1Malgré les controverses et les accusations mutuelles qui identifient et distinguent les deux interprétations de l’AOC, ces deux régimes marchands cohabitent et surtout échangent des buveurs, de la compétence professionnelle et du prestige. Les vins les plus réputés au sein d’une AOC confirment leur bien-fondé comme ensemble de produits de qualité ; l’intérêt pour le savoir-faire irrigue l’ensemble des producteurs de l’appellation. En retour, ce sont les clients des vins d’AOC qui, en s’intéressant de façon de plus en plus approfondie aux différentes AOC et à leurs qualités, deviennent des amateurs de grands crus.

2Mais cet équilibre appartient peut-être au passé.

3Les controverses se sont envenimées, car le cadre qui réunissait les deux stratégies marchandes est en passe d’exploser. Les nouveaux vignerons de terroir s’agacent de voir même leurs vins de table conforter des AOC qui les rejettent et qui ne défendent plus leur supériorité qualitative. Leur détermination pour redonner aux AOC le terroir qu’elles ont perdu ressemble de plus en plus à une mise en cause frontale de leur fonctionnement actuel.

4Le terroir n’est plus au cœur de la notion d’AOC. Ses défenseurs préconisent une alternative : soit modifier les décrets pour que les AOC redeviennent les gardiens du terroir et procéder à une nouvelle différenciation des vins de terroir, soit les supprimer. Quoique fréquemment dénoncé pour sa passivité et son inaction, l’INAO n’assiste pas sans rien faire à cette mise en cause des AOC. Chargé de leur administration et de veiller à ce que cette mesure réglementaire porte bien les fruits que l’on attend d’elle, cet institut mène de nombreuses études pour en surveiller les usages et les succès. Les crises qui se succèdent sur le marché viticole ne laissent pas de l’interroger sur les différentes façons d’assurer aux AOC le meilleur fonctionnement possible.

LES AOC EN PANNE ?

5Alors qu’ils ne sont pas interrogés à ce sujet, 65 % des 115 viticulteurs de notre échantillon parlent spontanément de la crise parce qu’elle les concerne ou qu’ils y échappent. Ils témoignent du sentiment d’une crise forte, qui affecte l’ensemble des secteurs de la viticulture française par une mévente et une importante baisse des prix. « Il y a 80 % des vins d’AOC, y compris des très bons, qui sont à moins de 5 euros dans la région. » (Encadrement technique1, PdL, SBl : 16). Les AOC ne semblent plus assurer cette prime à la vente comme elles le faisaient jusque-là. Des producteurs déclassent eux-mêmes leurs productions pour vendre leurs vins en vins de cépage ou de pays. La supériorité de la qualité de terroir ne serait-elle plus reconnue ?

6Pour certains membres des pouvoirs publics, la « rente » de l’AOC s’érode. La supériorité conférée par la délimitation des terroirs et le contrôle des conditions de production (le cépage, le rendement et la vinification) s’émousse. Les AOC défendaient contre les copies qui mangeaient des parts de marché mais, aujourd’hui, les vins de la concurrence n’ont plus besoin de copier et font de plus en plus jeu égal avec elles.

7Est-ce une anomalie de marché dont les producteurs français ont profité, qui s’est usée et à laquelle il faut par conséquent renoncer ou bien, au contraire, est-ce dû à la mauvaise gestion de l’instrument de différenciation qualitative que sont les AOC ?

Les producteurs et les contrôles hors de cause

8Alors qu’elles déclassent de bons vins de terroir, les procédures de contrôle sont accusées par les producteurs, mais aussi par une bonne partie de la distribution et de la critique vinicole, d’avoir baissé la garde et de laisser passer des vins de qualité indigne.

9L’INAO conteste cette réputation de laxisme et affiche au contraire 15 à 20 % de vins recalés au premier tour. Cependant, la dégustation d’agrément n’est pas là pour punir, mais pour assurer la conformité qualitative. Les vins rejetés doivent simplement être retravaillés avant de repasser l’agrément.

10Des producteurs parviendraient-ils néanmoins à contourner les procédures de garantie des AOC et à en abaisser ainsi le niveau qualitatif ? Certains contournements des contraintes de rendement sont bien connus. Ils ont abouti en 2002 à l’exclusion des vignes en friche, qui venaient compenser les rendements très excessifs de certaines parcelles. Ces mesures ont entraîné de forts déclassements suivis d’une diminution importante du nombre des parcelles trop productives. L’INAO poursuit ses efforts et lance en 2005 une enquête de terrain sur le contrôle des conditions de production, pour vérifier si les moyens de production requis par l’appellation sont ou non suivis dans les faits. Le respect des rendements fait l’objet d’une attention toute particulière. Les résultats sont encourageants pour l’INAO : les règles de production sont très généralement respectées puisque seulement 2 % de l’échantillon contrôlé fait l’objet d’un déclassement de parcelle :

« Le contrôle des conditions de production a pour but d’améliorer la qualité et de mieux lutter contre certaines pratiques frauduleuses, comme le sur-rendement vendu “au noir” et les “vignes-éponges” (des vignes produisant peu mais conservées pour permettre des rendements intensifs sur une autre parcelle). En cas de mauvais état cultural ou de non-respect des conditions de production, notamment le dépassement du rendement maximum, l’INAO notifie au viticulteur que sa parcelle en l’état ne peut être prise en compte dans la déclaration de récolte pour l’AOC désirée. En 2003, selon l’INAO, près de 23 000 ha ont été contrôlés, soit 4,74 % du vignoble d’appellation. Des avertissements ont été dressés pour 1 286 ha (soit 5,6 %). La notification de non-prise en compte dans la déclaration de récolte, autrement dit le déclassement, a concerné 461 ha, soit 2 % du vignoble contrôlé. En 2004, 37 000 ha environ ont été contrôlés, soit 7,8 % du vignoble. 2 571 ha (6,9 %) ont fait l’objet d’avertissements et 729 ha (soit 1,97 %) ont été déclassés. » (Terre-net, 2005)

11Que ce soit en Languedoc-Roussillon ou en val-de-Loire, les responsables de syndicats qui ont mené cette enquête confirment l’absence de problèmes sur les conditions de production tellement décriées par les nouveaux producteurs de terroir, même si, bien entendu, « il est toujours possible de faire mieux ». Ce constat trouble, car non seulement les vignerons respectent les règles, mais d’une façon plus générale, ils suivent aussi les recommandations qui peuvent leur être faites pour améliorer la commercialisation de leurs produits.

12Si les AOC continuent de garantir un niveau de qualité identique, voire supérieur, c’est donc bien sûr la notion même de terroir que les AOC semblent rencontrer plus de difficultés à être reconnues sur les marchés. Le problème serait lié au signe d’AOC lui-même, et non à un problème de qualité en général ou à une difficulté à garantir la crédibilité.

Des agitateurs du terroir

13Pour un bon nombre de représentants de l’INAO, il arrive que les producteurs qui vinifient en dehors des règles habituelles aboutissent simplement à de mauvais vins ou qu’ils ratent des cuvées. S’ils parviennent à les vendre, cher de surcroît, c’est parce qu’ils sont de bons commerciaux ; ils savent faire l’article ou profitent de la situation de confusion qu’ils créent. Les vignerons qui veulent revoir la notion de qualité de terroir ne sont pas reconnus comme produisant des vins de qualité très supérieure. Quelques vignerons réputés font exception. Ce sont des cas isolés : il ne s’agit que de quelques cuvées qui ne remettent pas en cause les grandes hiérarchies entre les catégories des vins. S’ils se font rejeter aux jurys d’agrément, ce n’est pas parce que leurs vins sont mauvais, mais parce qu’ils ne sont pas représentatifs de la typicité requise et amènent vers des produits en général éloignés de la demande.

14Les appellations sont des propriétés collectives qui ne peuvent pas se plier aux agitations de quelques individus, fussent-elles salutaires. Les défenseurs du terroir ne sont pas toujours vus comme des partenaires au sein d’un collectif que tous doivent contribuer à pérenniser, mais bien souvent comme des individualistes qui misent plus sur une stratégie de marque que sur la mise en valeur collective du terroir.

15Pour l’INAO, il appartient, aux collectifs de vignerons de décider des mesures à prendre.

S’agit-il d’un problème de qualité, ou de typicité ?

16En même temps que la production se voit au moins partiellement lavée du soupçon de dérive qualitative, les employés de l’INAO, gardiens des AOC, font part de leurs doutes à propos de la qualité supérieure de celles-ci.

En finir avec une illusion de qualité ?

« La mise en œuvre énergique d’un plan d’adaptation stratégique aurait dû permettre à la filière de progresser, en particulier sur les domaines suivants : le pilotage des orientations de la production par les marchés et le renforcement de la cohésion sectorielle. » (ONIVINS, 2003 : 21)

17Des crises répétitives frappent les vins de table. Un diagnostic des causes est répété depuis la fin des années 1990 : la production viticole française n’est pas adaptée au marché. Ce diagnostic semble glisser des vins de table aux AOC. Dans son rapport remis en 2001, M. Berthomeau se plaint de ce que les recommandations de l’étude commandée par l’ONIVINS1 n’aient pas été suivies d’effet : « il faut développer les marques de vin, pour les marchés d’exportation notamment, qui permettent de faciliter le processus d’achat de consommateurs non-connaisseurs… » :

« Il semble qu’il est un peu tard pour s’inquiéter de nos revers sur le marché anglais, revers dus essentiellement à l’inadaptation d’une partie de notre offre face à une demande plus spécifique de nouveaux consommateurs ; inadaptation due, non pas seulement à la complexité de notre offre, mais à l’absence de marques jouant le rôle de fil rouge, de guide rassurant pour capter puis guider ces nouveaux venus […] sous le prétexte, justifié, que les Français étaient peu sensibles aux marques dans le domaine des vins d’AOC, beaucoup d’entreprises françaises ont répugné à marqueter leurs vins. Aujourd’hui tout le monde salue le génie de Philippe de Rothschild pour son Mouton Cadet, mais il fut un temps pas si lointain où, sur la place de Bordeaux, certains se gaussaient de cette initiative… » (Berthomeau, 2001 : 2)

18On ne peut vendre si l’on n’est pas en phase avec la demande. C’est le cas des AOC, c’est pourquoi, selon cet auteur, la production est en crise. Ce diagnostic est appuyé par la grande distribution qui souhaiterait avoir les mains plus libres pour développer un secteur de production plus ajusté au marché international, c’est-à-dire plus flexible dans sa définition de la qualité et donc plus réactif.

19Pour l’INAO, l’organisation du marché des AOC n’est effectivement pas ajustée à la demande puisqu’elle privilégie l’opération inverse, celle de défendre une qualité de terroir validée par des experts. Les AOC n’ont d’ailleurs jamais prétendu garantir que le vin d’AOC allait plaire au consommateur. La perception de cette qualité nécessite souvent un apprentissage de la part des consommateurs.

« Le Président Pinchon a eu le malheur de dire, il y a plus de 10 ans devant un journaliste, que l’AOC n’était pas une garantie de qualité. Ce qu’il voulait dire, c’est que ce n’était pas de la qualité supérieure2 et que l’AOC c’était avant tout une démarche de terroir et ne garantissait pas une qualité sans que le consommateur fasse un effort de mieux connaître de quoi il s’agissait, c’est un produit culturel et pas un produit…. » (Certification AOC3, Paris/PdL, GT : 16)

20De l’idée que la qualité doive être apprise, un glissement semble s’opérer vers un autre argument : le goût n’est qu’un signe, la qualité est toujours une prétention arbitraire. Certains affirment, sociologie du goût à l’appui, que la perception de la qualité du vin est un processus social, un ensemble de codes appris qui conduisent les uns ou les autres à préférer les bordeaux aux vins du Midi, les grands crus aux simples AOC ou aux vins de table. La dégustation est même assimilée parfois à un examen de différenciation sociale au cours duquel le goûteur fait état de sa connaissance des codes qui permettent de juger de son appartenance sociale.

« Nos consommateurs pour l’instant subissent le vin. Ils doivent obéir aux codes pour rentrer dans le saint des saints sous peine d’être rejetés dans les ténèbres extérieures. » (Propos attribués à J. Berthomeau “auteur d’un rapport sur l’avenir de la filière et initiateur du groupe de réflexion Cap 2010”, Réussir vigne, du vignoble au chai, dossier « faire du vin pour le vendre » N97 mai 2004, p. 18)3

21Or, cette construction sociale du goût rétrécit la demande en réservant le vin à une élite. Pour élargir la demande, il faut rompre avec cette codification sociale de la consommation, et en finir avec les AOC et leur prétendue qualité supérieure, qui n’est qu’une construction sociale arbitraire. Les AOC ne distinguent pas une qualité supérieure, mais seulement différente. D’ailleurs il faut bien reconnaître que la différence n’est pas si grande entre la qualité de la production française et le reste de la production internationale. Il y a des vins technologiques qui sont très bien faits. La plus-value, d’ailleurs en baisse, donnée à l’origine des vins se justifie-t-elle vraiment sur les marchés ?

22Une fois la typicité débarrassée de ses illusions de supériorité apparaissent des problèmes de marketing, avec une question soulevée depuis longtemps : celle de la complexité du système des AOC pour les consommateurs, de l’inadaptation de la typicité des AOC à la demande, et plus généralement du manque de compétences commerciales et marketing chez les producteurs.

23Les vignerons qui pensent tirer un meilleur parti d’une adaptation aux goûts de la demande que d’une appellation sans notoriété voient cette association entre typicité et supériorité comme un handicap. Ils ont du mal à la faire valoir à la fois auprès des consommateurs – parce qu’elle est souvent différente des canons les plus partagés du bon goût (fruit, concentration et puissance de goût) – et auprès de la critique qui ne salue que les efforts au-delà de la norme d’AOC. Certains responsables de syndicats sentent leurs AOC poussées vers cette issue par les producteurs. Quelques-uns commencent à remettre en cause la qualité supérieure prétendue de l’AOC :

« Le syndicat a en charge son appellation et les conditions de production qui ont un lien direct avec l’originalité du produit, ce qu’on peut garantir au consommateur. Garantir l’origine, l’endroit, la délimitation, l’encépagement, les rendements, les degrés minimums, etc. Tout ce qu’on a codifié depuis 70 ans que les appellations existent, comme étant les conditions sine qua non pour que le vin tienne sa promesse. Sachant que la promesse qu’il a à tenir aujourd’hui, ça n’est que ça. Il n’y a pas de promesse supplémentaire derrière le nom de l’appellation. » (Syndicat AOC7, PdL, SBl : 1)

La fin de la plus-value des AOC ?

24Cet abandon du caractère supérieur de la qualité des AOC par les employés de l’INAO ou les présidents de syndicats d’AOC est relevé par des journalistes qui s’en étonnent.

« Alors l’INAO dit toujours, “ l’AOC n’est pas une garantie de qualité ”. Une garantie d’origine, cela vient de tel ou tel terroir, d’accord. Mais c’est une nuance. Alors pour moi, c’est mettre la tête dans le sable. Pour le consommateur, c’est une garantie de qualité [supérieure] ! » (Journaliste éco. vin, Paris, GT : 11-12)

25Tous les vignerons veulent une révision des décrets d’AOC, mais le désaccord est total entre les vins authentiques qui veulent un durcissement des conditions de production pour réaffirmer le rôle du terroir et renforcer leur prétention qualitative, et ceux qui veulent au contraire leur assouplissement pour pouvoir lutter à armes égales contre la concurrence. L’INAO semble tiraillé entre les deux forces opposées :

« N’ayons pas peur de dire qu’on paye un certain laxisme. La moitié des excédents est sur Bordeaux. Quand on voit une partie du vignoble bordelais, c’est une honte. En général on compte qu’un vignoble doit être à 4000 souches à l’hectare minimum. Vous montez à 10 000 en champagne, dans certains coins. Et à Bordeaux vous avez des vignes à 2 000 souches à l’hectare avec des rendements importants. Ça ne peut faire que des vins médiocres. La qualité c’est un rendement par rapport à une souche et par rapport à un système foliaire. Il y a eu des dérives que l’INAO n’a pas su gérer, c’est clair. » (Syndicat AOC3, LR, SBl : 3)

26Jusque-là, l’indication d’origine a constitué un rempart efficace contre l’effondrement de la qualité et a octroyé un meilleur rapport de forces entre le négoce et la production (ONIVINS, 2003 : 35). Mais ce ne serait peut-être plus le cas aujourd’hui. La situation inquiète, car si les AOC disparaissent, la production peut devenir le jouet du négoce, livrée à une compétition par les prix, ce qui pourrait provoquer un écroulement de la qualité. C’est aussi l’avenir de régions pauvres qui se joue là, car la vigne est une des rares ressources des terres agricoles pauvres.

S’adapter aux exigences de marché sans perdre l’âme du terroir

27Fin 2003, M. Renou, président de l’INAO, propose une autre solution : il suggère, en accord avec les producteurs de vins de terroir « authentiques », d’ajouter une nouvelle classe de vins, non plus vers le bas, comme pour les Vins de Pays, les vins Délimités de Qualité Supérieure qui pavent le continuum vers les vins de table, mais cette fois-ci, vers le haut : des Appellations d’Exception. La mesure est destinée à signaler, au sein des AOC, les productions dont la qualité se situe loin au-delà du commun des vins d’appellation. Elle comprend un renforcement des contraintes sur les pratiques viticoles très liées à la protection des terroirs. Son initiative est appuyée par tous les partisans d’un renouveau qualitatif au sein des AOC, l’association SEVE, les critiques qui se plaignent de la perte de qualité de l’ensemble de la production, les cavistes qui vendent ces vins et le syndicat de la confédération paysanne qui s’oppose à la réforme en cours de l’OMC4 viticole et milite pour une affirmation de la qualité face à la globalisation de la concurrence qui réduit les marchés à un jeu sur les prix.

28Mais le projet est stoppé net : il est impossible de trouver des critères qui permettent de différencier les vins issus des deux usages de la norme d’AOC. Il existe une foule de critères et d’éléments pour différencier les extrêmes, mais plus aucun pour les vins de l’entre-deux. Quant à la garantie de moyens et aux pratiques, les vignerons de terroir sont trop divisés à leur sujet. Enfin, cette différenciation à l’intérieur des AOC qui officialise la différence entre les vins d’AOC dits génériques ou standards et les vins de qualité supérieure est rejetée par la majorité des producteurs, y compris les producteurs de vins de pays qui voient arriver là une marche supplémentaire entre les vins de qualité et les leurs.

29À l’INAO et dans ses structures locales, on s’interroge. Comment concilier ou aménager ces deux interprétations de l’AOC qui se nuisent mutuellement et semblent concourir chacune de son côté à l’effondrement des AOC, que ce soit par l’abandon du terroir et de sa garantie de qualité supérieure ou par le déclassement en vins de table de la production d’excellents vignerons ?

30Même si la supériorité de la qualité des AOC est mise au placard, tout le monde à l’INAO n’est pas prêt à balayer du coude le fondement des AOC et la définition de la qualité par les professionnels. L’INAO, en tant qu’institut chargé de la protection de la qualité, a fait l’expérience de la défense de la qualité par les consommateurs, ce qui a souvent abouti à d’ingérables contradictions :

« Les plus compétents pour juger du vin, ce sont les professionnels du vin et ce ne sont pas les consommateurs. On voit bien les gens du label5, quand ils nous rendent compte de ce qu’ils font dans leurs dégustations d’agrément : les dégustations label utilisent des jurys consommateurs et donnent des résultats contre nature. Mon collègue nous faisait part d’un sujet de travail : le miel de Provence est une IGP6, c’est un miel naturel, de lavande, il est cristallisé et il est blanc. Et bien le consommateur n’aime pas les miels trop blancs ni cristallisés. Donc pour avoir le label, il faut être « blanc crème ». Donc les gens adoptent des technologies d’extraction du miel pour avoir le label, sinon, ils ne l’ont pas et cela fait que de vrais miels authentiques de Provence ne peuvent plus porter le nom Miel de Provence. » (Certification AOC3, Paris/PdL, GT : 4-5)

31Mais ce n’est pas parce que le goût de terroir est défini par les professionnels compétents que le vin ne doit pas chercher à mieux répondre aux exigences de la distribution et de l’exportation tout en restant attentif aux contradictions que cette double attention peut générer. En particulier, les producteurs doivent se plier aux exigences de la qualité industrielle et devenir capables de garantir que leur production est conforme à ses engagements. C’est devenu une condition sine qua non sur les marchés à l’export et ceux qui ne s’y prêtent pas sont rejetés. Cependant, il ne s’agit pas non plus d’abandonner la majorité des producteurs des AOC en peine pour une minorité qui s’en sort plutôt mieux que les autres.

32Alors que la consommation intérieure baisse et que la consommation d’alcool semble difficile à promouvoir, l’export et l’adaptation aux nouveaux consommateurs étrangers s’imposent. Mais les buveurs exotiques des nouveaux pays producteurs sont loin d’être au fait des subtilités de la qualité des produits français. « Allez vendre au pays des kangourous, du Minervois… On a vécu dans une bulle ; en ce moment elle est en train de nous péter à la figure. Il faut reconstruire : en Languedoc on est en train de réfléchir à construire une appellation Languedoc… » (Syndicat AOC3, LR, SBl : 4). Plutôt que de poursuivre l’inventaire des mille et un terroirs vinicoles français, il faut réformer les catégories pour simplifier la relation au consommateur. En face de 5 ou 6 noms de cépage internationaux qui structurent le marché mondial, ne pas mettre 470 noms d’appellations, totalement inconnues pour la plupart, mais une poignée de grandes appellations.

La catégorie vins de table peut-elle accueillir des vins de qualité ?

33Le dispositif existe déjà ! Pour accompagner l’amélioration qualitative générale des vins français, des niveaux intermédiaires ont été créés entre les vins de table et les vins de terroir d’AOC : vins Délimités de Qualité Supérieure, vins de Pays, de cépage, de département, de zone. Ils cherchent à faciliter cette entrée progressive en même temps qu’ils amènent vers des vins plus typés et plus chers. Mais là encore, la progression de ces niveaux successifs n’est pas très claire : les catégories se recouvrent trop. Il faut sans doute réinstaller une hiérarchie plus nette qui tienne aussi compte de la nouvelle structuration européenne des produits agroalimentaires en Appellation d’Origine Protégée et en Indication Géographique de Provenance.

« Les enjeux, c’est de mettre en place effectivement d’une part les vins sans indication géographique et les vins avec indication géographique avec deux catégories AOP et IGP. Les vins sans indication géographique, ce sont les vins avec toutes les libertés. En plus ils proposent de pouvoir mettre les vins de cépage : dans la bouteille, il y a 80 % du cépage X, je le mets sur la bouteille. C’est le marché des vins de pays peu territorialisés qui ne se vendent que par leur cépage. À côté, la hiérarchie du lien au territoire, à deux étages. Il faut justifier du lien au territoire ; cela nécessite d’avoir un gros exercice pour dire on est dans la catégorie AO parce que ceci et cela. Et si l’on n’arrive pas bien à le dire, si on dit juste que c’est la notoriété régionale, on est dans la catégorie Ig. » (Certification AOC4, Paris, GT : 7-8)

LES AOC ET L’ENVIRONNEMENT, LE MARIAGE IMPOSSIBLE

34La santé des AOC inquiète à l’INAO ; la question de l’environnement dans les vignes le préoccupe aussi. Elle a d’abord été soulevée par les viticulteurs bio qui ont voulu apposer le logo AB sur leurs bouteilles. L’INAO a une discipline très ferme : aucune autre mention ne doit venir brouiller le message de qualité de terroir porté par les AOC. La « mauvaise » réputation des viticulteurs bio n’en faisait pas un modèle et les meilleurs qui recouraient aux techniques bio ou biodynamistes ne l’affichaient pas. Bio ne convergeait pas avec qualité et les deux avaient finalement peu de raisons d’aller au-delà des obligations de l’information au consommateur : la mention « issue de l’agriculture biologique » suffisait aux acheteurs de bio et les acheteurs de vin pour lesquelles la mention AOC était pertinente ne recherchaient qu’elle. Les producteurs de vins de terroir n’en faisaient pas une revendication qualitative à part.

35Contrairement à une opinion courante, la fin de non-recevoir adressée au bio n’est pas le signe d’une insensibilité de l’INAO envers les questions environnementales. C’est la Champagne, vignoble prestigieux s’il en est, qui s’est vue la première interpellée au sujet de l’environnement.

« La démarche s’est initiée notamment à partir du vignoble de Champagne où, vue l’importance des exportations – mais c’était vrai aussi à Bordeaux me semble-t-il – il y avait de plus en plus d’acheteurs étrangers, de centrales d’achat qui se rendaient sur le terrain, dans les années 1995. Avant la vache folle. C’était avant tout un problème d’image de nos vignobles : l’acheteuse de chez Tesco en particulier avait été horrifiée par l’apparence des vignobles et notamment par l’aspect très poubelle de certains vignobles avec des sacs de traitement qui restaient par terre, avec des toiles plastiques. Elle s’était un peu émue de l’aspect esthétique des vignobles. » (ministère Agriculture4, Paris, GT : 1)

36En ces années 1995-1996, Guy Renvoisé, journaliste viticole, se fait l’écho virulent de ces problèmes d’image et de qualité en publiant dans un livre très critique des photos de vignes croulant sous les déchets urbains (Renvoisé, 1996 : 96).

« On avait un sujet qui touche au terroir et à l’environnement, c’est l’épandage des boues urbaines. Quand on se baladait en Champagne, c’était dégueulasse, des plastiques partout ! La Champagne s’en était émue et elle voulait prendre un arrêté interdisant l’épandage de boues urbaines sur les vignes de Champagne. Le ministère de l’Agriculture s’y est opposé. » (Certification AOC2, Paris, GT : 20)

37Le ministère de l’Agriculture s’opposant à l’interdiction de l’épandage des boues urbaines, des responsables viticoles tentent d’obtenir une certification des boues garantissant leur innocuité pour la culture de la vigne. Ils font adopter le projet de la rédaction d’un cahier des charges par les viticulteurs. Mais l’affaire a fait surgir un problème et l’INAO a décidé de mettre en place une commission pour réfléchir aux questions environnementales dans les AOC, la Commission Terroir et Environnement.

38De nombreuses questions se posent notamment à propos de l’accumulation de métaux ou de produits dangereux dans les vignes :

« Quid de l’arsenic, des excès de zinc, du cuivre dans certaines régions ? Il y a l’érosion des sols, éventuellement les protections des nappes [d’eau]… Il faut qu’on reprenne en compte ça dans nos décrets, et c’est l’orientation qu’a prise la commission d’enquête Terroir et Environnement. » (Certification AOC1, Paris, gT : 4).

39Cette commission reprend le dossier « boues » et élargit la question environnementale aux pratiques viticoles respectueuses des terroirs.

40La question de l’innocuité des boues n’est pas simple. L’accumulation de métaux lourds est-elle néfaste pour les terroirs, pour la vigne ? Ces métaux passent-ils dans le vin ? La production des réponses prend du temps. Or le gouvernement est en train de chercher à mettre en place une réglementation générale de l’épandage des boues. La certification dans les vignobles pourrait ne pas converger et poser alors des problèmes de cohérence de la politique nationale : comment ce qui est vrai pour le vin ne le serait pas pour le reste des productions agricoles et vice-versa ? Les ministres sont alertés, et le travail peut continuer, mais la vigne ne peut faire bande à part du reste de l’agriculture en matière environnementale.

41Les problèmes environnementaux dépassent bientôt l’épandage des boues d’épuration. Celui des produits phytosanitaires a déjà été soulevé par l’agriculture biologique. Mais la qualité bio et celle des AOC ne font pas très bon ménage, et la Commission Terroir et Environnement cherche une autre voie :

« L’INAO avait un peu anticipé le débat général sur l’agriculture raisonnée, faut quand même lui rendre ça, il y a eu des débats sur la prise en compte de l’environnement dans les cahiers des charges dès 1998-99, 2000. Il a dû y avoir un moment de discussions intenses avec, comme souvent dans les comités nationaux, de fortes volontés, c’est-à-dire “on va faire, il n’y a pas de raison, l’AOC ne peut pas être en retard d’un point de vue environnemental”, “il faut mettre le cahier des charges à niveau, etc.”. Donc on va prendre un décret transversal qui rendra obligatoire toute une série de pratiques environnementales dans les AOC. » (Certification AOC1, Paris, GT : 2)

42Les premières initiatives collectives voient le jour dans les appellations. Celle d’Amboise notamment, qui cherche à devenir la première appellation en agriculture raisonnée avec un cahier des charges de la grande distribution, ne reçoit pas le soutien de l’INAO qui pense à une certification propre aux AOC, indépendante de la grande distribution.

Faut-il protéger les terroirs des AOC ?

43Le Code Rural donne la possibilité aux AOC de s’opposer à des politiques urbaines qui aboutiraient à une destruction des terroirs. Existe-t-il une menace « intérieure » des terroirs, produite par l’activité vitivinicole, contre laquelle les syndicats d’AOC seraient alors autorisés à prendre des mesures ? L’INAO lance une consultation générale de ses instances locales qui mobilise plus de 40 % des syndicats d’AOC. L’initiative est appréciée. Les questions environnementales sont portées par FARRE en Languedoc-Roussillon, par APIVAS en Pays-de-Loire.

Le terroir, un acquis garanti par les décrets d’AOC

44Le point est vite tranché pour tous ceux qui considèrent le terroir comme un acquis issu de la délimitation des parcelles. Pour peu que l’on respecte les limitations de rendement grâce aux dispositions prévues par les décrets d’AOC, le terroir ne peut que s’exprimer dans le vin. Il suffit d’éliminer les éventuels canards boiteux, c’est le travail des syndicats d’AOC et des jurys d’agrément, pour que les AOC continuent à tenir leur promesse de qualité originale.

45Les pratiques culturales qui ne sont pas spécifiées dans les décrets d’appellation sont indépendantes de la qualité gustative. L’environnement est une démarche individuelle en sus de l’AOC et les périodes de crise ne portent pas à l’augmentation de contraintes coûteuses comme la préservation de l’environnement.

46Ces positions ont tout le soutien des firmes phytosanitaires qui font valoir plusieurs arguments contre une différenciation environnementale dans les AOC. Les vins des nouveaux pays producteurs sont exempts des maladies européennes ; mettre en valeur l’absence de produits phytosanitaires, c’est donc leur faire une inutile publicité, et c’est bien sûr diminuer la compétitivité des entreprises en leur imposant des coûts de production plus importants. Car le consommateur seulement intéressé par les prix et le goût ne paiera pas la différence. Enfin, la stratégie qui consisterait à vouloir relancer la crédibilité des AOC en y ajoutant une attention à l’environnement apparaît tout à fait malvenue parce qu’elle risque de jeter le discrédit sur l’ensemble de la production.

Vers une protection des terroirs

47Mais cette position dure n’est pas toujours majoritaire dans les structures locales ou nationales de l’INAO. Pour beaucoup aussi, le terroir est menacé par les pratiques mêmes des vignerons qui modifient le milieu naturel de culture et donc leur terroir. Il faut donc non seulement garantir l’expression du terroir par une limitation des rendements, mais aussi le protéger.

« J’ai toujours entendu présenter la conservation des terroirs plutôt comme une approche de développement durable : on a des terroirs uniques qui sont à la base d’un produit unique, si on n’entretient pas ces terroirs ou si on les dégrade… On ne peut pas céder des terroirs pollués à nos petits-enfants, si on veut entretenir les AOC donc faudra bien qu’on ait des critères restrictifs et contrôlés. » (Certification AOC1, Paris, GT : 12)

48L’environnement étant une affaire de patrimoine collectif, la généralisation des pratiques de préservation des terroirs ressort pleinement de la notion d’AOC. Le terroir est inscrit dans un milieu naturel. La garantie de son expression exige de s’intéresser à ce milieu qui l’englobe. La banalité de cette exigence est d’ailleurs attestée par les pratiques des vignerons eux-mêmes, le succès de l’enherbement et l’ensemble de leurs pratiques ordinaires qui intègrent la nécessité de pérenniser les terroirs. Mais – le travail mené par la commission Terroir et environnement l’a montré – ces pratiques ordinaires peuvent être insuffisantes. Le terroir des AOC doit être protégé des excès liés à l’évolution des techniques agricoles.

« Aujourd’hui on a des pouvoirs d’action sur le terroir beaucoup plus importants qu’en 1935. Et nous, ce qu’on s’est dit, c’est que si ces terroirs ont été consacrés en 1935, ou qu’ils sont consacrés en 2005, alors ce terroir doit être en quelque sorte, je vais employer un terme un peu fort, sacralisé : on n’a pas le droit de jouer avec son terroir. » (Certification AOC2, Paris, GT : 1)

49L’évolution technologique oblige à reconsidérer la question de la pérennité des terroirs. Par ailleurs, certains vignerons sont tentés de perfectionner le leur en le protégeant de certains effets climatiques néfastes, avec des bâches, pour éviter la pluie, par exemple. Cette protection peut avoir des effets sur le terroir dans la mesure où elle assèche les sols en plus des raisins. La réponse de la commission est sans appel : on ne peut modifier la pluviométrie qui fait partie intégrante du terroir. Le terroir est le résultat d’un effet d’ensemble de facteurs qui peuvent, pris séparément s’avérer fastes ou regrettables, mais que l’on ne doit pas modifier. L’évolution technique, l’usage des herbicides en particulier, a aussi apporté des modes de conduite de la vigne qui n’existaient pas lors de leur mise en place. Le désherbage systématique est très controversé et le labour est en général plutôt vu comme une pratique qualitative. Mais l’érosion ajoute à la difficulté : si le sol s’en va, le terroir disparaît. Or, le labour rend certaines parcelles en pente souvent reconnues les meilleures, sensibles à l’érosion. Les tournières et bandes enherbées autour des parcelles limitent alors, lorsque la pente reste modérée, le ruissellement et le lessivage des produits de traitement vers les cours d’eau. L’alternative, enherbement-labour, concilie environnement et qualité gustative. Elle introduit ainsi l’interdiction des herbicides dans les pratiques qualitatives.

« La deuxième approche c’est : attention, l’environnement est peut-être aussi un facteur de progrès qualitatif pour le produit. Les techniques culturales qu’on a développées ces 30 dernières années ne sont peut-être pas si bonnes que cela dans une approche qualitative de l’appellation d’origine contrôlée. En les faisant évoluer, il y a un plus qualitatif qu’on peut attendre, surtout dans une démarche d’appellation d’origine contrôlée où l’élément terroir peut être un élément-clé. Nos pratiques ne peuvent pas être anodines par rapport à ce facteur comme en termes d’image. On est en train de développer cela, mais à mon avis on est au tout début. » (Syndicat AOC2, LR, SBl : 1)

50De fil en aiguille, et tout en restant un moyen, jamais un objectif, la protection du terroir introduit des pratiques plus respectueuses de l’environnement dans les conditions de production propres à contribuer à l’expression du terroir. La question environnementale apparaît même pour certains comme un moyen de redorer l’image ternie des AOC. Finalement, au cœur d’un réseau de relations et de causalités entre qualité et environnement, le terroir pourrait permettre d’alimenter une stratégie de reconquête de la crédibilité des AOC : la protection des terroirs y introduirait des mesures de protection de l’environnement.

« Le président Renou cherchait à faire ses AOC et ses AOC d’exception, il cherchait des critères pour désigner la crème qui était au-dessus, et en fait, il n’arrivait pas à en trouver des vrais. S’il avait été au bout de sa logique, les critères à mettre au-dessus, moi je mettrais AOCE avec E pour environnemental. Et là il aurait eu un vrai critère. Quelles sont les AOC qui prennent, dans leur cahier des charges, des mesures environnementales significatives ?[…] Effectivement, le critère de plus à rajouter, c’est l’environnemental. » (Certification AOC3, Paris/PdL, gT : 18)

L’élaboration d’un socle commun à la viticulture

51Alors que le cahier des charges de l’agriculture raisonnée est en cours d’élaboration, le Conseil Économique et Social suggère que les signes de qualité soient les premiers à rendre obligatoires des mesures de protection de l’environnement. Avec l’appui technique de l’ITV, et l’ONIVINS, un ensemble de conditions minimales, le socle, est défini pour être intégré aux décrets des appellations. Cet ensemble de pratiques épouse la volonté de l’agriculture raisonnée de contrer les cahiers des charges de la grande distribution. Il est spécifique à la viticulture. L’ITV publie donc successivement en 2000, 2001 et 2002, un Référentiel National Production intégrée de raisins, un Référentiel national des pratiques œnologiques intégrées et un Guide de réflexion des pratiques œnologiques intégrées.

52En 2001, le Comité National de l’INAO fait de l’environnement un axe stratégique et entreprend de faire une proposition au ministère de l’Agriculture. Les motivations des vignerons sur les questions environnementales sont variées : pour les uns, la question est totalement liée aux AOC et c’est l’occasion de remettre le terroir au centre des pratiques ; les autres saisissent ce moyen de lutter contre la contamination des eaux par les herbicides, en particulier, et de devancer de futures interdictions. D’autres encore se félicitent de reprendre la main face aux pressions de la grande distribution pour imposer des normes de traçabilité et de qualité industrielle, ou se contentent simplement de suivre le mouvement. La Commission Terroir et Environnement parvient à faire remonter cinq points qui réunissent la majorité à défaut du consensus : l’obligation de bandes enherbées, l’interdiction du désherbage total, l’interdiction des canons de pulvérisation, l’entretien des aménagements de lutte contre le ruissellement et l’érosion, et l’interdiction des intrants physiques de protection des terroirs7.

53Les quelques mesures dégagées au niveau national nécessitent des adaptations locales. Elles peuvent être mises en place par les structures régionales, qui tiennent compte de l’épidémiologie, pour les pesticides et fongicides, et de la situation des parcelles pour les herbicides. Mais, pour ces instances locales, les divergences sont telles d’une région à l’autre, mais aussi d’une exploitation à l’autre, qu’il est difficile de garder dans un tronc commun autre chose qu’un engagement formel du vigneron à respecter l’environnement.

L’opposition du ministère de l’Agriculture

54Pour le ministère de l’Agriculture, les mesures pour la préservation des terroirs ne peuvent que renforcer les soupçons engendrés par l’autocontrôle des AOC. À force de décider et de juger seuls ce qui fait la qualité gustative, et maintenant environnementale des vins, les vignerons risquent d’user les ressorts de la crédibilité des AOC. Or, cette crédibilité est déjà mise en cause sur ce point.

« Nos vins étaient quand même sur la brèche en raison de l’endogamie des contrôles. Notre système de contrôle ne répondait pas aux normes internationales en matière d’externalité et d’objectivité des contrôles et en matière de compétences, ce qui posait quand même un vrai problème, assez pour ne pas aller en rajouter sur le thème “on va faire” et puis regardez ce qu’on a pris, parce que si après on nous avait demandé les modalités concrètes, les taux, les % de refus, les taux de sanction, on n’aurait jamais été capables de produire quelque chose qui aurait été pertinent et qui aurait renforcé une image positive. » (ministère Agriculture4, Paris, GT : 2)

55De plus, le ministère élabore dans le même temps une qualification horizontale en agriculture raisonnée dans laquelle une telle réglementation des AOC serait une nouvelle spécificité sectorielle ; l’INAO met en avant l’organisation verticale des certifications de la filière vin qui implique une segmentation de l’agriculture. Mais les difficultés ne s’arrêtent pas là. La mise en décret de pratiques à visée environnementale a pour avantage d’être contraignante mais elle doit pouvoir être défendue en cas de procès, si ces pratiques entraînaient le refus de l’appellation à un producteur. Or, il ne va nullement de soi que les pratiques agro-environnementales envisagées sont des conditions de production nécessaires à l’expression d’une typicité, ce qui est le seul motif légal des AOC.

56Le ministère finit donc par rejeter la proposition faite par le Comité National de l’INAO d’intégrer des mesures environnementales dans les décrets d’AOC (INAO, 2005 : 8). Ce refus engendre diverses réactions : déception, soulagement, incompréhension. Un élan est né sur le terrain qui a mobilisé presque la moitié des syndicats d’appellation ; ils attendent les résultats qui ne viennent pas. Les employés de l’INAO déplorent les cloisonnements administratifs qui l’empêchent de protéger les AOC de problèmes et de mises en cause pouvant affecter son image, comme cela fut le cas pour l’AOC Époisses, par exemple.

« Pour la sauvegarde des AOC, [les chartes de gestion globale] ne sont plus importantes, elles sont cruciales. Une marque, ce n’est pas grave, elle change de marque, elle se débrouille, mais AOC on ne le refait pas. » (Certification AOC3, Paris/PdL, GT : 11)

57À écouter les responsables du ministère de l’Agriculture, une ligne d’action directrice s’est inversée : les AOC n’ont plus à être les premières à respecter l’environnement. Si elles sont concernées par des dispositions environnementales, c’est au même titre que toutes les autres productions. Dans tous les cas, la prise en compte des questions environnementales ne peut pas relever du ministère de l’Agriculture, mais de celui de l’environnement. Les questions environnementales dans les signes de qualité nécessitent donc la superposition de deux politiques, interventions et signes d’information différents :

« Le ministère de l’Agriculture n’a pas vocation à faire mettre en œuvre à ce niveau-là, d’impulser une logique environnementale. Il y a la DG FAR (Forêt et Affaires Rurales) pour cela. » (ministère Agriculture3, Paris, GT : 1)

58L’INAO ne peut intervenir que si un lien est fait entre les conditions de production dans les terroirs et la qualité des vins de terroir.

« Les pistes de travail se sont heurtées à l’époque à une assez forte réticence de l’administration sur le thème, “attention, ne faisons pas remplir aux conditions de production tout un tas de rôles qui ne sont pas forcément les leurs”. Les conditions de production ont avant tout pour objectif de codifier les pratiques qui conduisent à avoir un produit spécifique, et ne doivent pas se substituer à d’autres démarches quasiment toutes individuelles de pratiques agricoles non liées aux caractéristiques du produit. » (Certification AOC4, Paris, GT : 1)

59L’élan est donc retombé, mais une poignée d’appellations insiste. À Amboise, où les accords entre quelques vignerons de l’appellation et la Filière Carrefour se cherchent, à Baumes de Venise dont le cahier des charges comporte des interdictions de désherbage et d’emploi de fongicides8 (décret d’AOC Baumes de Venise) malgré les réserves du ministère de l’Agriculture. À Vouvray, des vignerons tentent d’introduire l’agriculture raisonnée dans les décrets. Les Organismes de Défense et de Gestion de la réforme de l’INAO pourraient apporter un soutien à des démarches devenues majoritaires. Entre le début et la fin de notre étude, la situation semble avoir changé et la demande d’une codification des pratiques viticoles respectueuses de l’environnement s’est faite plus pressante, au moins auprès de l’INAO où elle est remontée auprès des instances nationales. De plus, l’opposition entre l’agriculture biologique et la production de vins de qualité s’est aplanie : l’antinomie s’est tournée en possible contribution.

60Si la prise à bras le corps de la question environnementale par l’INAO s’est soldée par un échec, l’avènement du Grenelle de l’environnement semble rouvrir une fenêtre d’action :

« Nous on l’a, cette pression pour codifier des pratiques respectueuses de l’environnement et on ne comprenait pas l’attitude frileuse de l’administration sur ce sujet. Donc là le signal qui va être donné dans le contexte politique nouveau [Le grenelle de l’environnement], il ne faut pas se cacher, c’est qu’effectivement, ils vont pouvoir enclencher quelque chose. Quand même maintenant, je pense, des gens de l’agriculture biologique ou de la biodynamie qui sont reconnus comme de très bons professionnels dans leurs AOC et qui du coup sont audibles, et ces gens-là, c’est vrai que… ils tirent un peu le reste… » (Certification AOC4, Paris, GT : 13)

61Mais, la question doit remonter et s’imposer par la force des vignerons. En attendant, il faut faire avec les moyens du bord, comme les Champenois qui ont, semble-t-il, trouvé un moyen de faire émerger les questions environnementales et de contourner les difficultés rencontrées dans les discussions au sein des syndicats d’appellation grâce à l’administration préfectorale.

Le terroir est aussi un paysage à montrer

62Les syndicats protègent le territoire des AOC des aménagements publics et de l’inflation urbaine, qui empiètent sur les délimitations, et défendent le goût de leur terroir par le contrôle des vins et leur promotion auprès des consommateurs. Mais leur action reste limitée : le goût du terroir n’offre que peu de possibilités de promotion des vins et les syndicats d’appellation ne sont pas les mieux placés pour vanter la réussite qualitative de leurs produits ; ce sont en général plutôt la réputation et la critique qui le font. Or, comme le stipulent les articles L.64111&12 du code rural9, les syndicats d’AOC sont en charge non seulement de la garantie de typicité des vins produits dans leur AOC, mais également de la défense de leur territoire et de leur image.

« Ce guide des bonnes pratiques environnementales et paysagères concerne les interventions phytosanitaires, bien entendu, mais il n’y a pas que ça. Il y a tout ce qui tourne autour, par exemple l’entretien d’une haie, d’un ruisseau, d’un fossé, d’un muret. On y revient. La qualité environnementale, pour moi elle n’est pas que sur la qualité du produit, elle est aussi sur la qualité visuelle et paysagère. » (Syndicat AOC7, PdL, SBl : 8)

63L’image est souvent entendue comme une notion abstraite liée à la notoriété ou à la réputation, c’est la représentation que les personnes ont d’une AOC. Dans les syndicats d’AOC, cette notion est déterminante. Depuis que les consommateurs se déplacent pour aller acheter du vin (non pas pour obtenir des prix moins chers, mais pour goûter les vins avec les producteurs), l’image produite par les AOC dans leur territoire d’implantation, celle de leur terroir, leur paysage, est devenue une préoccupation. Dans les appellations de faible réputation, certains pensent même qu’un beau paysage peut venir soutenir une qualité moins remarquable de produit. À l’inverse, c’est bien l’inadéquation entre l’image paysagère et le prestige du champagne qui a déclenché un travail sur la certification des boues en Champagne et une sensibilisation des producteurs à l’aspect de leurs vignes. N’est-il pas dommageable de voir des vignes en vin de pays enherbées, qui montrent des pratiques respectueuses des terroirs, tandis que celles d’AOC sont désherbées chimiquement ou traitées par des vignerons en masque et scaphandre ? La hiérarchie des vins ne doit-elle pas s’accorder avec une hiérarchie de pratiques visibles de protection des terroirs ? Les touristes acheteurs de vin ne vont-ils pas un jour, eux aussi, s’émouvoir des pratiques viticoles ?

64Le code rural stipule la nécessité de défendre les AOC dans les trois dimensions territoriale, gustative et paysagère ; les décrets d’AOC délimitent le territoire, mais ne contraignent que les pratiques liées à la typicité gustative. L’énoncé de ce que sont les paysages et les pratiques à mettre en œuvre pour les respecter n’est pas explicité. Les syndicats tentent donc d’inscrire cet élément dans les pratiques à partir de mesures d’incitation comme les Mesures Agro-Environnementales ou les Contrats Territoriaux d’Exploitation, de chartes ou d’engagements volontaires des producteurs en préalable à leur inscription au sein des décrets d’appellation. Pour les syndicats, ces mesures rencontrent un certain succès auprès de leurs adhérents : les trois quarts des producteurs du Saumur Champigny ont adopté l’enherbement ; en Minervois, de 1994 à 1998, 80 contrats liés à l’application de Mesures Agro-Environnementales ont été signés à propos de la protection des paysages. Le nouveau code rural a instauré la protection et la mise en valeur des paysages comme mission de la politique d’aménagement rural (Article L.111-2 du code rural). Lorsque la commune est sur le territoire d’une AOC, la commission communale d’aménagement foncier doit comprendre un représentant de l’INAO (Article L.121-3/4/8). Le recensement et la catégorisation des paysages viticoles par des géographes est en cours10.

65Si le paysage est l’image des AOC, il doit être beau ; il doit refléter un mode de production artisanal, naturel ; il doit être propre, exempt de déchets ; il ne doit pas être dégradé par l’érosion, par exemple, ou par des ouvrages publics ; il doit être en accord avec son environnement. Forts de cette nécessité de défendre l’image et donc le paysage des AOC, certains vignerons adoptent des pratiques qui rendent visible leur souci environnemental : l’enherbement, la restauration des murets de pierre sèche à Banyuls ou en Minervois pour réduire l’érosion, le bocage pour maintenir la biodiversité et la faune auxiliaire et limiter ainsi le recours aux pesticides.

66Arrêtée par les restrictions de compétences liées aux AOC, l’attention à l’environnement puise de nouvelles forces dans la défense des paysages de terroir où elle peut développer son action sans toucher aux questions gustatives. Entre-temps l’INAO a préparé une réforme des AOC qui répond aux différentes mises en cause de ces dernières.

LA RÉFORME DES AOC

« Yves Bénard, président de la section vins et eaux de vie de l’INAO, a attiré l’attention des journalistes de l’Association de la Presse du vin lors d’une rencontre récente : La réforme repose sur deux données fondamentales : la première est le rappel de la notion de propriété collective en matière d’appellations d’origine contrôlée. Celles-ci font partie du patrimoine de la France et ne sont pas la propriété des viticulteurs. La seconde donnée, qui découle de la première, suppose que la gestion des AOC soit confiée à des organismes indépendants de la production, les ODg, Organismes de Défense et de Gestion, qui doivent, selon Yves Bénard, être totalement libres de toute pression de la part des syndicats viticoles. Autre crainte, exprimée par Yves Bénard, que les nouveaux modes de contrôle entraînent des surcoûts et pénalisent ainsi les producteurs les plus petits. Enfin, Yves Bénard ne cache pas que la mise en place d’organismes d’inspection et de certifications normalisés risque d’entraîner une standardisation du goût, ce qu’il faut éviter à tout prix. R.C. » (site infosvins, http://www.infosvin.com/, avril 2008 ; http://www.paris-bistro.com/vin/homme/AOC_reforme.html, mars 2009).

67La réforme des AOC prend au sérieux la question d’une perte de crédibilité des AOC. Pour tenter de couper court à cette mise en cause qui s’étend au-delà des producteurs de vins de terroir et atteint les organisations de consommateurs11, l’Europe, des syndicats d’AOC (Hennequin et Gueydon, 2006), l’INAO réforme ses structures12 : il cherche à séparer les activités syndicales des vignerons et la gestion du patrimoine des AOC (Bénard, 2008) : 23 et à les professionnaliser.

68Les syndicats d’AOC sont transformés en organismes de défense et de gestion qui deviennent les seuls interlocuteurs obligatoires de l’INAO au sujet des réglementations et contrôles propres à une AOC. Dans certaines appellations en effet, la propriété collective des AOC ne l’est plus. En Pays-de-Loire, les dissensions ont amené des vignerons à quitter les syndicats ou l’interprofession et à refuser de payer leur cotisation obligatoire lorsque l’agrément leur était refusé. Ils s’adjoignent les services d’un organisme de contrôle indépendant et certifié pour leur propre contrôle et celui des vignerons. Le contrôle est renforcé et décliné en habilitation, autocontrôle, contrôle interne par l’Oorganismes de Défense et Gestion (ODG) et contrôle externe par l’organisme de contrôle agréé qui doit garantir le professionnalisme de ses contrôleurs choisis au sein de la profession. Pour articuler tous ces contrôles et la production, la traçabilité des pratiques et des produits est systématisée.

69Le champ du contrôle est étendu. Il remonte vers la production avec les contrôles à la parcelle dans les vignes et l’habilitation d’exploitation ce qui ramène l’attention vers les conditions de production à la vigne. Puis il se prolonge vers le consommateur avec des tests sur les vins en bouteille, et non à la cuve. La généralisation des pratiques de contrôle et surtout d’autocontrôle, jointe à la traçabilité, a pour but de renforcer le contrôle tout en allégeant les procédures : elle passe ainsi des opérations systématiques aux contrôles inopinés.

70Cette réforme oblige aussi les producteurs adhérents à revalider, et donc à revoir, l’ensemble de leurs statuts et en particulier les fondements de leur appellation d’origine, et le cahier des charges des points de contrôle nécessaires à la garantie apportée par ce signe. Dans cette mise à jour certaines appellations iront vers un renforcement des garanties qualitatives, d’autres vers un amoindrissement de celles-ci. Mais toutes devront le spécifier et les cahiers des charges seront étudiés. La réforme doit donc stopper la dérive croissante des appellations vers la demande et faire un choix entre la stratégie qualitative de terroir réaffirmée et celle d’un ajustement à la demande.

Professionnaliser la procédure d’agrément

71La professionnalisation du contrôle, déjà engagée par l’INAO pour pouvoir justifier les rejets de l’agrément dans les procès que ne manquent pas de lui faire les refusés, est accentuée. Son ouverture à toutes les personnalités compétentes de la filière et son organisation par un organisme indépendant vise à restaurer la crédibilité des avis émis.

1. « Les commissions chargées de l’examen organoleptique […] devront obligatoirement comporter les trois collèges suivants :
   • techniciens (personnes justifiant d’une technicité reconnue pour travailler dans la filière)
   • porteurs de mémoire du produit (opérateurs habilités au sens de l’ordonnance ou retraités reconnus par la profession)[membres des administrations compétentes]
   • usagers du produit (restaurateurs et emplois de la restauration, opérateurs participant au commerce alimentaire, consommateurs avertis issus d’associations de consommateurs reconnues, toute personne proposée à l’ODG par l’organisme de contrôle…)
2. Le plan de contrôle doit prévoir un jury d’au moins 5 membres présents pour statuer.[…] Un représentant d’au moins deux des collèges doit être présent obligatoirement pour statuer, l’un des deux devant obligatoirement être le collège des porteurs de mémoire. » (INAO, 2007b : 4)

72Des commissions élargies permettent de renverser le soupçon de connivence des producteurs qui peuvent être tentés de favoriser ou défavoriser des produits qu’ils reconnaissent ou dans le cas contraire d’adoucir leur jugement de crainte de porter préjudice à des confrères appréciés.

73La professionnalisation des jurys doit aussi venir à bout d’un autre problème, elui de l’explicitation de la typicité qui simplifie l’évaluation, mais limite les possibilités d’interprétation et d’évolution de cette typicité par une délimitation trop stricte.

« On arrive à résister à certaines tendances qui existent qui voudraient que l’on définisse quasiment un profil type, parce qu’après c’est plus facile de vérifier si c’est ou si ce n’est pas de l’AOC quand on a un profil type. Mais ce n’est pas la question. C’est bien une question d’acceptabilité d’un produit dans une famille. Ce n’est même pas de l’appartenance au sens strict, c’est de l’acceptabilité. » (Certification AOC4, Paris, GT : 3)

Une révision du lien au terroir

74L’association SEVE encourage les producteurs à s’engager dans le travail de réécriture des décrets d’appellation (SEvE, 2007). Mais les difficultés s’accumulent au moment de préciser les modalités d’exercice de l’examen organoleptique qui doit procéder à l’agrément des vins en décidant s’il appartient oui ou non à la « famille des vins de l’AOC13 ».

75Les vignerons que nous avons étudiés tentent de dégager le « véritable » terroir des mauvaises pratiques qui le masquent ou le détruisent. Ce faisant, ils sont conduits à réinventer le terroir. Avec l’agriculture raisonnée, la différence de qualité était à faire et il s’agissait de lui conférer un contenu et une signification. Ici elle est à refaire : il faut redonner un contenu à la notion de terroir, ce qui revient à faire le départ entre ceux qui font vivre le terroir et ceux qui ne le font pas.

76Mais comment les identifier ? Par les vins qu’ils font ? Par le goût du terroir ? Quelle est cette particularité commune aux vins authentiquement de terroir ? Quels sont les vins qui en sont porteurs ? Depuis trop longtemps, la notion de terroir a été dévoyée ; les mauvaises pratiques l’ont effacée volontairement et involontairement.

77Les vignerons de terroir se connaissent ; ils se retrouvent dans des associations où ils échangent leurs expériences, leurs inventions, leurs avis sur la question. Forts de ce travail collectif, ils cherchent à redéfinir le terroir. Ils tentent de faire apparaître la différence entre les deux familles de vins. Des critères gustatifs émergent, une acidité plus forte, une plus grande constance face aux gros accidents climatiques ; des pratiques spécifiques se précisent, un retour vers des porte-greffe peu productifs ou des méthodes de culture plus douces. Mais le travail est en cours, s’il doit se terminer un jour. Les partisans du terroir savent juger la qualité de terroir des vins. Bien évidemment, ils ne sont pas toujours d’accord : certains vins font l’unanimité, d’autres non. Mais ils ne reconnaissent pas à tous les vignerons, ni à tous les dégustateurs de vin l’aptitude de juger.

Signaler une quête de qualité

78La faculté de juger le terroir n’est pas une faculté à goûter les vins. La capacité de reconnaître le goût du terroir repose sur une expérience longue. Elle n’est reconnue qu’aux promoteurs du terroir. Elle ne s’apprend pas facilement, mais demande un travail et requiert un engagement et une empathie envers ces vins. Il n’y a pas de juges indépendants dont les évaluations seraient vues comme justes par tous les producteurs.

79Quel est le goût du terroir ? Il permettrait d’objectiver ce terroir et de former les juges à le reconnaître. Mais pour les vignerons de terroir, la qualité de terroir n’a pas de parangon, de mètre étalon qui permettrait de juger l’acceptabilité de la distance de chaque vin de l’AOC avec la référence. Il est également difficile de désigner la qualité de terroir par des critères positifs ou négatifs, car, comme l’a montré l’expérience précédente que ces producteurs veulent à tout prix éviter de reproduire, de telles listes sont nécessairement incomplètes, partiales ; elles sont le résultat de la perception de goûteurs, le fruit nécessairement historique de leur expérience. À la différence de l’ancienne qualité de terroir, portée par une tradition, la nouvelle est une recherche dont le résultat est à venir. La réduction d’une qualité à une liste de critères réduit les possibilités de recherche et d’interprétation a priori. De plus, elle laisse une porte grande ouverte à toutes les dérives sur les critères qui n’y sont pas mentionnés, mais qui peuvent, eux aussi, contribuer à cette qualité. Les producteurs de vins authentiques rejettent donc la notion de famille de produits. La physiologie du goût qui insiste sur les différences individuelles de la perception fournit de précieux arguments pour dénoncer l’arbitraire d’une telle liste, son incontournable subjectivité. Ces travaux sont mis en avant pour rejeter toute notion de « profil organoleptique d’AOC ».

80À l’INAO qui les presse de donner des critères, des éléments de différenciation, les nouveaux vignerons de terroir répondent qu’il est impossible de circonscrire ou de délimiter le terroir par son goût. Faut-il en déduire que la qualité de terroir n’existe pas ? Certainement pas, répondent-ils. La réforme est-elle prématurée ? Faut-il la retarder ? Ce serait sans doute condamner des AOC mises sur la sellette que de repousser leur réforme. Certains vignerons sont d’ores et déjà prêts à adopter des stratégies individuelles de marque, et pourquoi pas, à créer leur propre signe de qualité de terroir.

81Il est impossible de désigner le terroir ou de le définir a priori. Mais l’idée de qualité de terroir n’est pas pour autant caduque. Ce n’est pas parce que la qualité est un résultat à venir et à inventer qu’il est impossible de la garantir, c’est-à-dire de reconnaître ceux qui contribuent à cette tâche. La quête du terroir est une démarche intellectuelle identifiable. Il n’y a pas de garantie de résultat possible, mais il peut et il doit y avoir une garantie de moyens, voire d’engagement, une boucle de progrès, par exemple. Les discussions sont en cours ; elles sont particulièrement vives, les vignerons de terroir sont très inquiets. Des ouvertures semblent parfois se dessiner. L’idée d’une identification de la qualité de terroir par les pratiques, voire par l’engagement du vigneron dans une quête du terroir, fait son chemin.

« La dégustation ne sera plus le seul critère, il faudra aussi compter avec l’état de la propriété ou l’esprit dans lequel un vigneron de terroir vinifie son vin. » Propos attribués à Yves Bénard dans (Simmat, 2008)

Protéger les terroirs

82L’UFC-Que choisir, très impliquée dans ce débat autour de la perte de crédibilité des AOC, insiste sur la nécessité de déclasser les productions de plus basse qualité. Le principe des Organismes de Défense et de Gestion, plus indépendants, semble bienvenu, mais cette réforme ne touche pas au point névralgique de la crédibilité des AOC : l’obligation de protection des terroirs (« La réforme des AOC continue de faire des vagues », 2007). Elle dénonce les critères de qualité industrielle, retenus alors qu’ils n’ont pas de lien avec la qualité de terroir pour qu’à l’horizon 2010, la réforme des AOC pilotée par l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité) ait rétabli la crédibilité des AOC, l’UFC-Que Choisir demande :

« que les Organismes de Défense et de Gestion de chaque appellation (ODG) réécrivent les cahiers des charges en se recentrant sur la notion de terroir, et excluent les autres aspects sans lien avec la typicité (sécurité sanitaire, normes HACCP, alimentarité des matériaux, etc.) » (Réforme des AOC viticoles, 2007)

83Enfin, la réforme ne parle pas des limites imposées par le terroir à l’innovation qualitative. Or, l’OCM14 viticole risque d’autoriser l’information des consommateurs sur le millésime, le cépage des vins de table. Dès lors, de nombreux vignerons risquent de choisir cette voie pour commercialiser leur production de qualité artisanale, mais non nécessairement respectueuse du terroir, ce qui risque de continuer de brouiller la différenciation à réinstaurer.

84La confédération paysanne, très attachée aux AOC et à la différenciation qualitative des produits agricoles, partage ces arguments : les AOC ne doivent pas aller à la rencontre du goût des consommateurs, mais de leur confiance. Ce syndicat reste fidèle à la proposition de René Renou de différencier des démarches de recherche de qualité, qualifiées de « pratiques d’exception »15, par opposition à l’usage de l’AOC comme norme de qualité. Il insiste aussi sur le respect de l’environnement qui n’apparaît pas dans la réforme.

« La réforme des AOC et de la segmentation des vins français doit mettre fin à ces dérives en réaffirmant une éthique forte de production : respect de l’environnement, qualité et authenticité des vins, réaffirmation du lien au terroir et garantie totale de la loyauté vis-à-vis des consommateurs. » (Confédération paysanne, 2007) : 5

Les moyens de la recherche du terroir

85La garantie de qualité bio est une qualité de moyens parce que l’agriculteur bio n’a pas à assumer les conséquences des pratiques différentes utilisées par ses voisins. La garantie bio est une garantie d’absence de produits de synthèse, à quelques effets de contamination de voisinage près. Les promoteurs du terroir orientent, eux aussi, la garantie de qualité vers une garantie de moyens ; mais ce n’est pas pour les mêmes raisons. Ici, c’est le résultat lui-même, l’expression du terroir, qu’il faut résolument s’abstenir de figer.

86La quête du terroir est une réflexion sur les pratiques. Certaines techniques de vitiviniculture sont aussi suspectées de brouiller, travestir, défigurer l’expression du terroir. Elles sont donc écartées des pratiques admissibles. Cependant, l’interprétation des pratiques qui défigurent le terroir est assez large et dépend beaucoup des vignerons, mais aussi des caractéristiques de leurs vignobles. Pour les uns, la conduite en bio sous label AB est indispensable ; pour d’autres, une bonne agriculture raisonnée peut donner de tout aussi bons résultats. Selon les régions aussi, les mêmes pratiques peuvent être reconnues pour mettre en valeur une qualité de terroir trop discrète, ou au contraire combler un déficit de savoir-faire du vigneron. La mise à l’écart des pratiques d’enrichissement des vins qui sont les premières visées ne fait pas l’unanimité en France ; mais localement, en fonction des régions viticoles, des accords assez fermes peuvent se dessiner sur ce point.

87Les pratiques ne font pas l’unanimité ; mais ici et là des chartes privées de plus en plus précises viennent lister les points incontournables et ceux que l’on peut tolérer. Elles attribuent un « poids terroir » aux pratiques vitivinicoles et, une fois additionnées, un « score de terroir » au vin qui en résulte. Ces chartes ont bien entendu pour inconvénient de délimiter la liste des pratiques admissibles. La liste étant souple, ces pratiques permettent de prendre en considération la variété des situations de terrain. La réforme des AOC reprend ce point en instaurant un agrément à la vigne, qui se fonde sur les pratiques viticoles mises en œuvre. De son côté, la question de l’engagement envers le terroir qui déboucherait sur la certification d’une disposition, ressurgit ici ou là.

88Il reste également à octroyer aux vignerons « artistes », qui veulent jouir de la plus grande liberté, un espace particulier, ce qui permettrait en outre de faire connaître la différence entre la qualité de terroir et la qualité vinicole auprès de la critique internationale.

LE TERROIR COMME QUÊTE

89Les vignerons de terroir s’emploient à retrouver leur terroir et y associer la qualité gustative qui doit signer sa présence. Ils sélectionnent les pratiques qui ouvrent la voie au terroir et celles qui en éloignent. Ce tri est souvent controversé ; ainsi les discussions autour de l’emploi du soufre et les interrogations pour savoir si son absence permet de révéler un peu plus le terroir, ou si au contraire elle le masque sitôt le vin sorti de cave. Les vignerons se livrent à un véritable examen critique de leur travail où sont jugés les vins, mais aussi les techniques et démarches employées et encore l’engagement des vignerons à rechercher le terroir perdu.

90« L’engagement » personnel des vignerons, leur démarche envers l’environnement pour les bio, ou ici le terroir, est analysé et transformé en une garantie de la qualité ou de l’intérêt des résultats obtenus ou des pratiques utilisées. Son analyse permet de relâcher l’explicitation du résultat à obtenir, ou la liste arrêtée des bonnes pratiques. Elle permet aussi parfois de revenir sur des indices contradictoires donnés par l’analyse du vin ou l’inventaire des pratiques.

91Les producteurs ne font pas leur vin de terroir pour eux, mais pour le vendre. Ils doivent donc chercher à susciter l’intérêt de leurs clients pour leur recherche qualitative. Des revendeurs, cavistes, restaurateurs, des amateurs de vin et même des journalistes et critiques vinicoles se sont intéressés à leur démarche. Un régime d’action marchande s’est mis en place qui a élargi le collectif participant à la discussion critique. Il se diversifie, des écoles apparaissent : les « pour » et les « contre » la biodynamie ou le « sans soufre » par exemple. Pour les uns, il faut continuer dans cette voie, l’oxydation est la marque du naturel et il faut s’y ajuster le palais. Pour d’autres, il faut continuer d’explorer les possibilités de substitution offertes par les nouvelles techniques. D’autres encore soutiennent qu’il faut diminuer le soufre, ce qui implique une hygiène de cave scrupuleuse et une grande maîtrise technique, mais non le supprimer car les dégustations le montrent : les vins ne sont plus bons ou « perdent » leur goût de terroir.

Une différence « testable » pour les pouvoirs publics

92Dans les discussions autour de cette réforme du signe d’AOC, les vignerons de terroir insistent sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre et la réforme semble s’orienter vers une habilitation des domaines viticoles à produire des vins de terroir, soumise au recours à un certain nombre de bonnes pratiques. Mais les pouvoirs publics demandent à aller plus loin dans la garantie de qualité. En particulier, l’administration européenne requiert des preuves plus fortes de la différence signalée par les signes de qualité et notamment une garantie de résultat.

93Pour les pouvoirs publics, une signalisation de qualité soutenue par un dispositif de contrôle « public », doit signaler une différence pertinente, utilement discriminante et non préjudiciable au fonctionnement des marchés. Un des moyens de garantir cette pertinence du signalement consiste à montrer qu’il s’agit d’une différence « objective », située dans les biens qui circulent et qu’il convient alors d’aider le consommateur à les discriminer. Ils réclament ainsi une preuve de la différence « objective » signalée.

94Le test est une procédure de preuve qui a l’avantage de se présenter comme une expérience décisive délimitée dans le temps et l’espace. Cette procédure suppose qu’il existe une différence et elle cherche à en capturer les effets spécifiques. On lui « soumet » un produit et l’on obtient dans un temps prédéterminé une réponse positive ou négative sur les effets. Elle permet de faire ou de confirmer le tri que les vignerons veulent faire reconnaître entre les vins authentiquement de terroir et les autres.

95La question porte alors sur le dispositif de test : un instrument de mesure, pour un degré d’alcool ou d’acescence, un jury de consommateurs, pour le label rouge, un jury d’experts pour les AOC.

96Les instruments ne mesurent que ce qu’on leur demande de mesurer. Un alcoomètre a pour inconvénient de ne mesurer que le taux d’alcool et de ne pas donner d’évaluation synthétique de la qualité, ce que des jurys d’experts ou de consommateurs font plus aisément. Le jury de consommateurs est souvent tenu pour être le meilleur outil de contrôle des différences qualitatives pertinentes pour les usagers. On lui reproche cependant de s’appuyer sur des préférences de consommateurs sensibles aux modes de goût, mais aussi très hétérogènes. Le « goût du public » qui se dégage de ces jurys peut être vu comme une reconstruction factice qui opère une moyenne dans laquelle finalement bien peu de consommateurs se reconnaissent. Les jurys d’experts sont à l’inverse plus proches des produits, mais s’appuient sur des définitions de la qualité qui peuvent être éloignées des préférences des usagers.

97La différence est d’autant mieux prouvée qu’elle peut être pointée par différents instruments. Or, notamment lorsqu’il s’agit de tester des différences de goût, ces différents instruments de test ne convergent pas nécessairement. Dans une précédente étude à propos du goût de fromages16, il nous a été impossible de trouver des corrélations entre les descriptions produites par un jury d’experts et celles vues, sur les mêmes produits, par un jury de consommateurs. Les experts ne sont pas, à moins d’avoir été instruits à cet effet, des consommateurs « plus précis ». Différents instruments montrent donc différentes différences qui n’en perdent pas pour autant leur « objectivité ». Les trois outils ci-dessus peuvent montrer des différences objectives, inscrites dans le produit et lui seul, et cependant ne pas se recouper17.

98Pour les vignerons de terroir, les tests analytiques restent valides, mais leur capacité à faire une différence attachée au terroir est limitée. Le jury de consommateurs est proscrit. Le jury d’experts pose quant à lui des problèmes, car son travail repose dans la validation d’une « typicité », signe de l’appartenance à une qualité de terroir. Ils rejettent cette notion, dans son acceptation actuelle qu’ils dénoncent comme pervertie, tout comme les résultats des jurys de dégustation, mais aussi dans son principe : elle oblige à définir a priori la qualité de terroir, ce qu’ils excluent, car ils ne savent pas où leur retour vers le terroir va finalement les mener.

99L’association Sève a récemment proposé de changer le but du test. Il ne s’agirait plus de lui faire produire une réponse rapide et claire, mais au contraire d’alimenter une discussion :

« Détecter les défauts indiscutables, mais avec un recours possible, s’en servir comme d’une sonnette d’alarme permettant d’aider le vigneron en amont, déguster collectivement pour mieux travailler ensemble et connaître ses terroirs : voilà, pour nous, les seuls objectifs de la dégustation que notre profession doit avoir dans le cadre de la réforme. » (Parcé, 2009) : 4

100Cette discussion est celle qui a lieu au sein du collectif critique de la qualité de terroir. Cette proposition demande de sortir de la notion de test, de lui substituer celle d’épreuve, ou même de contrôle qui élargit encore cette notion en la collectivisant, et en lui retirant toute notion de début et de fin. Le contrôle est sans cesse recommencé ; ses résultats sont toujours provisoires ; les personnes qui y participent se retrouvent elles aussi soumises au contrôle exercé par les autres.

101L’analyse critique et le contrôle qu’elle exerce sur ce que sont les choses ont été inscrits dans les chartes Déméter, ou encore dans la procédure ISO 14000. Dans ce dernier cas, la procédure d’évaluation des résultats et de réorientation de l’action est collective et dirigée par un « directeur » des discussions qualité. L’activité critique ne fixe pas de critères a priori ; c’est une procédure réflexive qui inclut la discussion même de ses critères de jugement dans son propre travail.

102Mais cette extension de la notion d’épreuve est-elle acceptable par les pouvoirs publics ? Permet-elle de faire face à une mise en cause ? Peut-elle être mise en cause ? Elle obligerait à élargir l’éventail des procédures permettant de prouver « l’objectivité » d’une qualité. Cette notion est en effet souvent associée à la répétabilité d’un résultat lorsque le « test » est refait en de nouvelles occasions et par d’autres testeurs. Les processus stochastiques qui ne peuvent faire l’objet de tels tests de répétabilité ont déjà amené un élargissement des procédures de preuve. L’étude des procédures de jugement utilisées par la critique viticole fait ressortir une autre définition de l’objectivité (Teil, 2011 (à paraître)). Le travail mené par les critiques procède par multiplication des tests qui finissent par couvrir l’ensemble des situations possibles et non, comme c’est le cas avec les procédures scientifiques habituelles, par une mise en relation de l’ensemble des situations possibles avec des situations de référence18 sur lesquelles il est possible de faire porter le test dont on extrapole ensuite les résultats au reste des situations possibles. Cette activité critique, qui distribue et délocalise l’examen, n’est plus « testable » ; elle n’est pas pour autant non « falsifiable » ou « invérifiable »19. Mais la production d’une réponse ne peut être faite à l’aide d’un collectif réduit, ou dans un temps prédéterminé.

Le double format du terroir

103Dans tous les cas que nous venons de traiter, nous n’avons cessé de voir des personnes s’interroger sur une différence, réaliser l’analyse critique de son avènement, questionner les dispositifs de signalisation, leurs usages, les pratiques et les dispositions sur lesquels ils reposent. Il s’agissait souvent de producteurs, mais aussi de critiques, de revendeurs, de consommateurs, des pouvoirs publics chargés de contrôler et garantir… Le contrôle, auquel tous contribuent, élargit la notion de « test » ou de « preuve » de la philosophie des sciences. Bien loin de l’expérimentation cruciale et de sa réponse unique, ce sont ici de multiples expériences qui sont articulées et confrontées, tandis que la « réponse » devient un savoir collectivement réparti.

104On ne peut tester la qualité de terroir d’un vin ; cela ne signifie pas qu’elle n’existe pas, ou que la notion est fausse, mais que le test ne permet pas d’en vérifier la présence. Il faut parvenir à inclure des procédures critiques, distribuées, répétées au sein des procédures de contrôle admises dans la réglementation des signes de qualité.