1Le marché des cosmétiques de luxe maintient son éclat par la domination des valeurs sûres que sont les classiques intemporels pour les parfums, qu’ils soient féminins ou masculins et par un nombre croissant de nouveaux entrants et notamment les marques des célébrités souvent plus éphémères. Couturiers et stylistes se les approprient pour célébrer le mariage réussi de la couture et des parfums. En France, la Fédération des Industries de la Parfumerie (FIP) qualifie le marché de « contributeur décisif à l’économie française ». Les marques de prestige ont su très tôt prendre place sur des marchés émergents avec l’installation de boutiques coûteuses dans des villes en devenir [Kapferer, 2007]. Le parfum de luxe français, qui bénéficie d’une image inégalée, a optimisé sa compétitivité sans renoncer à sa qualité [Charon, 2007].

2Avec des best-sellers qui transcendent les barrières culturelles, les grandes marques occidentales franchissent les frontières sur tous les continents tout en déployant des stratégies locales très ciblées [Kapferer, 2006]. Ancrée dans l’univers du luxe, portée par le prestige du label made in France, l’industrie française de la parfumerie-cosmétique occupe une place de leader mondial avec un chiffre d’affaires supérieur à 14 milliards d’euros en 2011, dont plus de 50 % hors France. Selon plusieurs sondages sur la question et aux regards de la presse internationale, les grandes marques de luxe sont les meilleurs ambassadeurs de la France à l’étranger [Domart, Hoorman, Licata, 2006]. Elles permettent, de plus, d’éviter les délocalisations massives dans la mesure où pour les produits de luxe le made in France revêt encore une vraie valeur, que les milliardaires chinois nous achètent d’ailleurs.

Le Made-in France pour valoriser son image

3Le 5 décembre 2006, le rapport Lévy-Jouyet de la Commission sur l’économie de l’immatériel a proposé de dynamiser la marque France afin de favoriser et reconnaître la création et l’innovation. En effet, si un label made in France permet de garantir une production, une réalisation sur le territoire français, le cœur de la valeur ajoutée que sont la création, le concept et le design doivent également pouvoir être reconnus et mis en avant par un « conçu en France » ou « designed in France ».

4L’origine des produits est complexe à déterminer et ce « nouveau label à trois étoiles fourniraient davantage d’informations sur la provenance des composants »1. Il s’agirait d’« informer le consommateur qu’une majorité de la fabrication d’un produit donné, de la conception à l’assemblage (en) passant par ses composants, est faite en France. Nous avons une main-d’œuvre particulièrement qualifiée et notre outil de production est compétitif », explique le ministre de l’Industrie, C. Estrosi2. Une enquête Sofres réalisée en mars 2010 montre que 88 % des Français pensent que la priorité est de produire en France et que le rôle de l’État est d’encourager cela par des aides à la relocalisation et un label made in France3. Sans assister à un rapatriement en masse de la production, un mouvement s’est engagé sous l’effet du vif rebond du secteur du luxe mais également de la prise de conscience de la nécessité de préserver le tissu industriel artisanal en France fort de ses critères différentiateurs que sont la précision, la qualité, la réactivité et la réponse aux demandes originales de sur-mesure : le « savoir-faire d’exception » français pour les produits à forte valeur ajoutée. Les acteurs de nos terrains français y sont sensibles quand on voit comment ils ont dorénavant inclus les phases de conception dans leur offre mais aussi commencé à oser des offres de créativité. Avec l’appui des politiques pour préserver, voire réintégrer, la production artisanale en France et l’effort des PME pour intégrer les phases de conception, et même de créativité dans leur offre, on peut espérer un regain et une préservation de l’activité sur les territoires français.

L’apprentissage, un choix encore par défaut

5En France, de moins en moins de jeunes s’intéressent aux métiers techniques et ceux qui suivent les formations correspondantes ne les ont pas forcément choisies. La formation à la sérigraphie par exemple, métier mobilisé dans l’industrie du luxe, est une voie vers laquelle peut être orienté un jeune en situation d’échec scolaire. « Les jeunes ainsi recrutés ne font pas vraiment l’affaire par manque de motivation. Il est difficile de les enthousiasmer », s’accordent à dire nos dirigeants français. Les métiers techniques et artisanaux au savoir-faire spécifique nécessitent un apprentissage en dualité avec un ancien, qui garantit la transmission d’expérience et permet ainsi l’accès à une pratique de qualité et à l’autonomie. En ce sens, la voie de l’apprentissage est une option intéressante pour les chefs d’entreprise mais elle n’est pas encore perçue par les jeunes comme un outil de socialisation professionnelle. Heureusement, dans les pôles de compétitivité le volet formation est majeur dans les axes de développement stratégique à privilégier. La Plastics Vallée, labellisée pôle de compétitivité bénéficie d’ailleurs de cet encouragement avec des mesures concrètes.

6Aujourd’hui les deux pays, la Suisse et la France offrent des parcours de formations techniques et professionnelles relativement comparables ou en tous cas réfléchis, construits et opérationnels. Les deux pays encouragent et accompagnent les entreprises pour accueillir des apprentis et développer ainsi la formation par alternance. Mais la différence majeure est que la Suisse voit son système bien rôdé et la voie technique reconnue et valorisée alors que la France, malgré de nombreux efforts a encore du mal à rattraper le retard pris et semble encore souffrir du manque d’intérêt de sa jeunesse pour les formations techniques. Les moyens organisationnels et financiers sont mis en place mais le retard est historique et sera long à rattraper.

Le parfum : du sacré au profane

7Il y a plus de 3500 ans en Égypte, le parfum avait un rôle essentiel dans l’embaumement et revêtait une signification sacrée pour honorer les dieux et accompagner le passage de la vie à la mort [Le Guérer, 2005]. Puis son utilisation a été étendue à des fins de purification, d’apaisement et de séduction. Ensuite, c’est au côté de Néron que le parfum continue son ascension et Rome devient alors la capitale du parfum en développant le commerce des plantes, des fleurs, des graines… Des centaines de parfums sont alors débités en officine et commencent à être diffusés dans des flacons en verre. Avec la technique de la distillation avec l’alambic et le serpentin, ce sont ensuite les Arabes qui vont faire progresser l’Art du parfum. Les croisés rapporteront en Europe des produits, des techniques et des matières premières qui vont remettre le parfum au goût du jour. Mais en Europe, entre 1100 et 1600, la parfumerie connaît une époque d’interdits et de réglementations strictes car l’Église se méfie de ces « artifices du diable ».

8À la Renaissance, Catherine de Médicis, sous l’influence italienne, relance à Paris la mode du parfum. La ville de Grasse se déploie en produisant des parfums et des gants de cuir parfumés. Au XVII^e siècle, Versailles impose sa mode et ses usages à la société française et européenne en multipliant les articles odoriférants grâce aux plantes à parfum de Grasse et aux produits exotiques fournis par la Compagnie française des Indes orientales. Au XVIII^e siècle les technologies continuent de se développer et le parfum est le symbole du luxe au milieu de la cour parfumée de Louis XV et de Madame de Pompadour.

9Le déclin de la parfumerie pendant la révolution (malgré le « parfum de guillotine ») s’estompe rapidement et le parfum redevient la préoccupation des dames. De nouvelles senteurs, plus exotiques, apparaissent. Le XIX^e siècle voit l’avènement de la parfumerie moderne. En 1889, Guerlain révolutionne le monde de la senteur avec la création du premier parfum alliant essences naturelles et produits de synthèse. Avec cette innovation [Berthoud, 2005] et la prise en compte de la vitesse d’évaporation des odeurs, l’industrialisation des parfums devient possible avec l’ouverture d’usines pour la mise en flacon. Des évolutions majeures liées à la mécanisation et à l’industrialisation de la production permettent des progrès dans les process. La substitution du travail mécanique au travail manuel s’accentue. Ces avancées vont permettre à la classe moyenne d’accéder aux parfums, même si la politique financière des parfumeurs consiste à diminuer leur coût de production tout en conservant leur prix de vente. Cette subtilité commerciale tend à préserver « leur valeur symbolique et leur désirabilité sociale » [Briot, 2007] tout en apportant de la trésorerie pour de futurs lancements. Il s’agit alors de déconnecter la valeur intrinsèque du produit de son prix de vente.

10Enfin, au XX^e siècle, les innovations technologiques mais également les associations entre parfumeur et verrier (par exemple entre François Coty et René Lalique en 1905 ou entre parfumeur et couturier) lancent la génération des couturiers-parfumeurs. Dans l’après-guerre, les parfums français proposent une esthétique olfactive et le parfum, en plus de parfumer, est une véritable œuvre d’art, évocatrice d’une atmosphère, d’un moment privilégié. Les exportations des parfums français sont à leur apogée. Un peu plus tard dans les années 1960-70, le parfum tente de délivrer un message et s’aligne sur les événements forts pour sortir des fragrances puissantes. De nouveaux entrants, tel Claude Montana ou Jean-Paul Gauthier exploitent les tendances de la rue pour marquer leur temps. Aujourd’hui, le parfum de luxe est dans l’ère de l’abondance avec une multitude de lancements et une variété dans les créations.