1 On peut même estimer qu’il a gagné du terrain, avec la crise économique, du côté des classes moyennes : les difficultés d’entrée de leurs enfants sur le marché du travail et la hausse du prix de l’immobilier ont entrainé des modèles de cohabitation plus longs et la mise en œuvre nécessaire de solidarités entre les générations au sein de ces familles.
2 Le travail de Young et Wilmott sur des réseaux de parenté dans la vie d’un quartier ouvrier d’une grande métropole, a ébranlé la doxa sur l’isolement social des modes de vie urbains et l’atomisation des familles nucléaires. Leur enquête a été menée en deux temps, d’abord à Bethnal Green, un quartier où les membres de la parenté résidaient à proximité les uns des autres, puis à Greenleigh une banlieue où avait été relogée une partie des habitants, et dans laquelle les groupes familiaux se retrouvaient dispersés géographiquement. Dans le premier quartier, les contacts familiaux étaient souvent quotidiens et l’entraide mutuelle élevée. La mère apparaît être un personnage central de l’entretien du réseau de parentèle. Elle ne se coupe pas du tout de ses filles lorsque celles-ci se marient et agit comme principal agent de liaison entre frères et sœurs. Wilmott et Young parlent de « famille étendue locale », un groupe qui inclut grands-parents, parents et petits enfants du côté de la lignée maternelle et qui fonctionne comme une protection face aux aléas de la vie. À Greenleigh, en revanche, les chercheurs constatent un fort déclin des rencontres familiales en face-à-face qui sont rendues difficiles par la distance et le prix des transports, mais aussi du fait de la disparition des lieux publics de rencontre comme les pubs ou les commerces. Ils notent toutefois que le soutien mutuel reste important et que les contacts demeurent fréquents, notamment par téléphone. Young M., Willmott P. (2010).
3 Elles restent toutefois fréquentes, surtout dans les milieux les moins diplômés. 48 % des adultes diplômés du supérieur vivent à plus de deux heures de chez leurs parents contre seulement 20 % des titulaires de CAP/BEP. 58 % des titulaires d’un CAP/BEP vivent à moins d’une demie heure et beaucoup vivent dans des petites communes (29 %). (Regnier-Loilier, 2009, p 430 431)
4 Sakho et Cissé, dans un travail récent sur des populations analphabètes à Dakar, observent un usage quasi exclusif de Whatsapp à partir de recharges de connexion mobiles et uniquement sur un mode oralisé pour communiquer avec les membres de la famille restés au village (2018).
5 5 célibataires (3 F, 2H), et 8 personnes séparées, divorcées ou veuves, toutes des femmes.
6 Dans un texte des années 1970, Hoggart s’interroge sur deux innovations qui n’avaient pas encore pénétré les milieux ouvriers lorsqu’il écrivait La culture du pauvre : la télévision et l’automobile. On voit bien, dit-il, pourquoi la télévision s’est intégrée aussi facilement dans les foyers populaires : elle constitue un point de rassemblement collectif et renforce la cohésion familiale (Himmelweit tenait exactement le même propos en 1958 dans Television and the Child et montrait même que, dans les foyers équipés, les hommes restaient plus souvent chez eux et fréquentaient moins le pub). Le potentiel disrupteur de l’automobile semble a priori beaucoup plus fort puisqu’elle permet de s’éloigner de chez soi et de découvrir de nouvelles régions et de nouveaux modes de vie. Or, constate Hoggart, « La caractéristique la plus frappante de l’adoption de la voiture par les individus des classes populaires c’est qu’ils l’ont intégré à leurs propres habitudes, à leurs valeurs, à leurs attitudes. Les gens des classes moyennes constatent avec regret ou ironie que les classes populaires ne savent pas tirer les véritables avantages d’une automobile. Quand ils partent en voiture au bord de la mer ou à la campagne, ils n’en profitent pas toujours pour aller nager ou faire une promenade. Il leur arrive de rester entassés dans leur voiture qui sent le renfermé au son d’un transistor qui braille (…) Ils se sont emparés de la voiture pour la mouler dans une extension de leur pièce commune familiale. Elle est devenue pour nombre d’entre eux un « salon mobile » (Hoggart 1970 : 53/54, ma traduction).
7 Le questionnaire de l’enquête ANR LUDESPACE a été passé en 2012 soit précisément au démarrage de ces jeux Facebook qu’il n’a donc pas pu mesurer. Mais les données recueillies montrent une intense pratique chez les femmes de milieu populaire des jeux installés par défaut dans les smartphones (démineur, solitaire, serpent, flipper, dame de pique, etc). Ces jeux semblent avoir ouvert la voie à une forte féminisation de la pratique des jeux vidéo et sont, à certains égards les ancêtres des jeux Facebook qui se sont développés ensuite. Merci à Samuel Coavoux d’avoir pris le temps de me communiquer les résultats par origine sociale et lieux de résidence.
8 En dépit de leur mauvaise réputation (dépendance à l’adolescence qui rend asocial) le potentiel de sociabilité extérieure à la famille des jeux vidéo n’est plus à démontrer (Berry 2009). Une enquête européenne montrait que la pratique des jeux vidéo par les garçons adolescents occasionnait de nouveaux moments partagés entre pères et fils (Pasquier 2002 et Jouët et Pasquier 1999). Il faut dire que les consoles de jeu qui dominaient le marché à ce moment-là se prêtaient bien à une pratique à deux, mieux en tout cas que les jeux multi joueurs qui se sont développés ensuite, où il s’agit de jouer en équipes.
9 Les comptes complètement ouverts (c’est-à-dire consultables par n’importe quel internaute ) sont rares. En général le compte est accessible aux internautes enregistrés comme « amis » et aux amis d’amis s’ils ont été acceptés, et parfois seulement à certains d’entre eux lorsqu’ont été créés des groupes séparés selon les liens (famille, collègues, etc).
10 Le décalage important entre les propos tenus dans les entretiens (on ne doit rien dire sur sa vie privée en ligne) et les contenus postés dans les comptes Facebook étudiés pour cette enquête (c’est la vie privée qui est mise en scène) le montre amplement : en situation d’entretien, tout individu tend à donner de lui l’image qui lui semble la plus favorable vis-à-vis de l’enquêteur, c’est bien connu.
11 « Pas d’ordi à l’école pour les enfants des cadres de google et Ebay dans la
Waldorf School of the Peninsula
http://www.vousnousils.fr/2012/02/28/pas-dordi-a-lecole-pour-les-enfants-des-cadres-de-google-ou-debay-522349
12 Ce qui ne résout que très partiellement le problème de contrôle sachant que les jeunes générations ne cessent de développer des réseaux d’échanges autonomes auxquels leurs parents ont de plus en plus difficilement accès : on sait qu’aujourd’hui Facebook est complètement déserté par les adolescents au profit de Snapchat ou Instagram. Voir par exemple (Déage 2018).
13 Coavoux et Gerber (2016) montrent qu’une partie des jeux, notamment les jeux classiques sur plateau de type Monopoly, peuvent se pratiquer sans appétence mais pour mieux s’inscrire dans des moments familiaux précis (notamment avec les enfants). Dans le cas des jeux vidéo il y a une moindre adéquation entre la pratique et la vie familiale, surtout pour les enfants : « Alors que le jeu classique rattache les enfants au foyer, le jeu vidéo appartient à l’ensemble des produits culturels qui participent de l’affirmation de leur autonomie et reconfigure leurs loisirs en direction des pairs » (p. 139).
14 Sur la base d’une enquête quantitative sur un échantillon représentatif de couples suisses vivant ensemble depuis au moins un an, ils identifient cinq styles d’interaction conjugale. 1/couples de style Parallèle : forte sexuation des rôles domestiques, forte fusion, forte clôture (17 %) ; 2/ style compagnonnage forte fusion et ouverture 24 % ; 3/style bastion : clôture, fusion et différenciation des sexes, les contacts avec le monde extérieur ne sont pas recherchés alors que les relations internes sont très valorisées 16 % ; 4/couple Cocon, haut degré de fusion et de clôture mais pas de répartition sexuée inégalitaire 15 % ; 5/couple association, faible fusion et clôture, division du pouvoir égalitaire et peu sexuée (29 %). Les ressources culturelles du couple ont un fort impact sur les styles d’interaction. Les couples à faibles capitaux scolaires fonctionnent beaucoup plus sur un style Parallèle, Bastion et Cocon. Les faibles ressources économiques augmentent les chances d’être dans le style Bastion et Cocon.
15 Le degré de fusion du couple est défini par les auteurs comme la propension des conjoints à mettre en commun leurs ressources et à porter l’accent sur les valeurs de consensus et de similitude. Le degré d’ouverture désigne la force des échanges informationnels et relationnels intervenant entre le couple et son environnement proche