1L’entreprise Gruescop, créée en janvier 1983, était initialement positionnée sur le métier de la location de gros matériel. Depuis 5 ans, elle s’est diversifiée autour d’un triple métier de loueur de matériel (grue, coffrage, BTP roulant), de prestataire de services (montage et maintenance de matériel) et de négociant de matériel pour des entreprises du bâtiment et des travaux publics (service complet de mise à disposition de matériel). Parmi les premiers loueurs indépendants et seule entreprise sous statut SCOP (société coopérative ouvrière de production), la société est une des plus importantes de France dans ce segment du service complet.

2La démarche compétence est introduite dans le cadre d’une diversification des activités conduite dans un contexte social de vieillissement de la population et d’interrogation sur les changements en cours1. Elle constitue l’ossature de la stratégie, de la rentabilité et des ressources humaines de Gruescop.

LE SERVICE PROFESSIONNEL

3Alors que la société est l’une des plus importantes de France dans le segment du service complet et privilégie la location de proximité, elle travaille aussi pour la location courte et longue durée sur l’intégralité du territoire français pour de grandes entreprises et des PME du BTP. Son métier initial de location de matériel l’a conduite à développer des savoir-faire en maintenance et entretien de parc matériel (grues, engins de BTP, chariots élévateurs, coffrage...) ; ces savoir-faire techniques et ouvriers sont particulièrement recherchés2 sur le marché de l’emploi. Elle a progressivement choisi de les proposer à ses clients en développant une activité de prestations de service :

« pousser au maximum les capacités humaines pour rendre le meilleur service... d’où la nécessité de jouer sur les compétences... et d’avoir un savoir-faire humain en logistique » (Jean, PDG).

4La maintenance du matériel BTP et industriel constitue une véritable « colonne vertébrale » (source : plaquette commerciale de Gruescop) dans l’offre de Gruescop. Elle dispose de ses propres ateliers, où des techniciens entretiennent leur matériel de location et réalisent la remise en état des parcs d’entreprises clientes.

5En 2007, elle emploie environ 112 collaborateurs (103 en 2006) et a réalisé un chiffre d’affaires de 21 millions d’euros, de 18,9 millions d’euros en 2006 (croissance de + 13 % par rapport à 2005), avec deux tiers de son chiffre d’affaires dans le métier de location.

6Cette entreprise est structurée en 5 filières d’activités qui disposent d’une large autonomie dans leur pilotage ; elle est implantée dans 7 agences sur l’ouest de la France. Les commerciaux sont rattachés aux filières métier.

7Au cours des 10 dernières années, Gruescop a connu un développement très important, qui s’est traduit par une croissance régulière de son effectif (44 salariés en 1997, pour 4,7 millions de chiffre d’affaires) et l’ouverture de nouvelles agences commerciales pour assurer une meilleure couverture géographique de l’ouest de la France (2 agences en 1997, 8 en 2007). Une soixantaine de salariés est basée au siège de Cholet, les autres sont employés dans les agences. Les années 2007-2008 ont été consacrées à une révision de la structuration des filières d’activités et des fonctions. L’organisation opérationnelle des filières s’appuie sur des responsables de filières (qui encadrent des responsables techniques et des responsables commerciaux) et des responsables d’agence (pour la filière Location de Proximité). Les agences ne sont pas des centres de profit.

8Gruescop s’est dotée d’un plan stratégique (baptisé 1-5-9)3, qui vise à doubler le chiffre d’affaires en 5 ans, à développer de nouvelles activités et à créer de nouvelles agences. En 2006, de gros investissements ont été réalisés (plus de 8 millions d’euros d’investissement) pour soutenir ce plan de développement. Au niveau des ressources humaines, il en résulte une augmentation du nombre de salariés associés d’ici 5 ans, l’intégration de nouveaux salariés, une montée en compétences individuelle et collective et enfin la gestion de l’évolution interne de plusieurs salariés dans le cadre d’un plan de formation ad hoc.

Tableau 1 : Métier/filière d’activité/prestations

9Gruescop présente la particularité d’être une SCOP, dont les salariés sont les associés (128 sociétaires au 26/06/2009). La dynamique coopérative s’articule autour de trois dispositifs majeurs que sont le sociétariat, le conseil d’administration (avec 11 administrateurs de profil technique ou administratif) et l’assemblée générale des sociétaires. Elle dispose également d’un comité de direction composé de quatre personnes (le PDG, le directeur des affaires financières, l’assistante de direction et le directeur commercial coffrage) qui se réunissent mensuellement.

10En tant que société coopérative, l’entreprise accorde une attention toute particulière à la « valorisation de ses hommes » (Laurent, adjoint de direction), afin de pérenniser ses principes fondateurs. Son dirigeant souhaite renforcer le rôle des salariés dans leur fonction d’associé et leur implication dans la coopération. Le développement d’une véritable culture coopérative constitue une préoccupation majeure :

« on a fait le choix des compétences en associant les personnes pour les faire rentrer dans un projet collectif » (Jean, PDG).

CAPITALISER ET TRANSMETTRE LES SAVOIR-FAIRE

11Un premier plan de développement, lancé en 1997, a vu le déménagement de l’entreprise sur son site actuel. Le bilan de ce premier plan, achevé en 2002, a montré que certains associés étaient réservés sur le développement de Gruescop et ne comprenaient pas le sens des changements en cours.

« On avait déménagé en 2000... pour certains, il y a l’âge d’or des anciens locaux, où ils avaient leurs habitudes... le ressenti des salariés était très hétérogène... une minorité ne s’y retrouvait pas... trop de nouveaux, trop de jeunes, ... on grandit trop vite... d’autres ne voyaient pas l’intérêt du plan de développement avec l’ouverture de nouvelles agences... d’autres se plaignaient d’une perte d’autonomie, d’indépendance, en se retrouvant tous ensemble sur le même site » (Jean, PDG).

12Cette prise de conscience de difficultés nouvelles conduit l’équipe de direction à entamer un processus d’analyse du fonctionnement de l’entreprise : un premier audit réalisé en 2002 ouvre la voie de la démarche compétence.

13Des repères historiques jalonnent la réflexion stratégique qui s’accompagne de modifications dans l’organisation interne et les ressources humaines. L’année 2002 constitue une année charnière ; l’audit complet réalisé dans le cadre de la vie coopérative a révélé différentes difficultés : certains membres du conseil de surveillance ne comprenaient pas le plan stratégique ; un certain clivage existait entre ceux qui étaient réservés sur le développement de l’entreprise et ceux qui estimaient, au contraire, qu’il « fallait foncer ». Il a ainsi été décidé de modifier le processus de participation à la vie coopérative et d’enrichir les différents canaux d’information : création d’une délégation unique du personnel, renforcement de l’information lors des assemblées générales grâce à la préparation de documents d’aide à la décision. Il est alors apparu que l’entreprise vieillissait

« on vieillit tous ensemble. Tous ceux qui étaient au début partaient en retraite… » (Jean, PDG).

14Le départ de certaines personnes considérées comme des piliers de l’entreprise posait des problèmes de transferts de compétences, mais aussi financiers car ils étaient associés depuis la création de la SCOP. Le dernier élément déclencheur est né d’une conférence de Michel Godet qui attirait l’attention des chefs d’entreprise sur les conséquences du vieillissement de la population de salariés.

15L’entreprise a pris conscience de l’étroite imbrication de ses enjeux stratégiques et humains, alors qu’elle est confrontée à un contexte concurrentiel dominé par de grands loueurs nationaux (qui privilégient une stratégie de volume, grâce à des conditions d’achats préférentielles chez leurs fournisseurs). Chez ses clients, elle constate un double phénomène : un processus de concentration (rachat de PME par des groupes du bâtiment), et des difficultés croissantes de ces mêmes clients à trouver des techniciens compétents pour entretenir leur parc de machines.

16Gruescop fait alors le choix de capitaliser sur les savoir-faire développés en interne par ses équipes techniques, en intégrant dans son métier de loueur, le métier de prestataire de service et de négociant (ce qu’elle désigne par l’expression « full service »).

17En 2003, la réflexion stratégique entamée, couplée à une problématique de gestion des ressources humaines a conduit la CCI de Cholet à proposer à l’entreprise de rentrer dans un dispositif « EQUAL ».

18Après une première tentative de réflexion stratégique axée sur la qualité et la mise en place de la norme IS0 2002, l’entreprise a souhaité se faire accompagner par un consultant ayant une approche moins technique, et qui soit plus axée sur la dimension humaine.

19Un nouveau diagnostic interne, réalisé par un deuxième consultant proposé par la CCI, conduit à poser le diagnostic suivant : la population est vieillissante ; la SCOP porte des valeurs auxquelles elle tient (il faut offrir aux salariés la possibilité de développer leurs compétences) ; la valeur ajoutée de l’entreprise repose sur les fortes compétences de ses salariés ; des difficultés de recrutement très importantes handicapent son développement :

« les métiers s’apprennent sur le tas. Il n’y a pas vraiment de filière de formation. » (Jean, PDG).

20En 2004, l’entrée dans le programme ACOR (Accompagner les Compétences Régionales), projet collectif territorial régional, par le biais de l’OPCAREG des Pays de la Loire, offre à l’entreprise des moyens pour poursuivre le diagnostic, et s’engager dans la phase active.

« Cela a permis de construire des parcours individualisés, en lien avec la stratégie de différenciation par les services ». (Renaud, OPCAREG/OPCALIA).

21Dès lors, les étapes de mises en œuvre vont se succéder, marquées par des changements d’acteurs fortement impliqués dans le processus.

22La GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences) est alors introduite. Décrite par l’adjoint de direction comme une démarche « mise en place progressivement durant 4 ans sans à coup », on peut distinguer plusieurs étapes :

23En 2003-2004, les conclusions du diagnostic conduisent à la mise en place d’un plan anticipatif afin de maintenir et développer les savoir-faire et soutenir le segment du service complet. La direction fait le choix de « miser sur les compétences ». La mise en place d’« une GPEC, élément déterminant de la performance de l’entreprise » fait l’objet d’une information importante dans le premier numéro du journal interne de l’entreprise :

« Notre entreprise est à un tournant important de sa vie. ….Il nous est indispensable de préparer la transmission des savoir-faire afin d’assurer notre pérennité… ».

24La constitution d’un comité de pilotage y est annoncée.

25En 2004-2005, la responsable des ressources humaines, ancienne secrétaire de direction, et le consultant CCI travaillent ensemble à la réalisation des fiches de poste. Le consultant (financé par la CCI) est très impliqué dans la démarche. Des groupes de travail, animés par la responsable ressources humaines sont mis en place. Le premier objectif de travail est de réfléchir à l’organisation : le départ « d’une personne qui remplaçait trois hommes » renforce l’importance de la réflexion. Cette dernière connaît particulièrement bien l’entreprise. Elle s’implique beaucoup dans ce projet ; il est demandé aux opérateurs de décrire leur travail et de détailler leurs tâches. Elle est accompagnée dans ce travail par le consultant de la CCI. Cependant, son départ en congé de maternité marque une rupture dans ce processus très dynamique de mise en place de la GPEC.

26En 2006, un adjoint de direction est recruté pour remplacer la responsable ressources humaines dont le congé se prolonge : il est chargé de piloter la démarche compétence, tandis qu’une nouvelle organisation basée sur la création de poste de responsabilité transversale se trouve mise en place. Il lui est aussi confié la mission de prendre en charge la réflexion sur la démarche qualité.

27En 2006-2007, la préparation de la mise en place des entretiens (à travers l’identification des référents hiérarchiques) met en évidence les écarts entre l’organigramme théorique et la réalité des responsabilités et des pratiques d’encadrement (sinon le PDG aurait dû réaliser 15 entretiens individuels).

28Le souci de favoriser une plus forte articulation entre les filières et le réseau des agences commerciales conduit à une refonte de l’organisation. Dans ce contexte de départs à la retraite et de recrutements, une nouvelle organisation des responsabilités de services et d’activité est déployée pour être en quelque sorte testée.

29Au bout d’un an et demi, l’entreprise renonce à cette nouvelle organisation

« difficile de faire passer un grutier vers un métier de scieur » (entretien Renaud, consultant OPCAREG/OPCALIA, juin 2008),

30et préfère revenir à une structuration des activités par filière.

31L’année 2007 constitue une étape charnière dans le développement de la démarche compétence, comme le souligne le PDG dans son éditorial de la lettre interne :

« notre GPEC va développer à partir de 2007 toute sa légitimité et sa nécessité dans notre coopérative, par le recrutement puis la formation des nouveaux salariés, et surtout par la mise en place de la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience) dont l’objectif est de permettre le progrès individuel et collectif des hommes et femmes qui composent l’entreprise Gruescop ».

32La formation à l’entretien individuel est dispensée par un autre consultant de la CCI (fin 2007). Les premiers entretiens sont réalisés.

33Pendant cette même période, l’entreprise a essayé d’engager des démarches de VAE (notamment avec l’Université de Limoges). Mais les spécificités des métiers ont rendu difficile l’identification de référentiels pour certains métiers. Plusieurs entretiens de VAE ont été réalisés, puis la démarche a été abandonnée, suscitant une certaine déception (aussi bien auprès de la direction que des salariés). Parallèlement, 7 demandes individuelles de formation (DIF) sont validées au premier semestre 2007.

34Suite aux entretiens personnels et professionnels réalisés sur l’année 2007 et sur le début de l’année 2008, plusieurs personnes ont exprimé le souhait de s’engager dans un projet d’évolution professionnelle. À ce jour, l’idée retenue est de construire des parcours individualisés (par exemple : un chauffeur, qui souhaite prendre la direction d’une agence). Cinq autres personnes ont exprimé le souhait d’évoluer dans l’entreprise (par exemple : un mécanicien qui souhaite devenir adjoint d’agence ; l’adjoint de direction, niveau BTS, souhaite aller vers une fonction communication-marketing). Le PDG a demandé à la consultante de l’OPCALIA de construire ces cinq parcours : à cet effet, elle s’est rapprochée des offres de formation proposées par l’URSCOP (l’Union Régionale des SCOP).

35À l’issue de cette démarche et après la révision coopérative de 2007, l’URSCOP a proposé au conseil d’administration de concevoir un parcours de formation professionnelle. Cette proposition, validée par le conseil d’administration, est réalisée en collaboration avec l’OPCALIA, à travers l’instauration d’une période de professionnalisation, qui propose aux salariés en CDI le maintien dans l’emploi par des actions de formations qualifiantes. Ce parcours permettra de préparer ou d’accompagner des évolutions professionnelles, notamment par promotion interne.

36En juillet 2008, au cours d’une réunion d’information, organisée au siège, la déléguée régionale de l’URSCOP et la conseillère en formation de l’OPCALIA ont présenté la démarche, qui s’articule autour d’un double parcours de formation (technique – sur le métier de la personne –, et coopératif). Ces parcours sont financés par l’OPCALIA, par le DIF voire par l’URSCOP. L’objectif est de rebondir sur ces propositions de parcours (suite à l’échec de la démarche de VAE).

37En juin 2007, l’adjoint de direction (R.H.) a souligné combien la démarche de valorisation des compétences est étroitement liée au positionnement stratégique retenu et à la nécessité de se démarquer dans un univers concurrentiel particulièrement hostile, dominé par des très grandes entreprises :

« Se distinguer de la concurrence par la compétence ».

38La philosophie gestionnaire consiste à favoriser la différenciation par la compétence. Positionnée sur des activités de service, l’entreprise a choisi de privilégier une stratégie de différenciation basée sur des prestations de proximité et de qualité, qui requièrent une montée en compétence de ses salariés. Cette stratégie s’est matérialisée par l’ouverture d’agences. En tant que SCOP, Gruescop souhaite également développer la mobilité interne et renforcer la responsabilité des salariés, et participer à la vie coopérative.

« Notre souci était de mieux expliquer le plan, la stratégie de l’entreprise... le premier plan avait été fait par 12 personnes (pour 44 salariés à l’époque)... nous avons constitué 8 groupes de travail » (Jean, PDG).

39Les intentions s’articulent autour de plusieurs axes : l’axe stratégique ; se démarquer de la concurrence par une différenciation par les services, basée sur une montée en compétences ; l’axe coopératif : renforcer l’implication des salariés associés dans la vie de la coopérative ; l’axe gestion des ressources humaines : favoriser la mobilité et la promotion interne.

40En juillet 2005, un séminaire rassemblant les responsables de sites et de filières permet au dirigeant de présenter des éléments de réflexion qui déboucheront sur le « plan 1-5­9 » : 1 métier, 5 filières, 9 % de rentabilité. Ce séminaire était basé sur un diagnostic des forces et des domaines d’amélioration de l’entreprise à partir du modèle EFQM (European Foundation for Quality Management). Les 14 participants ont évalué l’entreprise selon les critères suivants : le leadership (gestion du personnel, la politique et la stratégie, les ressources), les processus (satisfaction du personnel, satisfaction des clients, intégration à la vie de la collectivité) et les résultats opérationnels. Le bilan réalisé fait ressortir les points forts et les points d’amélioration.

41La GPEC fait l’objet d’un paragraphe spécifique :

« notre démarche GPEC s’inscrit dans cette logique qui est de consolider l’organisation afin qu’elle puisse appréhender les prochaines étapes de son existence et notamment celle de son vieillissement ».

42Il est explicitement fait mention du projet à 5 ans, de la création de procédures pour rendre possible les progressions des compétences en interne ainsi que les recrutements.

« L’objectif et la volonté sont clairs : être parmi les meilleurs parce que c’est le moyen de valoriser l’être humain. De cette volonté et de cette ambition naissent ensuite des conditions de rémunération et de distribution de résultats performants ».

43En octobre 2008, le PDG rappelait :

« c’est un choix idéologique de l’entreprise : est-ce que l’entreprise est un lieu de valeurs financières, de valeurs humaines ? ».

44Ce choix est rappelé dans le livret d’accueil distribué à chaque nouvel embauché :

« citoyenneté, solidarité, respect sont les valeurs humaines qui vont constituer l’atout de différenciation de l’entreprise. La co-opération est l’affaire de tous ».

45Les politiques et pratiques de gestion des ressources humaines sont au cœur du processus et de l’instrumentation de gestion. La stratégie de l’entreprise, reposant sur l’affirmation du service, inclut la structuration des ressources humaines mais dépasse très largement ce cadre. La mise en place d’une GPEC marque l’établissement de la fonction ressources humaines : une responsable ressources humaines est nommée et est chargée d’animer le pilotage de la GPEC.

46La politique salariale est largement évoquée et est étroitement imbriquée avec le statut coopératif obligatoire de tous les salariés et la politique de l’entreprise. Outre la rémunération liée au poste, les périphériques de rémunération comprennent : un accord de participation signé en 1986 ; un accord d’intéressement signé en 1987 ainsi qu’un plan d’épargne entreprise (PEE) signé en 1988. L’accord d’intéressement octroie

« 50 % du bénéfice net aux salariés après attribution aux salariés concernés de l’intérêt au capital » (extrait du livret d’accueil).

47L’abondement dans le cadre du PEE est

« fixé chaque année par le conseil d’administration ».

48Les résultats sont distribués chaque année. L’accord d’intéressement est effectif dès que le résultat est supérieur à 5 %.

« notre capacité à rémunérer l’argent de nos actionnaires est à un niveau supérieur à celui des banques », Jean, PDG.

49La participation pour une année correcte (en termes de résultat) s’évalue à environ 1,5 mois de salaires et les dividendes sont de l’ordre de 2 à 5 mois de salaires.

50La communication interne et externe fait largement partie des pratiques : le journal interne paru en juin 2004 pour la première fois, y contribue. Ce trimestriel reprend des informations sur l’entreprise, la vie du CE et fait systématiquement le point sur la GPEC avec l’annonce de la démarche dans le premier numéro. Imprimé à 150 exemplaires, il est distribué aux partenaires de l’entreprise (banques, coopératives). Il permet également de suivre les nouvelles embauches. Des manifestations festives, telles que l’anniversaire des 21 ans de Gruescop contribuent à favoriser l’esprit d’entreprise. Les différents numéros du journal permettent de suivre l’état d’avancement de la démarche GPEC.

51La formation est étroitement associée à la démarche : le plan de formation existait antérieurement, mais il a été renforcé par la prise de conscience de la nécessité de s’adapter aux nouveaux métiers, à leur évolution et se structure aujourd’hui autour d’une véritable politique. La formation revêt aussi le maintien des capacités des associés à gérer l’entreprise dans le cadre de la vie coopérative et de l’unité de l’entreprise.

52La réflexion ressources humaines incarnée par la GPEC et la nomination de la responsable ressources humaines ont conduit à l’élaboration de nombreux supports, qui accompagnent la volonté affichée de mettre en place des procédures : un livret d’accueil qui contient l’historique de la société, ses activités, les localisations, l’organigramme, le fonctionnement de l’entreprise, ses pratiques sociales et coopératives, des informations relatives à la formation et l’information, les accords d’entreprise et en annexe, leur contenu ; le journal d’entreprise ; l’organigramme des fonctions transversales qui résulte de la réflexion menée par le conseil d’administration sur la mission et les métiers de l’entreprise : des fonctions supports et une organisation en filière –industrie (négoce) ; bâtiment (coffrage, grue, sciage) ; travaux publics, location de proximité). Des fiches métiers couvrent l’ensemble des métiers : par exemple, pour la filière coffrage, la description du responsable de la filière ; la fiche du coordinateur ordonnancement/logistique coffrage. Toutes les fiches comprennent les rubriques : définition, détail des activités principales ; qualité et compétences ; formation d’accès et perspectives d’évolution. Les supports aux entretiens personnels et professionnels comprennent tous les rubriques : identité du salarié, situation professionnelle, personne réalisant l’entretien, puis le bilan de la période écoulée, le tableau des compétences remplis (compétences les mieux maîtrisées, les compétences à développer) ; les perspectives d’évolution professionnelle ; les commentaires complémentaires. Il est à noter que deux tableaux de compétences servent de support à l’analyse des compétences : l’un est destiné aux encadrants, l’autre, aux non encadrants.

53La démarche a connu successivement plusieurs promoteurs et acteurs qui se sont tour à tour très impliqués dans les processus de conception et de déploiement de la démarche (cf. tableau 2, récapitulatif).

54Les consultants (OPCA, CCI et URSCOP) ont joué et jouent encore un rôle déterminant dans l’accompagnement de la démarche.

55Plusieurs salariés opérationnels ont été très impliqués dans l’initialisation de la démarche puis dans son déploiement. La responsable ressources humaines, véritable locomotive, avait elle-même connu une importante évolution et mobilité interne dans l’entreprise avant d’être formée et de travailler avec le consultant de la CCI sur la démarche compétence. En 2006, la personne recrutée pour exercer la fonction d’adjoint de direction et prendre le relais sur le pilotage opérationnel de la démarche, n’a pas su ou pu trouver sa place dans l’entreprise et quitte l’entreprise.

56L’implication des salariés dans la démarche s’est faite à travers les comités de pilotage mis en place pour élaborer l’ensemble de la démarche et décrire les différents postes. La perception des acteurs résulte des entretiens réalisés au dernier semestre 2008. Ceux-ci montrent que la GPEC est connue de tous et globalement très appréciée. Toutefois, des insatisfactions apparaissent également. L’engagement dans la GPEC est bien identifié et connu par l’ensemble des salariés interviewés.

« C’est simple... pour nous, parler de gestion des compétences, parce qu’on en a toujours fait... on a mis un nom à une démarche, ... on emploie le terme GPEC » (Simone, assistante de direction).

57Toutefois, la dynamique engagée au cours des années 2003-2004 semble moins clairement repérée depuis les départs des différents promoteurs de la démarche tandis que la période de réalisation de la première vague d’entretiens individuels arrive à son terme. Beaucoup de salariés s’interrogent sur les prochaines étapes envisagées ainsi que sur la suite qui sera donnée à l’expression de leurs besoins de formation ou d’évolution professionnelle.

58Certains parlent de « rupture dans la démarche », liée d’une part en externe, au départ du consultant initial, d’autre part en interne à la difficulté de trouver un pilote.

59La personne opérationnelle qui a initié la démarche en 2004, est partie depuis plus de deux ans (tout d’abord en congé maternité, puis en congé parental).

« C’est moins à l’ordre du jour du conseil d’administration... mais il y avait les procès verbaux... mais le PDG communique toujours, dans le cadre de la GPEC, il y a des recrutements qui se font » (Roger, administrateur).

60Pour certains salariés interrogés, la démarche n’est plus vraiment pilotée, sur un plan opérationnel depuis un peu moins d’un an. Le PDG de l’entreprise souhaite réorganiser la fonction administrative.

61La plupart des salariés ont bénéficié d’un entretien individuel, réalisé avec leur responsable hiérarchique. Certains responsables, hostiles à cette pratique, n’ont pas rencontré leurs subordonnés. Dans l’ensemble, les salariés regrettent d’avoir été privés de ce moment.

« Ceux qui ont eu les entretiens individuels, ont trouvé cela intéressant, cela leur a permis de se dévoiler... ce qui coûte aux gens, c’est de faire l’entretien, ils ne prennent pas le temps de se poser... mais le support a été bien utilisé... cela a stressé. Mais cela a été bien utilisé... je n’ai pas eu de mauvais retours » (Simone, assistante de direction).

62La très forte instrumentation de gestion qui accompagne la GPEC est plutôt appréciée par les salariés. En particulier, le support de l’entretien semble plutôt bien adapté :

« Le support est bien et permet de voir tous les points entre le passé et après... les personnes sont force de propositions et expriment leur souhait d’évoluer vers d’autres postes... on a été surpris de cela » (Simone, assistante de direction).

Tableau 2 : acteurs de la démarche compétence

63La mobilité interne qui faisait partie des objectifs de l’entreprise semble atteinte et peut être illustrée par de nombreux exemples. À titre indicatif, on peut citer : le responsable atelier coffrage d’une agence, qui est un ancien technicien ; le responsable grue, qui est un ancien électricien ; le chauffeur devenu responsable d’agence ; l’électricien, devenu chef d’atelier ; la standardiste devenue assistante de direction puis responsable ressources humaines.

64L’offre de formation proposée conjointement par l’OPCALIA et l’URSCOP est récente et de nouvelles rencontres d’information sont planifiées. Toutefois, plusieurs salariés interviewés ont exprimé une certaine inquiétude voire une crainte vis-à-vis de cette proposition qui leur semble « trop longue et compliquée ».

« le parcours proposé en juillet paraît un peu lourd aux salariés présents... des personnes sont intéressées par le parcours coopératif... les retours sont négatifs : c’est lourd et cela demande du travail. » (Simone, assistante direction).

« Cela m’a fait peur... le fait de devoir parler devant du monde, d’avoir à travailler en plus, ... cela demande du temps de travail. » (Hector, administratif).

UNE FONCTION RESSOURCES HUMAINES À CONSOLIDER

65La démarche GPEC s’inscrit tout d’abord dans un vrai plan stratégique de développement de l’entreprise, à travers le plan 1-5-9 qui allie le positionnement stratégique par l’affirmation de la mission de l’entreprise, l’organisation pour atteindre les objectifs fixés et les objectifs de rentabilité (9 %) en 2010. La GPEC recouvre une réalité beaucoup plus riche : la création dans l’entreprise d’une fonction ressources humaines.

66Le premier impact de taille résulte dans la création d’une fonction ressources humaines. Portée à ses débuts par la responsable ressources humaines nommée afin de mettre en place la GPEC, elle est clairement identifiée par tous les acteurs qui en ont une vision globale : rémunération, formation, mobilité interne, recrutement, communication interne.

67La politique de recrutement en externe a conduit à intégrer de nouveaux salariés. La démarche de GPEC a dynamisé le recrutement de nouveaux acteurs : une soixantaine de personnes sont entrées dans l’entreprise. De nombreux postes de responsables sont occupés par des personnes embauchées depuis le lancement de la GPEC : responsable grue, parc coffrage, filière manutention… L’embauche de jeunes issus de l’intérim ou venant de quartiers sensibles correspond également à la volonté stratégique de diversifier le recrutement et à la volonté de responsabilité sociale de l’entreprise.

68Les entretiens ont été très appréciés car ils sont perçus comme un moment où les attentes peuvent s’exprimer. Il semble que ces entretiens soient un moment privilégié pour les salariés afin de partager leurs souhaits d’évolution professionnelle. Ainsi, plusieurs personnes ont-elles regretté que ces entretiens n’aient pas eu lieu au moment de la réorganisation de l’entreprise et quand des postes de responsables se créaient.

69Toutefois, seules les personnes ayant des responsables favorables à la démarche de GPEC ont effectivement participé aux entretiens. La structuration en filière accompagnée de la création de poste de responsable a ralenti la réalisation des entretiens.

70La GPEC a contribué à réaffirmer la prépondérance accordée aux évolutions internes : verticales par la prise de responsabilités mais aussi transversales, accompagnées par de lourdes actions de formation. La GPEC a ainsi clairement permis de construire des parcours de mobilité soutenus par des actions destinées à l’acquisition des compétences nécessaires. Toutefois, certains salariés soulignent

« les limites de la promotion interne, qui empêche de disposer de réelles compétences ».

71Dans le même temps, la pyramide des âges s’est fortement rajeunie : l’âge moyen est passé de 41,5 ans à 39,91 ans. L’objectif affirmé de rajeunir la pyramide des âges est ainsi atteint. De même, la croissance des effectifs est régulière depuis 2004 et correspond aux évolutions souhaitées : 92 salariés en 2004 ; 97 en 2006 ; 108 en 2007.

72Le « parcours de formation professionnelle » illustre l’enrichissement de la politique de formation qui résulte de la démarche compétence. Il existe aujourd’hui un véritable plan de formation adossé à la réorganisation de l’entreprise, à la mutation des métiers mais aussi à la professionnalisation. La formation à l’entretien semble aussi avoir été très appréciée.

73La GPEC a contribué à l’élaboration de nombreux supports qui constituent des aides au management de la fonction ressources humaines : description de postes, grille de compétences, supports d’entretien. Ces différents supports sont appréciés mais leur utilisation semble parfois poser problème : certains salariés ont exprimé des difficultés à utiliser les grilles de compétence. La communication interne bénéficie du lancement du journal interne qui constitue son pilier et permet aux salariés d’être tenus au courant de la vie de l’entreprise, et de l’avancement de la GPEC.

74Enfin, la politique de rémunération s’est trouvée enrichie par la réflexion globale menée dans le cadre de la GPEC. Elle s’appuie sur de nombreux périphériques de rémunération et inclut les aspects financiers liés au sociétariat, propres à la SCOP.

75Le processus de GPEC s’appuie également sur la forte implication d’acteurs externes : consultants de la CCI et de l’OPCAREG, illustrant ainsi l’apport de compétences extérieures ainsi que l’accompagnement financier nécessaire aux différents projets réalisés.

76La GPEC a conduit l’entreprise à affirmer un positionnement stratégique, en tenant compte de ses ressources humaines. La réflexion sur le métier de l’entreprise, son mode de développement l’a aidée à définir des choix structurels, des modes d’organisation. Elle a permis à l’entreprise d’anticiper des difficultés à venir : départs massifs, difficultés de recrutement. La création de la fonction ressources humaines au sein de l’entreprise résulte directement de ce processus de mise en place d’une GPEC. Des politiques et pratiques de gestion des ressources humaines en résultent et concourent à la fidélisation des salariés. Sa politique de communication interne semble appréciée.

77La GPEC a véritablement accompagné le plan de développement stratégique et la met en situation de force par rapport à son avenir car elle possède aujourd’hui les compétences individuelles nécessaires à son développement. Comme dans tout processus de changement, une nouvelle étape est à franchir, en continuant les actions entreprises et en mettant l’accent sur son management, à la fois par la responsable ressources humaines et par les responsables hiérarchiques.