Version classiqueVersion mobile

Les Élections législatives britanniques du 9 juin 1983

 | 
Monica Charlot

Les nationalistes en Ecosse, au Pays-de-Galles et en Irlande du Nord

Paul Brennan

Texte intégral

1Cette étude a pour objet le nationalisme tel qu'il s'exprime dans le cadre du Royaume-Uni ; c'est-à-dire les différentes tendances politiques qui se donnent comme but la mise en cause de l'actuelle structure politique britannique. Leur point commun pourrait donc être résumé ainsi : l'anti-unionisme. Nous limiterons notre étude aux partis politiques qui, s'estimant en être les meilleurs avocats, ont présenté des candidats et obtenu des sièges aux élections générales de juin 1983 prouvant ainsi leur représentativité. Il s'agit en l'occurrence du parti national écossais (S.N.P.) et du Plaid Cymru au Pays-de-Galles. L'Irlande du Nord quant à elle en compte deux : le parti social démocrate et travailliste (S.D.L.P.) et le Sinn Fein.

2Il nous a semblé toutefois nécessaire, avant d'étudier ces différents partis dans leur environnement propre, de réfléchir dans une première partie sur la spécificité du nationalisme qui se développe dans les îles britanniques. Cette analyse a pour but de nous fournir un cadre théorique permettant d'éviter les pièges inhérents à un tel sujet : le grossissement des particularismes érigés en essences quasi-métaphysiques.

3La troisième et la quatrième parties seront respectivement réservées à tenter de mesurer la force de ce nationalisme anti-unioniste et aux questions soulevées par le bilan de l'action de ces partis.

Quelques notions théoriques

4Confronté à une multiplicité d'ouvrages sur la question et aussi à un vécu qui reste gravé dans nos mémoires, quelques précisions s'imposent. Quand bien même il faudrait payer le prix d'une certaine schématisation. Tout nationalisme n'est pas équivalent. Il y a le nationalisme qui se développe au sein d'un État déjà constitué et il y a celui qui précède l'existence d'un État-Nation. C'est à cette deuxième catégorie qu'appartiennent l'Ecosse, le Pays-de-Galles et l'Irlande du Nord. Ce qui permet une définition. Dans ces pays le nationalisme correspond à la volonté d'une collectivité qui, ayant pris conscience de son individualité historique, veut créer et développer son propre État souverain.

  • 1 LERUEZ (J.). L'Ecosse, une nation sans état. Lille : Presses Universitaires de Lille, 1983, 260 p. (...)
  • 2 ROSE (R.). Governing without Consensus. Londres : Faber and Faber, 1971, 560 p., p. 485.
    Il est à n (...)

5La conscience de l'individualité historique des peuples écossais, gallois et irlandais est aujourd'hui une donnée de la scène socio-culturelle britannique. La perception qu'ils ont de leur identité ressort clairement des études faites. Jacques Leruez écrit : "interrogés sur l'idée qu'ils se faisaient de leur nationalité dès 1968... les habitants de Glasgow se pensaient... écossais à 67 %... les habitants du Pays-de-Galles déclaraient se sentir gallois à 69 %"1. Au même moment en Irlande du Nord 76 % des catholiques s'estimaient irlandais et 32 % des protestants ulstériens2.

6Les partis nationalistes qui se fixent comme but politique la création et le développement d'un État souverain se définissent également comme agents dans la promotion de la prise de conscience nationaliste. Quelques citations de publications partisanes révèlent leur volonté de récupérer le passé, d'ailleurs toujours idéalisé, au service des ambitions politiques.

  • 3 The Only Alternative, Plaid Cymru Election Manifesto 1983.
  • 4 Idem.

ou

Le Pays-de-Galles est une vieille nation3
Entre le Ve et le XVe siècles on peut reconnaître, au Pays-de-Galles, un ordre dont le caractère spécifique le distingue de son voisin à l'est4.

7S'en suit une description de la supériorité de la société galloise d'alors. Par ailleurs le parti assume pleinement son rôle d'éducateur :

  • 5 BOWEN REES (Ioan). The Welsh Political Tradition. Cardiff : Plaid Cymru, 1961 et 1975, 40 p.

Une des tâches les plus importantes du Plaid Cymru est de mettre les gallois en contact avec leur passé5.

  • 6 Voir MERCER (J.). Scotland the Devolution of Power. London : Calder, 1978, 250 p.
  • 7 Le Sinn Fein puise sa légitimité dans les idéaux des républicains qui ont participé au soulèvement (...)

8Ces références à l'histoire sont constitutives de toute pensée nationaliste puisqu'elles s'offrent comme justification, et aucun parti n'en peut faire l'économie. Le S.N.P., résolument moderne et moderniste dont les intentions sont bien loin de vouloir restaurer un quelconque âge d'or construit sa doctrine sur l'enracinement profond dans ce passé de la nation écossaise6. C'est au Sinn Fein qu'il convient toutefois de puiser largement dans les thèmes chers aux nationalistes romantiques du début du siècle7. Le S.D.L.P. partageant les retenues que s'impose le parti nationaliste écossais.

9La deuxième partie de notre définition ou la finalité de l'action nationaliste : "la volonté de créer et de développer un État souverain" permet de replacer ces manifestations, insistant sur les particularismes, dans un cadre plus vaste et qui n'est plus spécifique aux îles britanniques.

10Elles font partie de ce que l'on pourrait appeler la troisième vague des mouvements nationalistes. Une typologie historique et spatiale pourrait se présenter ainsi : la première vague de nationalisme se situe à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles ; elle est essentiellement américaine. La deuxième, qui a comme aire géographique l'Europe se déroule au XIXe et au XXe siècles. La dernière, concomitante aux processus de décolonisation, est essentiellement afro-asiatique. Replacer les nationalismes britanniques dans le contexte de la troisième vague implique d'y voir analogies et anomalies.

  • 8 Il est à remarquer que l'Irlande du Nord s'est insérée dans cette vague.

11Pourquoi les trois pays voisins de l'Angleterre ont-ils manqué le coche de la deuxième vague qui géographiquement leur était bien plus proche8 ? En effet, ils se trouvent aujourd'hui dans une position particulièrement excentrique par rapport à la troisième vague. En même temps les partis nationalistes britanniques ont tendance à rejeter le vocabulaire politique du début de siècle lui préférant celui de la troisième vague. Le Sinn Fein se révèle être maître d'un langage politique tiers-mondiste et dans le manifeste électoral du Plaid Cymru des termes tels que "exploitation", "pillage", "colonie interne", "puissances impérialistes" abondent.

Les partis nationalistes : convergences et divergences

  • 9 The Only Alternative, Op. cit.
  • 10 Choose Scotland - The Challenge of Independence, S.N.P. Manifesto 1983.
  • 11 Build a New Ireland, S.D.L.P. Manifesto 1983.
  • 12 The Voice of Principled Leadership, Sinn Fein 1983.
  • 13 McALLISTER (I.), "United Kingdom Nationalist Parties: One Nationalism or Three?" in: MADGWICK (P.) (...)
  • 14 Idem.
  • 15 Idem.
  • 16 ABDEL-MALEK (A.), "Esquisse d'une typologie des formations nationales dans les 'trois continent'" (...)

12Vu l'absence de collaboration entre les partis nationalistes face à l'ennemi commun il peut paraître surprenant de les regrouper dans une seule étude. Sans chercher à sous-estimer les divergences qui les séparent ce qui les rapproche est de fait significatif. Tous les quatre sont des partis séparatistes. Plaid Cymru, dans son manifeste de 1983 déclare "un terme doit être mis au pouvoir de l'Angleterre"9. Le S.N.P. parle de "la Restauration de la souveraineté nationale écossaise"10. Le S.D.L.P., pour sa part, dit qu'"une solution purement interne du problème nord-irlandais est exclue" et prône la création d'une nouvelle Irlande11. Le Sinn Fein œuvre en faveur de l'unité irlandaise et exige que les britanniques se retirent de l'île12. Il est à signaler toutefois que de telles positions séparatistes ne constituent pas une donnée permanente dans le temps pour les quatre partis. Le S.N.P. ne l'est ouvertement que depuis 194913 et la conversion à 1'indépendance est encore plus récente pour le Plaid Cymru qui attend 1976 pour l'intégrer dans sa constitution14. Héritier de la tradition républicaine irlandaise le Sinn Fein l'est depuis sa création en 1970. Quant au S.D.L.P. la position exprimée dans sa constitution de 1975 est plus nuancée. On y lit qu'il vise "l'unité irlandaise fondée sur le consentement d'une majorité en Irlande du Nord"15. Par contre, en 1983 le parti demande, nous l'avons dit, la création d'une nouvelle Irlande se situant ainsi, du fait de son refus de toute solution interne au problème nord irlandais, sur des bases séparatistes. C'est aux élections législatives de 1983, en raison de la décision du Sinn Fein de présenter des candidats, que nous sommes pour la première fois confrontés à l'expression conjointe de ces exigences séparatistes. Cette position anti-assimilation est un trait caractéristique des mouvements nationalistes de la troisième vague et correspond au stade que les sociologues appellent des nations "en train de se faire"16.

  • 17 The New Hope for Scotland, Labour's Manifesto, Glasgow: Scottish Labour Party, 1983.

13Séparatistes et anti-assimilationnistes nos partis sont en conséquence anti-unionistes. Il faut donc les distinguer des partis Conservateur, Travailliste et de l'Alliance qui peuvent tous être rangés sous la catégorie d'"unionistes". Il ne faut pas se tromper en effet sur les diverses prises de position favorables à la création d'une assemblée en Ecosse notamment de la part du parti Travailliste : elles n'en cachent pas moins une stratégie qui vise fondamentalement le renforcement de l'Union. "Le parti Travailliste est convaincu que la grande majorité de notre peuple écossais... est également résolue à demeurer au sein du Royaume-Uni"17. Paradoxalement sous notre dénomination de partis unionistes nous n'avons pas rangé les partis unionistes nord-irlandais ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes. En effet ces derniers se rapprochent des partis nationalistes dans la mesure où ils revendiquent la création d'un Parlement à Belfast dans le cadre d'une dévolution des pouvoirs. Dans leur état actuel certes les unionistes nord-irlandais ne peuvent être considérés comme séparatistes. Néanmoins tout porte à croire qu'en cas de négociations entre Londres et Dublin qui proposeraient une quelconque forme d'Irlande unifiée les partis protestants opteraient pour une Irlande du Nord indépendante. Le caractère doublement spéculatif d'une telle hypothèse nous réduit à les considérer davantage comme des forces proto-nationalistes et à les écarter de notre étude.

14L'anti-unionisme des partis nationalistes suggère quelques mots sur l'unionisme britannique. En effet, la force, la cohésion et la persistence de l'Union, sa possibilité d'agir en tant qu'État unitaire en dit long sur sa capacité de paraître efficace et bénéfique - conditions essentielles pour toute institution politique. Elle se doit donc aussi d'accorder ou de sembler accorder un traitement égalitaire sur l'ensemble du territoire qui relève de sa compétence. Dans une telle optique il incombe aux partis nationalistes de convaincre l'électorat que l'institution de l'Union n'est plus ni efficace ni bénéfique et qu'il y a inégalité de traitement. Par ailleurs il doit aussi le convaincre que le territoire prime sur le fonctionnel, tâche difficile dans la Grande-Bretagne contemporaine où tout porte à croire que la préoccupation politique majeure est fonctionnelle et non pas territoriale.

  • 18 Build a New Ireland, Op. Cit,
  • 19 The Only Alternative, Op. cit.
  • 20 Choose Scotland, Op. cit.
  • 21 Idem.
  • 22 The Voice of Principaled Leadership, Op. cit.

15Une étude des manifestes électoraux démontre le souci de la part des nationalistes de prouver que l'Union ne remplit plus son rôle. Le S.D.L.P. condamne le monétarisme du gouvernement Conservateur : "le monétarisme s'est révélé être désastreux pour l'économie de l'Irlande du Nord"18. Plaid Cymru, tout comme le S.N.P., prend comme cible d'attaque non seulement le gouvernement sortant mais aussi les gouvernements Travaillistes des années 1960 et 1970. Le premier dénonce l'abandon économique et la pauvreté dans son pays. Il écrit "les gouvernements aussi bien Travaillistes que Conservateurs partagent la responsabilité de cet échec"19. Le S.N.P., quant à lui, souligne l'inégalité dans le traitement accordé à l'Ecosse : "quel que soit le parti anglais qui gagne les élections l'aide régionale sera transférée au centre de l'Angleterre au détriment de l'Ecosse"20. Par ailleurs, il insiste sur l'échec de l'Union : "le système britannique n'a pas réussi à l'Ecosse"21. Pour le Sinn Fein la rupture de l'Union et l'unification entre Nord et Sud mettraient fin à la discrimination, au chômage et à la pauvreté sociale de l'Irlande du Nord22.

  • 23 A partir de 1983 l'Irlande du Nord est dotée de 17 sièges à la Chambre des Communes. Auparavant, d (...)

16Le séparatisme, l'anti-assimilation et l'anti-unionisme constituent des convergences fondamentales entre nos quatre partis. Mais ils sont de plus ce que nous pouvons appeler des partis territoriaux. Par cela nous voulons dire qu'ils opèrent à l'intérieur de frontières géographiques bien délimitées. Ainsi, en 1983, les écossais, gallois et irlandais, qui sont nombreux à vivre en Angleterre, n'ont pas fait l'objet de sollicitation électorale de la part de ces partis. Ils privilégient donc la notion de territoire au détriment de la notion d'ethnicité, choix qui n'est pas toujours fait par des mouvements nationalistes. Par ailleurs ils visent l'ensemble du territoire pour lequel ils revendiquent l'indépendance politique. Ici toutefois il faut remarquer des divergences ainsi qu'un développement dans le temps. En 1983, le Plaid Cymru présente 38 candidats pour les 38 sièges gallois. C'est cependant depuis 1970 seulement que le parti pratique la stratégie d'une présence généralisée. Le S.N.P., qui en 1959 n'a présenté que 5 candidats atteint le chiffre de 65 en 1970. Il attendra l'élection d'octobre 1974 pour présenter un candidat dans chacune des circonscriptions. Les divergences s'accentuent lorsque l'on se tourne vers l'Irlande du Nord. En 1983 le Sinn Fein est présent dans 14 circonscriptions tandis que le S.D.L.P. présente des candidats partout, c'est-à-dire pour les 17 sièges23. C'est la première fois, de surcroît, que le Sinn Fein, sous sa forme actuelle, présente des candidats aux élections à Westminster. Auparavant il rejettait le passage par les urnes comme moyen de lutte politique. Mais en décidant de jouer le jeu électoral il étend en même temps son activité participationniste à la République d'Irlande. Ceci lui permet de revendiquer le titre d'unique parti nationaliste irlandais puisqu'il est seul à être présent dans les deux parties du territoire dont il revendiquait l'unification. Côté développement dans le temps le S.D.L.P., suite à sa création, présente un candidat pour chacun des 12 sièges nord-irlandais lors des élections législatives de février 1974. Pour les deux suivantes : celles d'octobre 1974 et de 1979 il ramène ce chiffre à 9. Il faut dire qu'en Irlande du Nord les partis nationalistes ne se sont jamais faits d'illusions sur la possibilité d'un fort soutien protestant à leurs candidats et leurs analyses politiques en termes territoriaux visent davantage à réunir Nord et Sud de l'île qu'Est et Ouest de la province nord-irlandaise.

  • 24 Choose Scotland, Op. cit.
  • 25 Plaid Cymru Aims, Plaid Cymru s.d.

17Convergences aussi en ce qui concerne le caractère démocratique des partis nationalistes avec évidemment, une divergence de taille pour ce qui est du Sinn Fein. En effet, celui-ci déclare, en se présentant aux élections, qu'il compte mener la bataille avec le fusil dans une main et le bulletin de vote dans l'autre. Toutefois le fait d'accepter de jouer le jeu électoral traduit un changement significatif d'orientation de la part du Sinn Fein. Et les développements au sein du parti depuis 1983 confirment la nouvelle orientation. Par caractère démocratique nous entendons la volonté de la part des partis nationalistes de gagner à leur cause la majorité de l'électorat résidant sur le territoire national. Ainsi le S.N.P. a pu écrire : "Lorsque le S.N.P. gagnera la majorité des sièges écossais au parlement du Royaume-Uni nous inviterons les autres députés écossais à coopérer dans des négociations en vue d'un transfert sans heurts du pouvoir de Westminster"24. Plaid Cymru, quant à lui "a choisi la voie pacifique - électorale - pour obtenir la liberté au Pays-de-Galles"25. Le S.D.L.P., nous l'avons déjà dit, vise l'unité irlandaise mais celle-ci ne saurait se créer sans le consentement de la majorité en Irlande du Nord.

18Enfin, dans le domaine des convergences, les quatre partis se sont dotés d'une stratégie électorale. Une fois fixé le but politique c'est-à-dire la séparation, chacun avait à faire face au problème de quelle stratégie à adopter pour parvenir à ses fins. Le choix entre l'affirmation intransigeante du but indépendantiste sans compromission s'offrait comme premier choix. Maintenir ce but comme objet à long terme et s'asseoir à la table de négociations formaient le second choix. Le Sinn Fein, jusqu'à maintenant, a choisi le premier. Les trois autres partis, par contre, ont opté pour le second. Deux raisons essentiellement ont dicté ce choix. Leur insertion dans le mécanisme électoraliste a entraîné une série de choix politiques qui constituaient par définition des compromis. C'est vrai notamment pour ce qui est du contenu des programmes politiques. De plus le livre blanc de M. Whitelaw sur l'avenir constitutionnel de l'Irlande du Nord en 1973 et le débat sur la dévolution et la création d'Assemblées écossaise et galloise dans la période à partir de 1974 ont contraint les partis concernés à préciser leurs options sur le court terme. En l'occurrence tous les trois ont accepté le compromis ainsi ratifiant la politique de décentralisation des pouvoirs de Londres.

19Pour les nationalistes écossais et gallois le programme politique revêt une importance particulière. C'est l'instrument d'une stratégie qui vise l'élargissement de la base électorale nationaliste. Cantonné dans une optique uniquement séparatiste aucun des partis ne peut espérer parvenir à une situation majoritaire. Les sondages d'opinion sont nets sur le sujet ; l'idéal d'indépendance est minoritaire dans les trois pays. Bien plus, si l'on se contente d'interroger cette partie de l'électorat qui, en 1978-79, s'est identifiée avec les partis nationalistes l'on découvre que le but final, c'est-à-dire la séparation, qui constitue la raison d'être de ces partis, est minoritaire en Ecosse et au Pays-de-Galles et faiblement majoritaire en Irlande du Nord.

  • 26 MADGWICK (P.), ROSE (R.), Op. cit., p. 212.

L'indépendance vue par les partisans des nationalistes26

Ecosse

Pays-de-Galles

Irlande du Nord

42 %

41 %

52 %

20Ainsi le programme électoral, qui présente des solutions dans des domaines autres que constitutionnels cherche à conquérir un électorat qui n'est pas a priori favorable à l'indépendance. Il revient donc aux partis nationalistes de renforcer d'abord les convictions de ses partisans les plus ardents. Partis de compromis ils doivent en même temps faire avancer la cause de la dévolution des pouvoirs. Et en troisième lieu ils ont à séduire une couche plus large de l'électorat par le biais de leurs propositions socio-économiques. Les résultats aux urnes nous permettront d'évaluer dans quelle mesure ces tâches ont été remplies mais aussi d'évaluer le succès de la voie démocratique pour parvenir à l'indépendance.

Les résultats

21Le nombre en voix obtenues par les partis nationalistes en 1983 est, en Ecosse et au Pays-de-Galles, en nette diminution.

Évolution du soutien au S.N.P. 1970-1983

Année

Nombre de voix

1970

306.802

1974 (fév.)

633.180

1974 (oct.)

839.617

1979

505.259

1983

331.975

Évocation du soutien au Plaid Cymru 1970-1983

Année

Nombre de voix

1970

175.016

1974 (fév.)

171.374

1974 (oct.)

166.321

1979

132.544

1983

125.309

22Le S.N.P. perd 60 % des voix qu'il avait réussi à obtenir lors de l'élection d'octobre 1974 et se retrouve proche de son niveau de soutien de 1970. Plaid Cymru, pour qui l'année 1970 représentait le nombre le plus élevé de voix qu'il avait jamais obtenues, voit confirmer la baisse régulière enregistrée depuis cette date.

23En Irlande du Nord une certaine stabilité caractérise le soutien accordé au S.D.L.P. qui obtenait 160.437 voix en février 1974, 154.193 en octobre de la même année, 126.325 en 1979, suivi d'une légère augmentation en 1983 avec 137.012. Les 102.701 voix obtenues par le Sinn Fein semblent accréditer la thèse selon laquelle cette formation a réussi à susciter une participation chez ceux qui auparavant ne s'étaient pas inscrits sur les registres électoraux.

  • 27 Il s'agit des circonscriptions de Caernarfon (D. Wigley) et de Meirionnydd nant Conwy (D.E. Thomas (...)

24Dans les deux circonscriptions où ses candidats sont élus27 le Plaid Cymru parvient à augmenter son nombre de points. Mais dans vingt-deux circonscriptions il enregistre une baisse de deux points en moyenne. Son augmentation dans quinze circonscriptions, avec une moyenne de 2,5 points, ne réussit pas à redresser la situation. Face aux trois autres formations il se trouve très souvent en quatrième position.

La position du Plaid Cymru en 1979 et 1983

1979

Position

Nombre de candidats

 %

1ère
2ème
3ème
4ème

2
1
8
27

5
3
21
71

1983

Position

Nombre de candidats

 %

1ère
2ème
3ème
4ème

2
1
2
33

5
3
5
87

  • 28 Il s'agit en Ecosse des circonscriptions de Western Isles (D.J. Stewart) et de Dundee East (G. Wil (...)

25Le S.N. P. voit également deux de ses candidats élus28 mais dans l'ensemble son échec est plus cuisant que celui des nationalistes gallois. Il subit une chute de 6,3 points en moyenne dans 64 circonscriptions et n'enregistre une augmentation de 3,7 que dans six circonscriptions. Par ailleurs, bien que n'étant pas de la même dimension que pour le Plaid Cymru, son glissement vers la quatrième position paraît plus marqué.

La position du S.N.P. en 1979 et 1983

1979

Position

Nombre de candidats

 %

1ère
2ème
3ème
4ème

2
14
34
20

3
20
48
29

1983

Position

Nombre de candidats

 %

1ère
2ème
3ème
4ème

2
7
5
56

3
10
7
80

26Étant donné la présence de deux partis nationalistes en Irlande du Nord et le fait que le Sinn Fein se soit fixé le but de remplacer le S.D.L.P. en tant que parti majoritaire parmi les catholiques, les élections se distinguent du scrutin ailleurs. La division du vote nationaliste a permis aux unionistes d'augmenter leur nombre d'élus.

27De tous les partis nationalistes présents lors de l'élection de 1983 seul le Sinn Fein a connu un franc succès. Lorsque l'on sait que celui-ci compte désormais mener sa bataille sur deux points : celui de la lutte armée et celui des élections, l'on peut s'interroger sur la possibilité qu'il serve de modèle pour les autres forces nationalistes.

Irlande du Nord : la division nationaliste

Circonscription

Nombre de voix S.D.L.P.

Nombre de voix Sinn Fein

Vainqueur

West Belfast

10.934
(G. Fitt 10.326)

16.379

Sinn Fein

Foyle

24.071

10.607

S.D.L.P.

Newry and Armagh

17.434

9.928

Unioniste
(18.988)

South Down

20.145

4.074

Unioniste
(20.693)

Fermanagh South Tyrone

9.923

20.954

Unioniste
(28.630)

Mid-Ulster

12.044

16.096

Unioniste
(16.174)

Bilan

28Le recul subi par les nationalistes écossais et gallois indique un affaiblissement de l'idéal séparatiste. Le soutien que l'on accorde, par exemple, au S.N.P., est de l'ordre de 11,8 %. Or en 1979 14 % de l'opinion se disait favorable à l'indépendance. L'on ne semble pas non plus faire grande confiance au parti nationaliste écossais pour obtenir une forme plus limitée d'autonomie. Il est possible, qu'en 1983, les écossais se soient davantage tournés vers les Travaillistes pour faire avancer cette cause. En effet ce parti qui s'est déclaré en faveur de la création d'une Assemblée écossaise obtient une majorité qui dépasse les 50 % dans seize circonscriptions. Inutile de creuser les effets des propositions socio-économiques des partis nationalistes. La grande majorité dans les trois pays considère que les solutions aux problèmes de l'heure se trouvent entre les mains des partis "unionistes". Au vu donc de ces résultats le grand vainqueur de l'élection législative de 1983 est décidément l'Union.

29Reste toutefois le problème de l'actuel soutien accordé aux partis nationalistes. Celui-ci se comprend mieux si l'on évoque une forme de nationalisme de type psycho-social. Sa préoccupation serait d'ordre culturel et les limites extrêmes de sa dimension politique seraient l'autonomie interne. Elle chercherait à affirmer une double identification : la première nationale, la seconde britannique. Si l'on accepte que pour la plupart des gens une relation harmonieuse existe entre ces deux formes d'identification l'on peut dire que toute récupération du passé qui exclue le facteur britannique est forcément incomplète. Elle serait de plus perçue comme partisane par les populations concernées. Or la récupération nationaliste de l'histoire est partisane.

  • 29 BRAND (J.). The National Movement in Scotland. London : Routledge and Kegan Paul, 1978, 330 p, p.  (...)

30Si pour conclure, nous cherchons à dépasser les particularismes et à nous situer de nouveau dans un cadre plus vaste, nous constatons que les nationalismes britanniques s'insèrent mal dans le modèle des mouvements nationalistes de la troisième vague et peuvent difficilement être assimilés au cadre des nations "en train de se faire". Les positions anti-assimilationnistes de ces mouvements sont loin d'être partagés par les nationalistes britanniques. L'intelligentsia, qui a joué un rôle prédominant en milieu afro-asiatique, est quasiment absente dans la lutte nationaliste de nos trois pays. A ce sujet Jack Brand a pu écrire à propos de l'Ecosse : "Pour les jeunes intellectuels le nationalisme ne représentait guère un choix attirant"29.

  • 30 Un soutien quoique parfois discret a été accordé par des régimes démocratiques aux mouvements de l (...)

31A l'opposé de ce qui se passait dans les nouveaux États-Nations du milieu du XX° siècle les masses ne se mobilisent pas pour épauler les efforts des partis nationalistes. Il n'y a pas non plus possibilité de tracer un parallèle entre les soutiens extérieurs que suscitent les mouvements du Tiers-Monde et ceux qui recueillent les mouvements du Royaume-Uni, exception faite peut-être du Sinn Fein30.

32Les projets politiques des nationalistes britanniques seraient-ils donc voués à rester minoritaires ? Oui nous semble-t-il dans la mesure où l'Union se montre efficace, bénéfique et égalitaire. Les élections de 1983 font croire que c'est ce que les écossais, les gallois et les irlandais perçoivent aujourd'hui.

Notes de fin

1 LERUEZ (J.). L'Ecosse, une nation sans état. Lille : Presses Universitaires de Lille, 1983, 260 p., p. 9.

2 ROSE (R.). Governing without Consensus. Londres : Faber and Faber, 1971, 560 p., p. 485.
Il est à noter ici que 20 % des protestants s'estimaient irlandais et que 32 % des protestants et 5 % des catholiques se déclaraient ulstériens.

3 The Only Alternative, Plaid Cymru Election Manifesto 1983.

4 Idem.

5 BOWEN REES (Ioan). The Welsh Political Tradition. Cardiff : Plaid Cymru, 1961 et 1975, 40 p.

6 Voir MERCER (J.). Scotland the Devolution of Power. London : Calder, 1978, 250 p.

7 Le Sinn Fein puise sa légitimité dans les idéaux des républicains qui ont participé au soulèvement de Pâques 1916.

8 Il est à remarquer que l'Irlande du Nord s'est insérée dans cette vague.

9 The Only Alternative, Op. cit.

10 Choose Scotland - The Challenge of Independence, S.N.P. Manifesto 1983.

11 Build a New Ireland, S.D.L.P. Manifesto 1983.

12 The Voice of Principled Leadership, Sinn Fein 1983.

13 McALLISTER (I.), "United Kingdom Nationalist Parties: One Nationalism or Three?" in: MADGWICK (P.), ROSE (R.), eds. The Territorial Dimension in United Kingdom Politics. London: Macmillan, 1982, 256 p.

14 Idem.

15 Idem.

16 ABDEL-MALEK (A.), "Esquisse d'une typologie des formations nationales dans les 'trois continent'" Sociologie, vol. XLII, 1967. Paris: Presses Universitaires de France.

17 The New Hope for Scotland, Labour's Manifesto, Glasgow: Scottish Labour Party, 1983.

18 Build a New Ireland, Op. Cit,

19 The Only Alternative, Op. cit.

20 Choose Scotland, Op. cit.

21 Idem.

22 The Voice of Principaled Leadership, Op. cit.

23 A partir de 1983 l'Irlande du Nord est dotée de 17 sièges à la Chambre des Communes. Auparavant, depuis sa création en 1920, elle ne se composait que de 12 circonscriptions géographiques.

24 Choose Scotland, Op. cit.

25 Plaid Cymru Aims, Plaid Cymru s.d.

26 MADGWICK (P.), ROSE (R.), Op. cit., p. 212.

27 Il s'agit des circonscriptions de Caernarfon (D. Wigley) et de Meirionnydd nant Conwy (D.E. Thomas).

28 Il s'agit en Ecosse des circonscriptions de Western Isles (D.J. Stewart) et de Dundee East (G. Wilson).

29 BRAND (J.). The National Movement in Scotland. London : Routledge and Kegan Paul, 1978, 330 p, p. 9.
L'on peut constater aujourd'hui un état des choses similaires en Irlande. Cette situation se démarque nettement de celle du début du siècle où l'on trouve un engagement total de la part de l'intelligentsia dans la cause nationaliste.

30 Un soutien quoique parfois discret a été accordé par des régimes démocratiques aux mouvements de libération du Tiers-Monde. Le Sinn Fein quant à lui ne bénéficie d'aucun soutien similaire.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search