Version classiqueVersion mobile

L'Irlande, l'Europe et 1992 / Ireland, Europe and 92

 | 
Paul Brennan

Le référendum sur l’Acte Unique Européen

Paul Brennan

Résumé

L’Application de l’Acte Unique européen ne manquera pas de poser des problèmes en Irlande, notamment dans les domaines de l’industrie, de la fiscalité, de la finance et dans celui de la politique régionale et de la coopération européenne en matière de politique étrangère. Le débat sur le référendum sur l’Acte Unique a offert l’occasion de discuter de ces problèmes. Les élites politiques ont dans l’ensemble refusé ce débat lors de la campagne.

Texte intégral

  • 1 The State may ratify the Single European Act (signed on behalf of the member States of the Communi (...)

1Suite à la décision de la Cour suprême qui avait jugé que l’Acte Unique européen n’était pas conforme à la Constitution, le gouvernement irlandais a dû organiser un référendum afin de faire ratifier celui-ci. Le 26 mai 1987 les Irlandais ont été ainsi appelés à se prononcer sur l’amendement suivant à la Constitution : « l’État peut ratifier l’Acte Unique européen »1. Il s’agissait là de la quatrième consultation populaire sur le thème de l’Europe en Irlande et du deuxième référendum : le référendum d’adhésion en 1972, les élections européennes de 1979 et de 1984, et enfin, le référendum de mai 1987. L’enjeu fondamental de cette dernière consultation avait un triple caractère : la création d’un véritable marché commun, le renforcement de la coopération politique européenne et la construction d’une nouvelle Europe fondée, certes sur le bienêtre économique, mais ouvrant des perspectives d’une communauté unie ayant dépassé les clivages et les antagonismes d’antan. Ainsi la réalité et le rêve se rejoindraient. Outre les choix fondamentaux qu’impliquaient ces enjeux, les Irlandais avaient aussi à s’interroger sur leurs implications précises pour leur pays. Quelles étaient donc ces implications ? Quel rôle ont-elles joué dans la campagne électorale et quel en était l’issue le jour du vote ?

Les implications

  • 2 Livre blanc sur le marché intérieur, 14 juin 1985.
  • 3 Françoise de la Serre, « la CEE en 1986 », Alfred Grosser (dir.). Les Pays d'Europe occidentale, é (...)

2Comme il fallait s’y attendre les implications pour l’Irlande sont d’abord économiques. On peut penser qu’il est paradoxal que, plus de trente ans après la signature du Traité de Rome, l’Europe des Douze se soit fixé dans l’Acte unique un objectif qui était celui des pères fondateurs : la réalisation d’un marché unique. Mais ceci s’explique par le fait que de nombreux obstacles ont continué à subsister, la complète circulation des marchandises étant freinée par les barrières tarifaires et la libre circulation des personnes, des services et des capitaux n’étant que partiellement engagée. La tâche que se fixe l’Acte unique est présentée dans le Livre blanc sur le marché intérieur, publié par la Commission en 1985. Il dit que « Faire l’unité de ce grand marché de 320 millions de consommateurs suppose que les États membres de la Communauté s’accordent sur l’abolition des barrières de toute nature, l’harmonisation des règles, le rapprochement des législations et des structures fiscales, le renforcement de leur coopération monétaire ainsi que les mesures d’accompagnement pour amener les entreprises à coopérer2. Pour que se réalise ce vaste programme il est prévu que les mesures soient prises à la majorité qualifiée. Mais ce n’est pas pour autant que le fameux veto aura complètement disparu car quelques notables exceptions subsisteront qui feront appel à l’unanimité. Ce fait aura son importance dans le cadre du débat irlandais comme d’ailleurs certaines limites et certaines ambiguïtés contenues dans ce document. Parmi celles-ci figure la date fatidique de 1992. Mais en réalité, une nouvelle période de transition est créée par l’Acte Unique ce qui signifie que le 31 décembre 1992 n’a pas d’effet juridique. Il est également admis que les Etats membres pourront instituer unilatéralement des interdictions ou restrictions d’importation pour au moins quatre motifs : environnement, milieu de travail, consommateurs et sécurité. Et troisièmement une application différenciée des mesures d’harmonisation est permise3. On voit donc que l’Acte ne manque pas de souplesse mais en a-t-il suffisamment pour résoudre les problèmes que son application posera à l’Irlande ? Voici quelques exemples de ces problèmes, des exemples qui auraient pu nourrir le débat politique lors de la campagne électorale.

3Premièrement, l’industrie traditionnelle irlandaise, née en bonne partie sous le signe du protectionnisme dans les années 1930, et qui ne produit pour l’essentiel que pour le marché intérieur, souffrira certainement de l’application des nouvelles dispositions. Deuxièmement, le « rapprochement des législations et des structures fiscales » se ferait, sans doute, au détriment de l’Irlande qui, en matière du financement du Trésor, compte plus qu’aucun autre pays membre sur les recettes de la TVA et des impôts indirects. Si l’on ajoute à cela l’absence, en Irlande, de la TVA sur la nourriture, on a une idée des bouleversements que provoquerait son imposition. Il est vrai toutefois que dans ce domaine justement un pays peut, selon l’Acte Unique, faire jouer son véto. D’autres problèmes peuvent aussi faire surface. C’est le cas dans le domaine de la libre circulation de capitaux et aussi dans celui de l’abolition des barrières pour les services financiers. Dans ces deux cas cependant, la souplesse que l’Acte contient semblerait pouvoir jouer. Mais dans tout débat politique l’ambiguïté peut l’emporter sur une souplesse dont on ne connaît pas les limites. Vu ces zones d’ombre et les problèmes réels que pose l’Acte pour l’économie irlandaise, il est clair que tout opposant à la ratification disposait d’éléments suffisamment solides pour nourrir un débat sérieux lors de la campagne électorale.

  • 4 Art. 130 A.
  • 5 idem.

4La dimension régionale de l’Acte constituait un autre élément, qui avait une grande importance pour l’Irlande et notamment pour son économie. Pour que le grand marché ne se limite pas à enrichir les riches et ne se réduise pas à une simple zone de libre-échange, un volet « cohésion-économique et sociale » est inscrit dans le document4. Le texte de l’Acte Unique indique que « la Communauté vise à réduire l’écart entre les diverses régions et le retard des régions les moins favorisées »5. L’Irlande a pu, jusqu’à maintenant, profiter largement de la politique régionale menée par Bruxelles. Mais cette situation persistera-t-elle ? Si l’on fait confiance à la Commission cela sera le cas, mais les gouvernements nationaux les plus riches accepteront-ils en toutes circonstances de payer la facture ? Autre élément pour un débat politique !

  • 6 idem.
  • 7 idem.

5Lorsque l’on se tourne vers les implications politiques de l’Acte Unique, la question telle qu’elle a été posée en Irlande a pris une autre tournure car c’est justement sur ce chapitre que la Cour suprême a fondé sa décision. C’est ce qui vient sous le titre III de l’Acte, qui est consacré à la coopération européenne en matière de politique étrangère. Il s’agit ici d’une part, d’une codification du système déjà en existence et dont le but était de renforcer la cohérence entre la coopération politique et l’activité communautaire, et d’autre part de proposer des mesures qui constitueraient des avancées notables, en raison de l’obligation de consultation sur toute question de politique étrangère. Dans la codification du système, le texte marque les limites du consensus qui existe entre les pays membres de la Communauté et les raisons de celles-ci sont à rechercher, entre autres, dans la spécificité de la neutralité irlandaise qui ne peut que détonner si l’on tient compte de l’adhésion à l’OTAN de l’ensemble des autres pays membres de la Communauté. Côté avancée, l’obligation de consulter ainsi que la souscription à « l’engagement d’éviter toute action ou prise de position pouvant nuire à l’efficacité [des Douze] sur le plan des relations internationales »6 représentait une innovation. On trouve aussi dans l’Acte une dimension « sécurité » qui prévoit une plus grand coordination des positions « sur les aspects politiques et économiques de la sécurité »7. Mais l’Acte Unique ne désigne pas l’Europe des Douze comme cadre pour traiter des problèmes de sécurité militaire. La Cour suprême irlandaise dans sa lecture du Titre III estimait que son application pouvait menacer l’indépendance et la souveraineté irlandaises dans le domaine de l’élaboration de sa propre politique étrangère. Elle a également souligné la possibilité d’une assimilation de la « sécurité » avec la sécurité militaire, ce qui mènerait inéluctablement à l’abandon de la neutralité irlandaise et enfin l’interdiction pour les Irlandais de s’en prendre au nucléaire au nom de l’engagement de coordonner les positions sur les aspects politiques et économiques de la sécurité. Ceci signifierait en termes concrets que les Irlandais ne pourraient plus réclamer la fermeture des centrales nucléaires britanniques qui, au yeux de certains d’entre eux, constituent un danger pour leur pays vu leur position de l’autre côté de la mer d’Irlande. L’ensemble du document sur lequel il fallait se prononcer, bien que fort complexe, contenait des parties qui soulevaient de sérieux problèmes et qui, de ce fait, méritaient un véritable débat.

Les Forces en présence

6On peut distinguer trois types d’intervenants dans la campagne en vue du référendum. D’abord il y a eu des représentants de la Communauté qui venant, soit de Bruxelles soit de Strasbourg, intervenaient, comme il se devait, en faveur du « oui ». Puis on trouve le gouvernement et les partis politiques et enfin une série de groupes de pression. M. Tindemans et M. Andriessen, Président et Vice-Président de la Commission sont intervenus, à partir de Bruxelles, pour essayer de corriger les propos tenus en Irlande par des opposants à l’Acte Unique sur les dangers qu’il représentait pour la neutralité irlandaise. Ils ont également écarté la possibilité de renégocier d’autres termes pour l’Irlande et, par ailleurs, ils ont insisté sur le fait que la position favorable sur le plan financier dont jouissait l’Irlande jusqu’à maintenant serait affaiblie en cas de refus de ratification. M. Sutherland, membre irlandais de la Commission, a mené en Irlande une campagne active axée sur l’enjeu économique. Lord Plumb, Président du Parlement européen, intervenant dans le même sens que ses collègues, a souligné aussi l’importance de l’aide financière accordée jusqu’alors par l’Europe à l’Irlande.

  • 8 The Progressive Democrats, créé en 1985, suite à une scission au sein du Fianna Fáil.
  • 9 The Workers’ Party.

7Le gouvernement irlandais, quant à lui prônait également un vote en faveur de la ratification. Mais le parti maintenant au pouvoir, le Fianna Fáil, avait l’année précédente, lorsqu’il était dans l’opposition, exprimé des réticences à la chambre lors du premier débat sur la ratification. Sa volte-face sur la question ne pouvait qu’affaiblir la force de conviction de sa nouvelle position. De plus la position de la direction n’était pas partagée par l’ensemble du parti et les désaccords qui en résultaient expliquent sans doute le rôle peu important que le Fianna Fâil a joué durant la campagne. Le Fine Gael par contre a mené une campagne particulièrement dynamique en prônant un oui massif. Si division il y a eu au sein de ce parti, elle concernait le thème de la neutralité avec quelques voix s’exprimant en faveur de son abandon. Tout comme le Fine Gael, les démocrates progressistes optaient pour le « oui »8. Le parti travailliste, quant à lui, a été coupé en deux. De nombreuses sections de base du parti s’opposaient à la ratification tandis que la direction y était favorable. Finalement le parti des Travailleurs a été le seul parti représenté au Parlement à mener campagne contre l’Acte unique9. Le tableau suivant qui inclut les partis non représentés à la chambre résume cette situation.

Les positions des partis politiques sur l’Acte Unique

Les positions des partis politiques sur l’Acte Unique

8A l’exception du parti des Travailleurs, la seule opposition politique à l’Acte Unique est venue de tout petits partis qui, malgré le système électoral irlandais, qui leur est particulièrement favorable, n’étaient pas parvenus à faire élire des représentants au parlement. Ces partis ont été aidés dans leur opposition par un nombre important de groupes de pression qui pour des raisons très variées s’opposaient à la ratification.

9Une étude sommaire de ces groupes permet d’en distinguer trois grands types : politique, socio-économique et ce que nous pouvons appeler parareligieux. Le tableau suivant les nomme et indique comment ils se situaient par rapport au référendum.

L’Acte Unique et les groupes de pression

L’Acte Unique et les groupes de pression

10Mais la typologie, pour commode qu’elle soit, ne rend pas tout à fait compte de la grande hétérogénéité de cette opposition. On voit se côtoyer des défenseurs de la Constitution et de la neutralité irlandaises ; des représentants des jeunes de gauche et des syndicats ; des opposants au nucléaire, à l’avortement et au divorce et enfin des féministes et des Tiers-mondistes.

11Que des forces de gauche soit du côté du « non » n’est pas en soi étonnant car déjà, lors du référendum d’adhésion de 1972, cela avait été le cas. Une différence de taille est néanmoins à signaler : c’est la position du parti travailliste qui a changé entre les deux consultations. Que ceux qui défendent la constitution et la neutralité s’opposent à l’Acte unique n’est pas non plus étonnant dans la mesure où la construction de l’Europe implique une certaine diminution de souveraineté nationale et la possibilité d’une alliance militaire incluant l’Irlande. Le groupe de Tiers-mondistes est composé, en bonne partie, de missionnaires catholiques qui s’opposent à la puissance des pays riches et à leur comportement au Nicaragua et en Afrique du Sud. Ces derniers voient l’Irlande comme une espèce de phare qui, seule en Europe, combattrait le matérialisme ambiant et qui s’alignerait avec les pays pauvres du TiersMonde. Mais que des féministes d’un côté et les parareligieux de l’autre se trouvent dans l’opposition peut, à premier abord, surprendre. En effet, les femmes ont pu, justement en raison de l’appartenance européenne de l’Irlande, obtenir que leur situation sociale s’améliore. Faut-il en déduire que cette opposition féministe ne reflétait pas nécessairement la position des femmes irlandaises ? Quant aux parareligieux, ils justifient tout combat contre les influences étrangères et notamment celles qui viennent de pays qui permettent le divorce et l’avortement.

12Au-delà de l’activité autonome de chaque groupe de pression on est en droit de s’interroger sur l’interaction entre les divers groupes et leurs rapports avec les partis politiques. L’organigramme suivant prend un seul groupe : la campagne pour les Droits constitutionnels (Constitutional Rights Campaign) et cherche à démêler et à identifier et la source de son soutien et la destination de son influence.

Campagne pour les droits constitutionnels quelques éléments d’un organigramme d’un groupe de pression

Campagne pour les droits constitutionnels quelques éléments d’un organigramme d’un groupe de pression
  • 10 J O’Reilly avait été responsable de la collecte de fonds pour les groupes de pression religieux lo (...)

13On constate, par le biais de l’appartenance politique de deux des membres de la direction du groupe, l’existence d’un lien entre ce groupe de pression et le Fianna Fáil. Ce lien n’est pas sans poser problème en raison de la position favorable envers l’Acte Unique de ce parti. Néanmoins la ligne officielle n’ayant pas fait l’unanimité il est permis de voir en ce groupe une tentative de maintenir la cohésion du parti en dépit d’une division que l’on souhaite momentanée. Les trois membres restant du comité représentent trois sphères de la vie publique du pays dans lesquelles le Fianna Fâil pourrait chercher à maintenir une influence : les milieux ultra-catholique, républicain et syndical10.

Les enjeux

14Les tableaux suivants, qui donnent, en résumé, les positions des partisans des deux côtés, cherchent à montrer la variété des arguments avancés et par qui ils sont partagés.

Les enjeux selon les partisans du oui

Les enjeux selon les partisans du oui

15Les partisans de l’Acte Unique insistent inlassablement dans leurs arguments sur la catastrophe économique qu’un « non » entraînerait, ils y ajoutent d’autres arguments tels les méfaits sur l’emploi et sur l’exportation, d’un vote négatif. Sur un autre registre ils signalent tantôt qu’en cas de refus le pays serait désavantagé dans la distribution des fonds structurels, tantôt qu’il serait amené à quitter complètement la Communauté. Ayant peint, d’une façon particulièrement sombre les conséquences économiques d’un rejet de l’Acte unique, ils passent ensuite à un rejet pur et simple des thèses de l’opposition sur la neutralité, les alliances militaires ainsi que sur le divorce et l’avortement. Enfin quelques voix donnent une autre signification à leur oui. Pour elles c’est le moyen d’établir une alliance entre les forces progressistes en Irlande et en Europe.

Les enjeux selon les partisans du Non

Les enjeux selon les partisans du Non

16L’argumentation économique est peu développée chez les opposants. Elle se réduit, pour l’essentiel, à une insistance sur le fait que le chômage a considérablement augmenté ces dernières années en Irlande en dépit de l’adhésion du pays à la Communauté. C’est sur un plan plus politique, voire idéologique, qu’ils mènent l’attaque. Les grands thèmes qu’ils privilégient sont la neutralité et la souveraineté. Ils insistent sur la nécessité de préserver la neutralité et, en conséquence, de rejeter toute alliance militaire. Le fait que tous les autres pays membres de la communauté, en dehors de l’Irlande, soient membres de l’OTAN, donne un poids certain à cet argument. Il paraît logique que, dans ce cadre, que les groupes anti-nucléaires se joignent à cet ensemble pour qui la pierre de touche est la Constitution de 1937, symbole et dernier garant, à leurs yeux, de la souveraineté irlandaise. La défense de cette même Constitution explique le ralliement à ce camp des groupes intégristes. Mais c’est le caractère catholique de celle-ci qui explique leur adhésion à la cause de l’opposition.

17Dans l’exposition des positions des uns et des autres, on a la nette impression d’assister à deux débats bien distincts et sans que l’un cherche à répondre à l’autre. Les partisans du oui semblent s’être trompés de référendum. Les arguments qu’ils avancent conviendraient mieux à une campagne d’adhésion à la CEE ou, à la limite, à une campagne d’un autre référendum dont la question posée serait : Souhaitez-vous continuer à adhérer à la CEE ? Quant aux tenants du non ils se sont bien gardés de répondre à ce premier débat car la grande majorité d’entre eux acceptent l’adhésion irlandaise. Leur opposition est fondée sur le fameux article III. La faiblesse principale dans l’argumentation des opposants réside dans le fait qu’ils prenaient une partie pour le tout.

L’opinion publique

18Une douzaine de jours avant le référendum, le Irish Times du 14 mai publie les résultats d’un sondage sur l’Acte Unique. Voici les éléments essentiels de celui-ci.

  • 11 M.R.B. / Irish Times, 14 mai 1987.

Sondage d’opinion11

19 1. Position sur l’Acte Unique

Pour

40 %

Contre

21 %

Indécis

39 %

20 2. Pour : les raisons

• Une bonne chose

• Nous faisons partie de l’Europe

34 %

• les avantages

• seuls, nous sommes trop petits

3 %

• Autres

3 %

21 3. Contre : les raisons

• neutralité

7 %

• indépendance

4 %

• autres

. incompréhension

3 %

. statu quo

2 %

. diverses

5 %

22 4. Les indécis : les raisons

• Peu ou pas de connaissances absence d’informations/incompréhension

28 %

• pourrait affecter neutralité

1 %

• autres

9 %

23 5. La CEE

Oui

Non

• une bonne chose

64

23

• nos marchés sont en Europe : nous devons voter oui

58

20

• un oui affaiblirait notre neutralité

34

33

• un oui nous rapprocherait de l’OTAN

40

37

24A la question globale : êtes-vous pour ou contre l’Acte Unique, les opinions les plus nombreuses se déclarent favorables. Le nombre d’indices est quand même particulièrement élevé ce qui laisse prévoir un taux d’abstention important. Parmi ceux qui ont un avis sur la question un rapport de un à trois se dégage en faveur du oui. Un examen de la position de ceux qui y sont favorables donne, pour l’essentiel, quelques arguments clairs et simples : nous faisons partie de la CEE ; c’est une bonne chose pour le pays et nous tenons aux avantages que cela apporte.

  • 12 1985 a inauguré une période pendant laquelle de nombreuses manifestations religieuses, rationnelle (...)

25Les raisons de l’opposition sont liées surtout à la question de la neutralité pour une part et à celle de la souveraineté pour une autre. Pour ce qui est des indécis c’est l’ignorance de la question qui explique la position de la plupart d’entre eux. Comment comprendre cette indécision, cette ignorance ? Il faut dire que la campagne jusqu’alors, et même par la suite, n’a pas permis une nette clarification quant à l’enjeu. Les grandes sources d’idéologie ont été soit muettes soit ambiguës. L’Église catholique n’avait pas à prendre position sur une question si ouvertement politique. Le parti Fianna Fáil, bien qu’épousant officiellement la position en faveur de l’Acte Unique, comme cela a été dit plus haut, n’a cessé de tergiverser, tiraillé comme il l’était entre la défense de « sa » Constitution et les avantages économiques évidents de la présence du pays dans la Communauté. De plus, le pays semblait alors traverser une période marquée par un pessimisme général et une montée de l’irrationnel. Le taux très élevé du chômage et l’importance de la dette nationale alimentaient la première position et l’engouement énorme pour des phénomènes tels la loterie nationale et des statues de la Vierge qui bougeaient12 constituaient des manifestations de la seconde. Devant une telle situation, comment les Irlandais se sont-ils prononcés le 26 mai ?

Les Résultats

26Une importante majorité de ceux qui se sont déplacés pour voter ont été favorables à l’Acte Unique. Toutefois le taux de participation a été particulièrement faible. Telles sont les deux grandes conclusions du scrutin.

  • 13 Results of Referenda. Department of the Environment.

Les résultats du Référendum du 26 mai 198713

 % voix exprimées

Pour

69.9

Contre

30.1

 % de l’électorat

Pour

30.7 %

Contre

13.2 %

Participation

44.1 %

nuls

0.44 %

Ecart entre extrêmes

Pour Galway-East

83.12 %

Cork N. Center

54.15 %

28.97 %

27A des taux variables toutes les circonscriptions parlementaires ont enregistré un résultat positif. Dans les circonscriptions extrêmes on trouve en tête Galway-est dont le caractère agricole explique, sans doute, le taux très favorable de 83 %, et, en queue, la ville de Cork dans la circonscription Centrenord, dont le résultat a été 54 %. Le caractère urbain de celle-ci expliquait cela.

28Si l’on regarde les cinq circonscriptions où le résultat a été le plus élevé, la conclusion tirée du cas de Galway-est se confirme. Elles sont toutes rurales. De même que les cinq qui donnent de moins bons résultats sont toutes urbaines. De plus à Dublin, dans les quartiers ouvriers, la participation a été particulièrement faible. L’image d’une Communauté européenne étroitement associée au monde rural, déjà évidente lors du premier référendum sur l’adhésion en 1972, est donc restée tenace pendant quinze années.

  • 14 Voir aussi M. Holmes, « The 1989 Election to the European Parliament in the Republic of Ireland »,(...)

29Finalement force est de constater qu’il y a eu peu de mobilisation pendant la campagne. On est amené à constater que les élites n’ont pas fait face aux véritables enjeux qui avaient trait à la construction de l’Europe de demain. On peut même aller jusqu’à dire qu’ils n’ont pas manifesté un grand égard pour l’intelligence de l’électorat irlandais. Quel que soit le bord, ils ont joué sur la peur : peur de la catastrophe économique, peur du nucléaire, peur d’une alliance militaire, peur de l’avortement et du divorce ; autrement dit une apparente tentative d’exploiter l’irrationnel. On n’a fait aucune place au rêve, ni d’un côté ni de l’autre. Peut-on mobiliser pour ou contre l’extension de la TVA ? En somme la position favorable à l’Acte Unique apparaîtrait comme étant uniquement un projet de la droite tandis que les opposants ne proposaient aucun contre-projet. Finalement, en choisissant la voie de l’Europe, c’est le peuple irlandais, et lui seul, qui est sorti grandi de cette consultation14.

Notes

1 The State may ratify the Single European Act (signed on behalf of the member States of the Communities at Luxembourg on the 17th day of February 1986 and at The Hague on the 28th day on February 1986).

2 Livre blanc sur le marché intérieur, 14 juin 1985.

3 Françoise de la Serre, « la CEE en 1986 », Alfred Grosser (dir.). Les Pays d'Europe occidentale, édition 1987, Paris : La Documentation Française, 1987.

4 Art. 130 A.

5 idem.

6 idem.

7 idem.

8 The Progressive Democrats, créé en 1985, suite à une scission au sein du Fianna Fáil.

9 The Workers’ Party.

10 J O’Reilly avait été responsable de la collecte de fonds pour les groupes de pression religieux lors des référendums sur l’avortement en 1983 et sur le divorce en 1986 ; SPUC, Family Solidarity, Family Rights, National Rosary campaign etc. T. Laughlan était membre du Sinn Féin à Dublin. J. Carroll, Président de la Confédération syndicale irlandaise.

11 M.R.B. / Irish Times, 14 mai 1987.

12 1985 a inauguré une période pendant laquelle de nombreuses manifestations religieuses, rationnellement inexplicables, ont eu lieu.

13 Results of Referenda. Department of the Environment.

14 Voir aussi M. Holmes, « The 1989 Election to the European Parliament in the Republic of Ireland », Irish Political Studies, vol. 5, 1990. S. Elliott, « The 1989 Election to the European Parliament in Northern Ireland », idem. P. Hainsworth (dir.), Towards 1992. Europe at the Crossroads, Ncwtownabbey : UU, 1990.

Table des illustrations

Titre Les positions des partis politiques sur l’Acte Unique
URL http://books.openedition.org/psn/docannexe/image/5240/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 73k
Titre L’Acte Unique et les groupes de pression
URL http://books.openedition.org/psn/docannexe/image/5240/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 157k
Titre Campagne pour les droits constitutionnels quelques éléments d’un organigramme d’un groupe de pression
URL http://books.openedition.org/psn/docannexe/image/5240/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 39k
Titre Les enjeux selon les partisans du oui
URL http://books.openedition.org/psn/docannexe/image/5240/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 150k
Titre Les enjeux selon les partisans du Non
URL http://books.openedition.org/psn/docannexe/image/5240/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 174k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search