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Chapitre 1. Le gaullisme et la croissance

p. 37-52


Texte intégral

« Le monde entrait dans une période où l’organisation de grands événements télévisuels faits pour capter l’attention des foules allait devenir une activité capitale des dirigeants politiques » (Eric Barnouw, commentant les apparitions de Kroutchev et de Nixon à la télévision américaine en 1959)1.

1. QUELLE CROISSANCE ?

1Croissance de la télévision : on pense d’abord à la présence du petit écran dans les foyers. S’il est un chiffre dont il faut se souvenir, c’est celui-ci : en dix ans, de 1958 à 1968, le taux d’équipement des ménages passe de 5 % à 62 %. On a parlé de retard. En 1960, dans deux pays seulement la vaste majorité des ménages est équipée : États-Unis et Grande-Bretagne. Sinon, la France des années soixante suit à peu près le rythme de l’Europe de l’Ouest.

2Relativement plus jeunes et plus riches, les ménages équipés se recrutent d’abord dans les régions les plus urbaines et industrielles, comme il est de règle pour les équipements nouveaux. Cette progression spectaculaire se traduit par un record. Entre 1960 et 1973, les Français achètent chaque année plus de 600 000 postes de télévision. L’année record est 1964, avec 1 074 000 postes2.

3La croissance de l’équipement est importante à plusieurs titres. Sur le plan matériel, elle est vitale pour la télévision. Elle alimente la redevance, et permet à l’institution de se développer. Le cercle de la croissance se met en place, sans que l’on puisse en situer avec précision le point de départ : l’équipement des ménages alimente la redevance, la redevance le budget qui finance des émetteurs et des programmes, de nouveaux ménages s’équipent, ce qui alimente la redevance…

4Dans ce cercle, un point est peut-être plus important que les autres : la « couverture » du territoire, c’est-à-dire la zone où l’on peut capter les signaux de télévision. Pour que les téléspectateurs potentiels soient attirés par la télévision, encore fautil qu’ils puissent la recevoir. En 1957, seuls cinq grandes zones urbaines sont touchées par la télévision. Aux émetteurs des débuts (Paris, Lille, Strasbourg, Marseille, Lyon, Bourges) s’ajoutent ceux de Bordeaux et Toulouse (1957), Reims (1958), Rennes (1959). En 1960, la première et unique chaîne touche plus de la moitié de la population, et 80 % en 1963. Le 18 avril 1964 démarre la deuxième chaîne qui couvre 20 % au départ. En 1969, la deuxième chaîne couvre 82 %, la première 95 %. Un effort considérable d’infrastructure est donc fait, et la France se maille d’un réseau dont la carte rappelle celle d’autres grands réseaux publics et centralisés : chemin de fer, télégraphes, téléphone. Cette carte, on la trouve aujourd’hui encore affichée aux murs de Télédiffusion de France, symbole de la puissance de l’organisme de diffusion.

5Ignoré du public, et même de beaucoup de professionnels, ce maillage du territoire est pour les ingénieurs une des grandes opérations techniques des années 1960. D’autres événements sont plus visibles ; commentés par la presse et par le public, ils font la fierté de l’organisme et la mémoire d’une grande époque, où les innovations continuelles masquent les difficultés humaines et politiques. Le 23 juillet 1962, le satellite Telstar transmet pour la première fois en direct des images entre l'Europe (en Eurovision) et les États-Unis. On forge le mot « mondovision ». Cela deux ans après la première utilisation du satellite Echo 1 pour la transmission de signaux téléphoniques, et cinq ans après Spoutnik, lancé le 4 octobre 1957. Les applications régulières ne viendront que beaucoup plus tard. Il faudra attendre les années 1970 pour que la transmission par satellite ait, dans les programmes d’information seulement, une influence réelle. Mais le fait frappe l’imagination des contemporains, la presse lui donne un très large écho, les ouvrages sur la télévision publiés à cette époque le citent tous3.

6De ces grands événements qui font vivre les hommes de télévision dans une passion et un espoir continuels, retenons aussi, outre le lancement de la deuxième chaîne déjà signalé, le démarrage officiel de la télévision en couleurs le 1 er octobre 1967. La couleur ne concerne que la deuxième chaîne et un pourcentage modeste de téléspectateurs. Quant à la première chaîne, elle ne sera – partiellement – en couleurs qu’en 1975. Mais là encore, le monde paraît s’ouvrir et s’agrandir. De plus, les tournages en extérieurs ne cessent de s’améliorer, poursuivant la tradition des grands exploits du direct des années 1950. En 1963, l’utilisation de caméras « haute fréquence » permet l’insertion de séquences en direct dans le journal télévisé.

2. LA CROISSANCE, LE SERVICE PUBLIC ET LES MONOPOLES

7La télévision, service public, a ainsi le sentiment de remplir toujours mieux sa mission. Sur une puis deux chaînes, elle offre toujours plus de programmes aux téléspectateurs : 2 451 heures en 1958 (6h40 par jour en moyenne), 5 232 heures en 1968 (15h07). Pour les professionnels, ce chiffre n’a de sens que si la télévision produit elle-même l’ensemble de ces programmes. Souhaité par presque tous, ce quasi-monopole de production est à peu près maintenu. Le pourcentage des films (seul support pour le secteur privé) non produit par la RTF oscille entre 25 % et 27 %. La télévision française réussit donc à produire les trois quarts de ses programmes.

8Le service public contrôle la diffusion et la production des programmes. Il recueille aussi la redevance chez le spectateur. Ses services techniques comprennent un service de la réception qui se préoccupe de la qualité du signal et maintient un contact avec les détaillants. Enfin, du côté des industriels, la qualité des matériels et les spécifications sont précisées par le service des Études. Si l’ensemble des grands services publics européens partage de telles ambitions, la radiotélévision française est seule à les réaliser aussi complètement. En Allemagne fédérale comme en Grande-Bretagne, tout ou partie du réseau de diffusion est géré par les PTT. En Grande-Bretagne, la redevance est depuis les origines collectée et gérée par le Post Office. En France, la RTF, puis l’ORTF (1964), a vocation à être toute la télévision.

9Toute la télévision, mais pas rien que la télévision. N’oublions pas qu’en 1960, « RTF » équivaut pour beaucoup des Français à « radio ». Les Français sont des auditeurs autant et plus que des spectateurs. Dans les loisirs, la télévision va peu à peu se substituer à la radio comme la source d’information et de divertissement autour de laquelle la famille se rassemble le soir. La radio, devenue plus légère avec le poste à transistor (lancé en 1956, il connaît un boom des ventes à partir de 1959), ira trouver ailleurs sa place et son rôle.

10Cette mutation sociale se retrouve au sein de l’institution. Si les budgets et les effectifs de la RTF ne cessent de croître, c’est surtout au profit de la télévision. En 1964, la RTF établit pour la première fois un budget fonctionnel. La part de la télévision y est déjà de 41,5 %, contre 25,4 % à la radio, le reste est consacré aux services communs. En 1968, la part télévision est de 47,2 %, la part radio a baissé à 18,3 %. Et, dans les services dits communs (affaires générales, redevance, administration), on travaille de plus en plus pour la télévision.

11La télévision voit grandir sa part d’un budget en augmentation constante. Le total des recettes de la radiodiffusion est de 477 millions de francs en 1960, de 1 442 millions de francs en 1968, soit un triplement en francs courants, un doublement en francs constants. En 1962, les ressources de la radiotélévision correspondent à 0,9 % du budget général de l’État, à 1 % en 1968, alimentées par la seule redevance puisque l’introduction de la publicité ne date que d’octobre 1968. Ensuite, l’appel grandissant aux ressources commerciales permettra de faire baisser le pourcentage de la redevance (0,87 % en 1970, 0,66 % en 1983)4.

12Du côté des personnels, ce renversement est plus difficile à appréhender. Le total des effectifs statutaires de la RTF est de 8 182 en 1961 dont un quart travaille pour la télévision. En 1969, sur 11 763 statutaires, la majorité est occupée principalement par la télévision, et près de 4 000 personnes exclusivement. Gardons en mémoire le fait que ces statutaires sont principalement des techniciens (au sens restreint : techniciens de la vidéo et de la diffusion), des personnels de production (monteurs, directeurs photo), des ouvriers et des administratifs.

13Par rapport à l’augmentation des activités de la télévision, la croissance des effectifs n’a rien de pléthorique, contrairement à une légende tenace. En revanche, les effectifs croissent dans le désordre, à grands coups de régularisations massives a posteriori et d’intégrations d’occasionnels, occasionnels aussi dénoncés qu’ils sont indispensables. Selon un administrateur de FR3 venu de l’ORTF, un des dictons de « la Maison » était que « tout statutaire engendre son vacataire ».

14L’extension des moyens et des hommes est aussi géographique. Sur ce plan, l’unité tant souhaitée par beaucoup de professionnels ne fut jamais réalisée. En discussion depuis l’avant-guerre, en construction depuis 1954, la Maison de la Radio, future Maison de la RTF et de l’ORTF quai de Passy, n’est inaugurée que le 14 décembre 1963. Sans doute ignorant des nécessités à long terme de la production télévisée, un rapport parlementaire annonce en 1960 que celle-ci abritera « tous les services de production de la Radiodiffusion-télévision française, les bureaux de la direction générale, les services administratifs », et que ne subsisteront à ses côtés que les « locaux techniques de télévision », c’est-à-dire les Buttes Chaumont et Cognacq-Jay5. Très vite, la Maison de la Radio, qui devient « le palais Gruyère », abrite principalement les activités de la radiodiffusion, mais également certaines salles publiques pour la réalisation d’émissions en direct, et la Direction générale : celle ci quitte l’avenue Friedland, à l’étage en-dessous du ministre de l’Information. Elle devient le centre symbolique de l’ORTF, comme le montreront les événements de Mai 68, et dès avant les légendes qui courent sur son compte. Le 7 novembre 1964, Paris-Match ne titre-t-il pas un article : « Le monstre de la radio vient de faire sa 9 e victime ». Et en intertitre : « Du Kafka qui a coûté 20 milliards ». Dans le corps de l’article, quelques superbes rumeurs :

« On dit que d’innombrables dames ont disparu parce que – ayant aperçu sur une porte l’inscription “Hommes” – elles étaient, d’instinct, entrées par la porte voisine sans lire l’inscription qui y est portée et qui indique : “Haute Tension Danger de Mort” ».

15Aux côtés de la Maison de la Radio, la télévision a toujours deux lieux d’implantation majeurs : la rue Cognacq-Jay, et le Centre des Buttes-Chaumont, rue des Alouettes. Les professionnels ignorent souvent leurs noms officiels, le centre Alfred Lelluch et René Barthélémy. Ils sont déjà comme aujourd’hui, « Cognacq-Jay » ou « Cognacq », et « les Buttes ». Le centre « Cognacq-Jay » abrite en 1966 quatre studios de dimensions moyennes, un important centre de fabrication film. Il se consacre surtout à l’information. La direction de l’Exploitation y loge, de même que le centre nodal (dit « le nodal »), régie où sont recueillies l’ensemble des modulations qui sont ensuite retransmises sur le réseau. Quant aux Buttes-Chaumont, c’est là que se font beaucoup des grandes émissions, grandes par les moyens techniques et artistiques, la taille des studios (sept en 1968) et le prestige.

16Comme la radio avant elle, la télévision s’engage dans un processus de dispersion, d’autant plus compréhensible que ses équipements sont infiniment plus lourds. Dès qu’est prévue la deuxième chaîne, les responsables de la technique et des programmes savent que les lieux officiels ne pourront suffire, car ils ont à cœur de maintenir un niveau de production élevée. En 1960, la télévision commence à utiliser d’anciens studios de cinéma à Francœur, dont certains sont convertis à la vidéo en 1964. En 1962, on loue d’autres studios de cinéma à Joinville (trois en tout), et à Boulogne-Billancourt, rue du Fief, ainsi qu’une ancienne salle de bal au Moulin de la Galette.

17La télévision paraît littéralement se substituer à des loisirs en récession, et d’abord au cinéma, qui voit s’amorcer dans les années 1960 une baisse continue de la fréquentation des salles. D’où la fureur des professionnels du cinéma, d’autant plus que le personnel de la RTF, après l’obtention d’un statut en 1960, essaie de se protéger contre l’emploi de personnels extérieurs, et surtout contre leur intégration au sein des personnels permanents. Témoin cette lettre du responsable du syndicat CGT SNRT au chef du personnel de la RTF, le 12 janvier 1962 :

« À la suite de l’entrevue que vous avez eue avec les représentants de la Fédération du Spectacle le 9.1.62, et où vous avez fait des propositions en vue d’un recrutement du personnel cinéma des studios Francœur et Joinville, j’ai le regret de vous informer que le Personnel Plateau RTF ayant été consulté s’est déclaré hostile à ce recrutement »6.

18Encore est-on là au sein de la même fédération syndicale CGT, la Fédération du Spectacle, qui voit coexister les deux familles « cinéma » et « télévision ». Les techniciens (vidéo et diffusion) de la RTF recrutés ailleurs que dans les écoles de cinéma et regroupés dans un syndicat spécifique, sont beaucoup plus hostiles aux personnels du cinéma.

19L’expansion ne s’arrête pas là. C’est à partir de 1963, à l’instigation d’Alain Peyrefitte, que s’amorce le développement considérable de l’information télévisée en province : la RTF était déjà faiblement déconcentrée. Il s’agit désormais de produire des programmes originaux d’actualité télévisée. Entre 1963 et 1965 sont mis en place vingt-trois centres d’actualité télévisée qui en 1965 produisent chacun deux heures par semaine, soit un total supérieur à 2 000 heures, près de la moitié du temps d’antenne national égal à 4 614 heures.

20À Paris même, en 1966, un nouveau laboratoire film est installé avenue Hoche et un laboratoire est prévu pour la région Ile-de-France rue Devèze. En 1966, le centre d’Issy-Les-Moulineaux, qui abrite déjà le service des Études de la direction technique, le garage central de l’ORTF et le service des reportages en extérieur, voit s’installer un studio d’expérimentation pour la couleur. La télévision continue de se disperser, ce qui ne facilite pas le fonctionnement intégré de certains services et contribue aux particularismes professionnels.

3. LE GAULLISME : UN PROGRAMME POUR LA TÉLÉVISION ?

21Cette croissance, nous devons maintenant en éclairer le contexte. D’abord, le régime politique change de nature : l’instabilité de la IV e République avait laissé une large marge de manœuvre aux dirigeants de la RTF, et aussi le bénéfice de la permanence. Entre 1958 et 1962, un nouveau régime se met en place. Après un temps d’incertitude, on dirait que les commutateurs de la IV e République se sont inversés ; à la stabilité des gouvernements et des ministres de l’Information correspond une fragilité accrue chez les dirigeants de la radiotélévision et singulièrement de l’information. De 1946 à 1958, vingt personnes se sont succédées au poste de ministre de l’Information. Wladimir Porché est resté directeur général de 1946 à 1957, Vital Gayman directeur de l’Information de 1946 à 1958, Jean D’Arcy directeur des programmes de 1952 à 1958. De 1958 à 1968, dix ministres de l’Information se succèdent, dont l’un surtout compte, Alain Peyrefitte, qui occupe le poste de 1962 à 1966 avec une brève interruption à l’automne 1962. Dans le même temps, la RTF va connaître cinq directeurs généraux et six directeurs de l’Information (pour l’ensemble de la RTF, puis, après la réforme de 1963 pour la télévision seulement).

22Ce n’est là que la conséquence la plus directe du changement politique de 1958. La stabilité des gouvernants aura sur la télévision bien d’autres effets. Car les hommes de la Ve République auront les moyens d’appliquer leurs idées – ou le temps d’essayer. Nous disons bien idées, d’un mot vague, plutôt que programme. Beaucoup de professionnels ont perçu et dénoncé des « attaques » coordonnées contre le service public à partir de l’arrivée d’Alain Peyrefitte, où s’organise alors la double pénétration des « censeurs » de la politique et des « puissances d’argent » que la IV e République aurait su contenir7. Mais il ne faudrait pas prêter trop d’intentions à ceux qui ont fait les politiques de la télévision. Les événements que nous allons relater témoignent beaucoup plus de l’improvisation que de la doctrine systématiquement appliquée, sauf sur certains points précis.

23Plutôt que du programme du gaullisme, parlons d’une vision générale de l’outil radiotélévision, et d’intentions plus précises dans un seul secteur, celui de l’information : intentions incarnées par un homme, Alain Peyrefitte, qui n’eut pas toujours les moyens de parvenir à ses fins. Cette vision générale n’est pas neuve, elle nous vient directement de la IVe République. Elle est ramassée par Georges Pompidou, le 21 septembre 1972, dans une formule saisissante :

« Qu’on le veuille ou non – et je sais qu’il y en a qui ne me croient pas – le journaliste de télévision n’est pas un journaliste comme les autres. Il a des responsabilités supplémentaires. Qu’on le veuille ou non, la télévision est considérée comme la Voix de la France, et par les Français et par l’étranger »8.

24Cette formule appelle un commentaire essentiel : elle est très loin d’être la première du genre. Dès 1970, le président de la République avait parlé en termes identiques de l’ORTF, déclenchant une première vague de réactions, en France et à l’étranger : « Être journaliste à l’ORTF, ce n’est pas la même chose qu’être journaliste ailleurs. L’ORTF, qu’on le veuille ou non, c’est la voix de la France »9. De façon significative, tout le monde retient aujourd’hui la déclaration sur la télévision, dont Georges Pompidou dit, en 1972, et il se trouve là d’accord avec ses opposants, qu’elle a des moyens « sans commune mesure avec les autres ».

25De plus, c’est bien avant 1970 que cette thèse avait été formulée : mais l’information télévisée n’était pas encore au centre de la vie politique. Le général de Gaulle avait mis l’accent sur le rôle de représentation nationale de l’ORTF, dès l’inauguration de la Maison de l’ORTF le 14 décembre 1963 :

« L’idée que nous nous faisons de la France et l’idée que s’en font les autres dépendent maintenant, dans une large mesure, de ce qui est, à partir d’ici, donné à voir, à entendre, à comprendre, et qui frappe au même instant une innombrable multitude »10.

26La formulation est plus nuancée, mais l’idée est au fond la même. Organe officiel, la télévision est forcément, pour une part, l’organe du gouvernement. Le Général le dit en termes plus crus, dans une note à Bernard Tricot, son secrétaire général, le 5 septembre 1967. Il s’agit d’une émission hebdomadaire due à un journaliste, Emmanuel d’Astier de la Vigerie : « Dès lors que, seul, parmi les journalistes ou hommes politiques, M. d’Astier a, à l’ORTF, le privilège d’un quart d’heure périodique, ce qu’il dit revêt forcément un certain caractère officieux, sinon officiel »11.

27En d’autres domaines, les conceptions du Général en matière de radiotélévision ne sont pas neuves. Quand il la considère comme « un instrument magnifique de soutien de l’esprit public »12, selon la formule que nous avons citée, il fait écho à ce député qui s’exclamait avant-guerre : « L’État ne doit pas laisser s’échapper de ses mains ce magnifique instrument d’éducation »13. Certes, de « l’éducation » au « soutien de l’esprit public », les missions se sont élargies, mais le fondement est identique : les ondes sont d’abord un instrument de l’État, même si l’État n’en est jamais content.

28Les ondes, c’est-à-dire la radio aussi bien que la télévision. Certes, les radios dites périphériques fonctionnent sur un modèle privé. On connaît les raisons techniques qui ont rendu possible l’établissement des périphériques : le mode de propagation des ondes de la radio. Il est possible à un émetteur situé en dehors du territoire français d’en couvrir l’essentiel, alors que la télévision a besoin de relais. Le monopole est donc plus facile à enfreindre.

29Plutôt que libres, les radios périphériques sont en « résidence surveillée », pour reprendre l’expression de Claude Durieux14. En novembre 1959, l’État n’est-il pas entré, par l’intermédiaire de la Sofirad, dans le holding Images et Son qui contrôle Europe N ° 115 ? La Sofirad contrôle aussi depuis l’origine Radio-Monte-Carlo. Les liens financiers et politiques qui unissent le gouvernement aux radios périphériques ne se résument d’ailleurs pas à ses participations financières. Au premier chef, il y a les câbles, loués par les PTT, qui envoient le signal des studios parisiens aux émetteurs. On sait qu’en mai 1968 le gouvernement a envisagé (et menacé) de couper le câble qui reliait RTL à son émetteur de Luxembourg16.

30Bref, le gouvernement contrôle la télévision et surveille de près la radio. La doctrine gaullienne à cet égard a été clairement exprimée dans une note à Georges Pompidou, Premier ministre, le 18 mars 1965 :

« Comme nous l’avons reconnu au Conseil (des ministres) l’existence de postes périphériques domiciliées à l’étranger, soustraits de ce fait à l’emprise de nos lois et de nos règlements […] constitue une anomalie décidément inacceptable. Il s’agit en fait d’une atteinte caractérisée au régime de monopole que la législation a voulu instituer en France au profit d’un établissement public dans le domaine de l’information par les ondes. Sans doute ne peut-on mettre fin sans précautions à une situation qui a été longtemps tolérée et même favorisée. Mais il s’agit qu’elle prenne fin »17.

31Le général de Gaulle envisageait donc très sérieusement de revenir à un monopole absolu, lequel n’a d’ailleurs jamais existé…

32Il reste que les radios périphériques ont été tolérées, et que la radio, y compris la radio gouvernementale, a été dans les années 1960 nettement plus libre de ton que la télévision. On explique souvent cette liberté relative par l’existence même des périphériques : ceux-ci, échappant au contrôle de l’État, contraindraient la radio nationale à une certaine ouverture. L’explication ne peut être que partielle, puisque nous venons de montrer combien la liberté des radios privées était relative.

33À notre sens, si le gouvernement laisse la bride sur le cou à Pierre Fromentin (directeur de l’actualité radio de 1962 à 1968) plus qu’à ses collègues de la télévision, c’est plus par choix délibéré que par contrainte. Ce qui joue en faveur de l’indépendance des radios, c’est l’ascension de la télévision, qui focalise bientôt l’attention. Le thème de « la force (ou l’impact) de l’image » devient bien vite un lieu commun chez les parlementaires et les hommes politiques qui s’intéressent à l’audiovisuel. C’est vers 1960-62, que la télévision commence à concurrencer sérieusement la radio. En 1968, la prédominance du petit écran est chose acquise18.

34Revenons donc à la doctrine de la « Voix de la France ». Pourquoi ce qui troublait peu en 1963 de la part de Charles de Gaulle fait-il scandale dix ans plus tard de la part de Georges Pompidou ? Sans concurrente, la télévision, c’est-à-dire pratiquement jusqu’en 1968, la première chaîne, est devenue le premier loisir dans la société française. C’est la source majeure d’information, considérée comme toute puissante. Tout le monde surveille les images de la télévision, le gouvernement qui s’irrite des velléités d’indépendance journalistique et qui voit facilement la « subversion » dans le journal et dans d’autres émissions, l’opposition qui pense que le petit écran est devenu le premier outil de propagande gouvernementale.

35En même temps, avec la télévision et la V e République, les médias audiovisuels ont changé de nature : tout le monde regarde désormais du côté de la politique et des journalistes. André Brincourt a pu le déplorer dès la préparation du statut de 1964 :

« Comment ne pas remarquer qu’au cours du débat, il a été souvent pour ne pas dire toujours question de l’information, et qu’on a pratiquement négligé le rôle culturel de la radiotélévision ? Oublierait-on que le but principal de l’établissement est de faire de bons programmes ? »19.

36Le rôle de représentation nationale pouvait faire l’objet d’une forme de consensus sous la IVe République. Peu d’hommes politiques se penchaient sur une télévision qui œuvrait (au sens propre, composait des œuvres) dans une relative discrétion. À partir de 1958, trois facteurs se conjuguent pour alimenter les débats : croissance, montée en puissance de l’information, stabilité de l’exécutif. La Ve République voit ainsi un gonflement continuel des controverses qui culminent en 1968 avec le débat sur la publicité et sur le rôle du SLII ressuscitant, au fond, de très vieux dangers : les « puissances d’argent » dénoncées dès l’avant-guerre, et la censure gouvernementale.

37Il nous faut souligner enfin que la doctrine de la « Voix de la France », si elle a de lourdes conséquences politiques, se traduit par un contrôle qui n’est pas que politique. Ce n’est pas seulement au nom d’intérêts partisans que le Général et ses ministres se sont inquiétés d’un journal et d’une télévision pris entre d’innombrables coups de téléphone et réunions interministérielles. La « Voix de la France », c’est aussi une certaine conception du rôle de l’État, conception morale sinon moralisante. Dans les années 1960, le souci de la correction de la langue, et de la hauteur de ton, le refus du spectaculaire, ont provoqué des interventions – moins bien sûr que la politique proprement dite. Ainsi, le directeur général de la RTF en 1960 se souvient des coups de téléphone ministériels nombreux, mais pas seulement parce qu’on laissait la parole aux opposants ou qu’on ne rendait pas digne compte de l’action gouvernementale : « Ils étaient capables de téléphoner parce que quelqu’un avait dit NATO au lieu de l’OTAN… »20. C’est en 1960, date à laquelle se situe ce témoignage, qu’est « inventé » le carré blanc, placé en bas à droite de l’écran pour indiquer aux parents que le film est déconseillé aux mineurs. Politique, la télévision gaullienne a aussi été extrêmement morale.

4. LE GAULLISME : TÉLÉVISION ET SYSTÈME POLITIQUE

38Tous ces déplacements d’attention sur une RTF devenue d’abord télévision, sur une télévision devenue d’abord un outil politique, ne s’expliquent pas sans la montée d’un nouveau régime que les spécialistes baptisent bientôt présidentialiste : la restauration du Président de la République est la clef de voûte de la nouvelle constitution. Doté de pouvoirs considérables dès octobre 1958, celui-ci est élu au suffrage universel à partir de 1965. Dans le nouveau dispositif politique, la télévision paraît très vite appelée à jouer un rôle majeur.

39Si le général de Gaulle est au centre de cette mutation, c’est peut-être plus comme praticien que comme théoricien. La pratique étant d’ailleurs cohérente avec la théorie. Le Général est un téléspectateur attentif, à l’inverse de la plupart des hommes politiques. C’est par exemple Jacques-Bernard Dupont, directeur général de l’Office entre 1964 et 1968 qui raconte :

« Il la regardait, il la regardait beaucoup, mais jamais il ne m’a donné d’instruction ou d’injonction à la suite de ses réactions devant une émission […]. Il m’a reçu trois fois durant mon mandat, il ne m’a jamais fait d’observation de détail »21.

40Le Général est aussi particulièrement attentif au journal télévisé, et, s’il ne donne pas de consignes « de détail », il transmet à son ministre de l’Information des notes qui ne laissent pas de doute sur son mécontentement22.

41Le Général a sans doute été le premier et le dernier président à être un téléspectateur fidèle. Le fait nous paraît loin d’être anecdotique. On sait que les réactions face à la télévision sont souvent commandées par l’inquiétude que produisent les effets imaginés. Or, la première réaction dans le gouvernement et l’entourage présidentiel, c’est, bien souvent : « Que va penser le Général ? ». Même s’il intervient peu directement, on guette beaucoup le petit écran, ou plutôt, son reflet dans l’œil du premier téléspectateur de France, comme l’appelle Romain Gary en 196823.

42Téléspectateur, le Général devient aussi un acteur de premier ordre. La télévision incarne rapidement le style politique d’un chef de l’État désireux d’entretenir des relations directes avec ces concitoyens. L’apparition du Général sur l’écran devient un phénomène familier. Dès son retour au pouvoir, il prend l’initiative. Après les balbutiements de la première allocution du 13 juin 1958, au cours du journal télévisé, il s’améliore très vite, aidé des conseils de Jacques Anjubault, alors responsable du journal, et de Marcel Bleustein-Blanchet, publiciste fameux qui le connaît bien. Philippe Ragueneau, alors chef de son service de presse, le convainc de se maquiller24.

43S’il doit apprendre la télévision, le Général a depuis longtemps pris conscience d’une image publique qu’il lui faut projeter, et découvert que « le général de Gaulle était une légende vivante […]. Je compris qu’il me faudrait tenir compte de cet homme-là, de ce général de Gaulle-là, j’en devins presque son prisonnier »25. Dès la deuxième allocution le 27 juin, il ne lit plus un texte qu’il a appris par cœur, comme il sait le faire depuis longtemps. Il a renoncé au port des lunettes et s’est soumis aux contraintes du maquillage.

44Il multiplie très vite les allocutions télévisées au détriment des allocutions strictement radiodiffusées : sans compter les reportages du journal, on le voit quatre fois à la télévision en 1958, quatre fois en 1959, huit fois en 1960, huit fois en 1961, et neuf fois en 196226. C’est presque accidentellement qu’il inaugure le 28 décembre 1958 une pratique qui sera reprise par ses successeurs : la cérémonie de vœux du nouvel an. Le Général a ajouté ses vœux après une allocution consacrée aux mesures économiques et financières. Mais à partir du 31 décembre 1960, tous les ans, il prononcera une véritable allocution de vœux. Enfin, le journal télévisé rapporte les faits et gestes du « souverain » (Jean Lacouture). La RTF a d’ailleurs le sentiment d’accomplir là une mission d’importance puisque les voyages présidentiels en province figurent parmi les « émissions marquantes effectuées par les cars de reportage » dans les premiers rapports d’activité des services techniques (1961 et 1962).

45L’adéquation entre le nouveau mode de gouvernement et la télévision paraît totale. Le petit écran est comme taillé aux dimensions du pouvoir personnel. Chez les parlementaires, que déjà la Constitution a dépouillés d’une bonne partie de leur pouvoir, l’inquiétude est considérable. Le thème des pouvoirs de la télévision remporte très vite un vif succès auprès d’eux27. D’autant que les premiers essais de retransmissions des débats, en 1959, ont été décevants. Bien sûr, les reproches viennent d’abord de l’opposition qui se sent lésée. Mais c’est aussi l’ensemble des parlementaires qui ont eu le sentiment que la télévision, véritable « machine infernale », déformait le travail de l’Assemblée (tel cameraman sera réprimandé pour avoir filmé des bancs déserts)28.

46C’est surtout à l’occasion des élections que se manifeste cette relation de prédilection avec le pouvoir exécutif. Les référendums des 8 avril 1962 et du 28 octobre 1962, suivis des élections législatives du 18 novembre, déclenchent un premier débat. Un président « éminemment télégénique »29 n’y a t-il pas remporté d’indéniables succès ? Les résultats d’enquêtes étrangères ou françaises sur les effets politiques de la télévision invitent pourtant à la prudence30.

47Dans la première enquête française publiée, les auteurs soulignent combien le pouvoir de la télévision est devenu un thème fort : « La conviction de sa puissance absolue s’est imposée en quelques semaines à la plupart des esprits. » Quelqu’un a parlé d’arme absolue, un autre évoque la perspective d’un « coup d’état électronique »31. Car on croit, on veut croire aux effets de la télévision. Les parlementaires, décidément pionniers de ces débats, en trouvent bientôt une « preuve » nouvelle, les sondages. Autre type de « suffrage concurrent », il est normal qu’ils attirent l’attention32.

48C’est aussi à partir de 1962 que la veillée d’armes électorales devient particulièrement intense à la télévision, où l’on surveille des journalistes qui craignent ou espèrent quelque chose des résultats33. Sans avoir besoin de consignes, et sans se concerter, les ministres s’empressent ; et la presse d’opposition dénonce, sans manquer d’arguments34.

5. AU-DELÀ DE LA POLITIQUE

49Si les hommes politiques espèrent beaucoup de la télévision, ils ne sont pas les seuls. La télévision va susciter aussi d’autres ambitions, qui n’apparaîtront au grand jour qu’à la fin de la période. Pour toutes les institutions, pour tout ce qui en France est doté d’un instrument de représentation, la télévision sera bientôt un allié, un ennemi, en tout cas un objet de passion. Au premier chef, la presse et les parlementaires, déjà actifs sous la IVe République, vont dénoncer sans répit les vices de la télévision.

50On a analysé les causes des impatiences parlementaires. La presse, qui craint pour ses ressources publicitaires, reprendra pour des motifs différents les critiques émises dans les rapports officiels, et contribuera ainsi à la controverse, de même qu’elle relaiera les critiques adressées par la profession cinématographique, alors que la baisse de la fréquentation des salles ne cesse de se confirmer35.

51À côté des rivaux directs ou indirects, d’autres groupes commencent à sentir, confusément, combien le passage à la télévision devient un élément obligé de la stratégie revendicative. Le journaliste de télévision apparaîtra bientôt comme un relais aussi nécessaire que le député : que ce soit pour les syndicats, pour les organisations professionnelles, pour les différents mouvements associatifs. Certes, les préoccupations ne sont que sous-jacentes avant 1968. Elles transparaissent dans des textes et des intentions de réforme, qui mettent au premier plan la notion d’accès à la télévision. N’est-ce pas le statut de 1964 (article 4) qui demande au tout nouveau Conseil d’administration de vérifier « que les principales tendances de pensée et les grands courants d’opinion peuvent s’exprimer par l’intermédiaire de l’Office » ?

52Pourtant, ni les partis politiques, ni les « grands courants d’opinion » qu’on aurait bien du mal à recenser, ne seront satisfaits de l’organisation de l’accès. La télévision apparaîtra très vite, dans les années 1960, comme le symbole de la fermeture du débat politique et social, malgré quelques timides tentatives. Au centre du débat, la notion de service public, que l’on se mêle de définir au moment où elle paraît remise en cause ou discutée. C’est toujours le statut de 1964 qui constitue la référence : « L’Office de radiodiffusion télévision française […] assure le service public national de la radiodiffusion et de la télévision […] en vue de satisfaire les besoins d’information, de culture, d’éducation et de distraction du public » (article 1er). Cette définition très générale, et qui se retrouve sur le plan international, ne suffira pas à établir ou rétablir le consensus sur les missions.

53Car une mission nouvelle, condamnée unanimement sous la IVe République, va faire son apparition en octobre 1968. Dans un environnement où les échanges internationaux prennent une place croissante, et avec le développement du Marché Commun, les pressions des entreprises pour utiliser la télévision ne cessent de croître – en même temps que l’équipement des ménages. Ces entreprises sauront, mieux que d’autres acteurs, trouver des oreilles attentives au sein du gouvernement.

54Pourtant, n’allons pas croire que dans le débat le commerce l’a emporté sur la politique. Si les attentes envers la télévision croissent, elles sont discutées dans un contexte hyperpolitisé. Toute décision portant sur la télévision est d’abord jugée sur le plan politique. Toute exclusion est perçue comme politique. Tout exclu s’interroge sur le machiavélisme de la décision qu’il a subie. Toute victime d’un incident à l’antenne cherche une conspiration. Ainsi la publicité sera d’abord une affaire politique : la première intention du gouvernement ne serait-elle pas, en l’introduisant, d’affaiblir la presse d’opposition en province, écrivent les commentateurs de l’époque. Bref, tout le monde craint les manipulations et les manœuvres de l’autre, mais seul un acteur, le gouvernement, a les moyens de mesures concrètes.

55La tendance est ainsi grande de tout expliquer de la télévision par le politique. De chercher partout le complot ministériel pour expliquer les évolutions de la télévision. Notre thèse est plus nuancée. Certes, les décisions gouvernementales ont compté. Mais au fond la doctrine de « la Voix de la France » était partagée par l’essentiel de la classe politique, et n’était pas spécifique d’un parti. C’était les conceptions de « la France » qui variaient, pas les conceptions de la télévision. Cette doctrine était surtout fondamentalement insuffisante pour définir une politique de la télévision. Il faut réexaminer l’histoire de la télévision à partir des évolutions internes et professionnelles et des modes de relation avec les publics. Les hommes politiques ont rêvé de faire de la télévision leur jouet, mais elle a été beaucoup le jouet d’autres forces et d’autres ambitions que les leurs.

Notes de bas de page

1 Eric Barnouw, The Image Empire, New York : Oxford University Press, 1970, p. 219.

2 Pierre Corset et al., « Quelques aspects sociaux de l’équipement en télévision des ménages français », Télévision et éducation, n ° 27, 1972.
Lorsque nous ne donnons pas les sources pour les chiffres, il s’agit soit de compilations à partir des documents parlementaires (pour les finances), soit de chiffres contenus dans les documents très nombreux que nous a remis Claude Mercier, soit enfin de chiffres INSEE pour les statistiques générales françaises.

3 On y voit la concrétisation proche du « village global » de McLuhan. Cf. par exemple le premier chapitre de : Louis Merlin, Le vrai dossier de la télévision, Paris : Hachette, 1964.

4 Cet indicateur autant politique qu’économique du poids de la radiotélévision est suggéré par Jean-Jacques Ledos et al., Le gâchis audiovisuel, Paris : Les Éditions Ouvrières, 1986, p. 176. Les mêmes auteurs remarquent que l’importance financière relative de la radiotélévision dans les finances de l’État, mesurée par la part des recettes de la redevance par rapport au budget général, commence à diminuer après la fin du gaullisme, qui correspond à « une période de grandeur » (p. 175).

5 M. Nungesser, Rapport sur les crédits de l’information, Documents de l’Assemblée Nationale n ° 328, 1959-1960, p. 20.

6 Archives Violette Frank. Ces archives constituent notre source essentielle pour la vie syndicale de l’ORTF. Aussi, quand je ne cite pas de sources pour un document d’origine syndicale, c’est qu’il est extrait de ce fonds.

7 Cette vision linéaire et politique de l’histoire de la télévision est très présente dans les ouvrages écrits par les personnels. Elle est très bien argumentée dans Marcel Bluwal, Un Aller, Paris : Stock, 1974. Voir aussi les cinq premiers chapitres de Jean-Jacques Ledos et al., op. cit.

8 Conférence de presse de Georges Pompidou, le 21.09.72, citée par Denise Bombardier, La Voix de la France, Paris : Robert Laffont, 1975, p. 120.

9 Conférence de presse citée dans Le Figaro, 03.07.70.

10 Charles de Gaulle, Lettre, Notes et Carnets, Juillet 1966-Avril 1969, Paris : Plon, 1987, p. 130.

11 Charles de Gaulle, Discours et Messages, Tome IV, Paris : Plon, Le Livre de Poche, 1974, p. 155.

12 Note pour Alain Peyrefitte, ministre de l’Information, septembre 1963, in Lettres, Notes et Carnets, Janvier 1961-Décembre 1963, Paris : Plon, 1986. p. 369.

13 Cité par Jean-Jacques Ledos et al., op. cit., p. 34.

14 Claude Durieux, La Télécratie, Paris : Téma, 1976, p. 39.

15 René Duval, Histoire de la Radio en France, Paris : Alain Moreau, 1979, p. 381.

16 Claude Durieux, op. cit., p. 39 et sq. Cf. aussi, à propos des relations entre les dirigeants de l’information des périphériques et le personnel politique le témoignage de Maurice Siegel, Vingt ans, ça suffit, Paris, Plon, 1975.

17 Charles de Gaulle. Lettres, Notes et Carnets, Janvier 1964-Juin 1966, Paris : Plon, 1987, p. 140.

18 Comme le montre la différence de traitement entre information radio ct télévision en mai 1968, cf. Cécile Méadcl, « L’information à France-Inter », in Mai 68 à l’ORTF, Paris, La Documentation Française/INA, 1987.

19 Le Figaro, 30.05.64.

20 Raoul Ergman, entretiens avec Catherine Grunblatt, et l'auteur, les 2 mai et 13 décembre 1985.

21 Jacques-Bernard Dupont, entretien avec l’auteur. Le fait est confirmé par tous les témoins. Par exemple Pierre Lefranc, familier du Général, qui fut notamment chargé de mission puis conseiller technique à l’Elysée de 1959 à 1963 : « Le Général regardait beaucoup la télévision » (Pierre Lefranc, entretien avec Catherine Grünblatt et l'auteur, 6 juin 1985).

22 Charles de Gaulle, Lettre, Notes et Carnets, janvier 1961-décembre 1963, Paris : Plon, 1986, pp 158, 208, 318, 320, 327, 369.

23 Romain Gary, « Gaulliste inconditionnel », dans Le Monde du 23.06.68. Ce fait nous a été confirmé par plusieurs témoins, dont Edouard Sablier.

24 Sur les débuts du Général à la télévision, je recours à Marcel Bleustein-Blanchet, La Rage de convaincre, Parism : Robert Laffont, 1970, et à un entretien avec Philippe Ragueneau le 3 mars 1988.

25 Cité par Anne Sadlich, Politique et Télévision sous de Gaulle, Thèse, Paris : École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1971, p. 84.

26 J’ai ici décompté les apparitions signalées dans Charles de Gaulle, Discours et Messages, Tome III et Tome IV, Paris : Plon, 1970. Outre les allocutions radiodiffusées ct télévisées, j’ai inclus les conférences de presse, lesquelles ont été systématiquement télévisées.

27 Ils sont même attentifs aux évolutions étrangères. Cf. dès 1957 cet extrait d’un rapport : « Notre collègue Marcellin a eu raison d’insister sur l’importance primordiale de la télévision dans l’évolution politique des démocraties. C’est la télévision qui sert aujourd’hui aux USA de trait d’union entre l’électeur souverain et ses mandataires » (Documents Parlementaires, Conseil de la République, 1956-57, p. 373).

28 La date du 28 avril 1959 pour les premières retransmissions officielles est donnée par Henri Spade, Histoire d’amour de la télévision française, Paris : France-Empire, 1968, p. 123. Pour des exemples d’incidents, voir les compte rendus des séances des 15 février 1961, 9 janvier 1963 et 7 novembre 1963. Sur ce point, nous devons beaucoup à Marie-Claude Grehal. Voir son intervention, « l’Assemblée Nationale et son image », au colloque : « L’Assemblée Nationale aujourd’hui », Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1985.

29 Selon le mot d’André Diligent, Rapport… sur la proposition de loi de M. Diligent (sur le statut de la RTF), Documents de l’Assemblée Nationale n ° 1743, deuxième session ordinaire de 1961-62, p. 3.

30 Cf. sur ce point notre état de la question : Jérôme Bourdon, « Télévision et Politique », Société Française, n ° 24, juillet 1987.

31 René Remond et Claude Neuschwander, « Télévision et comportement politique », Revue française de science politique, vol XIII, n ° 2, juin 1963.

32 Ainsi cette déclaration d’André Diligent, op. cit., p. 3 : « Partout les observateurs politiques ont constaté l’influence de plus en plus déterminante de la télévision […] Au Danemark, des sondages ont apporté la démonstration que plus de 15 % des électeurs avaient changé d’opinion sous l’influence des émissions de télévision ».

33 Selon le même auteur, en 1968 : « La pénétration de la pensée gouvernementale par le biais de la télévision connaît des oscillations dont les amplitudes majeures correspondent aux périodes de fièvre électorale », André Diligent, Rapport sur… l’ORTF, documents du Sénat, 1967-68, n ° 118, p. 106.

34 Sur les différentes campagnes électorales et le rôle croissant qu’y joue la télévision, consulter les publications de la Fondation Nationale des Sciences Politiques (référence complète en bibliographie, 1.1.). Pour un exemple de commentaire de la presse, voir la liste, impressionnante, n ° des interventions ministérielles en veille de campagne consignées dans L’Express du 18.10.62.

35 Ce qui équivaut pour des historiens à un conseil de prudence, car c’est souvent la presse et les rapports parlementaires qui servent de matériel de base à l’histoire de l’audiovisuel. Source intéressante, mais la plus engagée qui soit.

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