La promesse de différence
Texte intégral
1Le commerce équitable comme les circuits courts sont caractérisés par une promesse de différence. Pour se saisir de cette promesse et se rendre compte de son importance, je vais partir des dispositifs promotionnels de leurs partisans respectifs. En observant le contenu écrit et iconographique de sites internet, de tracts ou de dossiers de presse, en écoutant les argumentaires avancés pendant des événements comme la Quinzaine du commerce équitable, nous verrons quelles sont les raisons d’être et les bénéfices attribués au commerce équitable et aux circuits courts. Beaucoup de publications ont traité du contenu de telles opérations de cadrage interprétatif. Généralement, les chercheurs se sont intéressés aux images et aux slogans qu’elles véhiculent, et ont fait état des simplifications qui les caractérisent. Ils ont alors typiquement souligné les décalages par rapport aux réalités observables sur le terrain, lorsque par exemple les « petits producteurs » du commerce équitable ne sont pas aussi marginalisés que le suggèrent les documents promotionnels. Je ne prépare pas dans ce chapitre le terrain d’une telle critique. Mon objectif est très différent. Je veux montrer combien la promesse de différence est récurrente et combien il convient donc d’étudier le commerce équitable et les circuits courts comme des systèmes alimentaires « alternatifs ». Cet objectif explique pourquoi j’ai fait le choix de multiplier les illustrations, en les extrayant de multiples situations, plutôt que d’analyser dans leur entier certaines d’entre elles. Je ne chercherai pas à retracer la genèse et les effets de telle ou telle opération promotionnelle, mais puiserai dans un grand nombre d’entre elles pour rendre compte de la promesse de différence qui les traverse.
Commerce équitable contre commerce conventionnel
2Pour restituer la promesse de différence du commerce équitable, je vais m’appuyer sur les enquêtes de terrain que j’ai menées au sein de la Fédération Artisans du Monde et de Max Havelaar France, deux acteurs majeurs du commerce équitable français (Cf. encadré 1). Les éléments que j’avancerai sont principalement issus d’une analyse d’archives. Pour la Fédération Artisans du Monde comme pour Max Havelaar France, j’ai eu accès à la quasi-totalité de leurs documents de promotion depuis leurs créations respectives en 1981 et 1992 (journaux de communication externe, dossiers et communiqués de presse, affiches, dépliants…). Cela a été rendu possible par l’accès en 2002 aux cartons d’archives de ces deux organisations, puis à partir de cette date par l’accumulation méthodique de ces documents au fur et à mesure de leur publication. Entre 2002 et 2004, j’ai également observé les activités de promotion menées par un groupe local d’Artisans du Monde et un groupe local de Max Havelaar, dans le cadre d’animations scolaires, de conférences, d’évènements festifs et d’animations en supermarché. Enfin, j’ai mené, entre 2002 et 2007, une cinquantaine d’entretiens semi-directifs auprès de salariés et de bénévoles de ces deux organisations. Ces entretiens ne portaient pas uniquement sur les questions traitées dans ce chapitre, mais je m’y réfèrerai ponctuellement.
Encadré 1. Une brève présentation de la Fédération Artisans du Monde et de Max Havelaar France
En 2015, la Fédération Artisans du Monde était composée de 144 groupes associatifs répartis sur tout le territoire. Ces groupes comprennent en moyenne d’une quarantaine de bénévoles auxquels s’adjoint fréquemment un salarié à temps plein ou à temps partiel. Leur principale activité est la tenue de points de vente, de magasins la plupart du temps, où sont proposés des produits alimentaires et d’artisanat exclusivement issus du commerce équitable. Pour cela, ils ne s’approvisionnent pas directement auprès de groupements de producteurs, mais passent commande auprès de Solidar’Monde, la centrale d’importation dont la Fédération Artisans du Monde est actionnaire majoritaire, et de façon plus marginale auprès d’autres opérateurs. Enfin, les groupes locaux mènent également des actions d’éducation et de plaidoyer, en s’appuyant sur les outils développés par la Fédération.
Max Havelaar France est le membre français de Fairtrade international, le principal organisme mondial de certification du commerce équitable. En apposant son logo sur des produits, cette association garantit qu’ils répondent à des critères formels portant sur les conditions de production et d’achat au producteur. Selon les chiffres fournis par Max Havelaar, il y avait en 2015 en France 192 entreprises proposant plus de 3000 références de produits portant le logo de garantie Fairtrade. Leur vente a représenté un chiffre d’affaires de 442 millions d’euros. L’action de Max Havelaar France porte principalement sur la promotion du commerce équitable et du système de garantie Fairtrade. Elle est relayée en régions par une vingtaine de groupes locaux, fédérés au sein du mouvement FAIR[e] un monde équitable.
3Je vais montrer à quel point les opérations de cadrage interprétatif et promotionnel de ces deux organisations sont vectrices d’une promesse de différence. Ainsi, pour définir ce qu’est le commerce équitable, la Fédération Artisans du Monde comme Max Havelaar France commencent généralement par critiquer les modalités de fonctionnement « habituelles », « normales », « conventionnelles » du commerce international, pour ensuite établir en quoi les principes du commerce équitable leur répondent point par point. Pour les producteurs comme pour les consommateurs qui y participent, il est alors mis en scène un « avant » et un « après » commerce équitable.
Les « dysfonctionnements du commerce conventionnel »
4Opposer les « dysfonctionnements du commerce conventionnel » et la « réponse du commerce équitable » est une constante dans les cadrages interprétatifs des organisations du commerce équitable. Max Havelaar France l’utilise depuis sa création. Par exemple, l’introduction du premier rapport annuel public de l’association, publié en 2002, organisait son propos en deux sous-titres : « D’un commerce mondial inégal… » « … au commerce équitable »1. Aujourd’hui, le site internet de l’association mobilise toujours cette partition, en articulant « pourquoi le commerce équitable est-il indispensable ? » et les « bénéfices du mouvement pour les producteurs » dans la rubrique de présentation générale, et en déclinant ce message dans la rubrique « Producteurs » où sont exposés successivement les « contextes et enjeux » de chaque filière et les « réponses du système Fairtrade/Max Havelaar »2. De multiples exemples pourraient également être cités pour la Fédération Artisans du Monde. Par exemple, au début des années 2000, il était diffusé dans le réseau un document élaboré initialement par l’association québécoise Equiterre, opposant sur deux pages de façon très visuelle la « route conventionnelle » et la « route alternative » du café. Sur la première, étaient représentés une série d’acteurs (« grands propriétaires », « coyotes », « exportateurs », « brokers », « distributeurs ») qui disparaissaient dans la seconde. L’utilisation d’intertitres évocateurs de part et d’autre renforçait encore l’opposition : « la fluctuation des prix »/« un prix juste », « les compagnies multinationales et leur emprise mondiale »/« l’union fait la force ». Les jeux éducatifs conçus par la Fédération Artisans du Monde, sur lesquels s’appuient les militants des groupes locaux, mobilisent aussi ce type d’oppositions. Par exemple, avec La route du coton, un public adolescent est invité à découvrir les étapes et les transformations d’une filière textile, à expérimenter les modalités de la route « normale », puis à élaborer une route plus équitable. De même, dans une exposition récente de huit panneaux destinée à un public lycéen, les trois premiers sont consacrés à une critique du commerce conventionnel pour ensuite exposer les principes et les effets du commerce équitable3.
5La dénonciation du commerce conventionnel repose sur un cadrage interprétatif qui définit, comme dans d’autres mouvements sociaux [Gamson, 1992], des injustices, des victimes et des coupables. Deux groupes de victimes sont ainsi définis : les « petits producteurs » et les ouvriers agricoles des pays du Sud. Pour les premiers, les organisations du commerce équitable pointent du doigt une organisation du commerce qui leur est défavorable et ne permet pas d’engager des processus de développement. Elles mettent l’accent sur leur faiblesse face aux intermédiaires commerciaux et aux entreprises de l’agro-alimentaires et leur dépendance par rapport à des prix de marché extrêmement fluctuants. Pour les seconds, il est mis en avant des conditions d’embauche et de travail contraires aux droits fondamentaux et sources de précarité (rémunérations faibles, discriminations, absence de syndicats…). D’autres dysfonctionnements du « commerce conventionnel » sont également fréquemment mis en avant. Ils concernent les risques sanitaires et les dégradations environnementales liées aux modes de production : utilisation massive de pesticides, captation importante des ressources, monoculture d’exportation défavorable à la biodiversité… Sur tous ces points, les firmes de l’agroalimentaire, qui possèdent les plantations agricoles et/ou sont en situation oligopolistique sur les marchés mondiaux, sont identifiées comme les coupables, les responsables de la situation. Il est à ce sujet à noter combien il est fréquent dans les discours d’opposer les « petits » producteurs aux « grandes » firmes. Sur le site de Max Havelaar France, il est par exemple avancé :
« Dans le monde, environ 50 millions de personnes sont impliquées dans la filière [thé] mais la grande majorité de la production passe par sept multinationales uniquement. Cette concentration extrême du pouvoir entre les mains de quelques grandes industries limite l’accès aux informations de marché des très nombreux petits producteurs et travailleurs présents à l’autre bout de la chaîne. »4
6Pour rendre complètement intelligible le cadrage interprétatif, la dénonciation adjoint à cet exposé des injustices, des victimes et des coupables l’identification d’un mobile. Ce mobile est la poursuite exclusive du profit, supposé être le vecteur du comportement de tous ceux, « coyotes » locaux, « grandes firmes multinationales » ou « spéculateurs », qui agissent au détriment des petits producteurs et des salariés agricoles des pays du Sud. Lors d’une animation scolaire à laquelle j’ai assisté en 2003, des lycéens étaient ainsi invités à jouer le rôle des différents acteurs d’une filière. Expliquant le jeu, une bénévole du groupe local de Max Havelaar décrivait le propriétaire d’une grande plantation comme « quelqu’un qui se fiche bien de ses employés, pour lequel il n’y a que le fric qui compte ». La scène improvisée par les lycéens mimait alors l’employeur faisant travailler son employé toujours plus dur, avec une rémunération toujours plus faible. « Ça c’est le commerce dans lequel le fric est roi. On se fiche pas mal des gens. Les gens sont au service du fric ! », pouvait conclure la bénévole de Max Havelaar.
7Dans l’argumentaire, cette poursuite exclusive du profit est rendue d’autant plus possible qu’elle s’insère dans un système économique qui ne la réfrène en rien. Sur les affiches de la Fédération Artisans du Monde destinées à un public lycéen, nous pouvons lire : « Le système de libre-échange est basé sur la recherche de profit. N’étant pas régulé, il concentre le pouvoir économique et financier aux mains de quelques acteurs multinationaux et met en concurrence les travailleurs et producteurs du monde ». « Les droits du commerce priment sur les droits fondamentaux des peuples5 ». Dans ce cadre, l’accent est également mis sur l’absence de connaissance par les consommateurs des conditions dans lesquelles travaillent et vivent les producteurs des produits qu’ils achètent. Cet anonymat des produits est très fréquemment exprimé. Dans un prospectus de présentation des Petits déjeuneurs solidaires organisés pour les enfants des écoles primaires, la Fédération Artisans du Monde interpellait dans ces termes : « Avez-vous déjà songé que le café, le thé ou le cacao que vous consommez au petit-déjeuner provenait peut-être d’Afrique ? Pouvez-vous imaginer les gens qui cultivent ces produits ? Leur façon de travailler ? Le parcours suivi par ces produits pour se retrouver sur votre table au petit déjeuner6 ? ». « Que se passera-t-il, dans les prochains mois, de l’autre côté de notre tasse de café ? » demandait de la même façon le directeur de Max Havelaar France dans son journal de communication externe à un moment où les cours mondiaux du café étaient au plus bas7.
La « réponse du commerce équitable »
8À cette dénonciation des dysfonctionnements du commerce conventionnel répondent point par point les bénéfices attribués du commerce équitable. Le commerce équitable est alors présenté comme un commerce radicalement différent.
9Cela est particulièrement visible pour la question du « prix équitable », appelé aussi parfois « prix juste ». Définir de façon opérationnelle le niveau du prix équitable est une tâche difficile. Mais, dans l’argumentaire, le « prix équitable » est plus simplement défini par une opposition au prix pratiqué dans le commerce conventionnel. Deux militants d’une association locale de Max Havelaar me disaient par exemple, de façon convergente :
« Bon… j’ai utilisé ce terme de prix juste… C’est un terme… En soi, c’est une illusion le prix juste, c’est quelque chose de très conceptuel. Je ne suis pas un théoricien, alors… Si tu veux, le juste c’est par rapport à l’injuste. Bon, voilà. Il y a d’abord le sentiment d’une injustice et plus généralement que le monde marche sur la tête. »8
« Alors la juste rémunération… c’est… Je ne sais pas comment le définir, mais en tous cas on peut le définir négativement, de façon à ce que personne ne soit dans une situation infrahumaine alors que d’autres peuvent, dans ce circuit commercial, être dans une situation… La pauvreté des uns, elle profite aux autres. Donc là je trouve que ce n’est pas juste. »9
10Alors que le commerce conventionnel est présenté comme étant guidé par une poursuite aveugle du profit, le commerce équitable est décrit comme étant animé par des finalités de développement et par une prise en compte de la situation des producteurs. Le site de Max Havelaar en Belgique énonce, non sans rappeler la situation du commerce conventionnel :
« Le prix équitable d’un produit est un prix qui couvre les frais du producteur dans le cadre d’une production durable de ce produit. À ce coût de production, [Fairtrade international] ajoute une prime qui est investie dans des projets d’améliorations sur le plan social, économique ou écologique. (…) Les prix minimums du commerce équitable ne sont donc déterminés ni lors de négociations, en mettant la pression sur les producteurs, ni par des grossistes qui les fixent sur les marchés de matières premières, quelque part à l’autre bout de la planète. Ils sont établis de façon juste et systématique et font l’objet de révisions régulières visant à ce que les coûts de production soient toujours bien couverts. »10
11Le discours tend alors à sous-entendre que le prix équitable est forcément supérieur au prix du marché conventionnel. Lorsque c’est le cas, pour certains produits agricoles comme le café ou le cacao, la promesse de différence peut même se visualiser graphiquement par l’écart entre les prix du marché boursier et les prix minimums établis par Fairtrade. Cependant, il arrive que les prix de marché soient élevés et excèdent les prix minimum du commerce équitable. Au début des années 2010, c’était le cas pour le café comme le cacao. Même si le prix du commerce équitable accompagne l’évolution du prix mondial, et demeure supérieur en raison du paiement supplémentaire d’une « prime de développement », cette situation impose un surcroît d’explication. Les organisations de commerce équitable rappellent alors que leur démarche ne se résume pas au prix payé et que le prix minimum demeure un facteur de stabilité pour les producteurs. En soulignant le caractère spéculatif et volatile du prix de marché, le discours réaffirme la promesse de différence du commerce équitable11.
12La promesse de relations commerciales différentes porte ensuite sur l’établissement d’une relation la plus directe possible, le préfinancement partiel des commandes et l’engagement dans la durée. De nouveau, ce cadrage interprétatif des bénéfices du commerce équitable répond aux dysfonctionnements attribués aux filières conventionnelles où intermédiaires, usuriers et spéculateurs sont accusés de s’enrichir sur le dos des travailleurs et d’étouffer toute possibilité de développement. Il est sur ce point frappant de voir combien ce discours s’inscrit dans une histoire longue de suspicion concernant les commerçants, soupçonnés d’agir de façon intéressée et opportuniste aux dépens des besoins de leurs communautés [Hénaff, 2002]. Les finalités du commerce équitable rappellent celles de l’« économie morale du peuple » du XVIIe siècle si bien décrites par Edward P. Thompson [Thompson, 1971]. L’enjeu est d’ailleurs similaire : il s’agit de définir si les échanges marchands peuvent être guidés par la seule poursuite de l’enrichissement personnel ou s’ils doivent être encadrés selon des principes visant d’autres impératifs, en premier lieu la survie matérielle de la communauté. Bien entendu, la communauté de référence n’est plus du tout la même. Ce n’est plus une communauté locale où cohabitent producteurs et commerçants mais une communauté à distance que les agents du commerce équitable s’efforcent de créer [M. K. Goodman, 2004]. Mais, aujourd’hui comme hier, face au constat d’un prix injuste, les regards se tournent vers les commerçants accusés d’être guidés par une pure poursuite du profit.
13Ce n’est donc pas par hasard si les discours énoncent de façon récurrente que le commerce équitable vise à « limiter autant que possible le nombre des intermédiaires »12. Des visuels transmettent également ce type de message (Cf. Figure1). En 2010, le rapport annuel de Max Havelaar France se concluait par une page d’illustration titrée « Équitable ou non ? Deux cas de figure », la « filière classique » étant caractérisée par la présence de trois intermédiaires entre le producteur isolé et le port d’exportation, la « filière équitable » par un regroupement coopératif supprimant totalement ces intermédiaires13. D’autres visuels mettent en scène la relation directe et la rencontre entre producteurs et consommateurs. Je pense par exemple au logo de la Quinzaine du commerce équitable, un événement national de promotion ayant lieu tous les ans, réalisé par Max Havelaar France en 2003. Il présentait de façon stylisée la rencontre entre un producteur au travail et un consommateur faisant ses courses. L’affiche allemande de la même année était encore plus explicite. Elle était constituée d’un montage où une consommatrice prenait dans le rayon de son supermarché un paquet de café qui semblait lui être directement donné, de la main à la main, par une productrice de l’autre bout du monde.
Figure 1. Trois illustrations de la promesse d’une relation directe entre producteurs et consommateurs



Sources : Max Havelaar France, Rapport annuel 2009-2010, 2010. Max Havelaar France, 3e Quinzaine du commerce équitable, dossier de presse, 2003. Transfair, Besonderes zum Freundschaftspreis, affiche, 2003.
14Dans la continuité de cette idée, les organisations de commerce équitable mettent l’accent sur la logique de « partenariat » qui les anime. « Pour Artisans du Monde, le commerce équitable est avant tout un partenariat humain entre organisations au sud et au nord » peut-on par exemple lire sur le site internet de la Fédération14. Un tel énoncé est porteur d’une promesse de différence. Le partenariat implique des relations commerciales durables et personnalisées, alors que la relation commerciale habituelle est supposée ne porter que sur les prix et les produits échangés. Un salarié de la Fédération Artisans du Monde me disait :
« On travaille avec des organisations, pas dans un objectif de profit mais dans un objectif de soutien. Ce n’est pas l’argent le but ultime, c’est la relation qui est importante, la relation dans la durée. (…) Je l’ai entendu des représentants de producteurs : “si dans le commerce conventionnel, notre client n’est pas content de nos produits et trouve qu’il y a une malfaçon ou autre, il va juste les renvoyer, ne pas nous payer et couper les liens avec nous” »15.
15Selon des termes utilisés dans un document publié par l’association européenne des importateurs spécialisés dans le commerce équitable, dont la centrale d’importation de la Fédération Artisans du Monde est membre, le commerce équitable ambitionne de remplacer la « main invisible » du marché par un partenariat « main dans la main »16. De nouveau, il s’agit donc bien de mettre en avant la différence du commerce équitable par rapport au commerce conventionnel.
Un « avant » et un « après » commerce équitable
16Une seconde façon de mettre l’accent sur la promesse de différence du commerce équitable consiste à souligner la rhétorique de transformation mobilisée dans les dispositifs de cadrage interprétatif et promotionnel.
17Les témoignages de producteurs des pays du Sud, omniprésents dans les documents de promotion du commerce équitable, jusqu’aux emballages des produits, mettent régulièrement en scène un « avant » et « après » commerce équitable. Le cadrage opéré porte alors aussi bien sur les bénéfices du commerce équitable que sur les dysfonctionnements du commerce conventionnel. Par exemple, dans le dossier de presse que Max Havelaar France a publié en 2005 à l’occasion de la Quinzaine du commerce équitable, neuf représentants d’organisations de producteurs témoignaient en quelques phrases des changements concrets dont leur famille et leur communauté ont bénéficié. Nous en reproduisons trois (Cf. Figure 2).
Figure 2. Max Havelaar France, extraits du dossier de presse de la Quinzaine du commerce équitable, 2005



18Plus récemment, dans un film produit par Max Havelaar France nommé Sur les routes du commerce équitable, un reportage d’une dizaine de minutes montrait la succession de courts témoignages de villageois d’une région du Sénégal. Cinq d’entre eux, la moitié des interviewés, mobilisaient explicitement cette opposition :
« Avant on se disputait avec les acheteurs sur les qualités du coton. Mais avec la formation du commerce équitable, nous savons exactement classer notre coton selon ses qualités. » « Avant [l’achat d’une machine à moudre le grain] on était épuisées. On pilait pendant quatre heures. Maintenant, on arrive aux champs plus tôt et ce travail nous est plus facile ». « D’habitude équiper les enfants en fournitures posait de sérieux problèmes aux parents d’élèves. Cette année, les élèves étaient beaucoup plus motivés parce qu’il n’y avait pas de problème de matériel. » « Avant que je ne sois formée [au métier de sage-femme], avant que cette case [de santé] n’existe, lorsqu’une femme devait accoucher, il fallait courir chercher les mamas pour qu’elles calment la douleur avec des gris-gris. Depuis le commerce équitable, lorsqu’une femme va accoucher, elle vient ici et je vois avec elle si elle peut accoucher ici ou non. » « Depuis que le commerce équitable est là, nous les femmes constatons son utilité. Nous sommes maintenant associées à toute prise de décision aux côtés des hommes. » « Avant, c’est nous les hommes qui gérions l’argent tous seuls. Maintenant, quand une femme pèse sa récolte, on lui donne l’argent en main propre, exactement comme pour les hommes. C’est grâce au commerce équitable. »17
19La partition entre un avant-conventionnel et après-équitable est également avancée au sujet des consommateurs. La promesse de différence porte alors sur la transformation des consommateurs passifs en « consom’acteurs ». Cet argument est particulièrement présent dans les organisations comme Artisans du Monde qui se positionnent sur des missions d’éducation. Ces organisations cherchent à imposer l’idée que l’acte de consommation est un acte politique, incluant une responsabilité des consommateurs. Selon les termes d’un document pédagogique d’Artisans du Monde destiné au public adolescent, au « pouvoir d’achat » est associé un « devoir d’action »18. L’argument se poursuit par un appel à la « conscientisation », souvent en référence aux idéaux de l’éducation populaire et aux écrits de Paolo Freire. Pour que les consommateurs exercent pleinement leurs responsabilités, il faut qu’ils aient connaissance des rouages du système conventionnel dans lequel les producteurs mais aussi eux-mêmes sont pris. Les actions d’éducation en milieu scolaire couplent typiquement ces deux objectifs en commençant par un questionnement sur les actes de consommation. Les adolescents sont amenés à réfléchir sur l’histoire des produits de marque qu’ils aiment porter, sur le rôle de la publicité et sur la société de consommation à laquelle ils participent.
20Les consommateurs sont alors présentés comme co-responsables de la situation des producteurs, mais aussi comme co-victimes du commerce conventionnel. La page « Éducation au commerce équitable » du site internet de la Fédération Artisans du Monde a pendant plusieurs années reproduit une citation de Maria-Cristina Pecchini, présidente de Botteghe del Mondo, une organisation italienne semblable à Artisans du Monde. Le commerce conventionnel y était associé au pouvoir des firmes multinationales et de l’idéologie du libre-échange sur les consommateurs ordinaires. À l’inverse, le commerce équitable y était présenté comme un outil d’émancipation, par lequel les consom’acteurs deviennent pleinement conscients des conséquences de leurs actes et de leur capacité d’action.
21Pour conclure cette section, il est possible de résumer la promesse de différence du commerce équitable à travers une série de dichotomies, d’oppositions et de ruptures. Favoriser le développement des « petits producteurs » qui sont victimes des « grandes multinationales » du commerce conventionnel ; payer un prix juste qui tienne compte de la situation des producteurs plutôt qu’un prix de marché fixé par une confrontation aveugle de l’offre et de la demande ; établir une relation la plus directe possible pour éviter que les intermédiaires commerciaux ne s’enrichissent sur le dos des producteurs ; engager des partenariats dans une visée de développement plutôt que choisir des fournisseurs selon une pure logique de profit ; connaître les producteurs derrière les produits ; agir en consom’acteur et ne plus subir passivement les messages de la société de consommation : toutes ces promesses sont au cœur des cadrages interprétatifs et promotionnels du commerce équitable. Dans la section suivante, nous allons constater que certaines d’entre elles sont aussi avancées pour les circuits courts. Surtout, nous allons voir que les cadrages opérés à leur sujet sont également marqués par une promesse de différence.
Circuits courts contre circuits longs
22Depuis 2009 et le Plan d’action pour développer les circuits courts du ministère de l’agriculture, les circuits courts alimentaires sont généralement définis en France par la présence de zéro ou un intermédiaire entre le producteur et le consommateur. Cette définition, volontairement inclusive, renvoie à des formes très variées de circuits : vente directe à la ferme, sur des marchés de plein vent, lors de foires, dans des magasins gérés par des collectifs de producteurs, ou par le biais de systèmes de panier de type AMAP, mais aussi vente intermédiée par un commerçant, un restaurateur ou un opérateur constituant des paniers, etc19. La définition du Plan d’action ne parle pas de la distance parcourue par les produits. Néanmoins, dans l’esprit de beaucoup, ceux-ci sont également caractérisés par une proximité géographique. Les circuits courts sont alors intimement liés à la thématique du « manger local » ou du « locavorisme ». Même si les pratiques combinent très fréquemment les deux caractéristiques, la question des circuits courts renvoie donc à deux enjeux : celui de la réduction du nombre d’intermédiaire et celui de la réduction des « kilomètres alimentaires ».
23Cette section, à l’instar de la précédente, se focalise sur la promesse de différence des circuits courts. Néanmoins, il me faut rapidement souligner que la promotion des circuits courts est menée de façon différente de celle du commerce équitable, et qu’en conséquence elle ne pourra être étudiée exactement de la même façon. Deux points méritent d’être notés. Premièrement, il n’y a pas d’organisations nationales importantes qui soient exclusivement dédiées au développement des circuits courts. La promesse de différence est avancée par des acteurs épars, qui agissent à un niveau national ou local, et qui se réfèrent aux circuits courts en général ou à certaines formes en particulier. Autant il semble possible d’identifier un petit nombre d’entrepreneurs de cause qui ont en France mis en avant les « dysfonctionnements du commerce conventionnel » et promu la « réponse du commerce équitable », autant il semblerait hasardeux de raisonner ainsi pour comprendre la croissance des préoccupations pour la vente directe ou le manger local. Deuxièmement, il convient de prendre en considération le rôle des chercheurs dans l’établissement des cadres interprétatifs favorables aux circuits courts [Paranthoën, 2015]. De façon plus manifeste que pour le commerce équitable, beaucoup des recherches sur les circuits courts ont été engagées dans le cadre de projets menés en collaboration avec les acteurs socio-économiques. Ces proximités et collaborations ont sans doute amené des chercheurs à développer des argumentaires participant à la promotion des circuits courts, ou tout du moins à reprendre de façon cohérente les argumentaires existants. Les acteurs socio-économiques s’en sont ensuite saisis pour affiner leurs discours, discours dont des chercheurs se sont de nouveau fait l’écho. On assiste alors à une dynamique entremêlée de production de connaissances et d’argumentaires.
24À l’image des acteurs et des initiatives faisant la promotion des circuits courts, les enquêtes sur lesquelles je m’appuierai sont relativement dispersées. Depuis 2006, j’ai ainsi entretenu des collaborations régulières avec certaines organisations investies dans les circuits courts et en ai fréquenté beaucoup d’autres autour de projets divers. Ces enquêtes représentent l’équivalent d’une centaine de journées d’observation, ont permis la constitution d’un important corpus documentaire et ont été le cadre de la conduite d’une trentaine d’entretiens semi-directifs. Comme dans la section précédente, je vais puiser dans ces données de terrain pour isoler la promesse de différence des circuits courts. De nouveau, il ne s’agira pas de restituer des opérations de cadrage interprétatif et promotionnel dans leur entier, mais de repérer en leur sein les oppositions entre dysfonctionnements des circuits longs et bénéfices de la vente directe ou du manger local. Il en sera de même lorsque je me réfèrerai aux articles scientifiques.
Encadré 2. Repères sur les circuits courts : quelques données statistiques, définitions et acteurs
Selon les données du recensement agricole de 2010, une exploitation agricole française sur cinq pratique au moins une forme de circuits courts (avec zéro ou un intermédiaire). Pour 40 % d’entre elles, ces circuits courts représentent plus de 75 % de leur chiffre d’affaires. En couplant ces deux données pour les producteurs de légumes, on constate que 22 % des exploitations légumières françaises tirent au moins 75 % de leur chiffre d’affaires de la vente en circuits courts. Lorsqu’il est demandé aux exploitants d’ordonner par ordre d’importance en chiffre d’affaires les différents types de circuits courts qu’ils pratiquent, ils classent en premier la vente à la ferme, puis la vente directe sur les marchés de plein vent. Les caractéristiques des exploitations engagées en circuits courts sont statistiquement différentes de celles qui ne participent qu’à des circuits longs [Barry, 2012 ; Capt & Wavresky, 2014] : elles ont des surfaces plus réduites (sauf en viticulture) et sont plus tournées vers des activités de transformation et d’agritourisme. Enfin, la moitié des exploitations en agriculture biologique pratiquent au moins un circuit court, soit deux fois et demi plus que la moyenne nationale.
Parmi les circuits courts, une attention particulière a été accordée par la recherche aux Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne, ou AMAP [Dubuisson-Quellier & Lamine, 2004 ; Mundler, 2007 ; Lamine, 2008 ; Samak, 2012]. Les premières AMAP se sont développées en France au tout début des années 2000. En 2012, selon Miramap, une association nationale qui regroupe les fédérations régionales d’AMAP, il en y avait 1600 sur tout le territoire, impliquant près de 200 000 consommateurs. Dans leur formule canonique, les AMAP sont des associations regroupant un collectif d’une cinquantaine de ménages et un producteur, les premiers s’abonnant auprès du second pour recevoir à un rythme régulier un panier de denrées issues de sa production. Dans la pratique, les AMAP ont des organisations plus diverses. En outre, de multiples autres formes de « systèmes de panier » existent en dehors des AMAP. Elles peuvent être portées par collectifs d’agriculteurs et/ou de consommateurs, mais aussi par des intermédiaires commerciaux.
Parmi les acteurs des circuits courts, je citerai régulièrement les Civam (Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural). Les Civam existent depuis les années 1950. Ce sont des groupes composés principalement d’agriculteurs, qui échangent ou agissent collectivement sur des thématiques en lien avec le projet d’une « agriculture durable » : mise en œuvre de systèmes de production écologiques et économes en intrants, commercialisation en circuits courts, accueil à la ferme… Ces groupes sont membres de fédérations départementales et régionales, qui embauchent, selon les financements obtenus, des salariés apportant un soutien technique. Ils sont également membres de la Fédération nationale des Civam qui agit comme leur porte-parole auprès des pouvoirs publics et des autres acteurs nationaux du développement agricole et rural. En 2013, la FN civam annonçait être composée de 123 groupes et fédérations comprenant 13 000 adhérents.
25Cette présentation sera organisée en quatre temps. Je vais tout d’abord exposer trois variantes de la promesse de différence des circuits courts. Selon les cas, les circuits courts sont ainsi présentés comme un élément d’un « nouveau paradigme » répondant aux crises de l’agriculture conventionnelle, comme un retour au bon sens face aux aberrations des circuits longs et de l’agro-industrie et comme une forme de résistance par rapport à l’« économie de marché ». Ces trois variantes sont portées par des acteurs contestataires, s’identifiant notamment dans le projet plus large d’une « agriculture alternative ». La promesse de différence est alors systématisée : à l’agriculture conventionnelle, ses circuits longs et ses modes de production industriels, s’oppose une agriculture alternative privilégiant les circuits courts et d’autres modes de production. En contre-point, j’évoquerai dans un quatrième temps le contenu du document annonçant le Plan d’action pour développer les circuits courts du ministère de l’Agriculture en 2009. Nous y verrons la reprise de la promesse de différence avancée par les acteurs les plus contestataires, même si la critique de l’agriculture conventionnelle y est beaucoup plus évasive.
Un élément d’un « nouveau paradigme » de développement agricole
26Une première promesse de différence voit dans les circuits courts un élément d’un « nouveau paradigme » de développement agricole et rural. Ce cadrage interprétatif et promotionnel a été particulièrement porté par des chercheurs européens dans une série de publications au tournant des années 2000 qui ont également contribué à la naissance du champ de recherche sur les systèmes alimentaires alternatifs.
27Le point de départ de ces travaux a consisté dans l’identification de plusieurs démarches jugées innovantes : les circuits courts, mais aussi l’agritourisme, la transformation à la ferme, l’agriculture biologique, les appellations d’origine contrôlée ou les labels de qualité comme le Label rouge20. Pour les auteurs de ces travaux, ces différentes démarches couplent de façon cohérente la recherche de modes de cultures ou d’élevage économes, de nouvelles sources de revenus et d’une meilleure valorisation de la production. En outre, elles bénéficient d’un ancrage territorial accru, valorisant les ressources, les identités et les patrimoines locaux, et développant des coopérations entre les acteurs variés du territoire21.
28Le sentiment de cohérence de cet ensemble a amené certains de ces chercheurs à parler d’un « changement de paradigme », d’un « nouveau paradigme de développement rural » [van der Ploeg & al., 2000]. En France, en référence aux travaux de Pierre Muller, Catherine Darrot et Guy Durand parlent de même d’un nouveau « référentiel » d’action, aussi bien pour les pouvoirs publics que pour les organisations professionnelles agricoles [Darrot & Durand, 2011]. Dans les deux cas, il est mis en avant une rupture par rapport au « paradigme de la modernisation » dominant depuis les années 1960. Le nouveau paradigme est décrit comme une transformation des façons de penser le travail des agriculteurs et la place de l’agriculture dans la société. Par exemple, plutôt que d’être considérée uniquement comme une activité de production alimentaire, l’agriculture est envisagée comme une activité multifonctionnelle, visant également la défense des patrimoines culturels ou l’aménagement des territoires. Le nouveau paradigme est aussi présenté comme une réponse aux multiples crises de l’agriculture conventionnelle. De la même façon que la promotion du commerce équitable repose sur une dénonciation des effets du commerce conventionnel, la promotion du nouveau paradigme de développement agricole commence par le constat des échecs de la modernisation : crises sanitaires, défiance des consommateurs, pollutions environnementales, baisse des cours des productions agricoles, accroissement du prix des intrants, faillites des exploitations… [Renting & al., 2003].
29Ce cadrage est également aisément observable dans les discours des organisations de développement agricole qui se positionnent en faveur d’une « agriculture alternative ». En France, cette revendication est particulièrement portée par les associations de la plate-forme Inpact (Initiatives Pour une Agriculture Citoyenne et Territoriale), telles la Fédération nationale des Civam, le Réseau Agriculture Durable ou Accueil paysan. Sans entrer dans le détail des histoires de ces différentes organisations et des modèles d’agriculture qu’elles défendent [Deléage, 2013], expliquons simplement qu’elles se pensent en confrontation à ce qu’elles nomment le « modèle productiviste dominant », le « modèle dominant représenté par une agriculture intensive, réduite à sa seule fonction de production et parfois qualifiée d’industrielle »22. De nouveau, la partition ne porte alors pas seulement sur le couple circuits courts/circuits longs, mais plus largement sur un couple agriculture alternative/agriculture conventionnelle, couple incarné dans des différences de pratiques et d’identités professionnelles, mais aussi dans des rapports entre organisations [Olivier, 2012 ; Samak, 2013]. Lorsque l’on participe à une réunion organisée par une des organisations de la plate-forme Inpact, il est ainsi fréquent que leurs membres manifestent leur différence par rapport au réseau des chambres agriculture et au syndicat majoritaire d’agriculteurs, la FNSEA. Leur positionnement est alors clairement pensé comme un positionnement alternatif. Cela apparaît également bien dans les extraits d’un entretien que j’avais eu alors que je commençais tout juste à travailler sur les circuits courts. Le coordinateur de la Fédération régionale des civam de Bretagne m’expliquait en quoi les logiques qui structurent les circuits courts rompent avec celles qui structurent les logiques dominantes de l’agriculture bretonne :
« Si tu veux, tu as une configuration en Bretagne où l’agriculture est organisée exclusivement, était organisée quasiment exclusivement, sur des logiques de filières. Et donc, où les solidarités et le contact étaient organisés autour de produits : la filière lait, poulet etc. Donc dans ces conditions-là, les producteurs fonctionnent sur des logiques de similarité et de force. On est 20 000 laitiers, on a un poids pour négocier face à l’État, etc. Nous, on est dans un débat face à cette logique de filière en disant que le territoire peut être aussi un échelon de cohérence de l’agriculture. Par exemple, dans un magasin coopératif, là on passe plutôt sur des logiques de complémentarité. (…) Dans les filières on est très loin de penser à des questions d’équité. Certes on revendique des prix rémunérateurs, ‘des prix pas des primes’, c’est le slogan. Mais de là à conceptualiser ça en utilisant le terme d’équité, à mon avis on en est très très loin. Par contre, c’est beaucoup plus sensible sur les gens qui s’inscrivent dans des logiques territoriales puisqu’ils sont confrontés au consommateur, alors que pour le paysan dans une filière poulet, il est confronté à sa coopérative, au technicien commercial mais pas au consommateur. En plus, il vend très très loin. (…) L’autonomie ça veut dire pour le paysan la capacité à faire des choix. Dans ces logiques de filière, quand tu es producteur de volaille intégré, on va t’amener les poussins, l’aliment, tout, etc., et ta seule marge de liberté, ta seule marge de manœuvre est de gagner sur l’indice de consommation. Ta seule… manière de t’exprimer c’est d’être bon en technique. L’autonomie au sens politique, c’est une revendication des paysans d’être en mesure de faire des choix, de savoir, de construire soi-même son système d’exploitation en lien avec l’environnement, et maintenant en capacité de choisir comment on va vendre. »23
Une réponse aux aberrations des circuits longs et de l’agro-industrie
30Tout au long de mes enquêtes, j’ai fréquemment observé une seconde forme de promesse de différence des circuits courts qui insiste sur les aberrations des circuits longs et de l’agro-industrie. Cette promesse peut alors faire écho à des problématiques sociales, économiques, culturelles ou environnementales, mais elle ne s’y résume pas. Elle renvoie au sentiment que le monde actuel « marche sur la tête », fonctionne de façon « absurde », à l’encontre du « bon sens ».
31Ce sentiment d’aberration est particulièrement visible dans la dénonciation des kilomètres alimentaires. Dans un dépliant, le réseau de magasins de produits biologiques Biocoop pose ainsi le problème :
« Le transport de produits – notamment par avion – alourdit beaucoup l’écobilan de nos assiettes. Limiter ces transports, c’est réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le principe des kilomètres alimentaires, c’est de mesurer la distance parcourue par un aliment du champ à l’assiette. Un yaourt à la fraise conventionnel peut parcourir près de 9000 km avant d’atteindre votre réfrigérateur ! Ce chiffre cumule le trajet effectué par chacun des ingrédients (lait, fruit, ferments, emballage, transport…). »24
32Plus que le coût environnemental, qui aurait pu être calculé par exemple à travers des émissions de gaz à effet de serre, ce sont bien les 9000 kilomètres parcourus par les ingrédients nécessaires à la production et à la commercialisation d’un pot de yaourt à la fraise qui sont mis en exergue. Ce cas du yaourt à la fraise est d’autant plus intéressant qu’il revient très souvent dans les cadrages interprétatifs et promotionnels des partisans de la relocalisation, au détour d’un article de journal, d’un post de blog, d’une conférence ou d’une discussion. En tapant « kilomètres yaourt à la fraise » sur un moteur de recherche, on parvient aisément à des dizaines d’occurrences, restituant peu ou prou le même constat sur le même ton. Parfois, il est expliqué que ce chiffre de 9000 kilomètres provient d’une étude réalisée en Allemagne, mais généralement sans citer de source précise.25 L’histoire de ce yaourt à la fraise devient finalement une sorte de mythe mobilisateur, visant moins à analyser les impacts environnementaux du transport dans les systèmes alimentaires, qu’à susciter un sentiment d’aberration. Le fait que les calculs effectués dans cette étude soient ou non pertinents importe alors peu. De même, peu importe si cette seconde histoire, elle aussi souvent racontée, est vraie ou si elle est totalement inventée, dès lors qu’elle résume l’absurdité des circuits longs :
« Deux camions, l’un provenant d’Espagne et l’autre des Pays-Bas, sont entrés en collision dans le tunnel de Fourvière en Rhône-Alpes. Tous deux transportaient des tomates de leur pays de départ à destination… du nord de l’Europe pour le premier et du sud de l’Europe pour le second26 ».
33Le cadrage interprétatif et promotionnel se poursuit en mettant en avant le « bon sens » consistant à privilégier des productions locales. Expliquant sa démarche auprès de producteurs ayant ouvert un magasin fermier dans une petite commune rurale, une animatrice des Civam du Finistère me disait :
« Et voilà vendre localement ce qui est produit localement, je trouve aussi que c’est un symbole assez fort par rapport à la marche globale dans laquelle on est aujourd’hui. Au supermarché, des yaourts qui sont faits avec du lait produit dans le Léon [nord du Finistère], qui va partir en poudre à Marseille, qui va revenir à Paris pour qu’on lui ajoute un arôme et trois édulcorants et qu’on fait venir ici pour être vendu. C’est aberrant en termes d’énergie, c’est aberrant aussi pour moi en termes de qualité de l’aliment parce qu’il a été tellement transformé qu’il a perdu ses qualités intrinsèques. Voilà, perte d’énergie, perte de qualité. (…) C’est un peu revenir à des choses qui se faisaient avant… Oui. Mais ce n’est pas du passéisme, c’est du bon sens ! C’est toujours par rapport à mon yaourt qui se balade. Moi, je préfère payer le même prix ou un petit peu plus et savoir dans la poche de qui ça va tomber et à quoi ça va servir. Plutôt que de payer du gasoil ou des produits phyto ou des arômes, des choses qui vont aussi contribuer à des distorsions de concurrence. »27
34Plus récemment, l’affaire des lasagnes à la viande de cheval commercialisées par Findus a constitué un moment privilégié pour observer la dénonciation des aberrations d’un système agro-industriel déterritorialisé. Dans certains cas, celle-ci s’est couplée avec un appel à développer des circuits courts. Reprenant les informations parues dans la presse, et le titre d’une infographie très signifiante publiée sur le site internet du quotidien Le Monde, la coordination régionale des agriculteurs biologiques de Rhône-Alpes a rédigé un communiqué de presse résumant de façon schématique l’alternative qu’incarne l’achat d’une production biologique et locale : « Vous avez faim ? Solution 1. Pour un plat de lasagnes : 2 traders, 4 entreprises, 5 pays. Solution 2. Pour un plat de lasagnes : 2 producteurs bio locaux, 1 environnement préservé et VOUS. (…) Bio et local c’est l’idéal28 ». Les circuits courts incarnent alors un possible retour à la transparence, face à un système marqué par l’opacité générée par les sous-traitants, les traders et autres intermédiaires. Par sa partition dichotomique, l’image, à l’instar de celles présentant côte à côte les filières du commerce conventionnel et du commerce équitable, met alors parfaitement en scène la promesse de différence des circuits courts (Cf Figure 3).
Figure 3. Corabio, Vous avez faim ? 2013

35Comme le « vous » en majuscule le suggère, cette promesse de différence concerne aussi le consommateur. Sur ce point également, le registre de l’aberration est bien présent. Nous pouvons par exemple l’observer dans un article publié à la même époque par Nicolas Haeringer, chercheur en sociologie et militant altermondialiste, sur son blog, article relayé dans plusieurs mouvements régionaux d’AMAP. Il y est expliqué que « pour bien réussir [la] recette de lasagnes de bœuf au cheval », il faut renoncer à faire ses courses au marché ou dans une AMAP, pour s’abrutir devant les publicités à la télévision, faire des kilomètres en voiture jusqu’au supermarché, réchauffer paresseusement ses lasagnes au four micro-onde et les arroser de ketchup et de soda29. Cette chronique fait alors écho à une image extrêmement négative du consommateur ordinaire, que j’ai beaucoup entendue auprès de militants de la relocalisation. Par exemple, lors d’un atelier des Assises bretonnes de la vente directe, en mars 2008 à Saint Brieuc, impliquant des agriculteurs et des consommateurs engagés en circuits courts, la discussion a largement porté sur « le consommateur d’aujourd’hui », à savoir celui qui ne participe pas aux circuits courts. Pour les participants à l’atelier s’exprimant sur le sujet, celui-ci méconnaitrait totalement les réalités agricoles, se désintéresserait des impacts de ses achats et négligerait l’alimentation dans son budget. Les exemples avancés portaient sur des familles fréquentant les hard discounters mais achetant tout de même de gigantesques téléviseurs à écran plat, et sur des enfants ne sachant plus que les pommes poussent dans des arbres et que les poissons ne sont pas carrés. Un regard critique pourrait être porté sur la violence symbolique, et sans doute de classe, de ces jugements [DuPuis & Goodman, 2005 ; Guthman, 2008]. Mais, conformément aux objectifs de ce chapitre, notons simplement qu’ils marquent bien la promesse de différence des circuits courts. Comme pour le commerce équitable, où les simples consommateurs sont appelés à devenir des « consom’acteurs », les circuits courts sont présentés comme un vecteur de transformation des consommateurs, qui deviendraient beaucoup plus conscients des enjeux de leur alimentation et des réalités du monde agricole. Cet argument est notamment avancé par les promoteurs des AMAP, pour qui s’abonner à un panier de légumes sans pouvoir choisir son contenu permet de reprendre conscience des saisonnalités, de redécouvrir des fruits ou légumes « oubliés » et d’apprendre de nouvelles façons de cuisiner.
Sortir de l’« économie de marché »
36Une troisième forme du cadrage interprétatif couplant promotion des circuits courts et dénonciation des circuits longs peut être introduite à travers la relecture du texte « Coming in to the foodshed » [Kloppenburg & al., 1996]. Ce texte, que j’ai déjà évoqué dans le premier chapitre, est un des articles fondateurs de la recherche sur les systèmes alimentaires alternatifs, autant en raison de la force de ses énoncés que des débats qu’il a suscités. Après avoir décrit et critiqué les tendances du système alimentaire dominant, les auteurs y expriment ainsi le souhait d’une relocalisation dans des bassins alimentaires (foodshed). Ils décrivent cette relocalisation comme une stratégie d’« autoprotection », de « sécession », d’« isolation ». Le local est présenté comme un espace autonome de résistance, où peuvent se construire des modalités alternatives de systèmes alimentaires. En particulier, ces auteurs voient dans les Community Supported Agriculture, l’équivalent des AMAP françaises, le lieu d’une « économie morale » s’opposant à l’« économie de marché » dominante. Il s’agit pour eux de donner un statut spécifique aux marchandises alimentaires, de ne pas les soumettre à la poursuite du profit et au libre jeu de l’offre et de la demande, mais de déterminer les conditions de l’échange selon des impératifs variés, de coûts, de qualité, de justice, d’esthétique, de plaisir, etc.
37En France, cette opposition est également beaucoup avancée dans les cadrages interprétatifs et promotionnels des AMAP. Dans de nombreux documents, la sortie de l’« économie de marché » ou le refus du « simple échange marchand » sont explicites.
« Dans ce système hors économie de marché, le paysan écoule l’intégralité de sa production, évite la surproduction et toute mévente due à la forte concurrence internationale. N’ayant plus le souci de vendre, il peut se consacrer à la valorisation de son savoir-faire et à la qualité de sa production. »30
« Le prix du panier est fixé pour une saison afin de permettre au producteur de l’AMAP de maintenir son exploitation et de s’assurer un revenu décent, contrairement aux agriculteurs soumis au prix du marché, fixé sur le marché international, qui peut mettre le petit agriculteur en grande difficulté. C’est en acceptant ce principe que les producteurs et les consom’acteurs sortent tous deux du système régi par l’économie de marché. Il n’est donc plus question ni pour nous, ni pour le producteur, de comparer avec les prix du marché. »31
« Alter-Conso propose bien plus qu’un simple échange commercial. Elle s’inscrit dans un projet social qui va au-delà du simple lien marchand et entend instaurer une solidarité et une relation durable entre producteurs et consommateurs. Une telle relation repose sur des engagements réciproques et une confiance mutuelle. »32
38Ces discours rappellent fortement les cadrages interprétatifs et promotionnels du commerce équitable. Dans ces deux cas, une opposition est opérée avec ce que l’on peut aussi nommer le « monde du commerce » ou le « monde du marché », entendus comme des mondes guidés par la seule recherche du profit et régulés par la seule loi de l’offre et de la demande. Nous retrouvons l’affirmation de modes de fixation de prix permettant une juste rémunération des producteurs, l’idée d’un partenariat durable et le passage à une « consom’action ». Ces cadrages interprétatifs se retrouvent également dans d’autres formes de circuits courts. Le cas des « magasins fermiers » ou « points de vente collectifs » est particulièrement intéressant, puisqu’en raison de leur principe même, les producteurs ne sont pas tous présents lorsque le consommateur vient y faire ses achats. Néanmoins, des dispositifs sont mis en place pour les rendre tous visibles. Généralement, des affiches ou des fascicules font état de leur identité, de leur famille, de leur exploitation et de leur production. Même si dans ces boutiques des messages militants critiquant explicitement l’« économie de marché » sont plus rares que dans les AMAP, la présentation détaillée de ces caractéristiques permet de soutenir la promesse d’une différence par rapport aux relations impersonnelles, non durables et injustes associées aux circuits de commercialisation conventionnels.
Le cas du Plan Barnier
39Le Plan d’action pour développer les circuits courts du ministère de l’Agriculture (ou « Plan Barnier »), publié en 2009, témoigne de la diffusion et du succès des cadres interprétatifs avancés par les partisans des circuits courts. Ce plan est en effet le premier du genre, les circuits courts ayant par le passé été ignorés des politiques agricoles et alimentaires [Dumain & Maurines, 2012]. En outre, à sa lecture, nous retrouvons beaucoup d’arguments semblables à ceux dont nous venons de faire l’inventaire. Les comptes-rendus des conditions de sa rédaction confirment d’ailleurs qu’il s’agissait pour le ministère de l’Agriculture de prendre pied sur ce dossier et de reprendre à son compte certains cadres interprétatifs et promotionnels développés par d’autres organisations [Prévost, 2014 ; Paranthoën, 2015]. Son préambule commence ainsi :
« Les circuits courts de commercialisation des produits agricoles participent à la recherche de liens plus directs entre les agriculteurs et les consommateurs. Ils contribuent au développement d’une production durable et d’une consommation responsable. Ils répondent à une demande croissante des consommateurs à la recherche de produits authentiques, de saisonnalité, de proximité et de lien social. Ils apportent aux agriculteurs une meilleure valorisation de leur production. Ils constituent un enjeu de développement durable des territoires, dans lesquels ils sont présents : périurbain, zones touristiques, montagne, en facilitant une “gouvernance alimentaire” par une mobilisation de l’ensemble des acteurs : producteurs, artisans, commerçants, restaurateurs, collectivités locales et consommateurs. Les circuits courts constituent une offre alimentaire complémentaire à l’offre traditionnelle33 »
40La dernière phrase du préambule n’est pas le fait du hasard. Ce texte a été écrit à la suite d’une large consultation impliquant des responsables de différents services de l’État, d’acteurs de la recherche et de représentants du monde agricole dans toutes ses sensibilités. Y étaient ainsi représentés des organisations se définissant autour du projet d’une « agriculture alternative » comme la Fédération Nationale des Civam, la Confédération paysanne ou la Fédération nationale de l’agriculture biologique, mais aussi des organisations beaucoup moins critiques à l’égard des circuits longs comme la FNSEA, les Jeunes agriculteurs, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture ou Coop de France. Dans le rapport du groupe de travail ainsi constitué, il est d’ailleurs fait mention d’une demande du syndicat Jeunes agriculteurs de « veiller à ne pas mettre en opposition les circuits courts avec les autres modes de commercialisation34 ». C’est donc dans un souci de consensus que le document du Plan d’action évite de dénoncer les circuits longs. S’il est par exemple écrit que les circuits courts répondent à « une demande des consommateurs à la recherche de produits authentiques, d’une plus grande traçabilité, de lien social » et « aux attentes des agriculteurs à la recherche d’un meilleur partage de la valeur au sein de la chaîne alimentaire »35, il n’est nulle part avancé que les circuits longs sont industriels, opaques, anonymes et inéquitables. De même, aucune des trois rhétoriques identifiées précédemment n’est mobilisée dans le texte. Les circuits courts sont décrits à travers un ensemble d’effets bénéfiques, énoncé dans un registre très consensuel de développement durable, mais ne sont pas explicitement mis en opposition avec un modèle conventionnel.
41Cependant, au-delà de l’explicite, il me semble encore possible de voir dans ce document l’affirmation d’une promesse de différence. L’argumentaire traduit ainsi bien l’idée du passage d’un état problématique à un état souhaitable. Le texte du Plan d’action ne manque d’ailleurs pas d’enthousiasme pour avancer une large palette d’évolutions : rétablissement du lien entre producteurs et consommateurs, meilleure rémunération des producteurs, plus grande responsabilité des consommateurs, agriculture et alimentation plus respectueuse de l’environnement, offre alimentaire de meilleure qualité, développement territorial accru. Pour chacune d’entre elles, il est permis de penser que de nombreux lecteurs du document feront le lien avec les discours critiques de l’agriculture et de l’alimentation conventionnelle qui sont aujourd’hui largement accessibles.
Conclusion
42En me référant à de nombreuses sources, j’ai montré la récurrence et décrit le contenu des dichotomies et oppositions qui composent la promesse de différence du commerce équitable et des circuits courts. En réponse aux interrogations décrites dans le premier chapitre, je peux maintenant soutenir que cela fait pleinement sens d’appréhender le commerce équitable et les circuits courts comme des systèmes alimentaires « alternatifs », et qu’il convient de mettre l’étude de leur alternativité au centre de l’analyse. Il pourrait être objecté que le corpus étudié n’est fait que de dispositifs de communication destinés à convaincre de façon plus ou moins cynique un public susceptible de croire aux messages transmis, et qu’il conviendrait en conséquence de ne pas leur attribuer une signification démesurée. Ma fréquentation longue des acteurs du commerce équitable et des circuits courts m’amène à affirmer le contraire. Le contenu des cadres interprétatifs et promotionnels avancés au long de ce chapitre ne doit pas être considéré comme de « beaux discours » visant simplement à mettre en valeur les initiatives concernées, mais comme une composante des projets des collectifs mettant en action le commerce équitable et les circuits courts. La promesse de différence n’est pas une « promesse en l’air », pas une « promesse de gascon » ; elle restitue des raisons et des finalités que se donnent les promoteurs de ces systèmes alimentaires alternatifs. Les preuves de cet énoncé manquent encore, mais la suite de l’ouvrage le montrera. Les dichotomies et les oppositions décrites dans ce chapitre constituent un moteur pour l’établissement d’un changement dans les modes de production, de commercialisation ou de consommation alimentaire. Elles établissent également des repères en fonction desquels se font les activités de régulation comme l’établissement de prix minimum. Il nous faut encore saisir comment cette promesse de différence est mise en action, mais nous allons commencer à le faire dans le prochain chapitre.
Notes de bas de page
1 Max Havelaar France, Rapport annuel 2001, 2002.
2 Max Havelaar France, Site internet, consulté en juillet 2015.
3 Fédération Artisans du Monde, Autres échanges, autre monde. Pour un commerce équitable, affiches, 2012.
4 Max Havelaar France, Site internet, consulté en juillet 2015. Rubrique « Produits ».
5 Fédération Artisans du Monde, Autres échanges, autre monde. Pour un commerce équitable, 2012. Majuscules dans le texte original.
6 Fédération Artisans du Monde, NEWS !, Rencontrez l’Afrique au petit déjeuner !, mai 1996.
7 Max Havelaar France, La Tasse de Max, n°8, septembre 2001.
8 Bénévole d’une association locale de Max Havelaar, 71 ans, ingénieur agronome retraité, entretien, février 2004.
9 Bénévole d’une association locale de Max Havelaar, 64 ans, ancien géologue retraité, également investi dans l’association de solidarité internationale Frères des Hommes, entretien, février 2004.
10 Max Havelaar Belgique, site internet, consulté en juillet 2015. De tels énoncés ont par le passé été également présents sur le site de Max Havelaar France.
11 Voir par exemple : Max Havelaar France, Rapport annuel 2010-2011, 2011.
12 Fédération Artisans du Monde, Dossier de presse, juillet 2004.
13 Max Havelaar France, Rapport annuel 2009-2010, 2010.
14 Fédération Artisans du Monde, site internet, consulté en juillet 2015.
15 Salariée de la Fédération Artisans du Monde, animatrice régionale, 27 ans, entretien, mars 2003.
16 European Fair Trade Association, Mémento du commerce équitable 2001-2003, 2001.
17 Max Havelaar France, Sur les routes du commerce équitable, film, 2011. Je reproduis les sous-titres du film.
18 Fédération Artisans du Monde, Pouvoir d’achat, devoir d’action. Le commerce équitable expliqué aux jeunes, 2003.
19 Chaffotte & Chiffoleau, 2007 ; Cf. encadré 5 pour quelques repères supplémentaires sur les circuits courts.
20 Voir les articles des numéros spéciaux de revues coordonnés par Marsden & al., 1999 ; van der Ploeg & al., 2000 ; Whatmore & al., 2003.
21 Brunori & Rossi, 2000 ; van der Ploeg & Renting, 2004 ; Marsden & Smith, 2005.
22 Inpact, site internet agricultures-alternatives.org, consulté en juillet 2015.
23 Coordinateur de la Fédération Régionale des CIVAM de Bretagne, fonctionnaire du ministère de l’Agriculture mis à disposition, ingénieur en équipement rural, 48 ans, entretien, février 2006.
24 Biocoop, Le local selon Biocoop, dépliant, 2010.
25 Il s’agit de Böge, 1995.
26 FN Civam, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, Guide de la restauration collective responsable à l’attention des collectivités et des entreprises, 2009.
27 Salariée des Civam du Finistère, 26 ans, ingénieure agricole, animatrice départementale, entretien, avril 2006.
28 Corabio, Communiqué de presse, 18 janvier 2013.
29 Nicolas Haeringer, Idée recette : les lasagnes au bœuf de cheval, Blogs Mediapart, 11 février 2013.
30 Alliance Provence, site internet, consulté en septembre 2014.
31 Chemins paysans 84, site internet, consulté en septembre 2014.
32 Alter-Conso, site internet, consulté en septembre 2014.
33 Ministère de l’Agriculture, Renforcer le lien entre agriculteurs et consommateurs. Plan d’action pour développer les circuits courts, 2009.
34 Ministère de l’Agriculture, Rapport du groupe de travail « Circuits courts de commercialisation », mars 2009.
35 Ministère de l’Agriculture, Renforcer le lien entre agriculteurs et consommateurs. Plan d’action pour développer les circuits courts, 2009.
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