1Le titre de l’ouvrage Fragiles compétences peut a priori laisser le lecteur perplexe alors même que la notion de compétence renvoie à un discours construit autour de l’employabilité, la compétitivité et la performance de l’entreprise.

2Depuis une trentaine d’années, le mot « compétence » envahit le vocabulaire courant et l’usage du terme évoque une réalité a priori enthousiasmante et dynamique. Le discours sur la compétence célèbre en effet depuis les années 80 le développement de l’autonomie, de la responsabilité individuelle et de la performance et le propos s’inscrit ainsi dans une rhétorique qui annonce avec force la fin du taylorisme et l’avènement d’une « révolution managériale » propice au développement de la flexibilité, de l’inventivité et de la subjectivité.

3Le MEDEF a d’ailleurs donné le ton lors de ses journées de Deauville (MEDEF, 1998) et de Wagram (MEDEF, 2002) en associant la compétence à une stratégie plus globale de redéfinition de l’emploi et de réorganisation du travail. Tournant le dos au passé, et notamment au modèle de la qualification, la gestion par les compétences présenterait cette vertu de pouvoir fonder un consensus d’intérêt entre salariés et employeurs. Aux règles impersonnelles de la qualification se substituerait un nouveau rapport social caractérisé par la reconnaissance individuelle des capacités mises en œuvre dans l’activité de production. Ici, l’usage du terme « compétence » permet de mobiliser un ensemble de thèmes relevant classiquement de l’échange salarial et du dialogue social. Il suggère un nouveau type de relations entre employeurs et salariés et fait le pari que la compétence du salarié et celle de l’organisation se développent conjointement au service de la performance de l’entreprise.

4Si cette doctrine a animé de nombreux débats, elle s’est accompagnée du développement d’un ensemble de pratiques d’entreprises regroupées sous l’appellation de « démarches compétence ». Ces démarches se sont construites au cours du temps, passant d’une phase d’innovation à la multiplication des usages [1]. Dès les années 1980, certaines entreprises, majoritairement des grandes entreprises, expérimentent de façon presque confidentielle ce nouveau mode de gestion des Hommes. Au fil des ans, ces pratiques se développent et s’institutionnalisent peu à peu. Dans les années 1990, quelques accords sont alors conclus comme par exemple l’accord A Cap 2000 signé par le patronat de la sidérurgie française (GESIM) et quatre organisations syndicales.

5Depuis les années 2000, les pratiques se diffusent largement et se normalisent [1]. Par exemple, la version 2008 de la norme ISO 9 000 confirme la place des compétences déjà présente dans la version précédente [2]. La plasticité du terme et sa polysémie ont permis la multiplication des usages de la compétence au point d’en faire le nouvel adage d’une bonne gestion des ressources humaines. L’étude réalisée en 2008 par le baromètre RH (CSC / LIAISONS SOCIALES/ E&P) est éloquente sur les priorités des directions des ressources humaines des entreprises de plus de 1 000 salariés en matière de gestion des compétences : l’acquisition et le développement des compétences clés, l’amélioration de la mobilité professionnelle et l’amélioration du transfert de compétences.

6L’intensification de l’usage du terme compétence dans la loi traduit l’intérêt croissant des acteurs du monde politique pour cette notion. C’est notamment l’employabilité des personnes qui est pensée et favorisée. Les lois successives sur la formation professionnelle et la dernière mouture, la loi n°2009-1 437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, insistent sur l’acquisition et le développement de compétences favorisant l’évolution professionnelle. La compétence à travers le dispositif de Validation des Acquis de l’Expérience (Loi n°2002-73 du 17 janvier 2002), peut aussi permettre la dispense de tout ou partie d’un diplôme. Enfin, au travers du dispositif de GPEC de la loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, les politiques visent une meilleure régulation du travail en rappelant aux entreprises leur responsabilité quant à la gestion des compétences de leurs salariés. Ce dispositif prévoit l’engagement de négociation en matière de GPEC dans les entreprises de plus de 300 salariés.

7Enfin, des acteurs variés du monde académiques ont aussi largement investi la thématique : gestionnaires, sociologues, économistes, juristes1 ont tour à tour interrogé les ressorts de cette nouvelle logique à l’œuvre dans les organisations de travail.

8Au-delà des discours et des controverses que la thématique des compétences suscite, l’angle privilégié dans cet ouvrage aborde la question des transformations du travail et de la gestion des Hommes qui en résulte. Et c’est en croisant les regards du sociologue et du gestionnaire sur cette question que les auteurs proposent des « figures » incarnées de la compétence.

LES REGARDS DU SOCIOLOGUE ET DU GESTIONNAIRE

9Tantôt présentée comme la « révolution managériale » du post-fordisme et tantôt comme une nouvelle modalité d’échange salarial, la compétence suscite des débats passionnés chez les sociologues au point de cristalliser de vives critiques ou inversement un inconditionnel engouement. En 2001, à travers un ouvrage référent, Philippe Zarifian [4] avance l’idée que la compétence constitue un nouveau modèle à côté de celui du métier et de la qualification. Face à des contextes productifs bouleversés, la compétence permet selon l’auteur d’introduire de façon dynamique l’analyse du travail en action et en situation. Associée au changement, voire au mouvement permanent, à la responsabilité accrue du salarié, à son autonomie, la compétence présente alors cette vertu de corréler la compétitivité de l’entreprise et l’employabilité du salarié. Ainsi, les outils de gestion de la compétence, outils que l’on peut désigner sous l’appellation « démarches compétence », visent à assurer ce réglage permanent entre l’évolution de l’entreprise et celle du salarié. De plus, selon Philippe Zarifian, syndicats et patronats peuvent construire de nouveaux compromis articulés autour d’une meilleure connaissance du travail. Néanmoins, deux des principales critiques adressées au modèle de la compétence portent à la fois sur son caractère purement théorique et sur la permissivité de son application. Pour Françoise Piotet [5] dans la Révolution des métiers, la compétence paraît suspecte dans la mesure où elle ne revêt pas un caractère partagé d’une entreprise à l’autre. En effet, comme c’est l’évaluation réalisée par la hiérarchie qui participe de la définition des compétences, la compétence présente dès lors des caractéristiques liées à l’entreprise dans laquelle elle s’exerce et ne saurait constituer un modèle transposable d’une entreprise à une autre. Dans une perspective plus critique, Sylvie Monchatre démontre combien le modèle de la compétence déstabilise et remplace les relations construites sous le règne de la qualification. « La mise en place de démarches compétence », nous dit Sylvie Montchatre, « participe à convertir des ouvriers en opérateurs, mortifiant par là même leur personnalité antérieure » [6]. L’ensemble de ces approches montre combien les « nouveaux réglages » dans les entreprises, au travers des démarches compétence, sont en définitive observés du point de vue de leurs effets et des nouvelles modalités d’échange qu’elles initient. En revanche, les contextes d’émergence et la caractérisation des outils de gestion mis en œuvre sont souvent évincés de l’analyse.

10L’approche développée en gestion s’ancre dans l’analyse des dispositifs gestionnaires et des pratiques mises en œuvre au sein des entreprises. Malgré la normalisation [1] et l’instrumentation conséquente [7, 8] de ces pratiques, leur diffusion reste limitée : seuls 10,96% des établissements de plus de 1 000 salariés ont effectivement des pratiques de gestion des compétences [9]. Le caractère multiforme des démarches compétence est démontré au travers de typologies qui révèlent des configurations variées [10] ou des catégories-types [11]. Ces démarches présentes dans les grandes entreprises et les PME [11, 12], sont aussi multiformes par l’utilisation qu’en font les différents acteurs. C’est ainsi que Dietrich [13] montre que la direction, les managers, les salariés eux-mêmes interviennent à des niveaux différents. Lors d’un premier niveau, le projet est impulsé par la direction et porté par la direction des ressources humaines. Dans le second niveau, le projet est mis à l’épreuve des faits. Ici, les managers et les salariés sont fortement impliqués. Dans le troisième niveau, l’individu assimile la compétence dans son travail au quotidien. Les travaux de Oiry [14] montrent aussi que la démarche compétence peut avoir des effets émergents. Enfin, la compétence elle-même peut être appréhendée à différents niveaux [15] : individu, groupe, organisation et territoire. Il s’agit alors de s’intéresser aux différentes interactions entre ces niveaux [16].

DES CONTEXTES PRODUCTIFS ET DES RÈGLES PARTICULIÈRES

11Le projet de cet ouvrage est d’éclairer la question du caractère protéiforme des démarches compétence en fonction de facteurs liés au contexte stratégique et aux règles sous-jacentes. En s’appuyant sur plusieurs cas d’entreprises de tailles et de secteurs différents, sociologues et gestionnaires ont cherché à mieux cerner les « figures » que peuvent prendre ces démarches. Pour les chercheurs en sciences sociales, cette « épreuve des faits » [17] exige la construction de cadres théoriques susceptibles d’appréhender les différentes dimensions des démarches compétence : modèle de qualification du travail, modèle gestionnaire, outil de manipulation, dispositif d’appréciation du travail en situation.

12Pour ce faire, nous avons tout d’abord cherché à replacer le développement des démarches à l’aune des changements observés dans les façons de produire. Ce détour par les mutations du travail et de l’organisation permet d’appréhender les contextes à partir desquels la question de la compétence se pose en entreprise. En effet, comme le souligne Philippe Zarifian, les raisons de la mise en œuvre d’une démarche compétence touchent à des enjeux forts quant au contenu du travail, à la place de la personne humaine dans les processus productifs, à une nouvelle prise en charge des évolutions professionnelles et à la stratégie globale de l’entreprise [18]. Deux catégories peuvent alors être distinguées. Dans le cas de la première discipline, la démarche compétence est initiée afin d’ajuster en continu l’organisation du travail ou les compétences individuelles aux exigences du marché. Dans le cas d’organisations flexibles, c’est un contexte d’adaptation à la demande client qui détermine la mise en œuvre des démarches compétence. Les compétences « requises » [15] sont définies au regard des exigences du marché et des critères qu’il affecte au produit en termes de coûts, de qualité, de délai. Cette mise en relation quasi directe entre l’organisation de l’activité et la demande du marché met à mal des formes tayloriennes du travail caractérisées par l’absence de déviation des producteurs par rapport aux schémas conçus à leur amont ou de retour de l’usager ou du client sur les modes ou types de fabrication. En effet, il revient en définitive au salarié la responsabilité de la gestion des exigences de production. Comme le souligne Philippe Zarifian [18],

« le temps de travail tend à se régler sur le délai et la qualité de réponse au client, et c’est ainsi que se reconstruit la relation à la direction de l’entreprise qui emploie le salarié ».

13Si ce temps n’est pas associé au chronomètre, il exige une action réalisée de façon autonome par le groupe de production en réponse à une somme d’objectifs (qualité, délai, variété…). La gestion de flux du très court terme et la « mise en rythme du travail exercée par les commandes venant du marché » [18] requièrent des modes de coopération fondées sur des valeurs communes associées aux objectifs du travail. C’est d’ailleurs dans ce sens que les démarches compétence s’inscrivent comme de nouvelles règles sur lesquelles se constituent les accords au sein des équipes de travail.

14Dans le cas de la seconde discipline, c’est le « projet » qui active un cycle de développement dans lequel les compétences individuelles constituent un maillon clé. La projection dans l’avenir et la construction d’un projet collectif pour l’entreprise initient une forme de contrat tacite entre le développement de l’entreprise et l’engagement de l’individu dans ce cadre d’action. La rhétorique du « parcours professionnel » et de la « gestion des compétences », au sens de « portefeuille », signifie le régime d’engagement requis, c’est-à-dire l’acquisition de nouvelles compétences censées stimuler les mobilités dans l’emploi interne et de façon plus pragmatique assurer l’employabilité. Le temps de la formation continue et le temps d’apprentissage s’inscrivent dans une logique de « mobilisation subjective » [6] qui redéfinit les conditions de l’intégration sociale et pose de nouveaux principes en matière de gestion de la carrière. L’individu est par conséquent incité à entreprendre un cheminement professionnel balisé de façon cyclique par les perspectives stratégiques de l’entreprise. Par homologie, trajectoire d’entreprise et parcours individuel sont appréhendés de façon itérative, dans une logique gagnant-gagnant. La projection dans l’avenir et la capacité à faire valoir et reconnaître ses compétences fondent en quelque sorte la nouvelle responsabilité qui incombe à l’individu dans l’entreprise.

15Au-delà des contextes, les démarches compétence offrent des règles communes aux salariés, chefs d’entreprise et représentants des salariés – et potentiellement plastiques à de multiples usages [19]. La gestion des compétences fournit des marges à ces acteurs qui agissent alors dans un cadre d’action renouvelé [20]. Ces règles peuvent avoir beaucoup d’objet [21] comme les méthodes de travail qui précisent les moyens pour aboutir au produit recherché, les critères qualité acceptés ou encore les précautions à prendre… Ces règles peuvent aussi fixer les conditions d’accès aux postes, les promotions, le niveau des salaires, etc. On retrouve ici la diversité des objets de la démarche compétence. Celle-ci est effectivement au cœur à la fois des politiques de gestion des ressources humaines et de l’organisation du travail. Plus largement, elles englobent la dimension emploi et la dimension travail-activité2 [22]. Et c’est bien sur ces deux dimensions que portent les règles. Selon Segrestin [17], la compétence marque un nouveau rapport salarial et une nouvelle approche de l’activité. De même, Oiry et Sulzer [23] lui attribuent une double logique gestionnaire et productive. Pour appréhender ces deux dimensions de la démarche compétence, nous proposons ici de parler de règle de gestion et de règle de travail. Les règles de gestion renvoient à l’ensemble des règles qui constituent la relation d’emploi et les règles de travail à celles relatives à l’activité productive. Les démarches compétence combinent plus ou moins ces deux règles. Dans la pratique, une démarche repose plutôt sur une règle de gestion ou une règle de travail sans toutefois exclure totalement l’autre règle.

UNE DÉMARCHE DE RECHERCHE FONDÉE SUR L’ANALYSE DES PRATIQUES

16À travers neuf études empiriques menées dans des entreprises des Pays de la Loire, cet ouvrage dessine quatre figures des démarches compétence. Ce projet a été mené par dix chercheurs en sociologie et en gestion. La démarche de recherche a duré trois ans et a été rythmée par de nombreuses phases itératives entre l’analyse des données de terrain et la construction d’un cadre commun d’analyse.

17La recherche qui visait à appréhender et à comprendre en profondeur les démarches compétence est de nature qualitative et comprend neuf études de cas. Quatre critères ont contribué à leur sélection. Il s’agit d’entreprises de la région Pays de la Loire dont les secteurs d’activités sont variés (industrie automobile, industrie textile, industrie du bâtiment, industrie agro-alimentaire…). Les sites de production sont indépendants. La démarche compétence est ici construite en relative indépendance et pour répondre à des problématiques locales. Et enfin, ces sites développent effectivement une démarche compétence. L’élaboration d’un référentiel de compétence et la conduite d’au moins deux campagnes d’évaluation des salariés traduisaient l’existence d’une démarche. Le tableau suivant présente l’ensemble des critères sur lesquels a reposé la sélection des cas.

18La phase de collecte des données a duré deux années. Les chercheurs ont travaillé en binôme sur ces neuf cas. Des documents internes comme les descriptifs des emplois-types, les référentiels de compétences, les grilles d’entretiens, etc. ont été collectés et plus de 260 entretiens semi-directifs ont été réalisés par l’équipe pluridisciplinaire. Dans chaque cas, les interviews ont été menées auprès du dirigeant, du responsable ressources humaines, du ou des consultants ayant participé à l’élaboration et/ou à l’amélioration de la démarche compétence, de la hiérarchie intermédiaire et des salariés. Les équipes ont restitué les résultats auprès des acteurs de l’entreprise.

19L’analyse des données repose sur l’étude de monographies. Chaque binôme de chercheur a rédigé une monographie d’une vingtaine de pages environ reprenant le contexte d’émergence de la démarche, une description de la démarche et de l’outil gestionnaire et une présentation des principaux effets de la démarche sur l’organisation et les différentes figures d’acteurs. Ces monographies ont toutes été présentées et discutées par les membres du groupe lors de réunions de travail. Ce travail de confrontation a permis de dégager les singularités de chaque démarche.

20Lors d’une deuxième phase, l’analyse a porté sur l’ensemble des monographies afin de dégager les similitudes et les singularités de ces démarches. Ce travail repose sur la catégorisation des données pour dégager des méta-catégories [24] construites à partir d’itérations entre les données empiriques et les données théoriques [25]. Cinq méta-catégories ont été élaborées : le contexte stratégique, l’objet de la règle, la fonction dédiée de la démarche, les points de fragilités et les modes de régulations. Ce travail a alors permis de distinguer quatre figures distinctes de la compétence, qui comportent chacune une logique propre.

LES QUATRE « FIGURES » DE LA COMPÉTENCE

21Les chapitres présentés dans cet ouvrage dessinent quatre fonctions dédiées aux démarches compétence et mettent en perspective les contextes dans lesquels ces démarches sont initiées ainsi que les nouvelles règles de gestion ou de travail qu’elles introduisent dans les entreprises.

22Dans le chapitre consacré à la « qualification locale », Sophie Bretesché, Sarah Ghaffari et Anne-France Kogan nous décrivent comment deux entreprises, l’une d’habitat social et l’autre de textile, s’ajustent à de nouveaux marchés en réorganisant le travail et en définissant les nouvelles « qualités » attendues des salariés. La démarche compétence s’inscrit dans un objectif de requalification de l’activité et elle agit comme une nouvelle règle de travail qui précise les nouveaux comportements exigés dans la conduite de l’activité quotidienne. Les outils de gestion de la compétence définissent des référentiels qui décrivent de « nouvelles façons de travailler » et les attitudes requises. Le salarié est ainsi invité à endosser un nouveau rôle professionnel en lien avec les exigences du marché. Mais ce rôle, non transposable d’une entreprise à l’autre, reste en définitive la propriété de l’entreprise qui le prescrit.

23Dans le chapitre 2, Benoît Journé, Bruno Henriet, Cathy Krohmer, Eric Melchior, Christine Naschberger et Sandrine Stervinou nous invitent à regarder comment l’outil compétence vise à optimiser les ressources humaines afin d’assurer l’adaptation des compétences des salariés aux besoins stratégiques de l’entreprise. Dans des contextes hautement concurrentiels, les trois entreprises présentées développent à la fois la qualité du produit, la productivité et la flexibilité de la production. Fortement outillées et formalisées, les démarches compétence visent à décrire par exemple le niveau de polyvalence attendu tout en contrôlant la capacité des individus à s’adapter au dispositif technique et au poste de travail. Par ailleurs, elles produisent de nouvelles règles de gestion, garantes de l’équité interne. Mais étroitement liée au poste tenu, la compétence requise néglige la prise en compte du potentiel d’évolution de l’opérateur.

24Les démarches présentées par Brigitte Charles-Pauvers et Nathalie Schieb-Bienfait dans le chapitre 3 mettent l’accent sur la dimension stratégique des démarches compétence qui participent à accompagner le projet d’entreprise. Positionnées sur des marchés en stagnation et en régression, les entreprises font le pari du développement de nouvelles compétences dans les domaines techniques et managériaux. La conception des démarches privilégie le mode participatif et s’appuie sur la constitution de groupes projets pour discuter les objectifs de la démarche et décrire le travail. Celles-ci vont principalement se traduire par la mise en place de formations et de mobilités internes proposées à titre individuel aux salariés de l’entreprise. Néanmoins, le cloisonnement de certains métiers limite la création de parcours en interne.

25Enfin, dans chapitre 4, Michel Devigne et Bénédicte Geffroy-Maronnat proposent au lecteur un regard particulier sur des démarches compétence qui s’inscrivent à la fois dans des stratégies globales et dans des contextes locaux d’exercice. Initié dans le cadre d’un alignement stratégique sur la politique du groupe, l’outil vise tantôt à créer les conditions de la « haute performance », tantôt à raccourcir les délais de production et d’innovation. La démarche articule ainsi étroitement la performance individuelle à l’échelle locale et celle du groupe à l’échelle internationale. Mais le dispositif mis en œuvre permet davantage d’esquisser les contours d’une carrière à l’échelle du groupe que d’organiser des filières de promotion ou de mobilité à l’échelle locale.

26Ce sont ainsi quatre figures de la compétence qui sont présentées au lecteur avec leurs fonctions dédiées mais aussi leurs points de fragilité. En présentant le déploiement des démarches compétence à partir de l’expérience relatée par les salariés et les dirigeants, les auteurs souhaitent pointer les principales forces et faiblesses des démarches en montrant notamment les marges de manœuvre nouvelles qu’elles offrent à ces principaux acteurs.