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Fragiles compétences

 | 
Sophie Bretesché
, 
Cathy Krohmer

Préface

Christian Defélix

Texte intégral

FRAGILES COMPÉTENCES ? ROBUSTE RECHERCHE…

1En constatant la parution de Fragiles compétences, certains lecteurs pourraient être tentés de se demander : à quoi bon un énième livre sur la gestion des compétences ? Près de 20 ans après le célèbre accord A Cap 2000, 10 ans après la mobilisation du Medef sur l’« objectif compétences », le sujet pourrait en effet paraître épuisé, relatif à des politiques d’entreprises que certains qualifient de « grande illusion » et pour lesquelles d’autres se demandent même s’il ne faut pas les brûler ! De la gestion des compétences peut-il encore sortir quelque chose de bon ?

2De telles appréhensions disparaissent bien vite à la lecture du présent ouvrage, conduit de manière collaborative et originale par une équipe de chercheurs relevant de différentes sciences sociales. En effet, cette série de recherches présente au moins trois qualités qui méritent largement qu’on s’y arrête :

  • la première est qu’il s’agit fondamentalement d’un travail de terrain, où l’idéologie laisse le pas à l’observation rigoureuse des faits et à la confrontation des regards, mettant à une juste distance aussi bien l’angélisme managérial que le nihilisme avec lequel il est trop facile de dénoncer les démarches de management ;
  • une deuxième qualité est dans le choix des entreprises étudiées, qui relèvent pour une large part des organisations de taille moyenne, terra incognita des recherches en management souvent focalisées sur les jeunes pousses technologiques et les grandes multinationales ;
  • la troisième qualité, et non la moindre, réside dans la mise en valeur de ce résultat : les démarches compétence sont non seulement multiformes mais surtout malléables, c’est-à-dire (re)mises en forme par les acteurs, et donc éventuellement compatibles avec une valorisation collective du travail. À l’heure où les praticiens comme les observateurs mettent le doigt sur les dérives d’une individualisation excessive et la nécessité du lien social dans les organisations, un tel constat invite non pas à se reposer sur ces démarches compétences mais à s’interroger de manière responsable pour décider ce qu’il s’agit d’en faire.

3On retrouvera dans la variété des chapitres et des cas étudiés aussi bien des exemples de gestion des compétences « délibérée », induite par la stratégie, que de démarches davantage « émergentes » et basées sur la réalité des compétences mobilisées ou détenues. En classant cette diversité d’observations dans quatre cas de figure possibles, les auteurs pointent utilement que la fragilité de ces démarches est peut-être une bonne nouvelle, car elle est source de marges de manœuvre pour les salariés. Ces marges de manœuvre gagnent d’ailleurs à être comprises en élargissant le regard au périmètre de l’entreprise étendue, tant il est urgent aujourd’hui de construire une gestion des compétences élargie au bassin d’emploi et au territoire.

Auteur

Professeur à l’Université de Grenoble Mai 2010

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