Desktop versionMobile version

Diversifier le recrutement public

 | 
Florence Audier
, 
Maya Bacache-Beauvallet
, 
Éric Mathias

Partie 1. Le corps des magistrats en France : voie étudiante et entrée latérale

2. L’attractivité de la magistrature et l’accès à la profession

Full text

1Après avoir décrit le corps des magistrats tel qu’il se présente actuellement et mis en exergue les différences ou les contrastes qui caractérisent les situations de celles et ceux qui ont rejoint le corps par les diverses voies d’accès statutaires, on s’interroge à présent sur la nature et l’ampleur des flux à l’origine de cette configuration. Cette approche, complexe, est d’autant plus utile que les modalités d’entrée dans la magistrature ont fortement évolué au cours du temps, avec un recrutement latéral qui, tout en montant en charge, se transforme. Car la composition du corps des magistrats, telle qu’elle se présente aujourd’hui, résulte de recrutements effectués tout au long de quelques dizaines d’années, la contribution des différentes voies d’accès étant éminemment variable selon les périodes en fonction des évolutions statutaires mais aussi du volume des postes offerts via les unes et les autres – qu’il s’agisse de créations d’emplois ou de remplacements – ainsi que de l’ampleur et la qualité des candidatures soumises à l’appréciation des jurys et des commissions. D’où l’importance de focaliser l’attention sur les processus en amont du recrutement, et en particulier sur l’attractivité des différentes voies d’accès, qui constitue la clé du succès des recrutements latéraux.

2La volonté d’élargir le vivier des candidats au métier de magistrat conduit à accorder une attention toute particulière à son attractivité, considérée sous ses multiples aspects. Quelle attractivité la magistrature exerce-t-elle auprès des juristes ? L’attractivité de la magistrature auprès de ceux qui ont déjà entamé une carrière professionnelle différente, donc susceptibles de rejoindre la magistrature par une des voies latérales, est-elle comparable à celle exercée auprès des jeunes juristes tout juste issus des études ? Plusieurs éléments concourent à cette attractivité : il faut susciter des candidatures en nombre suffisant, mais il faut également que ces candidatures satisfassent aux critères spécifiques mis en œuvre par les jurys afin que, finalement, ces candidatures soient retenues. Et puis il faut vérifier, ex-post, que les lauréats répondent bien aux objectifs qui ont motivé l’élargissement du recrutement.

3Cet élargissement du recrutement, comme on a déjà eu l’occasion de l’indiquer, est passé par diverses phases, qu’il s’agisse de la création déjà ancienne d’un concours dédié aux fonctionnaires (1972), puis d’un concours distinct créé en vue d’attirer des professionnels issus du privé (1983), mais aussi de l’ouverture d’un processus dit « d’intégration directe » en tant qu’auditeur (art. 18-1) et même comme magistrat, après accord de la commission d’avancement (art.22 sq.). À cela se sont ajoutés des « concours exceptionnels » ou « complémentaires » ouverts de temps à autres, plus régulièrement ces dernières années. C’est dire que la variété des voies d’accès – qui se sont donc étoffées au cours du temps – devait correspondre à des cibles différentes. Cibles d’ailleurs non totalement disjointes au sens où un même postulant peut répondre aux critères d’accès de plusieurs types de voies ou de concours et choisir entre eux, voire multiplier ses chances.

4Malheureusement, les données de source administrative disponibles ne permettent de traiter la question de l’attractivité que partiellement dans la mesure où l’on ne sait presque rien – sauf leur nombre – des candidats qui ont échoué. On en sait heureusement davantage sur les lauréats. La mobilisation de tous les éléments disponibles – données administratives et données issues d’enquêtes menées dans le cadre de nos recherches – nous permet de montrer que l’élargissement du vivier reste d’actualité et que la forte attractivité de la magistrature, symbolisée par l’affluence à ses concours latéraux, ne correspond pas complètement à ce qui avait présidé à leur institutionnalisation.

5Tout d’abord on retracera la chronologie des recrutements par les diverses voies d’entrées, afin de mettre en évidence le degré de sélectivité des différents types de concours et les spécificités des candidatures comme celles des lauréats. Ensuite, nous présenterons les éléments disponibles relatifs aux candidatures à l’intégration directe via la commission d’avancement. Enfin nous examinerons plus spécifiquement les nouvelles générations de magistrats.

La contribution des voies latérales au recrutement des magistrats

  • 15 Très exceptionnellement il est même arrivé qu’il y ait deux sessions du même concours durant une mê (...)

6On dispose d’une chronologie des concours organisés pour le recrutement des magistrats depuis 1959, c’est-à-dire depuis la création de l’ENM. Certains sont réguliers, et ouverts chaque année,15 le nombre de postes offerts variant cependant fortement d’une année sur l’autre. D’autres sont, comme leur nom l’indique, exceptionnels ou occasionnels. Ils sont ouverts notamment lorsqu’il s’agit de renforcer les effectifs de magistrats. Plus précisément, la base de données que nous mobilisons permet de distinguer :

  • la nature des concours (concours unique de 1959 à 1971, concours étudiants versus concours fonctionnaires de 1972 à 1993, et, depuis lors, selon les années, 1er concours, 2e concours, 3e concours, concours complémentaire 2e grade, concours complémentaire 1er grade);

  • le nombre de postes offerts;

  • le nombre de candidats ainsi que – pour la plupart des années – le nombre de lauréats parmi les hommes et les femmes, sous cinq modalités : les inscrits au concours, les autorisés à concourir (après vérification qu’ils répondent aux conditions), les présents aux épreuves, d’une part; les admissibles puis les admis, d’autre part.

7Ainsi est-il possible de suivre annuellement les relations entre les offres de postes et les candidatures, entre le nombre de postes offerts et le nombre d’admis par type de concours, ainsi que la contribution de chacun des types de concours à la constitution du corps des magistrats. Cette étude ne peut toutefois valablement débuter qu’à partir de 1972, soit la 1re année où s’ouvre un concours « fonctionnaire », concours spécifiquement destiné aux juristes qui ont déjà débuté leur vie professionnelle au sein de l’administration mais dans d’autres métiers que celui de magistrat : auparavant, il n’existe qu’une seule filière, donc pas de filière « latérale », donc pas de distinction parmi les candidats.

Un très important vivier de candidats aux concours latéraux

8Entre 1972 et 2014, on recense au total près de 105 000 inscriptions à l’un des concours de recrutement de magistrats. Parmi elles, 19 000 sont des inscriptions à des concours latéraux, soit plus de 18 % de l’ensemble des candidatures.

  • 16 On ne peut exclure l’existence de candidatures récurrentes émanant des mêmes candidats, sans pouvoi (...)

9Parmi ces candidatures à un concours latéral, 54,6 % concernaient l’un des concours destinés aux fonctionnaires, 36,8 % étaient des candidatures à l’un des concours complémentaires ou exceptionnels ouverts durant la période, et seulement 8,6 % des candidatures au 3e concours, c’est-à-dire au concours destiné aux agents ayant travaillé dans le privé ou le tiers secteur. À travers cette approche très globale, on constate donc déjà la formidable attractivité qu’ont exercé les concours complémentaires ou exceptionnels, qui dans le cadre de 13 opportunités seulement groupées sur 8 années, ont concentré plus du tiers des candidatures latérales16. Depuis 2002, première année d’ouverture de ces concours complémentaires ou exceptionnels, ils ont même capté 20 % de toutes les inscriptions enregistrées (concours étudiant inclus), atteignant le niveau exceptionnel de 71 % des inscriptions de candidatures latérales enregistrées depuis cette même date. On constate aussi, a contrario, la très faible attractivité des concours destinés aux professionnels du privé qui offrent, il est vrai, peu d’opportunités.

  • 17 Hors 2012, l’information étant lacunaire pour cette année-là.
  • 18 Depuis 1972, parmi ces candidatures, celles à des concours latéraux représentent près de 26 % de to (...)

10L’attractivité respective des concours étudiants et des concours latéraux est très différente selon le sexe : alors qu’en valeur absolue, au 1er concours, les femmes inscrites ont été 2,5 fois plus nombreuses que les hommes, aux concours latéraux, les candidatures féminines ne sont que peu supérieures aux candidatures masculines. Ce relatif équilibre – 9 981 inscrites contre 8 609 inscrits17– s’observe d’ailleurs dans les trois types de concours latéraux, avec même un vrai équilibre pour le 2e concours. Le déséquilibre très fort dans les inscriptions aux concours selon le sexe, déséquilibre en faveur des femmes, est donc presque totalement imputable au concours étudiant18. Ce relatif rééquilibrage est particulièrement net depuis 2002.

Un vivier de candidats aux concours latéraux qui évolue avec le nombre de postes ouverts aux concours

  • 19 Outre le fait d’être de nationalité française, au titre du 2nd grade de la hiérarchie judiciaire, i (...)

11Si l’attractivité des concours est manifestement importante, il faut constater l’extrême sensibilité des candidatures au nombre de postes offerts et au contexte dans lequel ils sont ouverts au recrutement. En particulier, le caractère relativement général des conditions à satisfaire pour se présenter aux concours complémentaires19, allié à une future scolarité très allégée, semble attirer un maximum de candidats, même si ces derniers ne correspondent pas toujours aux attentes des jurys.

  • 20 Par exemple celui de 2002, 1089 candidats ; celui de 2003, 1983 ; ou encore les deux de 2004, 1109  (...)

12Dans la durée, on observe une lente montée de la part des inscriptions latérales dans l’ensemble des inscriptions aux concours. De 1972 (date du premier concours fonctionnaire) à 1979, leur proportion a triplé, mais demeure toutefois inférieure à 10 %. En 1980, 1981 et 1982, grâce à l’ouverture de concours dédoublés, la part des inscrits aux concours fonctionnaires dépasse 50 %. Elle restera très au-dessus de 10 % jusqu’en 1992, à la suite de quoi les inscriptions au concours fonctionnaire s’effondrent, jusqu’à tomber à moins de 5 % en 2002 et 2003. Ce sont en réalité les concours complémentaires qui ont drainé de nombreuses candidatures20. La figure 1 ci-après retrace les évolutions, en distinguant les types de concours selon le sexe des candidats et la nature des concours, les pics représentant les concours complémentaires.

Figure 1 : Candidatures et postes offerts aux divers concours latéraux.

Figure 1 : Candidatures et postes offerts aux divers concours latéraux.

Source : ENM, calcul des auteurs

13Cependant tous les inscrits ne vont pas jusqu’au bout du processus, soit parce que leur dossier n’est finalement pas validé (c’est-à-dire qu’ils ne sont pas autorisés à concourir, faute de remplir toutes les conditions requises), soit parce qu’ils renoncent à concourir. Les informations figurant dans notre base de données permettent de sérier les deux phénomènes sans toutefois apporter d’indications sur les motifs des retraits ou des abandons. Concernant l’autorisation à se présenter, on note que, de 1972 à 1976, le taux d’autorisation à se présenter au concours fonctionnaire est, comme attendu, toujours inférieur à celui qui concerne le concours étudiant, en raison des multiples critères à satisfaire. Cette tendance s’inverse provisoirement pour les années 1980 à 1983 pour rechuter les années postérieures. À noter également que les autorisations à se présenter au 3e concours sont encore très inférieures à celles du 2e concours. Depuis 2006, l’ensemble des autorisations a chuté, pour être compris entre 85 et 90 %. Il y a donc davantage de souhaits de rejoindre la magistrature que de candidatures possibles au sens des critères en vigueur.

14Néanmoins, c’est au niveau des présents aux épreuves que le contraste se fait, avec un décrochage important des effectifs. Ainsi, depuis 1997, le pourcentage de candidats présents par rapport aux autorisés à concourir aux 2e et 3e concours est inférieur à 60 % (exception faite de l’année 2006) et même, parfois, n’atteint pas même la moitié. C’est systématiquement le cas depuis 2012 avec autour de 48 % de présents au 2e concours et entre 32 % et 36 % seulement au 3e concours. Là encore, les concours complémentaires n’indiquent pas de situation spécifique : avec 55 % seulement de présents par rapport aux inscrits pour le 2e grade et 34 % de présents pour le 1er grade ils s’inscrivent bien dans la tendance.

15Qu’elles aillent jusqu’au bout ou non, la sensibilité des candidatures au nombre de postes ouverts semble particulièrement élevée dans le cadre du concours étudiant, surtout chez les femmes, ainsi qu’au calendrier d’ouverture des concours latéraux ou exceptionnels, qui exercent une influence flagrante sur le volume de ces candidatures. En effet, comme pour tous les concours, on peut supposer que les candidats potentiels pèsent leurs chances de réussite dans les différentes voies possibles.

Une entrée timide des postes offerts aux recrutements latéraux, jusqu’à l’ouverture des concours complémentaires ou exceptionnels

16La montée en charge des postes ouverts aux concours latéraux est lente jusqu’à l’ouverture nouvelle des concours complémentaires ou exceptionnels, suite aux changements politiques du début des années quatre-vingts. Depuis lors, le volume des postes offerts a connu de très amples fluctuations annuelles.

17Du côté de l’offre des postes selon leurs différents modes, on note que de 1972 à 1979, le nombre de postes offerts annuellement aux concours fonctionnaires est très faible : il oscille entre 32 et 43, ce qui représente environ 1 poste sur 6. En 1980, 1981, 1982, les concours sont dédoublés, et le nombre de postes offerts aux fonctionnaires devient équivalent, voire supérieur à celui offert aux concours étudiants. Mais cette montée en charge n’est que de courte durée : de 1983 à 1994 les postes offerts aux concours fonctionnaires oscillent autour d’un quart du total des postes offerts. Ce n’est qu’en 2002, avec l’ouverture du premier concours complémentaire du 2nd grade que les ordres de grandeur changent véritablement, avec 125 postes offerts dans ce cadre, qui s’ajoutent à la quantité de postes antérieurement offerts dans le cadre de désormais trois concours annuels habituels – concours étudiant (ou 1er concours), concours interne (ou 2e concours réservé aux fonctionnaires), 3e concours (réservé à celles ou ceux ayant un passé professionnel dans le privé ou le tiers secteur). L’ouverture de 2 concours complémentaires en 2004 et d’un concours en 2005 jouent le même rôle d’amplification de l’offre de recrutement. Il en sera de même en 2011 et plus récemment.

18Mais on ne peut s’en tenir aux notifications des ouvertures de postes latéraux, car un autre constat s’impose : nombre d’entre eux restent non pourvus. En dépit de l’abondance des candidatures, l’offre de postes destinés à ces nouveaux types de postulants ne rencontre pas une demande adéquate correspondante, puisque les jurys ne les remplissent pas. Les postes offerts dans ces nouveaux cadres n’ont en effet pas tous été pourvus, et de loin, en raison des décisions des jurys qui in fine ont souvent choisi d’abonder en postes le concours étudiant plutôt que de recruter ces nouveaux types de candidats. Cette situation a prévalu durant les vingt années où il n’existait que le concours étudiant et le concours fonctionnaire. Elle a perduré, voire s’est aggravée selon les années dans la période suivante, et surtout pour le 3e concours, dont de très nombreux postes ont été basculés vers le concours étudiant. Le taux d’admis a donc finalement peu à voir avec les candidatures, le cas limite étant celui observé en 2011 avec 18 admis pour 124 inscrits au 2e concours, 5 admis pour 40 inscrits au 3e concours, et 30 admis pour 654 inscrits au concours complémentaire pour le 2e grade, tandis que le concours complémentaire pour le 1er grade n’avait aucun admis parmi ses 101 candidats. Depuis cette date, la situation s’est un peu redressée.

Un taux de réussite très contrasté et variable selon les années

19Ces différences d’attractivité et de réussite selon les voies d’accès à la magistrature conduisent à s’interroger sur la sélectivité de ces diverses procédures de recrutement. Si les taux de réussite aux concours sont éminemment variables selon les types de concours et selon les années, de manière générale, un constat s’impose : les taux de réussite sont très bas, surtout au concours étudiant, de manière moins prononcée mais néanmoins réelle aux concours latéraux. Par ailleurs, on remarque également que les taux de réussite aux concours complémentaires (ou exceptionnels) sont eux aussi particulièrement bas, puisqu’ils s’établissent à 6,7 % en 2002, 4,4 % en 2003, respectivement 1,6 % et 5,6 % aux deux concours complémentaires de 2004, et 4,8 % à celui de 2005. En 2014 ce sont en revanche 19 % des présents aux épreuves du concours du 2e grade et 1/5e de ceux présents au concours du 1er grade qui ont finalement réussi. L’ensemble des concours complémentaires n’ont permis de recruter que 422 magistrats, alors que sur la période étudiée, qui va de 1972 à 2014, ce sont au total 9104 magistrats qui ont été admis par concours à l’ENM (dont 6708 par le concours étudiant et 1359 par les 2e et 3e concours).

20Ces recrutements latéraux n’ont pas saturé les possibilités d’accès, bien au contraire : 6,8 % des postes affichés n’ont pas été pourvus. De plus, les postes offerts aux 2e et 3e concours ainsi qu’aux concours complémentaires, n’ont jamais été totalement pourvus, majorant ainsi les possibilités de recrutement aux concours étudiant par transfert, comme les textes le permettent. Ce qui explique que le nombre d’admis aux concours étudiant est parfois supérieur au nombre de postes offerts, tandis que c’est l’inverse pour les concours latéraux.

Figure 2 : Part des postes dédiés aux latéraux et part des recrutements de magistrats latéraux.

Figure 2 : Part des postes dédiés aux latéraux et part des recrutements de magistrats latéraux.

Source : ENM, calcul des auteurs

Un taux de sélectivité variable selon les années

21Le taux de sélectivité varie selon les années en fonction du nombre de postes ouverts au recrutement, comme du nombre de postulants. Faible au début des années soixante (de 2 à 5,6 candidats pour un recrutement lorsqu’il n’existait que ce concours unique), ce taux a connu de plus fortes amplitudes depuis lors, principalement dans la dernière période où le concours est devenu particulièrement difficile. Sauf exceptions, le taux de sélectivité du 1er concours a toujours été beaucoup plus élevé que celui des autres concours. Depuis le milieu des années 90, pour le 1er concours, il y a généralement 10, 15, voire 20 et même 23 candidats pour un recrutement (entre 1995 et 1998 par exemple, mais aussi en 2008). Si la difficulté des concours s’élève aussi dans le cas des 2e et 3e concours, atteignant parfois le niveau de 6 ou 7 candidats par poste, elle reste toujours et quasi systématiquement inférieure à celle du concours étudiant. Tel n’est pas le cas des concours complémentaires, qui offrent un grand nombre de postes et sont d’une attractivité certaine : déjà très élevé en 2002, avec 9 candidats par poste, le taux atteint 13 candidats par poste en 2003, 12 en 2004 et 11 en 2005. En 2011 se sont présentés 9 candidats pour un poste au concours complémentaire du 2nd grade et seulement 5 candidats pour un poste à celui du 1er grade, les exigences pour candidater étant très sélectives. En 2014 la situation est moins tendue : au concours complémentaire du 2e grade on a encore 12 inscrits par poste offert mais seulement 6 présents, et pour le concours 1er grade 6 inscrits et deux présents pour un poste offert.

22Comme il a pu arriver dans le passé que le nombre de candidats soit inférieur au nombre de postes offerts au concours fonctionnaire, mais surtout comme tous les postes offerts aux concours latéraux ne sont pas pourvus et que certains comme déjà dit sont reversés au concours étudiant, on présente ici, en regard des taux de réussite, deux indicateurs différents : l’un, dit d’attractivité, rapporte le nombre de présents aux épreuves au nombre de postes affichés, tels qu’ils sont publiés, donc connus ex ante par les candidats ; l’autre est un indicateur dit de sélectivité réelle qui rapporte les présents aux épreuves non plus au nombre de postes affichés mais aux postes qui ont été réellement pourvus ex post. Le résultat par année de ces deux taux est illustré dans les figures ci-dessous.

23Il faut ajouter qu’on observe une forte asymétrie entre les candidatures et les réussites des hommes et des femmes aux différents concours. Néanmoins, au total, les femmes sont recrutées à proportion de leurs candidatures, autrement dit, il n’y a ni discrimination positive, ni discrimination négative à leur égard. Cela se vérifie, y compris pour les concours complémentaires, et plus largement pour l’ensemble des concours latéraux.

Figure 3 : Taux de réussite des hommes et des femmes aux 1ers concours.

Figure 3 : Taux de réussite des hommes et des femmes aux 1ers concours.

Source : ENM, calcul des auteurs

Figure 4 : Taux de réussite des hommes et des femmes aux 2es concours.

Figure 4 : Taux de réussite des hommes et des femmes aux 2es concours.

Source : ENM, calcul des auteurs

Figure 5 : Taux de réussite des hommes et des femmes aux 3e concours

Figure 5 : Taux de réussite des hommes et des femmes aux 3e concours

Source : ENM, calcul des auteurs

24En résumé : depuis 1972, date à laquelle les concours se sont différenciés, 9104 postes ont été offerts au recrutement mais seulement 8489 magistrats ont été recrutés sur ces postes. Parmi eux, 6369 sont des postes offerts aux concours étudiants, 2735 aux concours latéraux, dont 1845 aux concours fonctionnaires, 190 seulement aux 3es concours, et 700 aux concours complémentaires ou exceptionnels. Le déficit de recrutement, eu égard aux postes offerts dans les concours latéraux, a permis un recrutement plus important qu’initialement prévu aux concours étudiants. Ainsi, finalement, 6708 étudiants ont été admis (pour 6369 postes initialement offerts dans ce cadre-là), tandis que seuls 1781 latéraux ont été recrutés alors que les possibilités offertes au départ s’élevaient à 2735. Si on entre dans le détail, on note le recrutement de 1247 lauréats au concours fonctionnaire pour 1845 possibilités (déficit de 32 %), 112 lauréats au 3e concours pour 190 postes (déficit de 41 %), et 422 lauréats pour 700 postes pour les concours complémentaires (déficit de 40 %).

25Si on s’intéresse aux candidats, plusieurs remarques s’imposent. Tout d’abord, le nombre de présents aux épreuves aux 1ers concours étudiants eu égard aux inscrits a été en moyenne de 65 %, alors qu’il n’est en moyenne que de 50 % aux concours latéraux, ce qui est particulièrement faible. Le différentiel entre le nombre des inscrits et celui des présents est particulièrement important au 3e concours (celui qui concerne les candidats issus du privé), puisque seuls 41 % étaient présents aux épreuves contre 54 % aux concours fonctionnaires et 47 % aux concours complémentaires. Dans le même temps, les taux d’admissibilité (les présents déclarés admissibles) sont nettement plus importants aux concours latéraux qu’aux 1ers concours : 36 % contre 18 %. Mais il n’en va pas de même entre l’admissibilité et l’admission : 65 % des admissibles ont été admis chez les étudiants, contre 50 % seulement pour les autres. Si bien qu’au total, à l’issue de toutes les épreuves dont les auditions par les jurys, ce sont seulement 11 % des candidats effectifs qui ont été admis dans le cadre du 1er concours et 18 % dans le cadre des autres concours, avec de très forts contrastes selon le type de concours : 22 % pour les concours fonctionnaires, 16 % pour les 3e concours et seulement 12 % pour les concours complémentaires.

Intégration directe et attractivité

26Les candidatures à l’entrée dans la magistrature qui empruntent la procédure du dossier plutôt que celle du concours sont, après avoir franchi plusieurs étapes, in fine soumises à l’appréciation de la commission d’avancement, qui se réunit régulièrement à cet effet. Cette commission statue donc sur les candidatures à l’intégration directe dans le corps de la magistrature, permettant soit l’accès direct, soit l’accès après un stage probatoire, selon les grades postulés et le CV des candidats. La commission se prononce également sur les candidatures dans le cadre de l’article 18-1 du statut, qui prévoit l’intégration comme auditeur de justice, autrement dit qui permet l’entrée à l’ENM sans passer par un concours. On ne possède pas de données récapitulatives longues concernant les candidatures examinées. On sait simplement qu’elles sont nombreuses comme le montrent les données auxquelles nous avons pu accéder, mais aussi qu’elles sont, tout comme les candidatures, très sensibles au nombre de postes offerts.

  • 21 Hors session de juin 2010.

27Sur la période de son dernier mandat, 2007-2010, la commission s’est prononcée sur 1463 dossiers et a émis 246 avis favorables21. Les demandes se divisent en demandes d’intégration directe, généralement pour intégration définitive, d’une part, et d’autre part, en demandes de détachement provisoires dans le corps judiciaire.

28Concernant les demandes d’intégration directes, les décisions ont été les suivantes : sur 635 demandes d’intégration en qualité de magistrats au titre des articles 22 (2nd grade) et 23 (1er grade) du statut, 87 avis favorables au stage probatoire ont été émis, et 34 avis favorables à l’intégration, soit un taux de succès théorique d’1 candidature sur 5. Cependant, les avis défavorables après le stage ne sont pas exceptionnels.

29L’examen de la liste des candidats définitivement admis sur cette même période (après stage probatoire éventuel) montre une très grande proximité des lauréats avec la sphère judicaire : en effet, 12 étaient des avocats, 4 des greffiers en chef, 5 des juristes du privé, 2 des agents du ministère de la justice, 1 était officier ministériel, 2 juges de proximité, 1 enseignant, 1 rapporteur du conseil de la concurrence, et 2 personnes exerçaient déjà, à titre de détaché ou à titre temporaire.

30Sur les 780 demandes d’intégration déposées en qualité d’auditeurs de justice (art. 18-1) entre 2007 et 2009, 106 avis favorables ont été émis (1 candidature sur 7 environ). En fait, tant les demandes que les avis positifs ont largement fluctué selon les années, en lien sans aucun doute avec les possibilités offertes. Concernant les autres procédures, les effectifs concernés sont bien plus réduits. Ainsi, sur 19 demandes d’intégration à titre temporaire (art. 41-10 du statut), seuls 2 avis favorables ont été émis par la Commission. Quant aux demandes de détachement dans le corps judiciaire (art. 41-1 du statut), elles semblent être relativement bien satisfaites. Ainsi, sur 29 demandes de détachement examinées par la dernière commission, 17 avis favorables ont été prononcés.

Analyse de quatre promotions issues de l’ENM (2007-2010)

Les auditeurs recrutés par les voies 2, 3 et 18-1

31Tant l’état des lieux, dressé dans le premier chapitre, que l’étude des flux d’entrée dans la profession au cours du temps, développée dans ce chapitre, ont permis la mise en évidence de contrastes dans la situation des magistrats en relation avec leur mode d’accès à la profession. Ces différences recoupent-elles principalement le dilemme : entrée par concours versus entrée sur titres ? Le passage – ou non – par l’ENM est-il déterminant, autrement dit, le fait de suivre une scolarité pleine et entière à l’ENM réduit-il ou même efface-t-il les différences entre les filières d’entrée, sachant que s’y retrouvent, conjointement durant 30 mois, ceux entrés par les 1er, 2e et 3e concours, mais aussi ceux intégrés par l’art. 18-1 ? Pour y voir plus clair, nous consacrons une analyse spécifique au passage – crucial pour la carrière – de la position d’auditeur de justice à celle de magistrat. Comme on l’a vu, outre l’entrée dans le corps des magistrats par concours, accèdent directement à l’ENM, sur titres, des juristes sélectionnés par la commission d’avancement en application de l’art. 18-1 du statut des magistrats. Les questions que nous posons sont les suivantes : Au sortir de l’ENM, peut-on discerner une certaine homogénéité entre ces diverses origines ? Qu’en est-il des fonctions et des types de juridictions auxquelles les uns et les autres accèdent ? Qu’en est-il de leur rang de classement, qui conditionne pour partie la satisfaction de leurs vœux ?

32Recrutés sur concours et recrutés sur titres, tous constituent les promotions d’auditeurs de l’ENM, qui sont l’objet de cette analyse, qui porte sur quatre promotions issues de l’ENM : 2007 à 2010, que nous pouvons comparer, sur certains points, avec quatre promotions antérieures (2000 à 2004), grâce à une enquête que nous avions menée22 dans une précédente recherche auprès des auditeurs concernés23. Les informations contenues dans la base de données utile à cette analyse portent précisément sur la première affectation au sortir de l’École. Outre les nom et prénom des auditeurs, elle renseigne sur leur modalité d’entrée, leur classement à l’issue de la scolarité, le premier poste d’affectation ainsi que le type de 1ère fonction exercée en tant que magistrat.

33Nous analysons de manière exhaustive ces quatre promotions, afin de mettre en exergue les éventuelles spécificités des magistrats recrutés par la voie non étudiante. Surtout, nous tentons de mettre en lumière les tendances les plus récentes telles qu’on peut les saisir au sein de cette partie très majoritaire de la population des magistrats, celle qui passe par l’ENM. Les quatre promotions étudiées rassemblent au total 868 nouveaux magistrats. Parmi ceux-ci, les sortants du 1er concours sont au nombre de 638, soit 73,6 % des promotions, tandis que les recrutés par le 2e concours (les anciens fonctionnaires) ne sont que 60 (6,9 %), ceux recrutés par le 3e concours (les anciens salariés du privé) 26 (2,9 %), les plus nombreux, après les étudiants, étant ceux recrutés par l’art.18-1 c’est à dire sur titres, qui sont au nombre de 144 (16,6 %).

Une moindre proportion de femmes parmi les promotions

34Les femmes représentent 76,5 % de l’ensemble des quatre promotions. Tandis que les recrutés par la voie étudiante sont très majoritairement des femmes (81,8 %), les auditeurs latéraux sont certes encore majoritairement des femmes, mais dans une proportion moindre, en particulier concernant la voie 18-1 (elles n’en représentent que 58 %). Il en résulte une très nette distorsion selon le sexe suivant les modes d’entrée à l’ENM, puisque 43 % des auditeurs hommes sont entrés par une voie latérale, ce qui n’est le cas que de 21 % des auditeurs femmes

Des rangs de classement de sortie contrastés selon la voie d’entrée

35Observer la manière dont se classent les auditeurs à l’issue de leur scolarité à l’ENM en relation avec les procédures empruntées pour entrer à l’École permet d’examiner comment se joue le lien entre le classement et l’accès au premier poste. Cela permet aussi de mettre en regard, d’un côté, la scolarité proposée aux auditeurs avec ses modalités d’évaluation propres, et, d’un autre côté, les attentes et les possibilités d’adaptation de personnes aux cursus très différents. En effet, si presque tous les auditeurs entrés par une voie latérale ont suivi la même formation initiale de juriste que ceux ayant intégré l’École par le concours étudiant, ceux, très majoritaires, entrés par le concours étudiant, ont enchaîné le parcours qui les a menés des études à l’ENM tandis que les autres, qui sont à plus ou moins grande distance de leur formation initiale, peinent parfois à revenir dans un cadre scolaire. Le rang de classement de sortie ayant statutairement une incidence sur le premier poste à la sortie de l’ENM, et le classement, comme le cursus, étant commun aux diverses voies d’entrée, il est utile d’examiner dans quelle mesure il existe une relation entre le type de concours et le rang de sortie, ne serait-ce que parce que les choix de postes en termes de localisation et de fonction sont évidemment plus ouverts pour ceux qui se situent en début de classement.

36Si l’on compare, en termes de classement de sortie, la répartition des auditeurs entrés par une voie latérale à ceux entrés par le concours étudiant, on note à première vue certaines ressemblances. Ainsi, la tête de classement (les 25 premiers) rassemble une proportion égale des deux populations : entre 11 et 12 %. La proportion de ceux qui se classent entre les rangs 50 à 200 est également très proche : 61 % dans chacun des cas. En revanche, des différences sont notables en faveur du concours étudiant lorsqu’il s’agit de la tranche des 25-49e rangs (13 % contre 7 %) ainsi que de la fin du classement, au-delà du 200e rang (14 % contre 20 %). Autrement dit, pris globalement, les auditeurs entrés par voie latérale sont plutôt moins bien classés que ceux du 1er concours.

37La comparaison avec les rangs de classement des sortants de l’ENM de quatre promotions précédentes (2000 - 2004) confirme partiellement ce constat : pour ce qui concerne ces promotions plus anciennes, les auditeurs latéraux arrivaient encore plus nombreux parmi les 25 premiers que leurs homologues entrés par le concours étudiant (14,9 % contre 10,5 %). On note également que toujours parmi ces promotions, ceux entrés par une voie latérale sont nettement plus nombreux en fin de classement (26 % sont au moins 200es contre 13 % pour ceux issus du concours étudiant), confirmant ainsi le constat précédent à savoir que, globalement, ceux entrés par un concours latéral sortent plutôt moins bien classés, même s’ils participent nettement aux têtes de classement.

38Au-delà de ce constat global, on peut mettre en évidence de fortes différences lorsqu’on détaille les modes d’entrée à l’ENM. Tout d’abord, les magistrats entrés par l’art. 18-1 se placent largement parmi les 25 premiers, nettement plus fréquemment que ceux entrés par le 1er concours et que ceux entrés par les 2e et 3e concours. Ils sont près de 15 % dans ce cas, suivis de peu par les magistrats entrés par le concours étudiant (11 %). Mais ils sont également plus nombreux à sortir en fin de classement (près de 19 % sont au moins 200es) alors que ce n’est le cas que de 15 % de ceux entrés par la voie étudiante. Quant à ceux entrés par les 2e et 3e concours, ils sortent plutôt moins bien classés que les autres, ce qui tient probablement au fait qu’ils sont entrés plus âgés que leurs collègues et qu’ils se soumettent moins facilement que les plus jeunes aux prérequis de la scolarité. D’ailleurs, on note que se classent parmi les 100 premiers 47 % des magistrats entrés par le concours étudiant, ainsi que ceux entrés par le 18-1, tandis qu’ils ne sont respectivement que 40 % et même 35 % à figurer dans les 100 premiers lorsqu’ils sont entrés à l’ENM par les 2e et 3e concours. Au total, on note donc un fort contraste entre les classements de sortie au sein de recrutés latéraux, ceux entrés par le 18-1 étant proches de ceux de la voie étudiante, eu égard aux critères de classement, ce qui est loin d’être le cas des autres latéraux.

Les recrutés latéraux rejoignent davantage le siège

39À la sortie de l’ENM, la proportion des postes offerts au parquet est toujours nettement supérieure à la proportion de parquetiers dans le corps des magistrats. Par ailleurs, comme déjà évoqué, le choix du premier poste s’opère dans l’ordre du classement de sortie, même si des arrangements entre auditeurs peuvent intervenir et même si les lieux des affectations semblent parfois au moins aussi importants dans les vœux émis que la nature des fonctions à exercer. Dès lors, peut-on distinguer des différences entre les affectations des magistrats entrés par les différentes vois latérales et ceux entrés par la voie étudiante ?

40Les bases de données dont nous disposons ne permettent pas de connaître les vœux des auditeurs à l’issue de leur scolarité. On ne dispose que des résultats ex post, et ceux-ci mettent en évidence de fortes différences entre les types de fonctions auxquelles sont affectés les uns et les autres. Ainsi, les recrutés par les voies latérales sont proportionnellement beaucoup moins nombreux que ceux recrutés par le 1er concours à rejoindre, en première affectation, le parquet. C’est en particulier le cas des auditeurs issus du 3e concours et de ceux entrés par l’art. 18-1. Si bien qu’au total 31 % des nouveaux magistrats du siège sont issus de concours latéraux, ce qui n’est le cas que de 22 % des parquetiers. Cette prééminence du siège par rapport au parquet est encore plus accentuée lorsqu’il s’agit des femmes. En effet, alors que 55 % de celles entrées par le concours étudiant rejoignent le siège, c’est le cas de 73 % de celles issues du 18-1 et de 61 % de celles entrées par le concours fonctionnaire.

Les différents types de concours ne mènent pas aux mêmes types de fonctions

41Si on examine les affectations au siège plus en détail, on note que les premières affectations de ceux entrés par l’art. 18-1 semblent nettement moins spécialisées que celles des auditeurs issus du 1er concours. En effet, alors que 71 % des recrutés par l’art. 18-1 rejoignent des postes de juges-juges d’instance, ils ne sont que 58 % dans ce cas lorsqu’ils sont issus du 1er concours. C’est que, par exemple, ces derniers sont davantage à l’instruction, ou à l’application des peines ou encore juges des enfants.

Tableau 4 : Types d’entrée à l’ENM et spécialité du 1r poste lorsqu’il est au siège

1er Concours

2e Concours

3e Concours

Art.18-1

Total

En % ligne

JAP

79

7

5

10

100

Juge

63

8

5

24

100

Juge d’instance

67

4

6

24

100

Juge d’instruction

73

0

5

21

100

Juge des enfants

77

7

1

14

100

Juge placé

66

9

3

21

100

Total siège

70

7

4

20

100

En % colonne

JAP

14

11

14

6

13

Juge

19

22

24

25

20

Juge d’instance

16

8

24

21

17

Juge d’instruction

12

0

14

13

11

Juge des enfants

16

14

5

10

15

Juge placé

23

30

19

25

24

Total siège

100

100

100

100

100

Source : ENM Calculs des auteurs

42Selon les résultats de l’enquête originale que nous avions conduite sur quatre promotions d’auditeurs antérieures (2000 - 2004), ces types d’affectations semblent bien correspondre aux souhaits des nouveaux magistrats. En effet, les réponses apportées à cette précédente enquête montrent que 54 % des auditeurs auraient débuté leur scolarité à l’ENM sans se projeter dans une fonction précise, cette moyenne recouvrant des situations très contrastées. Car, si l’absence de projet quant à la fonction préférée est majoritaire parmi les lauréats du concours étudiant, mais également parmi ceux du concours fonctionnaire (respectivement 57 % et 53 % étaient dans ce cas), ceux entrés par le 18-1 disent souvent, en revanche, avoir eu précocement un projet, lequel, majoritairement, consistait à « éviter de rejoindre le parquet ». En ce sens, il semble donc que leur affectation très majoritaire au siège corresponde aux vœux exprimés par ces derniers. Ce constat est confirmé par le fait que quelques années après leur sortie, les magistrats entrés par la voie latérale – tout comme les autres d’ailleurs – sont globalement satisfaits du poste qu’ils occupent. À la question : « Est-ce que le poste que vous occupez correspond à vos attentes ? », 82 % répondent positivement et 16 % répondent « plus ou moins » alors que seuls 16 % des magistrats entrés par une voie latérale disent qu’« en toute liberté ils auraient choisi un autre poste », ce qui est le cas de plus du quart de ceux entrés par le concours étudiant. Encore faut-il préciser que l’insatisfaction, lorsqu’elle s’exprime, est imputée surtout à la localisation de leur poste : les trois quarts des latéraux auraient en effet choisi un autre lieu, ce qui est aussi le cas de près des deux tiers des magistrats entrés par la voie étudiante.

Les différents types de concours ne mènent pas aux mêmes types de juridictions

43L’affectation la plus fréquente des auditeurs entrés par le concours étudiant est le TGI : 72 % d’entre eux ont leur premier poste en TGI tandis que ce n’est le cas que de 62 % des sortants des voies 2 et 3, et de 66 % des auditeurs entrés par le 18-1.

44Les auditeurs passés par le 2e concours rejoignent bien davantage que les autres, et en particulier ceux passés par le 1er concours, une cour d’appel, tandis que ceux passés par le 3e concours rejoignent nettement plus fréquemment un tribunal d’instance. Quant aux auditeurs entrés par le 18-1, les deux tiers ont pour première affectation un TGI, et ils ne sont que rarement en cour d’appel. Si bien qu’au total un tiers des premières affectations dans un TI et 30 % de celles dans une cour d’appel concernent des auditeurs issus d’un concours autre que le concours étudiant, ce qui n’est le cas que du quart des nouveaux magistrats entrants dans un TGI.

Quels types de « jeunes » magistrats les CA, les TGI et les TI reçoivent-ils ?

45Une autre façon d’appréhender les éventuelles différenciations se faisant jour à l’occasion des premières affectations consiste à regarder « qui a été affecté où ».

  • 24 A Limoges sont arrivés 3 magistrats issus du 18-1, et à Montpellier : 1 magistrat issu du 18-1 et 1 (...)

46Si on considère tout d’abord les cours d’appel, on constate que sur les 33 cours dotées de débutants issus de ces quatre promotions, toutes sauf deux (Limoges et Montpellier) ont vu arriver des magistrats issus du 1er concours24. Parmi les 31 cours dotées de débutants issus du 1er concours, 7 n’ont accueilli aucun magistrat recruté par une voie latérale (Aix, Bastia, Colmar, Fort de France, Orléans, Pau, Toulouse). Le simple décompte de ces affectations met en exergue non seulement, bien sûr, l’importance des magistrats issus du concours étudiant, mais également celle des magistrats issus du 18-1, puisqu’au total ces derniers sont uniquement absents des 7 CA où aucun magistrat latéral n’est arrivé durant ces quatre années et des 2 CA où les latéraux sont représentés soit par le 2e soit par le 3e concours.

47Concernant les TGI, on observe que parmi les sortants des quatre promotions de l’ENM étudiées, 609 magistrats ont pour première affectation un TGI, 141 d’entre eux étant issus d’une des modalités d’entrées latérales.Une étude détaillée des affectations montre que 47 % des TGI n’ont reçu qu’un ou des magistrats recrutés à partir du concours étudiant, et que un peu plus de la moitié de ces TGI ont reçu au moins un magistrat issu d’un concours autre que le concours étudiant, le plus souvent en tandem avec des collègues issus du 1er concours. Il est vrai que la moitié des TGI n’a reçu qu’un seul nouveau magistrat.

48Pour autant, y a-t-il des affectations simultanées de magistrats entrés à l’ENM par des canaux différents ? Ces cas de figure certes existent, mais sont relativement peu fréquents. De plus toutes les combinaisons ne sont pas d’ampleur égale, et, lorsqu’elles existent, elles concernent surtout le 1er concours et le 18-1. Ainsi, outre le fait que seuls 4 TGI se sont vu affecter des magistrats issus des 4 voies, on peut noter que 26 TGI ont reçu à la fois un ou des magistrats issus du 1er concours et du 18-1, 14 TGI des magistrats issus du 1er, , du 2e et du 18-1 ; 9 TGI se sont vu affecter des magistrats issus des 1er et 2e concours, et un seul TGI un magistrat issus du 1er concours et un autre du 3e concours. En revanche, aucune affectation ces années-là combinant 2e concours et 18-1, pas plus que 3e concours et 18-1.

Notes

15 Très exceptionnellement il est même arrivé qu’il y ait deux sessions du même concours durant une même année.

16 On ne peut exclure l’existence de candidatures récurrentes émanant des mêmes candidats, sans pouvoir les chiffrer, d’où le fait qu’il s’agit de candidatures et non de candidats.

17 Hors 2012, l’information étant lacunaire pour cette année-là.

18 Depuis 1972, parmi ces candidatures, celles à des concours latéraux représentent près de 26 % de toutes les candidatures masculines alors que ce n’est le cas que de moins de 13 % des candidatures féminines. Depuis 2002, l’écart s’est même considérablement amplifié puisque les inscriptions à un concours latéral représentent 43 % du total des inscriptions masculines tandis que le taux correspondant pour les femmes est de moins de 19 %. Dans cette attractivité, les concours complémentaires jouent un rôle déterminant : à eux seuls ils drainent, depuis 2002, 76 % des inscriptions aux concours latéraux des hommes et 72 % de celles des femmes, écrasant ainsi toutes les autres modalités de candidatures latérales.

19 Outre le fait d’être de nationalité française, au titre du 2nd grade de la hiérarchie judiciaire, il faut : être âgé de 35 ans au moins ; être titulaire d’un diplôme Bac + 4; justifier d’au moins 10 ans d’activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, qualifiant particulièrement le candidat pour exercer des fonctions judiciaires. Si on postule au titre du 1er grade de la hiérarchie judiciaire, les critères sont durcis : il faut : être âgé de 50 ans au moins ; être titulaire d’un diplôme Bac +4 ; justifier d’au moins 15 ans d’activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, qualifiant particulièrement le candidat pour exercer des fonctions judiciaires.

20 Par exemple celui de 2002, 1089 candidats ; celui de 2003, 1983 ; ou encore les deux de 2004, 1109 ; les deux de 2011, 755.

21 Hors session de juin 2010.

22 Enquête menée dans le cadre du rapport, Le métier de procureur de la république ou le paradoxe du parquetier moderne, F. Audier, M. Bacache-Beauvallet, Eric Mathias, JL. Outin et M. Tabaries, rapport GIP Droit et Justice, 2007.

23 On rappelle que les magistrats recrutés par les 2e et 3e concours, ainsi que ceux entrés par l’article 18-1 suivent la même scolarité que ceux entrés par la voie externe du 1er concours et sont classés comme eux.

24 A Limoges sont arrivés 3 magistrats issus du 18-1, et à Montpellier : 1 magistrat issu du 18-1 et 1, du 2e concours.

List of illustrations

Title Figure 1 : Candidatures et postes offerts aux divers concours latéraux.
Credits Source : ENM, calcul des auteurs
URL http://books.openedition.org/pressesmines/docannexe/image/2489/img-1.jpg
File image/jpeg, 60k
Title Figure 2 : Part des postes dédiés aux latéraux et part des recrutements de magistrats latéraux.
Credits Source : ENM, calcul des auteurs
URL http://books.openedition.org/pressesmines/docannexe/image/2489/img-2.jpg
File image/jpeg, 52k
Title Figure 3 : Taux de réussite des hommes et des femmes aux 1ers concours.
Credits Source : ENM, calcul des auteurs
URL http://books.openedition.org/pressesmines/docannexe/image/2489/img-3.jpg
File image/jpeg, 64k
Title Figure 4 : Taux de réussite des hommes et des femmes aux 2es concours.
Credits Source : ENM, calcul des auteurs
URL http://books.openedition.org/pressesmines/docannexe/image/2489/img-4.jpg
File image/jpeg, 68k
Title Figure 5 : Taux de réussite des hommes et des femmes aux 3e concours
Credits Source : ENM, calcul des auteurs
URL http://books.openedition.org/pressesmines/docannexe/image/2489/img-5.jpg
File image/jpeg, 76k

The text and other elements (illustrations, imported files) may be used under OpenEdition Books License, unless otherwise stated.

Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search