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Diversifier le recrutement public

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Florence Audier
, 
Maya Bacache-Beauvallet
, 
Éric Mathias

Partie II. Motivations et aspirations des magistrats des voies latérales

Introduction

Full text

1Les chapitres précédents ont permis de préciser les profils des magistrats entrés par les diverses voies latérales, mis en évidence les spécificités, les similitudes et les différences quant à leurs activités, responsabilités, classifications, toujours en comparaison avec leurs homologues entrés dès la fin de leurs études. A aussi été abordée dans le détail la question cruciale de l’attractivité des diverses voies d’accès à la magistrature.

2Pour approfondir ces éléments, en particulier pour cerner de manière précise la spécificité de ces magistrats entrés plus tardivement dans la carrière et leurs motivations, nous avons conduit une enquête représentative de l’ensemble des magistrats entrés par une des voies latérales qui se sont ouvertes au cours du temps. Ont été destinataires de l’enquête les magistrats exerçant en juridiction au cours de l’année 2012. À travers quelque cent cinquante questions factuelles ou qualitatives fermées, ainsi qu’une série de questions ouvertes, certaines à caractère général et d’autres nettement plus personnelles, le questionnaire auto-administré cherche à préciser leur cursus personnel antérieur, et à cerner leurs motivations mais aussi leurs appréciations et leurs perspectives d’avenir. Certaines questions tendent également à déterminer si le fait d’entrer après une expérience extra-judiciaire, et, par conséquent, à un âge plus avancé que la plupart de leurs collègues, perdure comme une singularité ou, au contraire, s’estompe au sein du collectif de travail que représente une juridiction, et quelles peuvent en être les conséquences. Au-delà des questions qui permettent d’apprécier l’intégration des magistrats latéraux au sein des ressorts, notamment à travers les attributions et les responsabilités qui leur sont confiées mais aussi les grades qu’ils atteignent, on cherche aussi à cerner comment sont reçues par les uns et les autres des réformes récentes, comme l’introduction d’indicateurs de performance, avec leurs incidences sur la carrière et la rémunération. L’accent se porte in fine sur la manière dont les enquêtés jugent ex post l’attractivité de la profession, leur déroulement de carrière et plus généralement leur expérience et les conditions matérielles qu’ils y ont rencontrées. En explorant des dimensions originales et plus personnelles, rétrospectives mais aussi prospectives, l’ensemble de l’enquête s’inscrit donc comme une contribution centrale au nécessaire bilan sur la diversification des voies d’accès à la magistrature.

3L’enquête permet en effet non seulement d’ouvrir une profondeur temporelle aux analyses issues des bases de données, de procéder à de très nombreux croisements, mais elle offre aussi la possibilité, grâce aux items plus qualitatifs qu’elle aborde, d’évaluer le niveau de généralité des informations et appréciations recueillies lors de nos multiples enquêtes de terrain, sur lesquelles la conception du questionnaire s’est largement appuyée. En cela on voudrait qu’elle permette de réfléchir plus concrètement aux conditions qui seraient de nature à faire davantage profiter l’institution des expériences de juristes aux origines extra-judiciaires mais fortement motivés vis-à-vis de la profession, en valorisant leurs expériences en termes de fonctions, de responsabilités et de carrière.

4Le questionnaire, qui est reproduit en annexe de cet ouvrage, est structuré en quatre parties.

5La première partie, « Votre situation au moment de l’enquête », permet de préciser dans le détail si l’enquêté(e) est en juridiction, ses fonctions, son grade, ses responsabilités. Elle permet de surcroît d’asseoir la représentativité de l’enquête.

6La seconde partie s’intitule « Votre trajectoire ». Il s’agit donc de susciter un regard rétrospectif de l’enquêté(e) sur son mode d’entrée dans le corps et les raisons qui l’ont amené(e) à choisir entre telle ou telle filière d’accès, sur la succession éventuelle de ses postes et grades, ainsi que sur sa formation initiale. Il s’agit aussi de cerner très précisément la situation professionnelle des magistrats interrogés au moment de leur entrée dans le corps : nature et environnement d’exercice de la profession antérieure, éventuels liens professionnels, personnels ou familiaux avec le monde judiciaire.

7La troisième partie du questionnaire s’intitule « Votre projet d’entrée dans la magistrature ». Il s’agit dans cette séquence d’approfondir l’attractivité qu’a pu exercer le métier à travers deux types d’indicateurs : la détermination mise par l’enquêté à intégrer le corps (degré d’antériorité du projet, pluralité éventuelle des tentatives, types d’informations collectées pour favoriser la réussite du projet…) ainsi que l’importance accordée aux questions liées à la rémunération (par exemple à travers le niveau de précision des informations recherchées avant le dépôt de candidature).

8La quatrième et dernière partie du questionnaire s’intitule « Votre appréciation, vos attentes et vos perspectives ». Elle comprend des questions à caractère plus général et des questions plus personnelles à l’enquêté(e). Les questions à caractère général cherchent à faire s’exprimer le magistrat ou la magistrate sur les valeurs liées à l’exercice de la justice, ainsi que sur le mode de fonctionnement du corps eu égard à la pluralité des voies d’accès. Autrement dit, on cherche à savoir, à travers le regard rétrospectif des enquêté(e)s eux-mêmes, si le corps judiciaire a tendance ou non à gommer l’hétérogénéité relative de ses membres, s’il la valorise ou non, si ses critères d’appréciation et d’évaluation sont adaptés voire satisfaisants pour tous, notamment en termes d’avancement et de carrière. Enfin, des questions plus personnelles concernent les projets de chacun, en matière de mobilité géographique et fonctionnelle et surtout à travers leurs perspectives d’avenir : accomplir – ou non – toute leur carrière dans le corps des magistrats.

9Les résultats originaux issus de cette enquête – éléments qui ne figurent dans aucune autre base de données – sont présentés ci-après à travers une série d’interrogations, qui s’inscrivent dans la logique du questionnaire. Ils reprennent pour une part les problématiques déjà abordées à partir des bases de données, sous un nouvel angle

Une enquête d’une très bonne représentativité

Le champ de l’enquête recouvre toutes les voies d’entrée latérales : Les 2e et 3e concours, les concours exceptionnels et complémentaires, les entrées sur titre comme auditeurs (le 18-1), les intégrations directes par les articles 22, 23sq.

Les réponses permettent une bonne appréhension de toutes les situations : tous les magistrats figurant sur l’annuaire de la magistrature et entrés par une des voies latérales ont reçu le questionnaire (2230 envois). Après quatre vagues d’envois, nous disposons de 535 réponses exploitables : soit 24 % des magistrats entrés par la voie latérale, selon les listes fournies par la Chancellerie.

Les magistrats joints par l’enquête sont presque tous en juridiction (sauf 9 d’entre eux) : cela vient du fait que les questionnaires ont été envoyés aux adresses mail du ministère de la justice, c’est-à-dire composées ainsi : prénom.nom@justice.fr. Ceux en détachement, par exemple, ont rarement conservé cette adresse ou bien ne la consultent pas régulièrement. Si l’on rapporte les réponses aux effectifs de magistrats en juridiction, la représentativité des répondants monte à 25,1 %.

Les réponses sont relativement équilibrées et autorisent à traiter de l’ensemble des situations comme de la variété des responsabilités exercées. En effet, ont répondu 26,5 % des magistrats classés au 2nd grade, 21,8 % de ceux classés au 1er grade, et 28,2 % de ceux classés en HH. Les différents niveaux de responsabilité sont donc correctement couverts. Concernant les modes d’accès au corps de la magistrature, notre échantillon marque une légère surreprésentation de ceux entrés par concours (concours exceptionnels ou complémentaires, 2e et 3e concours) puisque 28 % de ces derniers ont répondu à l’enquête, contre 19 % de ceux entrés sur titres. Plus en détail, on note une représentation très satisfaisante des diverses origines par rapport à la population mère c’est-à-dire par rapport à l’ensemble que constituent les magistrats entrés par une voie latérale : 24,6 % des répondants ont réussi un concours exceptionnel ou complémentaire contre 21,3 % dans la population mère ; 25,2 % sont issus du concours fonctionnaire (ou concours interne ou encore du 2e concours) alors qu’ils représenteraient 29,7 % dans la population mère. Ceux entrés sur titre sont aussi bien représentés : 20,1 % viennent du 18-1 dans notre échantillon alors qu’ils sont 17,1 % dans la population mère. On constate une certaine surreprésentation des magistrats exerçant au parquet par rapport au siège (22 % des magistrats du siège ont répondu, 33 % des magistrats du parquet). Cette surreprésentation est plutôt favorable à nos investigations, dans la mesure où le parquet est toujours minoritaire parmi les fonctions exercées.

Les réponses sont relativement équilibrées et autorisent à traiter de l’ensemble des situations comme de la variété des responsabilités exercées. En effet, ont répondu 26,5 % des magistrats classés au 2nd grade, 21,8 % de ceux classés au 1er grade, et 28,2 % de ceux classés en HH. Les différents niveaux de responsabilité sont donc correctement couverts. Concernant les modes d’accès au corps de la magistrature, notre échantillon marque une légère surreprésentation de ceux entrés par concours (concours exceptionnels ou complémentaires, 2e et 3e concours) puisque 28 % de ces derniers ont répondu à l’enquête, contre 19 % de ceux entrés sur titres. Plus en détail, on note une représentation très satisfaisante des diverses origines par rapport à la population mère c’est-à-dire par rapport à l’ensemble que constituent les magistrats entrés par une voie latérale : 24,6 % des répondants ont réussi un concours exceptionnel ou complémentaire contre 21,3 % dans la population mère ; 25,2 % sont issus du concours fonctionnaire (ou concours interne ou encore du 2e concours) alors qu’ils représenteraient 29,7 % dans la population mère. Ceux entrés sur titre sont aussi bien représentés : 20,1 % viennent du 18-1 dans notre échantillon alors qu’ils sont 17,1 % dans la population mère. On constate une certaine surreprésentation des magistrats exerçant au parquet par rapport au siège (22 % des magistrats du siège ont répondu, 33 % des magistrats du parquet). Cette surreprésentation est plutôt favorable à nos investigations, dans la mesure où le parquet est toujours minoritaire parmi les fonctions exercées.

Notre échantillon de répondants marque en revanche une forte surreprésentation des hommes par rapport aux femmes : alors que dans la population mère les hommes et les femmes sont à égale proportion, les hommes sont nettement majoritaires dans notre échantillon, comme si le fait d’être très minoritaires dans l’ensemble de la magistrature les avaient conduits à s’intéresser davantage à notre enquête. Cette surreprésentation des hommes constitue pour nous également un avantage, la variété des situations aussi bien d’origine que professionnelle des hommes étant plus grande que celle des femmes.

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