1Un premier bilan de la place des magistrats entrés dans le corps par les diverses voies « latérales », c’est-à-dire les voies autres que celle, majoritaire, qui consiste à intégrer l’ENM dès la fin des études, s’impose. Concrètement, sont concernés les magistrats qui ont réussi un des concours dédiés à des juristes possédant déjà une expérience professionnelle, ainsi que ceux qui ont accédé au corps par intégration, après accord de la commission d’avancement. Afin d’établir ce bilan, on se propose ici de dresser, à travers une multiplicité de critères et de questions, un panorama général, en distinguant, chaque fois que cela sera nécessaire, les différentes modalités d’accès empruntées par les uns et les autres de manière à mettre en évidence leurs similitudes mais aussi leurs différences. Il en sera de même pour les comparaisons avec la voie étudiante⁶. Car pour caractériser la place et le rôle de ces diverses filières, il faut en réalité s’intéresser à toute la population des magistrats en exercice dans les juridictions, quels que soient leur mode d’accès à la magistrature, leur grade, leur ancienneté et les fonctions qu’ils exercent.

2Établir ce bilan est complexe car le corps est composé de générations de magistrats recrutés sous de multiples régimes. Certains l’ont été avant même la création de l’École nationale de la Magistrature, ENM, qui est créée le 22 décembre 1958 sous le nom de « Centre national d’études judiciaires », et a pris sa dénomination actuelle en 1970 ; d’autres lorsqu’il n’existait qu’un concours unique, d’autres encore lorsque les candidats pouvaient seulement choisir entre le concours étudiant ou le concours fonctionnaire. Les plus récents, en revanche, peuvent être issus des différentes modalités encore à l’œuvre actuellement, c’est-à-dire soit les concours (le 1^er concours, qui a remplacé le concours dit étudiant devenu ensuite le concours dit externe; le 2^e concours qui a remplacé le concours dit fonctionnaire ou encore le concours dit interne, le 3^e concours ; les concours complémentaires ou exceptionnels ; soit le recrutement direct sur titres (dit aussi par intégration), avec ou sans scolarité complète à l’ENM.

3C’est à partir d’extraits de l’Annuaire de la magistrature que l’étude de toute la population des magistrats a pu être menée, l’Annuaire présentant l’avantage incomparable d’être exhaustif. La base de données dont sont issues les informations qui suivent contient les références de 8 510 magistrats. Outre leurs noms et prénoms, elle renseigne sur leur affectation, leur fonction, ainsi que sur leur mode d’entrée dans la magistrature. Ces informations sont presque toujours renseignées : seules manquent les précisions relatives au mode de recrutement de 384 d’entre eux ou d’entre elles.

Quelle place pour les magistrats « latéraux » aujourd’hui ?

4La proportion de magistrats latéraux, à la fin 2011⁷, parmi l’ensemble du corps était de 26,8 %, soit plus du quart de l’ensemble des effectifs. Néanmoins, leur place diffère nettement selon qu’il s’agit de magistrats ou de magistrates, puisqu’elle passe de près de 22 % de l’effectif féminin à 32 % de l’effectif masculin. C’est que, comme on le sait, le corps de la magistrature est très majoritairement féminin. De ce fait, l’apport des voies latérales au corps des magistrats contribue nettement à son rééquilibrage en termes de genre, car à ne considérer que les entrées via le concours étudiant, la proportion des hommes parmi les magistrats avoisinerait seulement 38 %.

5Lorsqu’on entre davantage dans le détail des diverses voies latérales, on note que les voies empruntées diffèrent assez significativement selon le sexe, les hommes étant nettement plus nombreux à avoir intégré par le concours fonctionnaire tandis que les femmes ont plus fréquemment tenté – et réussi – un concours complémentaire ou exceptionnel.

6Les magistrats recrutés par la voie latérale sont globalement répartis entre le siège et le parquet comme l’ensemble des magistrats, puisqu’ils représentent 26 % des effectifs au siège et 27 % des effectifs au parquet⁸. Là encore, cette répartition globalement équilibrée entre les deux grandes branches de la magistrature recouvre néanmoins un certain contraste quant aux situations qui prévalent chez les hommes et les femmes. En effet, tandis que les magistrates recrutées par la voie latérale se répartissent de manière équilibrée entre le siège et le parquet – elles représentent 21,3 % des effectifs féminins du parquet et 22,2 % des effectifs féminins du siège, chez les hommes, la répartition est nettement plus favorable au siège : ceux recrutés par la voie latérale représentent en effet 29,8 % de l’ensemble des parquetiers mais atteignent 34,8 % des magistrats du siège. Dès lors, au siège, c’est plus d’un magistrat homme sur trois qui est issu d’une voie latérale.

7Lorsqu’on examine les fonctions qu’occupent les magistrats entrés par une voie latérale en comparaison avec celles occupées par les magistrats entrés directement à l’issue de leurs études, il apparaît clairement que les premiers sont sous-représentés parmi les plus hautes fonctions, tant au siège qu’au parquet. C’est ainsi qu’au siège, ils sont sous-représentés notamment parmi les Présidents de chambre, les 1^ers Présidents, les Présidents, les conseillers et les 1^ers Vice-Présidents ; c’est aussi le cas au parquet parmi les procureurs généraux, les Avocats généraux, les procureurs de la République, les procureurs adjoints. C’est d’ailleurs aussi vrai parmi les substituts. En revanche, ceux entrés par une voie latérale sont relativement surreprésentés dans les fonctions intermédiaires ainsi parmi les Vice-Présidents (près de 30 % des latéraux sont Vice-Présidents alors que ce n’est le cas que de 23 % de ceux entrés par le concours « étudiant »), les vice-procureurs, les 1^ers substituts, et surtout les juges (près de 25 % des latéraux sont des juges contre 20 % parmi leurs collègues issus du concours étudiant). En outre, les magistrats entrés par une voie latérale exercent plus que proportionnellement des fonctions de secrétaires généraux (qu’ils soient Vice-Présidents ou vice-procureurs, mais il est vrai que ces fonctions sont bien peu nombreuses) et sont relativement souvent « placés » auprès d’une cour, c’est-à-dire mis à la disposition de la cour pour exercer autant que de besoin dans son périmètre.

8Certes, la plupart des magistrats entrés par une voie latérale sont plutôt plus récents que leurs autres collègues dans le métier. Du fait de la montée en charge de ces modalités de recrutements dans la période récente, 60 % d’entre eux ont en effet en 2011 moins de 15 ans d’ancienneté et 43 % ont même moins de 10 ans d’ancienneté. À l’autre extrémité, seul un quart d’entre eux appartient au corps depuis plus de 20 ans, et ils sont moins de 13 % à avoir plus de 25 ans d’ancienneté⁹. Le caractère relativement récent du recrutement des magistrats latéraux peut d’ailleurs expliquer, pour partie, la nature des fonctions auxquelles ils ont accédé jusqu’à présent, et leur rare accès aux postes hiérarchiquement les plus élevés.

9Au total, la diversification des voies d’entrée au cours du temps, conjuguée à une variation constante du nombre de postes ouverts annuellement dans les différentes voies, a conduit à des sorte de strates dans les profils de recrutement, et ces profils de recrutements restent encore aujourd’hui marqués par ces phases, dont la démographie du corps porte la trace. Ainsi, les plus anciens des magistrats entrés par une voie latérale sont ceux qui ont réussi un concours fonctionnaire (pour ceux entrés par concours) et ceux entrés par l’art. 30 du statut de 1958, qui donnait accès au 1^er grade (pour ceux entrés par intégration directe), alors que les plus récents sont entrés par les nouvelles voies encore actives aujourd’hui. Concrètement, cela se traduit par exemple par le fait que plus de 80 % de ceux entrés par un concours exceptionnel ou complémentaire possèdent au mieux 12 ans d’ancienneté et que 82 % des magistrats entrés par l’art. 18-1 ont moins de 10 ans d’ancienneté. La part de ceux ayant moins de 10 ans d’ancienneté dans le corps dépasse même 86 % parmi ceux entrés par le 3^e concours. Et près de la moitié des magistrats concernés par l’art. 18-1 et le 3^e concours comptent même moins de 5 ans d’ancienneté dans le corps. Parmi ceux ayant bénéficié d’une intégration directe, les contrastes sont de même nature : 84 % de ceux intégrés au titre de l’art. 22 (au 2^e grade) ont moins de 10 ans d’ancienneté, 54 % moins de 5 ans, alors que le recrutement sur la base des art.30 sq. est tari depuis longtemps.

10La situation est tout autre parmi ceux entrés par le 2^e concours, filière qui, il est vrai, existe depuis 1972 : la moitié d’entre eux a rejoint le corps depuis plus de 20 ans, et ils ne sont que 22 % à avoir moins de 5 ans d’ancienneté.

11Ces contrastes se retrouvent-ils de la même manière chez les hommes et les femmes¹⁰ ? Si la structure est grosso modo la même, compte-tenu des facteurs institutionnels déjà évoqués, les proportions diffèrent néanmoins, les femmes possédant généralement une ancienneté plus faible que les hommes, notamment du fait que la féminisation de la magistrature, spectaculaire aujourd’hui, est pourtant récente, les femmes n’ayant été autorisées à y exercer, on le rappelle, que depuis 1946. Quoi qu’il en soit, 52 % des femmes ont moins de 10 ans d’ancienneté, et même 23 % moins de 5 ans d’ancienneté – à comparer avec les hommes, dont seulement 35 % ont moins de dix ans d’ancienneté et 14 % moins de 5 ans. Et si 32 % des hommes ont au moins 20 ans d’ancienneté, à peine 19 % des femmes sont dans ce cas.

12Les types de juridictions dans lesquelles exercent les magistrats entrés par les voies latérales et ceux entrés par le concours externe diffèrent aussi sensiblement, sans qu’on puisse à ce stade imputer ces différences soit aux choix des individus, soit à la politique judiciaire ou, plus simplement, au différentiel d’ancienneté. C’est ainsi que les magistrats entrés par une voie latérale sont fortement présents dans les TGI et les TI. Ils sont également surreprésentés dans les TPI/TSA. En revanche, leur accès à une cour d’appel (lorsqu’il ne s’agit pas d’y être seulement remplaçant ou placé) et surtout leur accès à la Cour de cassation semble plus que difficile. On note également qu’ils sont proportionnellement moins nombreux à accéder à des responsabilités de nature plus administratives, y compris aux fonctions d’inspection. Il en résulte que les trois-quarts de ceux entrés par une voie latérale exercent dans un TGI ou un TI, proportion qui excède largement celle de leurs collègues entrés par la voie étudiante. En conséquence, en moyenne, 30 % des magistrats en poste dans un TGI ou un TI sont des magistrats latéraux, alors que ce n’est le cas que de 20 % de ceux en poste, par exemple, dans une cour d’appel.

13Ces contrastes dans les affectations aux différents niveaux de juridictions ne sont pas indépendants des grades auxquels appartiennent ces magistrats : il n’existe pas de dissociation grade/fonction aussi nette dans la magistrature que dans la plupart des corps de la fonction publique, et l’accès à certaines fonctions et/ou à certaines juridictions n’est possible que sous la condition d’avoir atteint un grade de niveau suffisant. On constate en effet que les magistrats recrutés par une voie latérale sont nettement moins bien classés en termes de grade que leurs homologues entrés par le concours externe : ils sont beaucoup plus nombreux au 2^e grade et au 1^er grade (33,6 % sont au 2^e grade et 63,1 % au 1^er grade contre respectivement 30,9 % et 57,7 % tous magistrats confondus), et seulement 3,2 % d’entre eux ont atteint la Hors Hiérarchie, alors que 11,4 % des magistrats au total appartiennent à ce grade, qui est le plus élevé.

14Ces différences entre les grades atteints par les magistrats selon leur mode d’accès au corps sont d’autant plus nécessaires à observer que la répartition selon les âges montre que les magistrats entrés par une voie latérale sont, logiquement, plus âgés que ceux entrés par le concours externe. Ce décalage est pour une part bien évidemment directement imputable aux conditions d’âge qui régissent l’entrée par les différentes voies d’accès : alors que les concours externes fixent aux candidats des âges maximum – la limite d’âge était de 27 ans avant de passer à 31 ans – les différents types de recrutement latéraux, qui s’adressent à des candidats déjà en cours de carrière, imposent en revanche des clauses d’âge et/ou d’ancienneté minima. À ces clauses de nature statutaires s’ajoutent de très fortes variations, au cours du temps, dans le nombre de postes annuellement ouverts au recrutement par la Chancellerie dans chacune des voies. Si bien qu’au total, en 2011, 35 % des magistrats entrés par un concours externe ont moins de 40 ans, tandis que ce n’est le cas que de moins de 10 % de ceux entrés par une voie latérale. Au contraire, les plus de 50 ans représentent 40 % des magistrats entrés par concours externe alors que, parmi ceux entrés par une voie latérale, la part des plus de 50 ans avoisine les deux tiers (64 %).

15Ces facteurs accroissent les contrastes entre les situations des femmes et des hommes. La très grande majorité des magistrates de plus de 40 ans, qui sont classées au 2^nd grade (entre 60 % et 75 % selon les tranches d’âges), sont entrées par une voie latérale, tandis que dans ces mêmes classes d’âge, celles qui sont entrées par le concours étudiant sont déjà largement passées au 1^er grade. Sans doute les premières sont-elles aussi pénalisées par le fait qu’elles sont entrées à un âge plus avancé dans le corps. Chez les hommes, on retrouve ce même type de situation, même davantage accentuée : 90 % des hommes qui sont au 2^e grade dans la tranche d’âge 40-44 ans sont entrés par une voie latérale.

16Quelles étaient les professions antérieurement exercées par les magistrats entrés par la voie latérale ? Sur cette question, les informations restent lacunaires et aucune source ne permet, à notre connaissance, de les compléter. En effet, sur les 2230 magistrats en exercice en 2011 et qui sont entrés dans la magistrature par une voie latérale, l’Annuaire de la magistrature ne mentionne la profession antérieure que pour 891 d’entre eux. Pour ce qu’on en connaît, la caractéristique principale des professions dont sont issus ces magistrats est double : forte prégnance de la fonction publique et forte proximité avec les professions judicaires, ce qui n’est pas surprenant compte-tenu des critères à remplir pour postuler et de la nature des épreuves à réussir. Ainsi, 602 de ces 891 magistrats au cursus identifié sont issus de la fonction publique, la plus grande part (561) de la fonction publique de l’État. Les professions qu’ils y exerçaient étaient, logiquement, le plus souvent proches de la justice, avec une forte fréquence de greffiers en chef (110) et d’autres professionnels de la sphère judicaire et parajudiciaire, notamment issus de la Chancellerie (72). Plus minoritaires, bien que représentés, d’anciens policiers ou militaires (45). Les 259 autres fonctionnaires d’État sont issus de divers corps, dont une part significative d’enseignants. Dans ces cas-là, il s’agit d’anciens jeunes enseignants temporaires au sein de l’Université, position qui leur a permis de mener à bien leur thèse et de postuler (sans succès) à des postes stables dans l’enseignement supérieur, à moins qu’il ne s’agisse de chargés de cours dans l’attente d’une position plus pérenne.

17Outre les fonctionnaires on trouve, de manière attendue, des avocats (214) et une petite minorité issue d’autres professions libérales juridico/judiciaires comme les huissiers et les notaires (13 seulement). En ajoutant à ceux-ci les 82 magistrats dont la profession antérieure au moment de leur entrée dans la magistrature n’est pas renseignée mais dont on sait, par ailleurs, qu’ils possèdent un Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA), on peut mesurer la prégnance des avocats, notaires et huissiers parmi ces magistrats entrés par la voie latérale (47 %). Les magistrats ayant précédemment exercé des professions juridiques dans le privé (non pas en libéral mais comme salariés) ne sont, en revanche, qu’une très petite minorité : avec un effectif de 62 seulement, ils ne représentent qu’à peine 7 % des anciens professionnels. Ces données partielles laissent également à penser qu’au contraire des professions judicaires, les hommes seraient nettement plus nombreux à être issus de la fonction publique que les femmes. Chez les hommes et encore plus chez les femmes, les avocats sont spécialement bien représentés : 112 chez les femmes et 102 chez les hommes. Si on leur adjoint les titulaires d’un CAPA (49 femmes et 33 hommes), alors on totalise, parmi les magistrats latéraux, 216 femmes et 193 hommes issus des professions judiciaires. À comparer avec les 233 femmes et les 327 hommes issus de la fonction publique. Mais qu’il s’agisse des unes et des autres, un constat s’impose : dans notre échantillon seuls 27 femmes et 35 hommes viennent du privé (hors professions libérales).

Quelle diversité au sein même des voies latérales ?

18Les entrées dans la magistrature par les voies latérales sont donc très nombreuses. Comme esquissé déjà précédemment, elles représentent des spécificités si on les compare avec les entrées par les concours étudiants : davantage d’hommes, un âge plus avancé, davantage d’affectations dans les TGI ou les TI, un moindre accès à un grade hiérarchique élevé. Néanmoins, l’hétérogénéité est si forte au sein des recrutements par les voies latérales qu’il faut entrer dans le détail et chercher à caractériser chacune de ces différentes voies. Car selon qu’on est entré par un concours interne (ou concours fonctionnaire ou encore 2^e concours), par un concours exceptionnel ou complémentaire, via une intégration sur titres ou comme auditeur par l’art. 18-1, ou bien encore par intégration directe dans le corps, le taux de féminisation, la structure par âge, les anciennetés, l’accès aux différents types de juridictions comme l’accès aux différents grades, etc., diffèrent très sensiblement.

19Le tableau 1 donne une description complète et détaillée des modes d’accès des magistrats présents dans le corps fin 2011. On y lit la forte prééminence des recrutements à partir du concours externe et du 1^er concours, ces deux modalités, qui s’adressent successivement au même « public » constituant ce qu’on appelle le « concours étudiant » : ils représentent en effet à eux seuls près des trois-quarts du corps (73,3 %). À noter que 72 % d’entre eux – i.e. de tous ceux entrés dans la magistrature directement après leurs études – sont entrés dans le corps avant même la création du 1^er concours en 1994 (ils ont été lauréats d’un concours appelé à l’époque « concours externe »). Les autres sont devenus magistrats au fur et à mesure des créations des diverses modalités d’accès et des postes ouverts, si bien que l’ensemble des recrutements regroupés sous l’appellation générique de « latéraux » se décompose, en réalité, en strates dont les spécificités – notamment réglementaires – doivent être prises en considération pour affiner l’analyse.

20En entrant dans le détail de ces voies d’entrée latérales, on constate en effet que 694 magistrats sont entrés par le concours interne ou 2^e concours (plus des 4/5èmes sont entrés par le concours dit interne, qui a précédé la création du 2^e concours en 1994), ce qui représente à peine 8,2 % du corps, et que seulement 54 magistrats (0,6 % de l’effectif) sont entrés par le 3^e concours. Les concours exceptionnels ou complémentaires, ouverts de manière irrégulière comme leur nom l’indique, totalisent, quant à eux, 5,6 % des effectifs (473 magistrats).

21Ont-ils eu la même formation ? Pas vraiment. Car si tous les magistrats entrés par concours ont effectué une scolarité à l’ENM, pour certains il s’agit d’une scolarité pleine, pour d’autres d’une scolarité très réduite : c’est le cas des lauréats des concours complémentaires ou exceptionnels. Mais en réalité l’effectif passé par l’ENM est nettement plus important, puisque s’y adjoignent ceux entrés directement comme auditeurs – sans concours mais sur titres – c’est-à-dire les bénéficiaires de l’art 18-1. Ces derniers sont au nombre de 355 (4,2%). Si bien qu’au total ceux qui ont été formés à l’ENM – tous types d’entrée confondus – représentent 92% de l’effectif global des magistrats, et les latéraux passés par une scolarité à l’ENM près de 40 % des latéraux. L’importance que joue le passage par l’ENM sur les carrières et l’homogénéité du corps est développée plus loin.

22D’autres magistrats latéraux sont entrés par intégration directe dans le corps, selon les différentes modalités déjà mentionnées, modalités qui ont coexisté et coexistent encore pour certaines d’entre elles, tandis que d’autres ont été abrogées et parfois remplacées. Cette grande variété des modalités, qui s’appuient sur différents articles du statut de la magistrature, témoigne des tâtonnements successifs pour ouvrir l’entrée dans le corps à des personnes ayant exercé au préalable des activités professionnelles plus ou moins proches de la justice.

23Les modalités d’entrées dans le corps – selon qu’il s’agit des hommes ou des femmes – varient, on l’a vu, considérablement. Les contrastes sont particulièrement nets en ce qui concerne celles et ceux qui sont entrés par le concours interne : avec respectivement 5,1 % de l’effectif total pour les magistrates et 12,5 % pour les hommes, les concours internes sont proportionnellement 2,5 fois plus importants chez les hommes que chez les femmes. On note le même type de décalage, bien que moins accentué, lorsqu’on examine les entrées par intégration directe, voie dans laquelle les hommes sont là encore proportionnellement plus nombreux (9,7 % contre 6,9 % chez les femmes). D’où des déséquilibres importants entre les proportions d’hommes et de femmes, si l’on s’intéresse à la répartition sexuée des différentes voies d’accès : outre bien sûr les concours externes, les femmes sont en effet nettement majoritaires parmi les magistrats entrés par le 3^e concours (aux effectifs certes très limités), mais aussi par les concours exceptionnels et complémentaires, ainsi que parmi les intégrés directs à l’ENM comme auditeurs via l’art. 18-1. Elles sont en revanche nettement minoritaires parmi les magistrats recrutés par le 2^e concours, la proportion d’hommes et de femmes parmi les bénéficiaires d’une intégration directe étant, quant à elle, bien équilibrée.

24Les magistrats occupent-ils – indépendamment de leur mode d’accès – des fonctions relativement semblables une fois qu’ils appartiennent à la magistrature, ou, au contraire, observe-t-on des différences ou des contrastes dans les fonctions exercées ? Comme indiqué précédemment, pris globalement, l’accès par le concours externe ou par une voie latérale ne montre pas de différences notables quant aux grands types de fonctions exercées. En entrant plus en détails dans les modalités d’entrée latérales, cette relative homogénéité se confirme. Par exemple, ceux entrés par le concours externe sont 26 % à exercer au parquet. Peu de différences à noter lorsqu’il s’agit des magistrats entrés par le concours interne (ou 2^e concours) – le parquet y représente 25 % –, et de ceux intégrés comme auditeurs (26 % pour le 18-1). Par contraste, ceux entrés par un concours complémentaire ou exceptionnel ne sont que 23 % à exercer au parquet.

25Les magistrats entrés dans le corps selon les différentes voies d’accès exercent-ils dans les mêmes types de juridictions ? Selon le mode d’entrée dans le corps, il apparaît clairement qu’on accède plus ou moins aisément au niveau des cours d’appel. Ainsi, environ un millier de magistrats entrés par le concours externe ou le 1^er concours exercent dans une cour (16 %) ; c’est aussi le cas de 88 magistrats (13 %) entrés par le concours interne ou le second concours, ainsi que 34 de ceux entrés par un concours exceptionnel (12 %). Les intégrés directs sont aussi dans une proportion non négligeable devenus conseillers et d’Avocats généraux (les effectifs concernés étant évidemment très faibles). Mais par contre presqu’aucun de ceux entrés par les concours complémentaires ou exceptionnels, par l’art. 18-1 et par le 3^e concours n’ont, jusqu’à présent, accédé à une cour.

26Dans quelles mesures ces différences ont-elles des répercussions sur l’accès aux différentes responsabilités que peuvent exercer les magistrats ? Au vu des situations actuelles, l’accès aux postes de responsabilité semble nettement plus difficile à certaines filières qu’à d’autres. Ainsi, si l’on prend pour référence l’accès aux positions hiérarchiques du siège et du parquet comme : Président de chambre, Président, premier Avocat général, Avocat général, premier juge, premier Président, premier substitut et premier Vice-Président, on note que quasiment seuls ceux entrés par les concours externe et 1^er concours, ou par le concours interne et 2^e concours (avec respectivement 19 % et 14 % de leurs effectifs concernés) ont réussi à accéder à ces hautes responsabilités. C’est aussi le cas, mais dans une moindre mesure, de ceux entrés par intégration directe (10-12  %). En revanche, les autres modes d’entrée dans le corps n’ont pas, jusqu’à présent, permis d’accéder à ces responsabilités.

27Au total, les répartitions des fonctions et des responsabilités peuvent se décrire schématiquement de la manière suivante :

• Les magistrats entrés par un concours exceptionnel (2,9 % de l’effectif) sont proportionnellement nettement surreprésentés dans les fonctions de conseiller et de Vice-Président chargé d’un secrétariat général. Hormis cela, ils sont plus que proportionnellement auditeurs à la Cour de cassation, ainsi que Vice-Présidents et vice-procureur, surtout d’ailleurs vice-procureurs placés.

• Les magistrats entrés par un concours complémentaire (2,6 % de l’effectif) sont plus que proportionnellement juges, substituts, et, lorsqu’ils sont en poste à la Cour, Vice-Présidents ou vice-procureurs, mais placés.

• Les magistrats entrés directement comme auditeurs via l’art. 18-1 (4,2 % de l’effectif) représentent 20 % des juges placés, 15 % des substituts placés et 11 % des Vice-Présidents placés. 10 % d’entre eux sont des juges et 8 % des substituts en postes fixes.

• Les magistrats entrés dans le corps par intégration directe (7,6 % de l’effectif) se répartissent dans davantage de positions. Alors qu’ils sont nettement surreprésentés dans les fonctions de vice-procureurs chargés d’un Secrétariat général, ils représentent entre 10 % et 13 % des magistrats exerçant les fonctions de Vice-Président, vice-procureur ou substitut général. Près de 11 % des Présidents et premiers substituts sont aussi issus de leurs rangs.

• Les magistrats entrés par concours interne ou par le second concours, c’est-à-dire les concours réservés aux fonctionnaires, représentent en moyenne 8,2 % de l’effectif. S’ils se répartissent, eux aussi, dans toutes les positions, on note cependant leur surreprésentation dans les fonctions de secrétaire général, qu’il s’agisse de fonctions associées à un titre de conseiller (19 %) ou de vice-procureur (23 %). Ils sont également proportionnellement nombreux à l’inspection des services judiciaires (19 %) et, lorsqu’ils sont à la Cour, ils occupent des fonctions de vice-procureur placé (23 % des vice-procureurs placés sont, en 2011, issus de leurs rangs).

• Les trois quarts des magistrats étant entrés par concours externe, ces derniers sont évidemment très présents dans toutes les fonctions, notamment les fonctions les plus élevées. Néanmoins on constate qu’ils sont plutôt moins présents dans les fonctions de Vice-Président et vice-procureur, en particulier lorsqu’ils sont placés, ainsi que dans les fonctions de juge, encore moins lorsqu’il s’agit de juges placés.

28Ces éléments suscitent toute une série de questions quant à une éventuelle spécialisation, peut-être ex-post, des fonctions auxquelles conduisent les diverses voies d’entrées, mais aussi quant à la possibilité d’accéder aux grades les plus élevés, ces deux questions étant d’ailleurs loin d’être indépendantes. L’exploitation de la base de données nous permet de mesurer la répartition des magistrats entrés selon les divers modes de recrutement au travers de l’ensemble des fonctions détaillées potentiellement accessibles aux magistrats. Pour l’intérêt de l’analyse, les 36 positions distinguées au départ dans l’Annuaire de la Magistrature sont regroupées ici selon qu’elles relèvent de l’administration, du siège ou du parquet, d’une part, et selon qu’elles correspondent à des niveaux hiérarchiques, d’autre part ; le critère d’appréciation retenu est la comparaison entre la fréquence d’accès à telle ou telle fonction eu égard à la place qu’occupent les divers modes d’entrée dans la profession.

29Concernant les fonctions d’administration (i.e. les diverses inspections, les directions d’Écoles ou l’exercice de responsabilités à la Chancellerie) on note que ceux entrés par le concours externe y sont représentés à peu près conformément à leur poids dans le corps (73 %). Il en est de même pour ceux entrés par les concours complémentaires ou exceptionnels (5,4 %). En revanche, ceux ayant accédé à la magistrature par le concours interne y sont plutôt surreprésentés (13,5 % contre 8,2 % en moyenne), c’est-à-dire qu’ils accèdent plutôt aisément à ces fonctions. Mais, en tout état de cause, les effectifs sont faibles.

30Plus intéressante est l’approche détaillée concernant les fonctions juridictionnelles. Au niveau agrégé, comme déjà souligné, les magistrats entrés par les diverses voies contribuent à due proportion au siège et au parquet : aucune des voies ne marque donc une vraie spécialisation entre le siège et le parquet, ce qui était plutôt inattendu. Néanmoins, il suffit d’entrer dans le détail pour qu’apparaissent de grandes dominantes Ainsi, au parquet, 88 % des Avocats généraux sont issus du 1^er concours, et les autres sont pratiquement tous issus du 2^e concours. Seuls 6 Avocats généraux sur 175 sont entrés par intégration directe. La concentration des fonctions de procureur général est encore plus manifeste : seul l’un d’entre eux est entré par intégration directe. Parmi les procureurs de la République et les procureurs adjoints, qui sont, il est vrai, plus nombreux que les Avocats généraux, la situation est davantage ouverte même si le premier concours représente, à lui seul, près de 85 % des personnes concernées : sur 274 titulaires, seuls 5 sont entrés par l’un des concours exceptionnels ou complémentaires, 16 par le 2^e concours, et 14 seulement par intégration directe. En réalité, ce n’est que parmi les vice-procureurs et surtout les substituts qu’on retrouve des magistrats issus de la quasi-totalité des voies d’accès. Ainsi, parmi les vice-procureurs, sont surreprésentés les magistrats issus des concours exceptionnels et complémentaires (leur poids, il est vrai réduit, y est quasi doublé), ainsi que ceux issus du 2^e concours et surtout les intégrés directs : 13 % sont entrés via les art. 22 et suivants, tandis qu’ils ne représentent que 7,3 % des magistrats du parquet. Quant aux substituts, qui représentent 55 % des parquetiers, ils sont en due proportion parmi ceux issus du 1^er concours et les magistrats intégrés, mais ils sont plutôt sous-représentés parmi ceux issus des 2^e concours et ceux issus des concours complémentaires ou exceptionnels.

31De ces répartitions différenciées entre les divers grades et fonctions, on peut tirer le panorama suivant :

• Au parquet, la plupart des magistrats issus de l’art. 18-1 sont substituts. C’est également le cas, dans une moindre mesure, de ceux issus du 3^e concours. À l’autre extrême, ceux qui ont été directement intégrés sont beaucoup moins nombreux à être substituts. Les parquetiers issus des autres modes d’entrées sont substituts à proportion de 55 % (pour ceux entrés par le 1^er concours) voire 50 % (pour ceux entrés par un concours complémentaire). À noter que les magistrats entrés par intégration directe semblent accéder plus aisément à des postes de vice-procureurs : alors que les vice-procureurs représentent en moyenne 22 % des parquetiers, ils ne sont que 11 % parmi ceux entrés via les articles 18-1, 18 % parmi ceux entrés via le 1^er concours ou le concours externe, mais 40 % parmi les intégrés ( % par rapport aux magistrats affectés au parquet). Mais ils accèdent relativement peu aux postes de procureur de la République, surtout lorsqu’ils sont issus de l’article 22. Seuls certains de ceux issus des articles 23 et suivants sont parvenus à devenir procureurs de la République (11 sur 311).

• Au siège, ne sont surreprésentés (au sens où leur présence excède leur représentativité) en cour d’appel que les magistrats issus du 1^er concours (ou concours externe) puisque 81 % des magistrats qui sont à la cour sont issus de cette voie (on se souvient qu’ils représentent environ 72 % de l’ensemble des magistrats du siège). Sont aussi légèrement surreprésentés les intégrés directs au titre de l’art. 23 et suivants, ces derniers étant pour la plupart conseillers. En revanche, toutes les autres voies d’entrée dans le corps conduisent plutôt à exercer en TGI ou en TI. La surreprésentation des magistrats issus du 1^er concours est tout aussi manifeste en ce qui concerne l’accès à des postes de Présidents (a fortiori de Président de chambre et de 1^er Président) : les magistrats issus du 1^er concours occupent 88 % de ces postes (510 sur 577), et ceux du 2e concours 7 % (39 sur 577). Ce n’est qu’au niveau des Vice-Présidences que les possibilités d’accès sont davantage ouvertes : 69 % d’entre eux sont issus du 1^er concours, mais 11 % viennent des concours exceptionnels, ainsi que des intégrés, et 8 % du 2^e concours. Enfin, les juges sont surreprésentés parmi les magistrats issus des concours exceptionnels et de la voie 18-1.

32Au total, alors qu’en moyenne 31 % des magistrats du siège sont des juges, c’est pourtant le cas de 97 % des magistrats entrés par le 3^e concours et de près de 79 % de ceux entrés par l’art. 18-1, contre 38 % seulement des magistrats issus des concours exceptionnels et à peine 21 % de ceux entrés par le 2^e concours. Quant aux intégrés, 35 % d’entre eux sont juges lorsqu’ils ont été intégrés au titre de l’art. 22, mais moins de 7 % lorsqu’ils sont entrés par l’art. 30 et suivants.

33Une rapide récapitulation Tableau 2 des situations des magistrats entrés par une voie latérale permet de prendre la mesure de leurs difficultés d’accès à des postes de responsabilité.

34Peut-on mettre en évidence des relations entre les modes d’entrée dans le corps et le grade des magistrats ? Répondre à cette question est complexe dans la mesure où, comme déjà mentionné, au sein de la magistrature, les fonctions exercées sont largement corrélées avec les grades. Ou, pour dire les choses autrement, l’accès à certaines fonctions ou à certaines juridictions nécessite d’avoir atteint le 1^er grade ou le grade Hors Hiérarchie, et, réciproquement, la nomination dans certaines fonctions ou juridictions s’accompagne de l’accès à un grade supérieur. De surcroît, la progression dans le corps est largement en rapport avec l’ancienneté.

35Pour comparer les magistrats entrés par une des voies latérales à l’ensemble du corps, on se réfère ici aux données figurant dans le « Rapport sur l’état du corps judiciaire » publié par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Évidemment, cet examen au 31 décembre 2011 n’a rien de prédictif, et rien ne permet de dire quel sera, dans 10 ou 15 ans, le classement hiérarchique des magistrats entrés ces dernières années, car il ne fait qu’enregistrer les conséquences des politiques suivies. Néanmoins, les ordres de grandeurs sont significatifs.

36Selon cette source, on comptait 11,4 % de magistrats classés en HH, 57,7 % au 1^er grade et 30,9 % au 2^e grade¹¹. Il existe un important déficit de nominations des magistrats entrés par la voie latérale en HH, ces derniers étant davantage concentrés au 1^er grade. Toutes générations confondues, les magistrats entrés par une voie latérale sont donc, pour 63 % d’entre eux, classés au 1^er grade, et pour 29 % au 2^nd grade. Très peu (3 %) sont au grade le plus élevé, c’est-à-dire la Hors Hiérarchie, grade qui permet d’occuper les plus hautes fonctions. Pourtant, là encore, les situations sont très loin d’être homogènes si on prend en compte la voie d’accès au corps : ceux ayant bénéficié du concours interne ou ayant été intégrés directement sont très peu nombreux voire absents du 2^e grade et, en revanche très nombreux au 1^er grade, tandis que la situation de ceux entrés par exemple par l’art 18-1 est inverse. Au total, parmi les recrutés latéraux, la plupart des magistrats en HH vient du concours interne et 57 % de ceux qui, en 2011, sont au 1^er grade sont entrés dans le corps par les concours internes ou exceptionnels (rappelons que les concours internes sont à l’origine de 30 % des recrutements et les concours exceptionnels de 21 %). À noter que les magistrats entrés via l’art 18-1 sont très nettement concentrés au 2^nd grade.

37Si ces mêmes contrastes se retrouvent chez les hommes et chez les femmes, les intensités sont différentes. Par exemple, près de 42 % des magistrats du 2^nd grade sont entrés par le 18-1, ce qui n’est le cas que de 36 % des magistrates de ce même grade.

38Dans quelles proportions les différentes voies d’accès à la magistrature ont-elles contribué à la constitution du corps des magistrats ? À travers cette question on souhaite cerner l’influence qu’ont pu exercer les fluctuations passées quant au volume des recrutements effectués par les différentes voies, fluctuations qui impactent directement la composition annuelle des promotions de magistrats. En effet, au cours du temps, les entrées dans le corps des magistrats par les voies latérales ont beaucoup varié, ne serait-ce qu’en raison des variations annuelles du nombre de postes offerts, de leur degré d’attribution ou au contraire de leur transfert vers d’autres modalités de recrutement dans les limites permises par les statuts. À quoi s’ajoutent les modifications statutaires intervenues au cours du temps, puisque certaines voies ont été ouvertes et d’autres mises en sommeil, voire fermées. Pour y voir plus clair, il faut donc à la fois s’attacher aux effectifs concernés et à la part qui revient aux différentes origines dans l’ensemble des recrutements afin de cerner les tendances en cours et leurs éventuelles conséquences, et mieux comprendre la composition du corps telle qu’observée à la fin 2011.

39Globalement, on note une montée régulière de la taille des promotions de magistrats latéraux, un tassement intervenant, néanmoins, dans la période précédant 2011. Ainsi, en faisant l’hypothèse que la plupart des recrutés sont restés dans la magistrature, on note que la cohorte de ceux ayant entre 5 et 9 ans d’ancienneté est presque triple de celle rassemblant les magistrats ayant entre 25 et 29 ans d’ancienneté – ceux qui ont été recrutés dans la première moitié des années 1980. C’est dans ce contexte d’expansion globale des recrutements latéraux qu’on doit interpréter les fortes évolutions mises en évidence dans le tableau 3. En effet, ces fortes évolutions, souvent contradictoires, dans le volume des effectifs recrutés portent la trace non seulement des recrutements par les concours exceptionnels, irréguliers par définition, mais aussi et surtout de la montée en charge, extrêmement rapide, de la procédure dite art.18-1 et la chute, simultanée, des recrutements par les concours internes réservés aux fonctionnaires¹². L’article 30 du statut, sur la base duquel étaient anciennement intégrés directement dans la magistrature de nombreux recrutés latéraux, qu’il s’agisse des fonctionnaires comme des juristes ou des avocats, a été abrogé au 1^er janvier 2002 : il avait déjà perdu l’essentiel de ses apports plusieurs années auparavant. On note également la trace de la timide montée des magistrats du 3^e concours.

40Au total, alors que les effectifs concernés par l’intégration directe (art. 22, 23 ou 30) sont restés stables en volume (332 d’entre eux ont moins de 15 ans d’ancienneté, 312 plus de 15 ans), ce sont ceux qui ont rejoint le corps soit via un concours, soit par intégration comme auditeurs à l’ENM qui ont été les principaux bénéficiaires de l’accroissement des recrutements latéraux : leur effectif a plus que doublé.

41Ces transformations dans les « origines » des magistrats recrutés ont une traduction directe dans la composition des promotions. C’est ainsi que, par exemple, dans les promotions les plus récentes (par exemple celle ayant, en 2011, une ancienneté inférieure à 5 ans), 27 % des magistrats latéraux sont entrés par intégration directe et près de 30 % après avoir réussi un concours – le plus souvent le 2^e concours, celui dédié aux fonctionnaires. Mais le plus important à noter est la prééminence récente des entrées par l’art.18-1, procédure qui permet l’accès direct à l’ENM sans concours. La place prise par l’art.18-1 dans les recrutements latéraux a, au cours du temps, pris une ampleur tout à fait remarquable, non seulement en valeur relative, c’est-à-dire par rapport aux autres voies, mais aussi en valeur absolue, puisque les effectifs recrutés par cette voie dans les cinq dernières années sont 3,5 fois plus importants que ceux correspondant aux recrutements d’il y a 10 à 15 ans.

42L’impact de ces transformations sur la formation professionnelle et sur le degré d’homogénéité de cette formation est direct, qui se traduit par une prégnance de plus en plus forte de l’ENM au cours du temps. Ainsi, parmi ceux entrés par une voie latérale et qui sont en poste depuis moins de 5 ans, ils sont 70 % à avoir suivi une scolarité complète à l’ENM et 73 % sont passés par l’ENM, alors que parmi ceux un peu plus anciens, qui ont par exemple entre 5 et 9 ans d’ancienneté, ils n’étaient que 42 % à y avoir effectué une scolarité complète¹³.

43L’ancienneté dans la profession joue-t-elle de la même manière dans l’accès aux différents grades selon les voies d’entrée ? Afin de cerner cette question qui a trait directement à la qualité du déroulement de carrière des magistrats, on analyse la fréquence d’accès aux trois grades (HH, 1^er grade et 2^nd grade). Les magistrats latéraux dont l’ancienneté est inférieure à 5 ans sont, en moyenne, classés dans près de 89 % des cas, au 2^nd grade, 11 % d’entre eux étant au 1^er grade et 0,2 % en HH. Mais qu’en est-il lorsqu’on distingue les différentes modalités d’accès ? Pour ceux entrés par le 3^e concours et le 18-1, le taux de 2^nd grade est nettement plus élevé que la moyenne puisqu’il dépasse 95 % (98 % pour le 18-1) ; il se situe encore autour de 92/93 % pour ceux entrés par l’art. 22 ou par le concours interne. Si, pour ces quatre voies d’entrée, le taux de 2^nd grade dépasse donc nettement la moyenne, c’est que cette moyenne est influencée par le taux relativement très faible de 2^nd grades parmi ceux entrés par les concours exceptionnels - seulement 43 %¹⁴. Mais le second grade n’est pas seulement l’apanage des plus récents : 51 % des magistrats latéraux ayant entre 5 et 9 ans d’ancienneté sont classés aussi au second grade. Encore, ce taux est-il très nettement plus élevé dans la plupart des voies d’accès : 64 % de ceux entrés par le concours interne, 65 % de ceux entrés par le 3^e concours et même 71 % de ceux entrés par le 18-1 sont encore au 2^nd grade en dépit de cette ancienneté non négligeable. En revanche, il ne reste dans ce cas que 22 % des intégrés directs par l’art. 22. Ceux entrés par concours exceptionnels et qui ont 5 à 9 ans d’ancienneté se trouvent proportionnellement plus nombreux à être au 2^nd grade que ceux plus récemment recrutés. Après 10 ans d’ancienneté, les différenciations s’atténuent puisque quasi tout le monde est au 1^er grade, avec néanmoins encore 1/5^e des 18-1 et 16 % des 2^e concours au 2^nd grade. Après 15 ans d’ancienneté, demeure un taux encore important de 2^nd grade parmi les lauréats du 2^e concours : 28 %. Et les effectifs concernés sont élevés : 361 au total, dont 103 encore au 2^nd grade, soit 15 % de la totalité des effectifs entrés par le concours interne. Au contraire, tous les magistrats recrutés via le 18-1 sont passés au 1^er grade.