségrégatives d’autant plus acceptables qu’elles les légitiment. Dans le discours des acteurs marseillais, la légitimation de ces pratiques opère à travers la mobilisation de deux principaux registres, ceux de l’inadaptation culturelle et de l’incompatibilité des « cultures ». On peut ici rejoindre le constat d’A. Sayad (1999) quant au paradoxe fondamental de l’idéologie républicaine : en même temps qu’elle prétend effacer les « origines », elle ancre l’idée d’une illégitimité des différences culturelles. Il semble ainsi possible d’évoquer un « racisme culturel républicain ».
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Notes de bas de page
1 Pour un bel exemple des apports d’une telle traversée, cf. Neveu (1993).
Auteur
CERAPSE, Université Jean Monnet, Saint-Étienne
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