L’Humanité et la question de l’Anschluß
p. 71-84
Texte intégral
1L’Anschluß représente un événement majeur dans la longue série des violations des traités de paix commises par l’Allemagne hitlérienne. Après l’introduction du service militaire obligatoire, en 1935, et l’occupation de la Rhénanie, en 1936, une nouvelle brèche s’ouvre dans le système français de sécurité. Quel est l’intérêt de L’Humanité dans ce contexte ? Ce ne sont pas seulement les 400 000 exemplaires de l’organe central du parti communiste, tirés en 1937, qui lui confèrent son importance, mais le rôle joué par le parti dans la politique intérieure et extérieure de la France. En effet, le quotidien communiste est d’abord le baromètre fidèle de l’attitude des dirigeants communistes face aux gouvernements du Front populaire. Il reflète également les prises de position de la direction du parti dans les luttes sociales fréquentes de 1936 à 1938. Après l’unification des deux centrales syndicales C.G.T. et C.G.T.U., le P.C.F. continue à contrôler une partie importante des masses ouvrières. Il est donc un des garants de la paix sociale en France. Dans ce contexte, on ne peut pas non plus négliger le rôle du parti et de son journal dans le cadre de la IIIe Internationale. Le parti français est le seul grand parti communiste en Europe occidentale resté intact après les persécutions en Allemagne hitlérienne et en Italie.
2L’analyse de l’Humanité nous fournit des renseignements à la fois sur les politiques intérieure et extérieure françaises et leur interdépendance dans une Europe ébranlée par les assauts des puissances fascistes. La prise de position de l’Humanité à l’égard de l’Anschluß a donc un intérêt majeur dans le cadre d’une étude sur la politique de sécurité française, mais elle illustre également de façon exemplaire la politique étrangère menée par le parti communiste entre 1936 et 1939.
3En dehors de l’Humanité, nous avons, pour l’essentiel, consulté les ouvrages de Jean Touchard1 et de Jacques Fauvet2. L’histoire intérieure du parti communiste de Philippe Robrieux3 fournit également de nombreux renseignements biographiques et chronologiques. Enfin, il convient de mentionner les grandes publications sur la Troisième République et sa politique étrangère4. Du côté autrichien nous attirons l’attention sur les publications de Félix Kreissler5, qui contiennent également de nombreuses références bibliographiques. À l’occasion du 50e anniversaire de l’Anschluß, plusieurs colloques à Vienne comme à Paris ont également apporté leur moisson de renseignements scientifiques6.
4Nous nous proposons d’abord de situer le parti communiste et son organe central dans le contexte de la politique intérieure et extérieure française des années 1936 à 1938 pour aborder ensuite le point central de notre étude : les commentaires de l’Humanité sur les événements en 1938 qui ont directement précédé le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne.
Le parti communiste et le Front Populaire
5C’est à la suite des émeutes du 6 février 1934 et d’une décision de la IIIe Internationale en 1934 que le Parti communiste français abandonne sa tactique « classe contre classe » pour s’intégrer dans un vaste mouvement antifasciste. Le parti socialiste, considéré jusque-là comme un mouvement social-fasciste, devient alors un partenaire possible. Peu à peu l’unité s’est faite au cours de l’année 1934, et le premier grand événement qui illustre cette dynamique unitaire sera la fête du 14 juillet 1935. Le programme d’action du Front populaire s’articule autour de deux thèmes, la défense de la liberté et la défense de la paix. L’unité des forces de gauche porte ses fruits. Lors des élections du 26 avril/3 mai 1936, le Front populaire remporte une victoire éclatante. La S.F.I.O. devient le plus important parti de la Chambre avec 146 députés, suivie des radicaux avec 116 mandats et du parti communiste qui augmente le nombre de ses mandats de 10 à 72. La dynamique unitaire a également des conséquences sur le plan syndical : fin septembre 1935, la C.G.T. et la centrale communiste C.G.T.U. fusionnent pour former un syndicat unique.
6Si le parti communiste a bien profité de la dynamique unitaire, il ne va pas jusqu’à entrer dans les différents gouvernements du Front populaire. Ainsi, le premier gouvernement du Front présenté par Léon Blum à la Chambre le 4 juin 1936 ne comprend que des membres socialistes et radicaux. Léon Blum peut toutefois compter sur l’appui du P.C.F. au Parlement et dans les conflits sociaux7. Les communistes jouent un rôle important dans l’arrêt du grand mouvement de grèves après les accords de Matignon du 7 juin 1936 et les députés du parti défendent également les lois sociales du gouvernement Blum et l’interdiction des Ligues fascistes.
7Ce sont des problèmes économiques, l’inflation et le déficit budgétaire, qui font chuter le gouvernement Blum8. Le 22 juin 1937, ce premier gouvernement du Front populaire est remplacé par un cabinet sous la direction du radical-socialiste Camille Chautemps qui, comme son prédécesseur, se heurte « au mur de l’argent ». Le nouveau président du Conseil ne réussit pas davantage que Léon Blum à régler les problèmes économiques et financiers du pays. Après une première démission, le 15 janvier 1938, Camille Chautemps forme un nouveau cabinet qui, à son tour, démissionnera à la veille de l’entrée des troupes allemandes en Autriche, le 10 mars 1938. Force est de constater que la France affronte les attaques du troisième Reich sans gouvernement stable9.
La politique extérieure du Front populaire
8En matière de politique extérieure, le programme du Front populaire reste assez vague. Il souligne la nécessité de sauvegarder la paix et de combattre le fascisme, mais ne donne pas de recette pour la pratique. Léon Blum est donc assez libre dans son interprétation. Du côté allemand, les gouvernements du Front populaire n’ont pas à affronter de mesures spectaculaires, si on fait abstraction de l’intervention d’unités du IIIe Reich dans la guerre civile en Espagne. Entre l’occupation de la zone démilitarisée, en mars 1936, et l’entrée des troupes allemandes en Autriche, en mars 1938, Hitler consolide ses positions10. Il accélère le réarmement dans le cadre du plan quadriennal et fortifie la frontière occidentale. Malgré l’incompatibilité de fond entre le Front populaire et les régimes fascistes, Léon Blum ne refuse pas a priori le dialogue avec l’Allemagne hitlérienne. Il rencontre ainsi à deux reprises le président de la banque centrale du Reich, Hjalmar Schacht, en août 1936 et en mai 1937, pour trouver un modus vivendi garantissant la paix. Ces entretiens n’aboutissent pas à des résultats palpables11, mais ils montrent que le président du Conseil sait être très pragmatique en politique de sécurité. Les gouvernements du Front populaire sous Léon Blum et Camille Chautemps s’appuient davantage que Pierre Laval sur l’Angleterre. Les deux présidents du Conseil et leur ministre des Affaires étrangères, Yvon Delbos, entretiennent d’excellents rapports avec le premier Ministre britannique, Lord Baldwin, et Anthony Eden au Foreign Office. C’est en tenant compte des réserves de la Grande-Bretagne – et à contrecoeur – que Léon Blum adopte la politique de non-intervention en Espagne. Comme il l’a souligné plus tard lors du procès de Riom, Léon Blum n’a pas non plus négligé le réarmement de la France. En mars 1937, il lance ainsi un emprunt important pour la défense nationale12. Malgré son discours pacifiste, le gouvernement du Front populaire se prépare donc activement à l’éventualité d’une guerre. Globalement, la politique extérieure des gouvernements du Front populaire obéit moins aux impératifs d’un pacifisme socialisant qu’à la nécessité de maintenir coûte que coûte l’alliance anglaise pour pouvoir affronter le danger fasciste en cas de nécessité13.
9Tout en se référant au mêmes objectifs généraux que Blum et Chautemps, le parti communiste envisage une stratégie bien différente. Pour le P.C.F. la menace fasciste est universelle. Elle se présente aussi bien en Chine qu’en Espagne ou en Europe centrale. Il faut la combattre sur tous les fronts et le meilleur moyen pour atteindre cet objectif est une sorte de Front populaire international regroupant tous les adversaires du fascisme. La France doit être l’inspiratrice de cette lutte et non pas rester à la traîne de la Grande-Bretagne. Contrairement aux gouvernements Blum et Chautemps qui négligent l’alliance avec l’Union soviétique14, l’Humanité soutient que le pacte avec l’U.R.S.S. doit jouer un rôle capital pour le maintien de la paix. Dans les relations avec l’Allemagne et l’Italie, toute volonté de compromis des démocraties occidentales sera considérée par les régimes fascistes comme un aveu de faiblesse. Elle encouragera Mussolini et Hitler à formuler de nouvelles exigences, à remettre encore davantage en question le statu quo qui garantit la sécurité française. Aux yeux du Parti, la guerre civile espagnole illustre amplement la faiblesse des démocraties, car celles-ci pratiquent une politique de non-intervention, tandis que les troupes des états fascistes combattent aux côtés des rebelles.
L’Anschluß, une menace permanente pour la sécurité française15
10Les clauses des traités de Versailles et de Saint-Germain interdisant le rattachement à l’Allemagne de ce qui reste de l’Empire austro-hongrois trahissent une préoccupation majeure de la politique de sécurité française. C’est la hantise d’un pays de 40 millions d’habitants, aux ressources économiques limitées, d’être confronté à une « grande Allemagne » de plus de 70 millions d’habitants qui possède un appareil de production extrêmement performant. Comme la limitation du potentiel militaire du Reich et le cordon sanitaire de la zone rhénane démilitarisée, l’interdiction de l’Anschluß doit ainsi maintenir le statu quo économique et militaire des traités de paix. En mars 1988, lors du colloque organisé par le Centre d’études et de Recherches Autrichiennes de l’Université de Rouen, nous avons pu évoquer les efforts financiers consentis par la France pour assurer la survie de la République autrichienne16.
11Après des années d’accalmie, le projet d’union douanière élaboré par le ministre allemand Curtius et le chancelier autrichien Schober en mars 1931 est le premier signal d’alarme pour la France. Toutefois, en 1931, Paris a encore suffisamment de poids sur la scène européenne pour faire échouer ce projet révisionniste. En effet, les deux partenaires sont obligés d’abandonner « l’Anschluß économique » en septembre. Cependant, à partir de 1933, la France perd peu à peu l’initiative face aux actions révisionnistes du IIIe Reich. La France est obligée de subir les événements et d’accepter des situations peu satisfaisantes, de pratiquer la politique du moindre mal. La peur de l’Anschluß détermine ainsi le comportement des gouvernements français à l’égard du régime autoritaire d’Engelbert Dollfuß de 1932 à 1934. Malgré leurs réserves expresses formulées à plusieurs reprises, ils se croient obligés de soutenir le chancelier autrichien parce qu’il représente justement le moindre mal par rapport à l’Anschluß. Autre signe de la faiblesse française : lors du putsch national-socialiste du 25 juillet 1934 qui aboutit à l’assassinat de Dollfuß, c’est l’Italie fasciste qui dispense la France d’une action vigoureuse en faisant une démonstration militaire à la frontière du Brenner. Soutenue par Mussolini, l’Autriche reste provisoirement indépendante17 .
12À partir de 1936, le rapprochement germano-italien, aboutissant à l’axe Rome-Berlin, remet en question l’indépendance fragile de l’état autrichien. Le chancelier Schuschnigg se voit contraint de conclure avec le Reich l’accord du 11 juillet 1936 qui affaiblit considérablement la position de son pays par rapport à la menace de l’Anschluß. L’Autriche se proclame « second Etat allemand » et le chancelier autrichien légalise en quelque sorte le mouvement national-socialiste autrichien. En contrepartie, le Reich consent à respecter la souveraineté autrichienne. Dorénavant, la propagande pro-allemande ne sera plus freinée dans le pays danubien18. En 1937, le gouvernement de Vienne a acquis la certitude qu’aucune des puissances européennes ne fera la guerre pour défendre l’indépendance autrichienne. Ni les puissances démocratiques, la France et l’Angleterre, ni l’Italie fasciste, protecteur officiel de l’Autriche, sont disposées à s’engager à fond pour la République danubienne. Les propos du comte Ciano, ministre italien des Affaires étrangères, illustrent bien l’attitude de l’Italie fasciste. En novembre 1937, il assigne à l’ambassadeur italien à Vienne le rôle « d’un médecin qui administre de l’oxygène à un moribond, sans que l’héritier s’en aperçoive. Mais, dans le doute, l’héritier nous intéresse plus que le moribond »19. Tel est l’état de la question autrichienne au moment où nous examinons les commentaires de l’Humanité.
L’Humanité et la réalisation de l’Anschluß (janvier à mars 1938)
13Pendant les mois de janvier à mars 1938, le quotidien communiste suit très attentivement la politique internationale. La politique de sécurité, la défense de la paix et la lutte des démocraties contre le fascisme international sont les leitmotivs de ces commentaires qui figurent en bonne place à la première et à la troisième page du journal. Parmi les nouvelles internationales, la guerre d’Espagne occupe la première place. Rares sont les numéros qui ne contiennent pas de reportage sur cette guerre civile et un appel à la solidarité avec les forces républicaines. On suit également très activement l’évolution de la situation intérieure des états démocratiques et fascistes. Ainsi, le débat anglais entre défenseurs d’une ligne énergique face au pays fascistes et les protagonistes de l’apaisement trouve un écho à la première page. L’actualité sur l’URSS reste dominée par des reportages sur les procès de Moscou. Dans ses commentaires, Marcel Cachin défend avec vigueur la justice soviétique. On trouve plus rarement des articles sur la guerre que mène le Japon en Chine. Dans sa quête d’alliés contre la menace fasciste, l’Humanité met ses espoirs dans le président américain Roosevelt qui multiplie les gestes rhétoriques contre le Japon, l’Allemagne et l’Italie. L’évolution intérieure du IIIe Reich est passée au crible avec le souci évident de trouver une faille dans l’armure de l’agresseur potentiel. Face à cette priorité de l’actualité internationale, la situation intérieure de la France passe au deuxième plan. Certes, les références aux grèves et aux luttes sociales ne manquent pas, mais à l’époque étudiée on paraît mesurer davantage la valeur du gouvernement à son attitude sur la scène internationale qu’à son comportement dans la réalité économique et sociale française.
14Une comparaison avec d’autres journaux de l’époque montre que les articles de l’Humanité sur la politique étrangère sont d’excellente qualité à la fois pour leur contenu et la rigueur de leur argumentation20. Ils atteignent et dépassent parfois les articles du Temps, pourtant très bien informé sur les relations internationales. Les analyses de l’Humanité ne se servent pas d’une terminologie marxiste, peu accessible au lecteur moyen. Leur auteur met un soin particulier à trouver des formules qui permettent de créer un large consensus entre les forces antifascistes, dépassant ainsi le cadre des lecteurs communistes.
15La quasi-totalité des articles est signée par Gabriel Péri, porte-parole officiel du Parti pour la politique étrangère à la fois à la Chambre et dans les colonnes du Journal. Né le 9 février 1902, à Toulon, le jeune lycéen, issu d’un milieu aisé, s’est engagé pendant la première guerre dans les Jeunesses socialistes. Au congrès de Tours, Péri passe au parti communiste. Après avoir d’abord milité à Marseille, il remonte à Paris en 1922 où il devient permanent du Parti. Son engagement antimilitariste le mène en prison à plusieurs reprises. À partir de 1924, ce militant ardent et journaliste brillant est chargé de la rubrique internationale à l’Humanité. Depuis 1932, il représente Argenteuil à la Chambre. Le commentateur de l’Humanité s’engage alors à fond dans le combat contre le fascisme, et la lutte qu’il mène pour l’indépendance autrichienne sera à la mesure de son engagement et de son talent21.
Les étapes de l’Anschluß
16Dès son premier numéro de l’année 1938, l’Humanité dresse un tableau tout à fait pessimiste de la situation internationale, caractérisée par les progrès des régimes totalitaires. Plus que jamais une solution s’impose: l’alliance des grandes démocraties occidentales avec l’Union soviétique22. Toutefois, si ce message reste le leitmotiv de l’organe central du parti communiste, ses rédacteurs sont obligés de constater chaque jour, qu’il s’agit là d’un voeu pieux. Les alliés de la France, la Pologne, la Roumanie et la Yougoslavie, sont loin d’être des démocraties. Au contraire, les régimes autoritaires s’y affirment chaque jour davantage. Comment se comporter à l’égard de ces états philofascistes ? Faut-il les soutenir malgré tout, de peur qu’ils ne se rattachent à l’Axe ? L’Humanité est en faveur d’une attitude énergique et sans ambiguïté. Après la formation du gouvernement autoritaire en Roumanie, Gabriel Péri revient plusieurs fois à la charge. La France a le moyen de rappeler les états autoritaires à l’ordre : leur couper les vivres23. Mais en a-t-elle le courage ? Le gouvernement du Front populaire a bien accordé un prêt de deux milliards de Francs au régime autoritaire polonais24.
17La première référence à l’Autriche apparaît dans un article parlant de la conférence des signataires du protocole de Rome de 1934 : l’Italie, l’Autriche et la Hongrie. À cette occasion, Gabriel Péri mesure la distance qui sépare dorénavant l’attitude de l’Italie en 1938 de celle de 1934.
« ...L’indépendance autrichienne est devenue de plus en plus aléatoire. Cette indépendance n’est plus garantie par l’Italie »25.
18L’Autriche peut-elle échapper à l’annexion par l’Allemagne ? Après l’abandon par Mussolini, une seule possibilité lui reste : faire appel aux forces vives du peuple en rétablissant les libertés démocratiques. Ici, le commentateur de l’Humanité reprend une vieille demande de la gauche française, réitérée depuis l’installation du gouvernement austro-fasciste à Vienne. Mais cette démocratisation, si toutefois elle est encore possible face à un mouvement pro-hitlérien autrichien puissant, pourra-t-elle, à elle seule, sauver le pays ? Gabriel Péri est assez lucide pour admettre qu’il lui faut des garants extérieurs. En Europe centrale, il ne faut pas compter sur les alliées traditionnelles, la Pologne, la Roumanie et la Yougoslavie26. La seule alliée possible reste la Tchécoslovaquie, qui est elle-même menacée par le danger hitlérien.
19Entre-temps, l’Allemagne hitlérienne met en place la machine militaire et diplomatique pour lancer de nouvelles attaques contre les traités de paix. Le 4 février, le Führer relève de leurs fonctions les chefs militaires et prend personnellement le commandement de la Wehrmacht. Le ministre des Affaires étrangères, von Neurath, cède sa place à un national-socialiste convaincu et sans scrupules, Joachim von Ribbentrop. Le commentateur de l’Humanité ne s’y trompe pas, il s’agit-là d’un pas important vers le conflit européen. Le 6 février, le quotidien titre :
« Le Führer devient le maître absolu du nouveau Reich. Les nazis mettent la main sur l’appareil militaire, économique et diplomatique de l’Allemagne. Von Ribbentrop, artisan de l’axe Berlin-Rome-Tokyo, devient ministre des Affaires étrangères »27.
20Le lendemain, la décision de Berlin est de nouveau commentée sous le titre « Sur le chemin de la guerre : une diplomatie cent pour cent nazie ! Une armée dotée d’un commandement unique ! »28.
21Le chancelier allemand ne tardera pas à justifier les craintes de l’opinion française. Une semaine après la réorganisation de l’appareil militaire et diplomatique, il convoque le chancelier autrichien à Berchtesgaden. Contrairement à la prudence de la presse conservatrice française, comme Le Figaro et Le Temps29, l’Humanité commente, dès son numéro du 13 février, ce rendez-vous, sans connaître les détails des conversations. Pour Gabriel Péri, il ne peut s’agir que d’un acte de soumission du chancelier autrichien devant le diktat du Führer30. Le numéro du 16 relate les détails de l’accord de Berchtesgaden. Deux conclusions s’imposent pour Gabriel Péri : l’Autriche a définitivement perdu son indépendance et la sécurité de la France se trouve davantage menacée :
« Le chef nazi autrichien, M. Seyss-Inquart, est depuis hier ministre de l’Intérieur de l’Autriche. On comprendra la portée de l’événement quand on saura qu’avant la rencontre de Berchtesgaden M. Seyss-Inquart, conspirateur national-socialiste, était sous la surveillance de la police spéciale du docteur Schuschnigg. C’est lui qui désormais commandera la police autrichienne... »31.
22Le commentateur communiste peut se référer à la stratégie des nationaux-socialistes bien connue en Allemagne. En prenant en main le ministère de l’Intérieur, Seyss-Inquart n’aura pas de difficulté à noyauter l’ensemble de l’appareil administratif et policier du pays.
23L’Autriche n’est pas la seule cible de l’Allemagne hitlérienne : pour Gabriel Péri, comme pour les autres observateurs de l’Europe centrale32, le Reich risque de détruire tout ce qui reste de la Petite Entente. L’Humanité souligne dans ses numéros du 16 et du 17 février le danger pour la Tchécoslovaquie, qui – contrairement à l’Autriche – est liée à la France par un traité d’assistance mutuelle33.
24Devant cette situation nouvelle mais prévisible, l’Humanité met son espoir dans la résistance du peuple autrichien. Dès le 18 février, Gabriel Péri décèle en Autriche un vaste mouvement d’opposition à la vassalisation du pays, qui comprend toutes les forces du peuple sans distinction d’idéologie :
« Le mouvement de résistance ne s’exprime pas seulement chez les ouvriers socialistes et communistes. Il s’est développé parmi les chrétiens-sociaux jusque dans le corps des fonctionnaires du Front patriotique autrichien. »34
25Au fur et à mesure que les jours passent, le mouvement s’amplifie en Autriche et le chancelier Schuschnigg peut légitimement s’appuyer sur un consensus national lorsqu’il souligne la volonté de son pays de rester indépendant35.
26Face au danger de l’Anschluß, le commentateur fait exactement ce qu’il reproche aux gouvernements du Front populaire : il est prêt à pactiser avec le régime autoritaire de Vienne. L’Humanité, qui fait partie des critiques les plus acerbes de l’austrofascisme, a mis en sourdine ses critiques. Sans aller jusqu’à glorifier le chancelier autrichien, comme le font certains journaux de droite, G. Péri lui atteste qu’il est devenu l’expression de la volonté de liberté des Autrichiens toutes tendances confondues.
27La volonté d’indépendance du peuple autrichien aura bien du mal à s’affirmer face aux menaces allemandes. Le 20 février, devant le Reichstag, Hitler n’a plus recours aux formules diplomatiques. Il s’explique directement et brutalement. L’Humanité résume ce discours de façon laconique :
« Hitler menace d’une grêle de fer et d’acier l’univers non fasciste. Après avoir insulté la Révolution française et calomnié le Front populaire, le chancelier glorifie l’agression japonaise et déclare que l’Allemagne s’opposera au retour de l’ordre républicain en Espagne. Il profère des menaces non déguisées contre la Tchécoslovaquie et exige des colonies pour le troisième Reich. »36
28Deux faits se présentent aux yeux de Gabriel Péri : d’un côté, une indéniable volonté du peuple autrichien de rester indépendant et, de l’autre, les menaces de l’Allemagne national-socialiste. On continue à se poser la question : quelle sera la réaction des grandes démocraties ? Gabriel Péri ne se fait pas d’illusions sur les capacités de réaction de la France et de la Grande-Bretagne. En France, l’Humanité a fraîchement accueilli le deuxième gouvernement Chautemps37, qui reconduit Yvon Delbos aux Affaires étrangères. Pour le journal communiste, ces deux hommes politiques sont beaucoup trop inféodés à la Grande-Bretagne pour qu’ils puissent faire quoi que ce soit sans l’accord de Londres. La première réaction des deux puissances est d’ailleurs extrêmement faible. Les gouvernements de Paris et de Londres chargent leurs ambassadeurs de « s’informer » sur les intentions du Reich, attitude qualifiée de dérision par le commentateur de l’Humanité38. La timidité de la réaction anglaise, prévisible après les contacts préalables entre Berlin et Londres, a de quoi désespérer l’antifasciste Péri. Anthony Eden, qui, pourtant, ne figure pas parmi les amis particuliers du troisième Reich, déclare que l’Angleterre n’envisage pas de prendre elle-même une initiative face à la situation en Autriche, mais qu’elle est prête à seconder une initiative française.
29Envers et contre tous, l’Humanité appelle de nouveau à la solidarité entre les démocraties après le discours de Hitler au Reichstag :
« Dans son discours devant le Reichstag, Hitler a glorifié l’agression italo-allemande contre l’Espagne, l’invasion de la Chine par le Japon et proféré des menaces directes contre la Tchécoslovaquie.
La diplomatie franco-britannique – nous voulons dire, la diplomatie française à la remorque de la diplomatie britannique – a cru que la meilleure tactique était de faire semblant d’ignorer le programme allemand...
Hier le Führer a déclaré la guerre à 90% du genre humain. Nous saurons demain si le gouvernement français a compris. Nous saurons s’il opte pour le suicide poltron ou si, conscient de son mandat, il fait appel à ces 90%, s’il sonne le ralliement public des peuples pacifiques défiés par le provocateur de l’opéra Kroll ! » 39
30Hitler a lui-même placé le mouvement national-socialiste dans le cadre d’une « internationale » des régimes totalitaires en formulant une menace globale à l’adresse des démocraties. En guise de réponse, l’Humanité réitère son appel à l’unité d’action, à un Front populaire à l’échelle internationale qui s’opposerait aux fascismes. La question est de savoir comment réaliser ce projet ambitieux. Les démocraties ont-elles les moyens d’agir en même temps sur tous les fronts où la paix est menacée ? G. Péri fournit une réponse originale. Il constate qu’il y a simultanéité entre les actions des pays impérialistes en Europe centrale, en Méditerranée et en Chine. En fait, les états expansionnistes agissent de concert en profitant en même temps d’une conjoncture favorable. Pour contrecarrer ces initiatives, les pays démocratiques n’ont donc pas besoin d’intervenir sur tous les fronts à la fois. Il suffit d’agir à un point précis pour que l’action des agresseurs soit gênée ailleurs40. Il s’agit là d’une théorie intellectuellement satisfaisante qui, peut-être, ne tient pas toujours suffisamment compte des spécificités et de la dynamique propre de chacun des nationalismes concernés.
31Pour le moment, les puissances démocratiques ne sont visiblement pas prêtes à intervenir en faveur de l’Autriche. Bien au contraire, le cabinet britannique mise plus que jamais sur la politique d’apaisement. Le titulaire du Foreign Office, Anthony Eden, pourtant dénoncé par l’Humanité comme un conservateur faible, démissionne en accusant la volonté de compromis de Neville Chamberlain. Avec l’appui de son nouveau ministre des Affaires étrangères, Lord Halifax, Chamberlain compte renouer les contacts avec l’Italie mussolinienne isolée après l’annexion de l’éthiopie. Ce changement ne présage rien de bon, et le commentaire de Gabriel Péri sur l’avenir des relations franco-britanniques est extrêmement pessimiste :
« ... Parlons franc, les relations franco-britanniques se poursuivent dans la nuit. Car, en Europe danubienne, nous ne sommes qu’au début de l’offensive. Dans une interview à la presse américaine, M. von Papen a déclaré que l’accord austro-allemand n’était qu’un premier pas vers la constitution d’un Commonwealth des nations de l’Europe centrale sous la direction de l’Allemagne. L’offensive contre la Tchécoslovaquie est conduite au pas de charge. Sans doute, M. Delbos a-t-il eu raison de dire hier que la France demeurait fidèle au pacte franco-soviétique et au pacte franco-tchécoslovaque. ...ce n’est pas aux paroles des ministres qu’il faut se référer, c’est aux actes. » 41
32L’Humanité a beau souligner le tollé de désapprobation que Neville Chamberlain provoque lorsqu’il présente sa politique à la Chambre des Communes, mais Winston Churchill et Lloyd George, les principaux attaquants, ne représentent qu’une minorité des députés britanniques. Le Premier britannique obtient une majorité très nette pour sa politique au Parlement anglais. En affirmant que la politique de Neville Chamberlain n’est pas celle du peuple britannique, ni celle du peuple français, le commentateur de l’Humanité en appelle à la volonté populaire qui pourtant ne s’exprime pas – pour l’instant – dans les actions des élus britanniques42.
33La France peut-elle et veut-elle s’opposer à la politique d’abandon britannique ? Force est de constater que le refus de la politique d’apaisement est loin d’être unanime en France. En fait, un groupe de pression influent dirigé par Pierre-Etienne Flandin, Pierre Laval, Fernand de Brinon et Georges Bonnet défend une politique de rapprochement avec le Reich, comparable à celle qu’entend pratiquer le Premier britannique. Sans pouvoir imposer de façon définitive son point de vue au gouvernement français, le groupe a assez d’influence pour freiner l’action gouvernementale. C’est donc tout à fait dans la logique de la politique défendue par l’Humanité que Gabriel Péri s’attaque à ce qu’il appelle la cinquième colonne allemande en France43. Malgré leurs faiblesses, Camille Chautemps et Yvon Delbos n’ont pas la même propension aux compromis avec l’Allemagne hitlérienne que le gouvernement britannique. Quel peut être le comportement de la France pour ramener l’alliée sur le bon chemin ? Pour G. Péri le gouvernement français s’oppose énergiquement aux initiatives britanniques, car :
« la force de l’opposition d’une part, la résolution avec laquelle la France maintiendra son attitude d’autre part, constitueront autant d’obstacles sur la voie des marchandages avec Hitler et Mussolini. Cette politique ne cède ni à la mauvaise humeur, ni au sentiment. C’est la seule raisonnable et la seule prudente. Elle réserve l’avenir et permet le prompt redressement international auquel l’Angleterre conservatrice vient de porter un rude coup. La parole est à MM. Yvon Delbos et Camille Chautemps. »44
34Le grand débat à la Chambre, les 25 et 26 février 1938, semble fournir des éléments de réponse aux propositions de l’Humanité. En tant que député, le commentateur du quotidien intervient personnellement dans le débat pour exposer le point de vue du parti communiste. Camille Chautemps et Yvon Delbos défendent, au nom de la France, la S.D.N., la sécurité collective et le respect des traités. Une écrasante majorité de 439 députés contre 2 vote la confiance. Pour la première fois depuis des semaines l’Humanité manifeste sa satisfaction :
« Remarquons dès aujourd’hui que la politique de repliement et de capitulation a fait à la Chambre peu d’adeptes »45.
35Toutefois, la question se pose de savoir si cette unanimité de la Chambre en faveur du statu quo aura des lendemains. G. Péri espère que « le barrage dressé contre la politique de Pierre-Etienne Flandin » va être un signal de redressement. Dans son bilan du 28 février, l’Humanité commente encore une fois favorablement le bilan positif de la séance de la Chambre en mettant l’accent sur la déception des Allemands et des Italiens :
« Berlin et Rome ne sont pas satisfaits du résultat des débats du Parlement français. C’est bon signe...
Le fait est que l’avocat de la politique la plus susceptible de servir les thèses allemandes et les thèses italiennes a été battu. La France ne démissionne pas. La France reste fidèle au pacte franco-soviétique et au pacte franco-tchécoslovaque. Tel est le sens de la conclusion que la Chambre des Députés a tirée du débat. Et il est assez normal que cette conclusion ne satisfasse point les trouble-paix. » 46
36En dehors des reportages sur la guerre civile espagnole, trois sujets d’actualité internationale apparaissent à plusieurs reprises à la une de l’Humanité fin février, début mars 1938: les procès de Moscou47, la menace hitlérienne et son écho à l’étranger, et l’affaire autrichienne. Bien qu’elle n’ait pas de rapport direct avec le sujet qui nous intéresse, la présentation spectaculaire des procès de Moscou a indéniablement discrédité l’Humanité auprès d’une partie de la gauche non-communiste et contribué ainsi à limiter l’influence des articles de G. Péri sur les questions de sécurité.
37En Autriche, le mouvement d’opposition contre la domination allemande prend de plus en plus d’ampleur au cours des deux dernières semaines avant l’Anschluß. En commentant les accords de Berchtesgaden, le chancelier Schuschnigg défend énergiquement l’indépendance autrichienne lors d’un discours du 24 février 1938. Il signale ainsi à la France, où le débat de la Chambre va débuter le lendemain, que son pays est prêt à se défendre, à condition que les démocraties européennes veuillent bien venir à son secours. Gabriel Péri fait sienne la cause de l’Autriche pour interpeller l’opinion française :
« Pour la première fois depuis l’ultimatum de Berchtesgaden, le chancelier Schuschnigg a pris hier la parole à Vienne. Son discours démontre à ceux qui seraient tentés d’en douter que le coup de force du 15 février n’a pas résolu le problème autrichien. ... Hier, le chancelier d’Autriche a riposté au chancelier d’Allemagne. M. Hitler, on s’en souvient, avait observé le silence le plus remarquable sur le problème de l’indépendance autrichienne. Il n’avait pas prononcé le mot ‘indépendance’. Ce mot revient plus de dix fois dans le discours du chancelier autrichien48 ... Depuis dix jours, le peuple autrichien résiste... »
38Il faut pour sauver l’Autriche :
« l’union de tous les Autrichiens patriotes pour agir et lutter contre la nazification. Mais aussi les démocraties française et anglaise ont l’urgent devoir de soutenir ce peuple héroïque qui ne veut pas vivre sous le joug de Berlin. En l’aidant à se libérer, on sauvera les autres peuples menacés – et nous-mêmes. »49
39Fidèle à sa conception globale de sécurité, G. Péri reprend ici son sujet favori de la solidarité de toutes les démocraties. Il multiplie les exemples de résistance en Autriche. Le 27 février, le syndicat unique autrichien organise ainsi une campagne de pétitions pour une Autriche libre et indépendante50. Le 10 mars, l’Humanité annonce le plébiscite prévu par Schuschnigg pour le dimanche 1351. Le lendemain, nous apprenons que des bagarres ont eu lieu entre nazis et ouvriers à Vienne et à Innsbruck52. Dans son commentaire du 11 mars, G. Péri analyse le référendum prévu par le chancelier autrichien qu’il accueille comme un acte courageux tout en trouvant le texte choisi par Schuschnigg flou et élastique. Mais la vraie question n’est plus là. Selon les informations disponibles, l’Allemagne s’apprête à pénétrer sur le territoire autrichien. L’Humanité se pose la question :
« Sommes-nous à la veille d’un autre coup d’éclat ? Pour le prévenir, une autre attitude de l’Europe s’impose de toute urgence ».
40Gabriel Péri ne trouve qu’un seul état parmi les démocraties occidentales qui ose parler un langage énergique face à Hitler, la Tchécoslovaquie. Le 3 mars, le président du Conseil Hodja répond aux menaces que Goering a proféré lors d’un meeting à Berlin53. Quelques jours plus tard, c’est le président Benes qui rejette énergiquement toute intervention allemande dans les affaires intérieures de la République tchécoslovaque54. Gabriel Péri qualifie de « réservoir » humain et économique les pays danubiens qui sont d’une importance capitale pour le plan quadriennal du IIIe Reich55. Tandis que les dignitaires allemands multiplient les menaces, la France et l’Angleterre ne réagissent pas. Finalement, le 12 mars, l’Humanité annonce à ses lecteurs le début de l’invasion allemande. À cette occasion, le commentateur fait encore une fois le procès des démocraties occidentales :
« Depuis un mois, les travailleurs d’Autriche organisaient la résistance. Dans les maisons ouvrières, qui portaient la marque des bombardements de 1934, ils criaient leur attachement à l’indépendance et à la liberté ... Et chacun de leurs cris était un appel ! Un appel à Londres ! Un appel à Paris !
à Londres, le clan germanophile expulsait M. Eden du gouvernement. À Paris, la clique prohitlérienne méditait d’expulser les communistes de la majorité... Hier, cependant, en fin de journée, les ambassadeurs de France et de Grande-Bretagne ont fait une démarche à Berlin. M. François-Poncet, nous dit-on, a déclaré que l’action de force contre une puissance européenne pourrait avoir de très graves conséquences...
L’Europe risque de payer de son sang la tragique erreur de ceux qui n’ont pas entendu nos avertissements. Qu’en France on nous donne le signal du redressement qui ne peut plus attendre. On peut et l’on doit sauver les derniers espoirs de paix. Que la France se donne sans tarder un gouvernement décidé à pratiquer une politique extérieure démocratique et française ! »56
41L’appel à l’action ne peut plus changer l’état des choses. Bientôt l’ensemble de l’Autriche est occupé par les troupes allemandes. L’appel pathétique du Parti communiste autrichien aux peuples du monde, reproduit à la page 4 de l’Humanité du 13 mars, reste un document émouvant écrit pour l’Histoire57. L’Humanité du 15 mars relance le débat sur la non-intervention en Espagne sous le titre « Après l’Autriche, l’Espagne ? »58. L’Anschluß est devenu une réalité et on prépare désormais l’avenir. Dans la question autrichienne l’Humanité défend à la fois la sécurité française, la paix européenne et l’indépendance d’un pays. Soucieuse de la constitution d’un front unique contre le fascisme, elle accepte les appuis d’où qu’ils viennent. Les appels de Roosevelt trouvent un écho favorable dans ses colonnes comme les critiques formulées par certains conservateurs anglais contre la politique de l’apaisement. Toutefois, même en épousant le plus étroitement possible l’intérêt national français, qui s’identifie à la lutte antifasciste, le brillant et talentueux commentateur Gabriel Péri n’arrive pas à exercer une influence sur le cours des événements. En France, les antagonismes de la politique intérieure sont trop vifs pour songer à une alliance d’intérêt national allant des communistes jusqu’à la droite modérée. Dans le domaine de la politique extérieure, les gouvernements du Front populaire, conscients du potentiel limité du pays, se sont rapprochés des gouvernements britanniques à un point qu’ils deviennent les otages de la politique d’apaisement. Le pacte d’assistance avec l’Union soviétique reste lettre morte dans un pays où, même à gauche, l’anticommunisme reste bien vivant. Les nouvelles en provenance de l’U.R.S.S. ne contribuent pas à lever cette hypothèque. Dans cette situation, les commentaires lucides et pertinents de Gabriel Péri ne peuvent trouver l’écho qu’ils méritent.
Notes de bas de page
1 Jean Touchard, La gauche en France depuis 1900, Paris, Seuil, 1977.
2 Jacques Fauvet, Histoire du Parti communiste français, 1920-1976, Paris, Fayard, 1977. Cf. également : Ronald Tiersky, Le mouvement communiste en France, 1920 - 1972, Paris, Fayard, 1973.
3 Philippe Robrieux, Histoire intérieure du parti communiste, vol. IV, Biographies, Chronologie, Bibliographie, Paris, Fayard, 1984.
4 Cf. Jean-Baptiste Duroselle, Politique étrangère de la France. La décadence, 1932-1939, Paris, Imprimerie nationale, 1979. Charles Bloch, Die dritte französische Republik, Entwicklung und Kampf einer parlamentarischen Demokratie, Stuttgart, Koehler, 1972. Jacques Chastenet, Histoire de la Troisième République, vol.VI, Déclin de la Troisième 1931-1938, Paris, Hachette, 1962.
5 Félix Kreissler, De la révolution à l’annexion, l’Autriche de 1918 à 1938, Paris, PUF, 1971. Félix Kreissler, La prise de conscience de la nation autrichienne, 1938 - 1945, 1978, Paris, PUF, 1980.
6 Voir à titre d’exemple : Université de Rouen, Centre d’études et de Recherches Autrichiennes, Université de Paris I, Institut Autrichien. Colloque international : Le cinquantenaire de l’Anschluß, 29 février, 1er au 4 mars 1988.
7 Cf. Jacques Fauvet, p. 178 suiv.
8 J.B. Duroselle, op. cit., p. 301 suiv.
9 Ibidem, p. 324 suiv.
10 Bloch, op. cit., p. 460 suiv.
11 Ibidem, p. 466.
12 Duroselle, op. cit., p. 326 suiv.
13 Bloch, op. cit., p. 468.
14 Ibidem, p. 467.
15 Voir du côté autrichien, l’ouvrage de F. Kreissler, De la révolution à l’annexion, p.11 suiv. également A. Schumacher, La politique de sécurité française face à l’Allemagne, Les controverses de l’opinion française entre 1932 et 1935, Francfort/Main, 1978, p.144 suiv.
16 Les comptes rendus du colloque du CERA seront publiés bientôt.
17 F. Kreissler, De la révolution à l’annexion, p. 341 suiv.
18 Ibidem, p. 345.
19 Cité d’après Kreissler, ibidem, p. 365.
20 Voir à ce sujet notre publication: La politique de Sécurité française, op. cit., p. 14 suiv. également notre intervention au colloque du CERA.
21 Au sujet de la biographie de G. Péri voir, Philippe Robrieux, op. cit., p. 445 suiv.
22 L’Humanité, 1er janvier 1938, p. 3. M. Magnien : Assez de capitulations : Union des démocraties. Ibidem, 3 janvier, p. 3, Gabriel Péri : Le coup de force fasciste à Bucarest. Plus un sou au gouvernement pronazi du roi Carol et de M. Goga.
23 Ibidem, 8 janvier, p.3, G. Péri : il faut couper les vivres au gouvernement hitlérien de M. Goga.
24 Bloch, op. cit., p.467.
25 L’Humanité, 10 janvier, G. Péri : Menaces sur l’Autriche et la Yougoslavie. Les entretiens de Budapest.
26 Ibidem, 17 janvier, p. 3, G. Péri : En marge du voyage de M. Stoyadinovitch. (N.B. Les articles sans indication d’auteur sont de Gabriel Péri)
27 Ibidem, 6 février, p. 3, Le Führer devient le maître absolu du nouveau Reich.
28 Ibidem, 7 février, p.1, Sur le chemin de la guerre: une diplomatie cent pour cent nazie! Une armée dotée du commandement unique.
29 Voir notre contribution au colloque du CERA.
30 Ibidem, 13 février, p.3. Triste anniversaire de février 1934. Le chancelier d’Autriche sommé par Hitler à se soumettre au Reich.
31 Ibidem, 16 février, p.3, G. Péri : La nomination de M. Seyss-Inquart. Le Führer devient maître du ministère autrichien de l’Intérieur.
32 Voir notre contribution au colloque du CERA.
33 L’Humanité, 16 février, p.3., G. Péri, loc. cit. Egalement 17 février, p.1. L’indépendance de l’Autriche a vécu et la Tchécoslovaquie s’inscrit en tête des prochaines entreprises hitlériennes. Gabriel Péri demande à interpeller le gouvernement.
34 Ibidem, 18 février, p.3, G. Péri : Le peuple autrichien résiste à la nazification de sa patrie. La France et l’Angleterre devant le coup de force hitlérien.
35 Ibidem, 25 février, p.3, G. Péri : Après avoir signé la capitulation de Berchtesgaden, M. Schuschnigg réplique à Hitler que l’Autriche veut demeurer indépendante.
36 Ibidem, 21 février, p.1. G. Péri : Le discours de l’Opéra Kroll.
37 Ibidem, 19 janvier, p.1, M. Chautemps a constitué un gouvernement qui n’est pas celui que le pays attendait.
38 Ibidem, 18 février, p.3, G. Péri : Le peuple autrichien résiste à la nazification de sa patrie.
39 Ibidem, 21 février, p.3, G. Péri : Dans son discours devant le Reichstag Hitler a glorifié l’agression italo-allemande contre l’Espagne, l’invasion de la Chine par le Japon et proféré des menaces directes contre la Tchécoslovaquie.
40 Ibidem, 19 février, p.3, G. Péri : Après le coup d’éclat du 15 février.
41 Ibidem, 23 février, p.3, Gabriel Péri : Winston Churchill, Greenwood, Lloyd George critiquent âprement la politique d’abandon de M. Chamberlain.
42 Ibidem, 22 février, p. 3, G. Péri : M. Eden fait le procès de la politique de capitulation.
43 Ibidem, p.3.
44 Ibidem, 24 février, p.4, G. Péri : Après la crise anglaise.
45 Ibidem, 27 février, p.1. Le débat sur la politique extérieure a pris fin hier à la Chambre.
46 Ibidem, 28 février, p.3, G. Péri : La politique extérieure de la France. Les débats de la Chambre française ont déçu les espoirs hitlériens.
47 Ibidem, 2 mars,p.1, Pour la défense de la paix. Le bloc des trotskistes et droitiers, agents de Hitler devant la justice de l’U.R.S.S.
Ibidem, 3 mars, p. 1, M. Cachin : Acte d’accusation accablant! Saboteurs de l’économie socialiste et assassins, les inculpés étaient aussi en liaison avec les services d’espionnage hitlériens, japonais et anglais. Ibidem, 5 mars, p.1, M. Cachin : Trotski: la guerre.
48 Ibidem, 25 février, p. 3, G. Péri : Après avoir signé la capitulation de Berchtesgaden, M. Schuschnigg réplique à Hitler que l’Autriche veut rester indépendante.
49 Ibidem, 26 février, p. 3. G. Péri : Après le discours de Schuschnigg. Front populaire en Autriche pour résister à Hitler.
50 Ibidem, 28 février, p. 3. Un plébiscite du syndicat unique. Pour une Autriche libre et indépendante.
51 Ibidem, 10 mars, p. 3, Un plébiscite en Autriche dimanche prochain.
52 Ibidem, 11 mars, p. 1. En Autriche. Les nazis provoquent des bagarres à Vienne et à Innsbruck.
53 Ibidem, 2 mars, p. 1. à Berlin, Goering a prononcé un discours d’une violence inouïe, annonçant que l’aviation allemande était prête à semer la mort.
54 Ibidem, 3 mars, p. 3, G. Péri : La crise européenne, l’Autriche, la Tchécoslovaquie et le discours de Goering.
55 Ibidem, 7 mars, p. 3, G. Péri : Menaces sur l’Europe danubienne.
56 Ibidem, 12 mars, p. 1. G. Péri : Le fascisme allume la guerre en Europe centrale. Agression hitlérienne contre l’Autriche... Trois ultimatums de l’Allemagne nazie imposent à l’Etat fédéral la renonciation au plébiscite, la démission de Schuschnigg, la désignation de M. Seyss-Inquart comme chancelier.
57 Ibidem, 13 mars, p. 4, Après le coup de force de vendredi. Rassemblement contre Hitler ! Un appel du Parti communiste autrichien aux peuples du monde.
58 Ibidem, 15 mars, p. 1, Après l’Autriche, l’Espagne ?
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