1   Le Brésil et plus largement l’Amérique latine, se voient par exemple contraints par le FMI et la Banque Mondiale à mettre en place des politiques d’inspiration néolibérale : retrait de l’État, privatisations, ouverture des marchés aux acteurs économiques non-nationaux, etc., mesures qui accentuent encore davantage les inégalités sociales. C’est dans ce contexte qu’apparaît en 1995, au cœur des « Semaines sociales brésiliennes », organisées depuis 1991 par la Conférence Nationale des Évêques du Brésil, le premier « Cri des exclus » (Grito dos excluídos), manifestation annuelle de revendication des classes populaires. Ce mouvement d’origine brésilienne s’est peu à peu transnationalisé sous le nom de « Grito dos excluidos continental », coordonnant des actions contestataires se développant sur tout le cône Sud, notamment contre l’impérialisme culturel et politique.

2   Il va poser, à nouveaux frais, la question de la dimension internationale des luttes, non plus seulement autour de la nécessité de fédérer des collectifs se réclamant d’un même socle idéologique (à l’instar de la IV^e Internationale qui rassemble des organisations trotskistes ou des unions syndicales internationales), mais plutôt de l’utilité de coaliser un espace contestataire hétérogène, afin d’organiser les luttes à différents niveaux d’échelle. Si certains chercheurs mettent l’accent sur l’émergence de nouveaux espaces de lutte autonomes pour lesquels les frontières n’auraient plus grand sens et au sein desquels de nouvelles formes et expériences militantes se forgeraient, d’autres estiment que le caractère transnational de l’altermondialisme se situe d’abord dans son niveau de préoccupation et de revendication et les discours qu’il tient sur la recherche d’une « justice globale » s’opposant à l’économie mondialisée et le néolibéralisme (Mathieu, 2005). Johanna Siméant (2010) note par ailleurs que beaucoup de ces discours restent évasifs et sont conçus comme des stratégies discursives cherchant à faciliter la réalisation de campagnes internationales mobilisant des militants de différentes nationalités visant à s’opposer à des institutions étatiques, supranationales (FMI, OMC, Banque Mondiale, etc.) et/ou économiques. Par ailleurs, la constitution de réseaux transétatiques de groupes mobilisés ne doit pas faire oublier que leurs actions effectives restent largement localisées. La transnationalisation de la protestation s’incarne en effet, soit dans des « actions locales globalisées » prenant place simultanément dans des divers lieux du globe, ou dans des « actions globales localisées » qui s’apparentent davantage à des formes de coordination de collectifs autour d’une même problématique.

3   « Puisque la mondialisation se présente comme la tendance générale, tous les problèmes peuvent s’y référer et chaque question d’importance est une manière d’interpeler la mondialisation et de montrer qu’on peut agir sur son évolution » (Massiah, 2003 : 16).

4   Le cas de la lutte contre l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI – 1998) est emblématique de ce travail de veille effectué en ligne, lequel a permis de découvrir cette initiative discrète de l’OCDE, puis de mobiliser à différents niveaux d’échelle (Barlow, Clarke, 2002 : 44-51 ; Mouchard, 2005 : 317-337).

5   Cf., par exemple, l’Observatoire des transnationales, à l’initiative de Régis Castellani qui, à l’aide d’un site Web, proposait d’informer et d’armer intellectuellement les citoyens sur les grandes entreprises. ATTAC est également un bon exemple d’association diffusant largement son expertise en ligne, tout comme un très grand nombre d’autres organisations qui proposent, le plus souvent gratuitement, analyses, rapports et synthèses des savoirs produits dans leurs différents domaines d’expertise.

6   http://www.ulb.ac.be/ceese/meta/cds.html.

7   http://www.protest.net.

8   Un contenu RSS (Really Simple Syndication) est un fichier de type XML qui peut-être identifié comme ayant été généré par un dispositif précis et apparaître ainsi comme une mise à jour de celui-ci. Les flux RSS se lisent via des lecteurs dédiés qui font donc apparaître les nouveautés d’un blog ou d’un site Web et incitent à prendre connaissance des contenus les plus récents.

9   Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence faite aux femmes, Development Alternatives with Women for a New Area, International Gender and Trade Network, etc.

10   À cette époque, ce sont principalement les ONG les plus importantes dans le domaine de la défense des droits de l’homme, de protection de l’environnement et de lutte contre la pauvreté dans le pays du Sud (Amnesty International, Greenpeace, Action Aid, etc.) qui développent les usages d’Internet les plus avancés.

11   « Partis de Sarajevo, de Tanger, de Laponie et d’Irlande, les cortèges traversèrent des villes françaises, espagnoles, italiennes, allemandes, britanniques, suisses et finirent par rassembler 50 000 participants qui se rejoignirent à Amsterdam le 14 juin 1997. Deux ans plus tard, après des marches similaires, 30 000 personnes manifestèrent ‘‘contre le chômage, la précarité et les exclusions’’ à Cologne, où se tenaient les sommets de l’Union européenne et du G8’’ » (Sommier, 2003 : 208). Internet a également permis aux différentes sections nationales des Marches d’avoir accès à la documentation des institutions européennes, d’en faire circuler les expertises et d’enrichir ces dernières des retours effectués par les différents collectifs, notamment au regard de leurs réalités nationales.

12   « Communiquer Gênes ».

13  À Gênes, d’autres acteurs de la production alternative d’information ont fait le choix de se rassembler dans un Centre des médias indépendants désignés et repérables comme tel. La police italienne en donne l’assaut, faisant de nombreux blessés. Les personnes arrêtées à cette occasion sont également violemment interrogées, ce qui fait écrire à Jean-Pierre Masse et Aris Papathéodorou (Samizdat) : « Il est clair pour nous que les dispositifs de la communication alternative n’ont rien à gagner à singer les équipements pléthoriques des médias, mais qu’ils doivent, tout au contraire, être mobiles, diffus et peu visibles pour offrir le moins de prise possible à la répression » (Samizdat.net, 2002 : 250-251).

14   Originellement mondiaux, ils se sont rapidement déclinés aux échelles continentale, nationale, régionale, municipale, ou encore de quartier. Par ailleurs, précisons que les rencontres militantes à l’échelle de la planète ne sont pas nées avec les forums sociaux. Les Internationales communistes et socialistes ont été d’importantes pourvoyeuses de ce type d’événement. Plus proches des mobilisations altermondialistes qui ont émergé au tournant du XXI^e siècle, on peut par exemple citer, les rencontres en marge du sommet des Nations Unies sur l’environnement humain (Stockholm – 1972) ou encore le contre-sommet de Berlin en 1988, organisé contre la Banque mondiale et le FMI.

15   Dans les périodes de plus haute intensité, les contre-sommets jou(ai)ent un rôle similaire.

16   La « citoyenneté » est à l’évidence une notion polymorphe censée décrire à la fois une communauté d’individus rassemblés par leur intérêt pour la vie de la cité et l’intérêt général, mais tenant également aux conventions, aux droits, aux devoirs, aux valeurs, ou encore aux actes de ces personnes faisant communauté (polis). La citoyenneté désigne en effet, aussi, un ensemble de faits sociaux qui se constituent en rapport à la chose politique, à la démocratie, et au nombre desquels on trouve des nécessités, comme celle de s’informer, de débattre, de critiquer, de juger, de voter ou encore de s’engager dans l’action collective.

17   Mouvement étudiant dénonçant l’engagement, sans faille et sans détail, des deux grands groupes de médias mexicains en faveur d’un des deux candidats aux élections présidentielles.

18   « Nous sommes une communauté sans frontières, essentiellement bénévole, de plus de 800 auteurs, analystes, spécialistes des médias en ligne et traducteurs. Nous sélectionnons, vérifions et traduisons des informations et articles d’actualité qui pourraient vous échapper sur l’Internet, à partir des blogs, de la presse indépendante et des médias sociaux de 167 pays. Une grande part des informations les plus intéressantes et importantes dans le monde ne se trouve pas en un endroit unique. Elles sont parfois éparpillées à travers l’Internet, dans des billets de blogs et des tweets, et en une multiplicité de langues. Ce sont les histoires que nous traitons de manière incisive sur Global Voices et traduisons en près de 30 langues, comme le malgache, le bengali et l’aymara » : https://fr.globalvoices.org/.

19   Créée en 2002, Attac-info était une structure militante qui avait partie liée avec le volet français d’Attac et pour objectif de produire une information labélisée lors des principales rencontres du mouvement altermondialiste (contre-sommets et forums). Toutefois, ce média alternatif se concevait comme n’étant ni « la voix officielle d’Attac » qui aurait à suivre une « ligne politique unique », ni comme « un média recherchant l’objectivité et une couverture exhaustive de l’événement », mais comme un dispositif « ouvert, collectif, international, multilingue et auto-géré par des militants [produisant] des informations de première source dans le plus de langues possibles ».