1 Texte publié sous le titre « Le client, le prestataire et le consommateur. Sociologie d’une relation marchande », Revue Française de Sociologie, n° 4, 1999, pp 670-688. Ce texte a bénéficié des remarques très constructives de P. -M. Menger et D. Segrestin, qu’ils trouvent ici l’expression de mes remerciements.
2 Le terme de cadrage est employé par M. Callon pour faire référence aux opérations par lesquelles les acteurs établissent une frontière entre les relations de calcul entre agents et celles qui ne relèvent pas du calcul.
3 De nombreuses activités sont organisées sur ce mode, notamment les activités de service : services aux collectivités (gestion de l’eau, du chauffage urbain ou des déchets ménagers), services aux entreprises (entretien ou maintenance). Certaines activités industrielles font aussi intervenir un sous-traitant ou un fournisseur : ce dernier fournit par exemple un équipement automobile pour le constructeur qui est son client, mais le consommateur reste l’automobiliste.
4 En dehors des différents entretiens conduits auprès des agents de la prestation présents sur les sites de restauration et de convives, nous avons également réalisé un travail d’observation de toutes les interactions entre les consommateurs et les agents de la prestation, qu’elles soient verbalisées ou non.
5 Il est intéressant de noter que M. Chauvières et J. Godbout (1992) remarquent qu’il peut être problématique de considérer que l’usager d’un service peut exprimer et transmettre le rapport d’usage ou le degré d’adéquation entre l’usager et le service. Ainsi, ils considèrent que si l’organisation de la production préfère se représenter l’usager comme producteur, c’est parce que de cette façon elle neutralise le caractère dangereux ou subversif de l’usager pour l’organisation.
6 Six familles ont été identifiées et regroupent des comportements types : populations de sportifs, de jouisseurs, d’urbains, de traditionnels, de râleurs, de modernes.
7 Voir (Dubuisson, 1997).
8 La gestion des flux de convives est une contrainte forte du restaurant. L’activité n’échappe pas au fameux « coup de feu » de la restauration commerciale : les convives viennent massivement déjeuner dans le même créneau d’une heure. L’équipe du site doit faire en sorte que l’offre reste constante tout au long du service tout en minimisant les pertes.
9 Ainsi un gérant de restaurant raconte : « Avec l’aide des convives, on a eu l’idée de faire une pergola juste devant. On a demandé l’autorisation à la mairie, qui a refusé le permis de construire. On a produit le document de la mairie aux convives. On l’a affiché, l’affaire est classée. On passe à autre chose. »
10 Il est intéressant de noter que ce type de constat est également fait en sociologie de la culture. Les producteurs de disques de variété n’hésitent pas à proposer des répertoires assez variés pour laisser la sélection s’opérer sur le marché, en fonction des demandes des auditeurs.
11 Il est notamment amusant de constater que ce prestataire intervient également pour assurer la restauration dans des établissements pénitenciers privés. Alors que la captivité des convives est alors maximale, le prestataire déploie les mêmes efforts pour s’attacher les consommateurs et anticiper leurs réactions et demandes. S’il ne faisait pas ce travail, il aurait à gérer une prise de parole, rendue publique par les médias, des détenus s’insurgeant contre un prestataire qui les affame.
12 Cet argument est largement utilisé par le prestataire au moment des renégociations de contrat, cependant les frontières des possibles ne demeurent pas illimitées, dans la mesure où le client reste libre d’engager ou pas des investissements supplémentaires. Cependant, cette connaissance des convives est souvent déterminante pour entraîner des modifications à la marge de la prestation : par exemple, le fait d’ajouter au menu des plats plus chers, dont la marge plus élevée accroît la rentabilité du site, la présence en parallèle de plats au tarif de base permet par ailleurs au prestataire de maintenir les engagements de coûts pris au départ avec le client.
13 L’idée que certains coûts liés aux arrangements mis en œuvre sont externalisés sur des acteurs de ce système nous paraît particulièrement pertinente pour comprendre que la forme d’un marché n’est pas un donné mais la résultante d’un jeu collectif, ce qui permet de considérer le marché comme une forme d’action collective et d’en faire, à ce titre, un objet légitime des sociologues.
14 Pour une description complète des outils mis en place par la société de service, voir (Dubuisson, 1998).
15 Souvent également ces cuisines centrales délivrent des repas aux personnes âgées à domicile. Ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes puisque ces menus sont souvent fortement différents des repas servis aux enfants (régimes spéciaux, par exemple).
16 Cependant, les exigences appliquées par les services vétérinaires aux équipements des points de distribution tendent de plus en plus à transformer ceux-ci en mini-cuisines. Dès lors, les transformations que ces sites auraient à subir pour devenir des véritables cuisines sont assez légères. Cette réalité a tendance à remettre en cause les organisations autour de cuisines centrales, et les entreprises prestataires s’interrogent fortement sur la pérennité de tels modes d’organisation qui ont tendance à multiplier les problèmes logistiques de livraison et rendent totalement impossible la liaison chaude.
17 Comme pour la restauration d’entreprise, la prestation connaît deux temporalités assez différentes, celle de la négociation du contrat et celle de la gestion de la prestation.
18 Le personnel de service est un personnel municipal. Le prestataire n’a donc pas tout le contrôle de la prestation. Mais le fait de fournir divers éléments pour les animations lui permet à la fois d’associer enfants, personnel de service et éventuellement corps enseignant, tout en étant directement actif dans la prestation.
19 Nous utilisons la notion de cadrage dans un sens assez différent de celui utilisé par M. Callon (1998). Nous faisons référence aux opérations par lesquelles un acteur cherche à définir les modalités d’actions des autres acteurs du marché, dans le cadre d’une relation d’échange (Barrey, Cochoy, Dubuisson-Quellier, 2000).