Chapitre 1. Façonner un contexte global
p. 23-38
Texte intégral
1Entre 2016 et 2020, ENGIE a lancé un vaste plan de cession d’actifs fossiles de quinze milliards d’euros – incluant, entre autres, des centrales à charbon, des plateformes pétrolières off-shore ou encore des méthaniers transportant du gaz naturel liquéfié (GNL) – au nom de la transition énergétique.
2Le tableau ci-dessous liste les opérations les plus importantes réalisées durant cette période :
Tableau 1 : Panorama des principales cessions des actifs carbonés d’ENGIE (adapté de Xerfi, 2019)

3Considérons la troisième ligne du tableau qui présente la cession des activités d’exploration-production pétro-gazières pour comprendre ce qui est en jeu dans cette cession d’actifs. Avant leur revente pour 4,7 milliards de dollars à Neptune Energy, ENGIE a détenu et exploité de nombreuses plateformes pétrolières et gazières, notamment en mer du Nord. Jusqu’en 2016, ENGIE a engagé un effort continu de recherche et d’exploration de poches d’hydrocarbures exploitables et inexploitées en forant les sols du monde entier. Attirée par cet espace si particulier que sont les sous-sols de la terre, ENGIE a développé une activité globale d’exploration-production allant de l’Égypte à l’Indonésie, en passant par le Groënland.
4Ce que nous raconte la troisième ligne du tableau, c’est qu’à partir de 2016 les souterrains chargés en hydrocarbures cessent d’intéresser ENGIE, qui cherche à en sortir. L’ordre territorial structuré par l’activité d’extraction de ressources fossiles souterraines est déstabilisé par le décompte des émissions de CO2, transformant une activité rentable, « maillon clé de l’intégration du Groupe le long de la chaîne gazière »1, en une somme d’actifs carbonés à revendre. L’espace de calcul des « réserves prouvées et probables »2, des millions de « barils équivalent pétrole »3 – cet espace de calcul pétrolier dont Timothy Mitchell a retracé la constitution et la mise en instrument dans Carbon Democracy [Mitchell, 2017] – est troublé par un autre espace de calcul qui compte le CO2 avec le pétrole, là où les majors de l’oil & gas ont pris l’habitude de compter le pétrole sans le CO2 [Mitchell, 2017]. L’espace souterrain des hydrocarbures s’ouvre alors à l’espace aérien surchargé en CO2, et la séparation instaurée par les firmes pétrolières « entre ce qui est “sous le sol” et ce qui est “au-dessus du sol” » [Mitchell, 2017, p. 334] vole en éclats.
5Reliés au ciel par le CO2, les sous-sols atmosphérisent ENGIE et se transforment en prises intenables. ENGIE se détache de ses appuis souterrains. Elle s’atmosphérise, au sens où elle perd le socle sur lequel elle avait l’habitude de s’appuyer. Où reprendre pied ? Comment se reterritorialiser ? Où redéployer ses prises ?
6Le mot « prise » est un mot intéressant pour saisir ces questionnements. C’est celui que Carl Schmitt emploie dans son expression « prise de terre » [Schmitt, 2016] pour parler de la manière dont les empires se sont appropriés l’espace terrestre. Cette notion est d’autant plus intéressante qu’elle a la particularité, en langue française, d’être logée dans la construction du mot entreprise. Étymologiquement, entreprise est le substantif du verbe entreprendre qui est composé de la préposition entre et du verbe prendre [Rey, 2000]. D’abord employé dans le domaine militaire pour qualifier une opération offensive, ce terme signifie désormais « une organisation de production de biens (ou de services) à caractère commercial » [Rey, 2000, p. 751]. Faire ressortir la construction étymologique de cette notion, insister sur la séparation des termes qui la composent en écrivant entre-prise au lieu d’entreprise, permet de rendre visible graphiquement la question de ses pratiques de territorialisation dans le mot lui-même.
7De nombreux travaux en économie, en gestion et en droit ont mis en débat la définition de ce qu’est une entreprise, révélant sa polysémie, selon que l’on considère son statut juridique, sa fonction économique ou encore son rôle politique. En revanche, l’étude de ses agencements territoriaux est un angle mort de ces travaux. Dans leur ouvrage de synthèse intitulé L’entreprise. Point aveugle du savoir, Blanche Segrestin, Baudoin Roger et Stéphane Vernac dressent un panorama des différentes définitions existantes et concluent à la nécessité de « redéfinir le statut de l’entreprise dans les disciplines et entre les disciplines » [Segrestin, Roger, Vernac, 2014]. Il est frappant de constater qu’au sein de ce panorama, la relation territoire/entreprise apparaît comme une question mineure4, abordée essentiellement sous le prisme des travaux de la nouvelle économie géographique développée par Paul Krugman au début des années 1990 [Chaigneau, 2014 ; Zalio, 2014]. En quelques mots, il est possible de résumer la nouvelle économie géographique à un courant de recherche qui s’est donné la tâche d’expliquer la « distribution inégale des activités économiques dans l’espace » [Pumain, Thisse, Thomas & Walliser, 2007] par les choix de localisation des entreprises et par la concurrence que se livrent les territoires entre eux pour orienter ces choix. Dans ce cadre, la relation territoire/entreprise suit la seule logique de l’optimisation économique qui fait de l’entreprise un acteur liquide dont les mouvements dans l’espace sont compris comme autant de transactions marchandes avec des gouvernements locaux. Pareille perspective analytique limite la compréhension des pratiques de territorialisation des entreprises à la recherche d’un optimum économique.
8C’est un autre type de mouvement que je propose de considérer ici. Un mouvement qui ne répond pas à une logique d’optimisation, mais à une logique de transformation contrainte par un impératif de transition. Sous cet angle, l’entreprise perd son profil liquide et révèle ses attaches pesantes, ses attaches terrestres qui la lient à un patchwork de territoires distribués à travers le monde. C’est la première leçon que l’on peut tirer du tableau des cessions (tableau 1) : une entreprise comme ENGIE doit d’abord et avant tout être considérée comme un vaste système de prises reliant des plateformes pétrolières en mer du Nord à des centrales à charbon en Asie, en passant par des méthaniers traversant les océans. La deuxième leçon portée par ce tableau (tableau 1), c’est que ces prises peuvent être défaites. Autrement dit, l’entreprise peut se retrouver entre-plusieurs-prises, elle peut devenir une entre-prises. Et c’est précisément ce point qui est problématique et que cette liste de cessions met en lumière. ENGIE se déterritorialise, elle se déprend d’une multitude d’attaches, elle devient une entreprises. Mais pour aller où ?
Modes de territorialisation fossile
9Considérer ENGIE comme une entre-prises, c’est-à-dire sous le prisme de ses prises et de ses déprises, permet de replacer au centre de l’attention la question de ses pratiques de reterritorialisation. Le renouvellement du tracé des activités d’ENGIE n’est pas réductible à la reconduction d’une opération consistant à « partager et diviser la terre » [Schmitt, 2016, p. 87] pour y établir des « enclaves extractives » [Ferguson, 2005]. La carte où sont délimités les périmètres localisant les enclaves extractives fossiles et carbonées n’est plus un instrument valable pour accompagner la transformation d’ENGIE. C’est tout le système de prises et de positions ordonnant la présence globale de l’entreprise qui est remis en cause au nom du réchauffement climatique.
S’orienter dans le monde fossile
10Un bref regard rétrospectif sur la façon dont ces firmes se sont équipées d’instruments d’orientation pour baliser et globaliser l’espace des réserves souterraines au cours du xxe siècle permet de saisir la mesure du bouleversement que ce changement d’instruments implique. Les travaux de business history et d’histoire des sciences ont souligné le fait que le secteur d’activité pétro-gazier a, depuis le début du xxe siècle, mis en place des moyens d’exploration afin de localiser sur toute la planète de nouveaux gisements d’hydrocarbures exploitables alimentant la stratégie d’expansion globale des majors de l’oil & gas [Wilkins 1974a, 1975 ; Owen, 1975 ; Bowker, 1994 ; Bamberg, 2000 ; Shafiee, 2018]. Rüdiger Graf, reprenant l’expression forgée par Timothy Mitchell, qualifie ces moyens d’exploration de « pétro-savoir » (petro-knowledge) [Mitchell, 2007, 2010] et montre que celui-ci a été institutionnalisé au cours du xxe siècle en un domaine d’expertise spécifique, dont l’objet est d’estimer la localisation et de mesurer la taille des champs d’hydrocarbures [Graf, 2018]. Commercialisé par des firmes spécialisées – appelées parapétrolières – comme Baker Hughes, Schlumberger, Technip ou Halliburton, ce pétro-savoir a bouleversé la façon dont les firmes pétro-gazières « voient » le sous-sol qu’elles forent [Bowker, 1994], substituant aux tâtonnements aveugles et incertains des premiers temps la force scientifique des cartes et des relevés sismographiques (annexe 1)5. Equipés de ces instruments d’exploration, les acteurs du secteur d’activité pétro-gazier ont rendu visible le monde souterrain des champs d’hydrocarbures et en ont organisé la capture systématique afin d’en maîtriser l’abondance [Mitchell, 2017]. Très tôt dotées d’un système technique d’orientation global, les firmes du secteur pétro-gazier ont rencontré un enjeu de taille, à savoir le contrôle local de leur accès.
S’ancrer dans le monde fossile
11Dans un discours prononcé en 1998 au Cato Institute, Dick Cheney, alors chief executive officer (CEO) de l’entreprise parapétrolière Halliburton, a résumé ce questionnement sur la pérennité de l’accès des firmes pétro-gazières aux réserves d’hydrocarbures en ces termes :
Le bon Dieu n’a pas jugé bon de placer le pétrole et le gaz uniquement là où se trouvent des régimes démocratiquement élus et favorables aux États-Unis. Nous devons parfois aller là où, tout bien considéré, personne n’irait. Mais il faut bien aller là où le business est.6
12Du propos créationniste et impérialiste de Dick Cheney ressort l’idée que la question pour les firmes pétro-gazières est moins de savoir où est le pétrole, que de savoir comment négocier son extraction dans un pays où le contexte politique peut s’avérer défavorable pour les firmes pétro-gazières.
13L’étude des relations entre États détenteurs de réserves d’hydrocarbures et firmes pétro-gazières, menée dans le champ de la business history, a ainsi mis en lumière les tensions entre les pratiques étatiques de nationalisation des ressources et les stratégies d’ancrage utilisées par ces multinationales pour établir leur présence à travers le monde [Penrose, 2018 ; Wilkins, 1974b ; Philip, 1982 ; Brown, 1985 ; Bamberg, 2000]. Dans le sillage de ces recherches, des travaux en sciences politiques et en géographie ont documenté l’émergence d’un mouvement de « nationalisme des ressources » (resource nationalism) [Stevens, 2008 ; Vivoda, 2009 ; Koch & Perreault, 2018] restreignant les accès existants des firmes pétro-gazières aux réserves d’hydrocarbures [Bridge & Wood, 2010] et entraînant leur relocalisation vers de nouveaux sites de production comme l’off-shore profond et vers des ressources dites « non-conventionnelles » comme le gaz de schiste ou les sables bitumineux [Bridge & Le Billon, 2017]. Ces travaux montrent qu’au cœur de l’opération de territorialisation de ces firmes se pose la question de leur ancrage dans des systèmes politiques locaux et nationaux.
14Des travaux plus récents en sciences politiques se sont penchés sur la diversité des pratiques d’ancrage mises en œuvre par les industries extractives [Grajales & Vadot, 2020] pour « arrimer » une entreprise à un contexte local [Grajales & Saiget, 2020], étudiant l’évolution de ces moyens dans le temps [Rubbers, 2019], ainsi que le bricolage d’un « pluralisme régulatif » perpétuellement à l’œuvre pour maintenir actives les conditions d’exploitation d’un site d’extraction [Côte & Korf, 2018].
15Ces différentes études ont en partage une description des pratiques de territorialisation des firmes pétro-gazières dominée par la question de leur ancrage dans un contexte local. Et si cet ancrage se révèle problématique, c’est d’abord en raison des conflits sociaux, économiques et politiques qu’engendre l’installation d’infrastructures extractives contestées. À la lumière de ces recherches, les firmes pétro-gazières apparaissent comme des entités se mouvant à l’intérieur d’un espace géologique balisé par le pétro-savoir et négociant leur ancrage dans des contextes politiques divers pour produire des zones pétro-gazières gouvernables et exploitables. La configuration géographique sous-tendue par ces travaux repose sur une division spatiale opposant l’espace stable et connaissable des réserves souterraines d’hydrocarbure à l’espace instable et imprévisible des régimes politiques.
16Cette perspective immobilise l’espace souterrain pour mieux donner à voir les négociations de surface qui le rendent ou non accessible. La transformation de ce socle souterrain induite par la prise en compte du calcul du CO2 déstabilise ce partage et jette le trouble sur l’ordre spatial fixé par les firmes pétro-gazières au xxe siècle.
Changer de contexte, changer de monde
17Lorsque Total est rebaptisée TotalEnergies, qu’elle récuse publiquement son statut de « pétrolier » et se présente comme une « major de l’énergie verte »7 en devenir qui va financer la transition énergétique avec « l’argent du pétrole »8, lorsqu’une des principales firmes pétro-gazière danoise, Dansk Olie og Naturgas (DONG), est renommée Ørsted, revend toutes ses plateformes pétrolières pour se consacrer essentiellement à l’éolien off-shore et « combattre le réchauffement climatique »9, lorsque GDF-Suez mute en ENGIE pour devenir le leader de la transition énergétique et que l’entreprise norvégienne Statoil efface le pétrole (oil) de son nom pour devenir Equinor, on commence à mesurer l’ampleur et la diversité des transformations – de nom, de type d’activités ou encore de stratégie – qui sont en cours.
18Le Financial Times s’est fait l’écho de cet enjeu au travers d’articles éloquemment intitulés : « Oil majors seek survival in transition to low-carbon world »10, « Europe’s utilities battle for survival in changing market place »11 ou encore « Oil producers face their “life or death” question »12. Engagées dans un struggle for life darwinien, les firmes pétro-gazières donnent à lire leurs transformations comme une stratégie de survie économique et d’adaptation au réchauffement climatique assorties d’objectifs de décarbonation de leurs activités à échéance plus ou moins lointaine.
19En faisant du réchauffement climatique ce à quoi elles doivent s’adapter pour survivre, ce avec quoi elles ne peuvent pas ne pas composer, les firmes pétro-gazières instancient une entité active qui, en retour, reconfigure leur mode d’action. Autrement dit, si elles ont contribué à produire le réchauffement climatique, celui-ci contribue désormais à les transformer. Stefan Aykut a proposé la notion de « climatisation » [Aykut, 2020] pour caractériser ce processus qui conduit « des acteurs aux agendas très divers (…) à “climatiser” leurs discours et les enjeux qu’ils portent » [Aykut, 2020, p. 12-13]. Comment ces entreprises prennent-elles en compte le réchauffement climatique ? comment se climatisent-elles ?
Contextualiser le réchauffement climatique
20Comme l’a montré Marten Boon, les firmes pétro-gazières ont désormais toutes reconnu l’existence du réchauffement climatique et le mentionnent systématiquement comme un sujet de préoccupation dans leurs documents de communication [Boon, 2019]. La question aujourd’hui est moins de savoir si les firmes pétro-gazières prennent en compte le réchauffement climatique que d’interroger les manières dont elles le transforment en un contexte d’action. En d’autres termes, il s’agit de prêter la plus grande attention à ce que Kristin Asdal et Ingunn Moser nomment le contexting, c’est-à-dire la manière dont un acteur façonne et déploie en permanence le contexte dans lequel il s’inscrit [Asdal & Moser, 2012].
21Considérer le contexte comme le résultat d’une opération de sensemaking, c’est-à-dire une manière de donner du sens à une situation, et non comme un socle déjà-là, évident, qui ne nécessiterait aucune procédure d’explicitation, c’est rendre manifeste le fait que les entreprises produisent des contextes différents à partir de notions communes. En d’autres termes, si elles font toutes référence au réchauffement climatique, elles ne le contextualisent pas de la même façon.
22Pour s’en convaincre, je propose de comparer une interview de Patrick Pouyanné13 (encadré 1), PDG de TotalEnergies, et un texte Henrik Poulsen14 (encadré 2), PDG d’Ørsted.
23Patrick Pouyanné oppose deux contextes d’action dans son interview : un monde à 1,5°C et un monde à 2°C. Le premier, consistant à « maintenir le réchauffement à 1,5 °C » à horizon 2030 est désubstantialisé et présenté comme invraisemblable par une série d’énoncés qui viennent nier sa réalité :
« (…) il n’y aura pas de grand soir » ;
« (…) il est impossible de bouger (…) aussi rapidement » ;
« (…) cela n’arrivera pas si vite » ;
« La planète n’est pas capable de changer du jour au lendemain ».
24L’utilisation des formules impersonnelles et négatives « il n’y aura pas », « il est impossible », « cela n’arrivera pas » contredisent l’hypothèse d’un réchauffement maintenu à 1,5 °C. Les indicateurs de temps « grand soir », « aussi rapidement », « pas si vite », « du jour au lendemain » dimensionnent une dynamique temporelle chargée d’inertie et de lenteur au sein de laquelle aucun programme d’action, aucun projet de transformation ne peut se réaliser.
25La phrase conclusive : « La planète n’est pas capable de changer du jour au lendemain » déréalise toute les modalités potentielles du faire par le constat d’une inaptitude et d’une impuissance du sujet collectif « la planète ». Autrement dit, le monde du réchauffement climatique limité à 1,5 °C en 2030 est un monde impossible.
26À ce monde impossible répond un « monde à 2 °C » projeté « à horizon 2040- 2050 » où perdure la production de pétrole et des énergies fossiles :
« (…) on produira encore 50 millions de barils par jour à horizon 2040- 2050 (…) »
« Le monde a (…) besoin de pétrole. »
« (…) elle [la demande de pétrole] atteindra un plateau vers 2030 (…) »
« Ce qui ne veut pas dire qu’on éliminera la totalité des énergies fossiles à l’horizon 2050. »
27Frappé par l’inertie et mû par les forces supérieures que sont le besoin et la demande, ce monde à 2 °C n’offre aucune prise au programme d’action qui vise à maintenir le réchauffement climatique dans les limites des 1,5 °C et s’impose comme le seul contexte d’action possible dans lequel TotalEnergies se projette.
28Pour Henrik Poulsen, un monde à 1,5°C est un contexte vraisemblable, souhaitable et nécessaire dont la concrétisation est une injonction à agir collectivement :
« We have 10 years to halve global emissions (…) » ;
« (…) we already know the solution (…) ».
29Contrairement au discours de Patrick Pouyanné qui distinguait la communauté d’action à laquelle appartient TotalEnergies de la communauté d’action cherchant à limiter le réchauffement climatique dans les limites d’1,5 °C, la communauté d’action charriée par le pronom personnel « we » se caractérise ici par son unité sans adversité. Il n’y a pas d’autre communauté d’action que celle-ci, et l’entièreté de son programme d’action est indexée à la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C :
« (…) we want to keep global warming within 1,5 °C (…) » ;
« (…) limit global warming to 1,5 °C. » ;
« (…) stay within 1,5 °C (…) ».
30Dans ce contexte, Ørsted est un sujet d’action dans un monde plastique qui peut être transformé, reconfiguré et débarrassé des dispositifs fossiles qui le peuplent, afin de ne pas dégrader les conditions de vie des générations futures.
31L’analyse de ces deux textes révèle deux manières distinctes de contextualiser le réchauffement climatique en projetant deux mondes possibles à venir. D’une part un monde à 2 °C, d’autre part, un monde à 1,5 °C. D’un côté un monde qui ne peut pas changer « du jour au lendemain » et qui continuera d’utiliser des millions de barils de pétrole par jour en 2050, de l’autre un monde qui doit expurger massivement les énergies fossiles avant 2030. Un monde où domine la demande de pétrole, un monde où prévalent les générations futures. Un monde où les recommandations du GIEC sont intenables, un monde où elles doivent être appliquées. Un monde où les multinationales de l’énergie n’ont qu’une faible marge de manœuvre pour transformer l’organisation globale du système énergétique, un monde où elles doivent jouer un rôle prépondérant dans sa réorganisation.
32Il n’est pas besoin d’insister beaucoup plus pour faire ressortir les différences qui distinguent les mondes configurés par ces deux discours et acter l’idée qu’au cœur du travail de contextualisation du réchauffement climatique opéré par les firmes pétro-gazières se joue ce que Nelson Goodman appelle une opération de worldmaking, c’est-à-dire de fabrication d’un monde.
Une approche constructiviste du concept de monde
33Avant de détailler quel monde ENGIE cherche à fabriquer et quelles sont ses conditions de réalisation, je vais tenir la promesse faite en introduction et expliciter l’usage constructiviste du concept de monde que je propose dans cet ouvrage. D’abord à partir de la réception des travaux de Bruno Latour par certaines et certains philosophes, puis à l’aide de la théorie du worldmaking de Nelson Goodman.
34Dans son article « Jusqu’où faut-il mener l’histoire des découvertes scientifiques ? », Bruno Latour part d’un énoncé présenté comme une découverte – Ramsès II est mort de la tuberculose – et suggère de considérer cette proposition non pas comme une vérité anhistorique mais comme une rencontre entre plusieurs versions de monde. Il montre que pour relier un pharaon mort il y a 3000 ans à un bacille « découvert » en 1882, il faut « un travail énorme de liaison et de rapprochement » fait de microscopes, de rayons X, bref de tout l’appareillage nécessaire pour faire exister le bacille de Koch dans le corps desséché de Ramsès II et sans lequel cette liaison ne tient pas [Latour, 2006]. Le cœur de la démonstration de Bruno Latour est que le bacille n’appartient pas à un monde donné et toujours déjà-là dont les entités seraient découvertes les unes après les autres, le long de la frise chronologique du progrès scientifique, mais que celui-ci est instancié par un réseau de médiations instrumentales, scripturales, etc., configurant une nouvelle version de monde, rendant possible de nouveaux agencements et remettant en jeu des versions de monde préalables.
35Cette thèse a connu, en philosophie, deux types de réception dont l’exposé succinct va venir éclairer ce que permet une approche constructiviste du concept de monde.
36On trouve, d’une part, des philosophes qui ont réfuté la possibilité de toute approche constructiviste de la référence scientifique au nom du réalisme. Paul Boghossian reproche à Bruno Latour de confondre, à propos du bacille de Koch, « objet scientifique » et « objet dans le monde » [Boghossian, 2009], où le monde désigne une réalité unique, indépendante et autonome de l’activité humaine, une « réalité en soi » [Boghossian, 2018].
37On trouve d’autre part des philosophes qui revendiquent l’influence des travaux de Bruno Latour pour composer des « ontologies orientées-objet » [Harman, 2010] et des « ontologies plates » [Garcia, 2020] capables de prendre en compte « autant le monde humain que les objets non humains » [Fradet & Garcia, 2016] et qui entendent se débarrasser des hiérarchies entre les choses afin de leur conférer un même plan d’existence.
38Ces courants ont en partage la revendication du réalisme et s’inscrivent dans un mouvement plus général en philosophie de « ruée vers le réel » dont un des « gestes structuraux » [Thomas-Fogiel, 2018] est de postuler un « monde indépendant » [Tiercelin, 2011a, p. 189], un « Grand Dehors » [Meillassoux, 2006, p. 21], un « monde plat » [Garcia, 2020, p. 11], un « monde extérieur » [Ferraris, 2014], bref un monde diversement qualifié dont le postulat d’existence appelle à déterminer les voies de sa référence. Ces philosophies font du monde un plan d’existence moniste et fondamental duquel émergent toutes les positions d’existence d’entités humaines et non-humaines, de choses et d’objets. Le problème auquel ces différents courants s’attachent est le même : comment faire référence au monde, comment se référer à quelque chose qui serait « le monde ».
39Pour Bruno Latour, ce problème est mal posé, car le monde est moins un donné fondamental que ce qui s’articule autour d’une entité. C’est ce qu’il explique en montrant que la reconnaissance de l’existence du bacille de Koch défait une version du monde antérieure où celui-ci n’existait pas et que, dans le même temps, il fait émerger une nouvelle version du monde capable de le prendre en compte. User de la perspective latourienne permet de changer les termes de la réflexion et passer du problème philosophique de la référence au monde à l’enquête pragmatique portant sur la constitution d’un monde de la référence, c’est-à-dire le travail de configuration d’un monde à partir d’une nouvelle position d’existence. Le monde devient le monde de – le monde du bacille de Koch par exemple –, cessant du même coup d’être une catégorie absolue et anhistorique pour devenir une catégorie relative et historicisée.
40Ce renversement conceptuel dirige l’effort d’analyse vers les procédures de fabrication et de stabilisation d’un monde. Comment les firmes pétro-gazières fabriquent-elles des versions de monde prenant en compte le réchauffement climatique ? Qu’est-ce que cela signifie exactement de faire un monde ? Quel est le statut de ce faire ? Pour répondre à ces questions, les travaux de Nelson Goodman sur le worldmaking offrent un éclairage nécessaire.
41Dans son article « Notes on the Well-Made World », Nelson Goodman a intitulé une de ses sections « How to Make Things with Words ? » surmontée d’un renvoi en bas de page où l’on peut lire : « Avec toutes mes excuses à J.L. Austin, qui n’a pas explicitement inclus la fabrication de choses dans ce que nous faisons avec les mots » [Goodman, 1984, p. 34]. Il y a d’évidence de l’ironie dans cette note de bas de page et une charge contre la théorie de la performativité telle qu’elle a été initialement définie par John Austin dans son ouvrage Quand dire, c’est faire [Austin, 1991]. La distinction conceptuelle que propose Nelson Goodman entre le faire qu’il défend (to make en anglais) et le faire de la théorie de la performativité qu’il critique (to do en anglais) est un moyen rapide d’expliciter le statut de l’action dans l’opération de worldmaking.
42Il serait bien trop long d’exposer le détail et les subtilités de la philosophie du worldmaking développée initialement par Nelson Goodman dans son ouvrage Manières de faire des mondes [Goodman, 1992]. Je vais me contenter de mentionner l’idée selon laquelle, dans un monde, tout est fait au sens où tout est le résultat d’un making.
43La différence que pose Nelson Goodman entre le do et le make tient à l’immense difficulté qu’il y a à faire un monde et aux très nombreuses opérations qui sont nécessaires à son instanciation. Pour qualifier cette différence, Nelson Goodman met en vis-à-vis deux manières de tenir le soleil immobile avec des mots : « Nous pouvons faire en sorte que le soleil s’arrête, non pas à la manière de Josué, mais à la manière de Bruno. » [Goodman, 1984, p. 42]. La manière de Josué est une évocation de l’épisode biblique « Le secours d’en-haut » durant lequel Josué ordonne au soleil de s’arrêter : « “Soleil, arrête-toi sur Gabaôn, et toi, lune, sur la vallée d’Ayyalôn !” Et le soleil s’arrêta et la lune se tint immobile » [La Sainte Bible, 1955, p. 296].
44Aussitôt dit, aussitôt fait. On est là face à un pur exemple de performatif biblique, où l’énonciation d’une phrase suffit à faire exister une situation. La manière de Bruno est une évocation de l’œuvre du savant italien Giordano Bruno (1548- 1600) qui a bâti un système cosmologique à travers plusieurs ouvrages défendant la thèse de l’héliocentrisme et récusant celle du géocentrisme.
45En comparant le faire du discours de Josué et le faire du discours de Giordano Bruno, Nelson Goodman oppose un énoncé à un système cosmologique, un ordre à une argumentation, un faire qui s’exécute instantanément dans l’acte de son énonciation à un faire dont l’exécution est le terme d’un lent et laborieux processus.
46Ce sont deux modes de réalisation du même état de fait – l’immobilité du Soleil – qui divergent radicalement. Ce que nous apprend a minima cette comparaison, c’est que le faire du worldmaking est textuellement extensif et que sa force exécutoire est à chercher non pas dans une occurrence énonciative unique, mais au sein d’une longue série d’opérations symboliques. Autrement dit, un nouveau monde ne se réalise pas immédiatement, il se fabrique au fur et à mesure d’une série de médiations.
47C’est équipé de cet arrière-plan conceptuel que je propose maintenant de considérer un discours d’Isabelle Kocher, directrice générale d’ENGIE de 2016 à 2020, afin d’étudier les modalités de réalisation du monde qu’ENGIE cherche à fabriquer.
Fabriquer un monde exemple par exemple
48Dans un article intitulé « Un cap pour la révolution énergétique »15, Isabelle Kocher met en scène le « monde zéro carbone » dans lequel ENGIE projette son action :
Je suis convaincue que le mouvement vers un monde zéro carbone est irréversible. C’est pourquoi chez ENGIE nous avons voulu nous positionner à l’avant de la vague. Le plan de transformation que nous avons mis en œuvre entre 2016 et 2018 nous a permis de nous concentrer sur les activités alignées avec ce nouveau monde. Nous avons choisi de nous désengager du charbon – depuis 2015, nous avons réduit de deux tiers nos capacités de production d’électricité à partir de charbon. Nous continuons de nous développer dans les énergies renouvelables : en Belgique, nous sommes déjà le premier producteur d’électricité renouvelable du pays. Nous aidons nos clients à optimiser leur consommation d’énergie et à améliorer leur confort. Comme à Liège, où nous déployons les solution d’ENGIE Cofely dans 40 bâtiments scolaires pour en améliorer l’efficacité énergétique. Ou à Knokke, où nous utilisons 60 capteurs IoT (des capteurs connectés à l’Internet) pour avoir une vue globale en temps réel du trafic, optimiser le ramassage des déchets, contrôler le bruit, la qualité de l’air et le niveau des eaux.
49Cet article présente deux niveaux discursifs distincts : celui qui fixe le contexte général d’un « monde zéro carbone » et celui qui mobilise une série de projets qui viennent concrétiser et spécifier ce contexte.
50Qu’est-ce qui se joue dans le passage d’un niveau à l’autre ? On passe d’un monde abstrait à des lieux identifiés – ici Liège et Knokke. On passe d’un discours de conviction à des récits descriptifs – ici un projet d’efficacité énergétique dans des bâtiments publics et là un projet d’optimisation des services urbains. On passe d’un monde virtuel qui reste à venir à un monde actuel en train de se faire. Dans l’économie générale du texte, le récit d’un cas particulier provoque un changement de niveau : du global au local, du générique au spécifique, du virtuel à l’actuel. Ce changement de niveau exprime, plus profondément, une séparation entre le discours, simple, qui fixe le contexte et les multiples récits, divers et variés, des projets qui s’y rattachent. Pour bien comprendre ce qui est en jeu ici, il est nécessaire de tenir ces niveaux séparés entre eux afin de saisir ce que produit leur articulation.
51Si l’on regarde uniquement le niveau du contexte, on voit qu’il se répète d’auditions en articles et qu’il demeure structurellement le même. Toutefois, si l’on s’en tient à ce seul niveau, on voit aussi que le monde qu’il dimensionne demeure une pure virtualité dont aucune preuve d’existence ne peut être fournie. Si l’on regarde maintenant le niveau des récits, on voit différentes histoires qui décrivent des projets singuliers. Mais si l’on s’en tient à ce seul niveau, il est difficile de comprendre ce qui relie ces récits entre eux.
52C’est en qualifiant le mode d’articulation de ces deux niveaux qu’il va être possible d’expliciter les conditions de réalisation du monde zéro carbone. Le procédé narratif en question est l’exemplification. Rhétoriquement parlant, l’exemple vient déplier et illustrer spécifiquement ce qui a été énoncé génériquement, il fait découler du contexte ses réalisations comme autant de consécutions naturelles de ce qui a été dit précédemment. Il est intéressant de noter que les exemples sont mobilisés sans effort, par les simples mentions « comme à Liège » et « ou à Knokke », laissant entendre qu’ils ont été piochés au hasard au sein d’une vaste liste et qu’ils ne sont, justement, que des exemples parmi d’autres.
53Cet effet « je-pioche-dans-la-liste » est manifeste à un autre moment dans l’article, lorsqu’Isabelle Kocher procède à une énumération qui démultiplie les points d’existence du monde zéro carbone :
À Lommel, nos équipes construisent le plus grand parc solaire du Benelux. À Zeebrugge, avec GreenPorts, nous étudions la conversion de l’électricité produite par les parcs éoliens en mer du Nord en hydrogène. À Namur nous travaillons sur un plan de mobilité ambitieux. Je l’ai vu aussi lorsque j’ai inauguré, cette année, des parcs solaires en Inde ou au Chili, le premier démonstrateur Power-to-Gas, qui produira de l’hydrogène renouvelable à Dunkerque, ou encore une unité de biométhanisation dans la région Centre-Val de Loire en France.
54Que nous dit cette énumération ? La répétition des prépositions de lieu « à » et « en » – « à Lommel » ; « à Zeebrugge » ; « à Namur » ; « en Inde » ; « au Chili » ; « à Dunkerque » ; « en France » – densifie la consistance du monde zéro carbone en démultipliant ses positions. Ce que montre cette énumération, c’est que plus il y a d’exemples, plus ce monde gagne en densité ontologique, plus il y a de preuves de son existence.
55À partir de combien d’exemples peut-on dire que le monde de la transition énergétique est réalisé ? S’il suffit d’un seul exemple pour montrer que ce monde est en train de se réaliser, un seul exemple ne suffit pas pour autant à dire que ce monde est réalisé. On est là face à une déclinaison intéressante du paradoxe sorite [Tiercelin, 2011b] qui questionne le nombre de grains de sable nécessaire à l’obtention d’un tas de sable. Le problème du paradoxe sorite est que le tas est un concept flou et qu’il est impossible de fixer un critère qui permettrait de départager ce qui fait un tas de ce qui fait un non-tas. C’est le même problème qui se pose ici, à savoir la qualification d’un critère d’achèvement grâce auquel il serait possible de dire que le monde zéro carbone a été réalisé. Nous l’avons vu, le mode de réalisation de ce monde est l’accumulation d’exemples. Ce monde est donc en cours de fabrication. Mais rien ne dit que ce monde va être effectivement réalisé.
56L’absence de critère d’achèvement grâce auquel il serait possible de tester si ce monde est réalisé ou irréalisé, si c’est un succès ou un échec, éclaire la dynamique particulière de ce worldmaking. L’existence du monde zéro carbone repose sur la multiplication continue d’exemples qui ont pour charge de poursuivre le processus de sa densification ontologique jusqu’à saturation. Ce qui ne va pas sans une certaine dose de paradoxe : si ce monde semble ne jamais pouvoir être pleinement réalisé, il ne peut pas cesser son travail de densification ontologique par la démultiplication de ses exemples sans risquer de se désubstantialiser. C’est en maintenant la production continue d’exemples que ce monde se perpétue comme monde en train de se réaliser, sans qu’aucune certitude quant à la possibilité de son achèvement puisse être établie pour autant.
57Constater cela attire l’attention sur le processus de formation des exemples comme lieu d’observation privilégié, où se joue à la fois la fabrication discursive du monde zéro carbone et les pratiques d’ancrage à l’œuvre dans le geste de reterritorialisation d’une multinationale. Ce sont ces entrelacements narratifs et territoriaux qui sont scrutés dans les deux prochains chapitres, au travers du cas d’un projet de centrale biomasse sur l’île de Lubang aux Philippines.
Notes de bas de page
1Document de référence 2015, ENGIE, p. 31.
2Ibid.
3Ibid.
4Seuls 2 chapitres sur les 22 que compte l’ouvrage approchent cette question.
5Le travail monographique que Geoffrey Bowker a consacré à l’essor de l’entreprise Schlumberger entre 1920 et 1940 explicite de quelles façons l’élaboration d’instruments de diagraphie électrique (electrical logging) a permis de réduire la diversité d’abord invisible des souterrains de la planète à un jeu de coordonnées spatio-temporelles comparables, accumulables et manipulables. Bruno Latour a conceptualisé ce travail de « transformation d’un lieu dans un autre » [Latour, 1996] à l’aide de la notion de « centre de calcul » [Latour, 2005] grâce à laquelle il a montré le processus de circulation et d’accumulation d’informations inscrites entre un premier lieu « qui devient une périphérie » [Latour, 1996], où l’information est prélevée, et un deuxième lieu « qui devient un centre » [Latour, 1996], où l’information est stockée et traitée. Pour illustrer son concept, Bruno Latour utilise, parmi d’autres, l’exemple des techniques d’exploration pétrolière : « Au lieu de simplement extraire du pétrole, il devint possible d’accumuler des traces sur des cartes qui, à leur tour, permirent aux ingénieurs de diriger moins aveuglément les opérations. Un cycle d’accumulation démarrait ainsi où le pétrole, l’argent, la physique et la géologie contribuaient à leur accumulation réciproque. En quelques décennies, des dizaines d’instruments différents furent inventés et rassemblés, transformant progressivement les réserves invisibles et inaccessibles en un « quick logging » que quelques hommes dominaient par la vue. » [Latour, 2005, p. 540-541]. Le concept de centre de calcul rend sensible l’idée selon laquelle le monde, réduit à un système de coordonnées spatio-temporelles accumulant des traces locales, devient un « monde de papier » [Latour, 2005, p. 542] maîtrisable et exploitable.
6Cité par Jake Bernstein et Lou Dubose dans Vice: Dick Cheney and the Hijacking of the American Presidency [Bernstein & Dubose, 2006, p. 112], je traduis.
7https://www.lepoint.fr/economie/pouyanne-si-on-arrete-d-investir-le-prix-du-petrole-va-monter-a-100-dollars-25-08-2021-2440222_28.php, consulté le 5 octobre 2021.
8https://www.lecho.be/entreprises/energie/bernard-pinatel-totalenergies-l-argent-du-petrole-est-necessaire-pour-assurer-la-transition-energetique/10311496.html, consulté le 5 octobre 2021.
9« Taking action to stay within 1.5°C » whitepaper, Ørsted, https://orsted.co.uk/about-us/our-company/taking-action, consulté le 4 novembre 2021.
10Andrew Ward, « Oil majors seek survival in transition to low-carbon world », Financial Times, 23 mai 2017.
11Nathalie Thomas, « Europe’s utilities battle for survival in changing market place », Financial Times, 28 février 2019.
12David Sheppard et Anjli Raval, « Oil producers face their ‘life or death’ question », Financial Times, 19 juin 2018.
13Philippe Escande, Audrey Garric, Jean-Michel Bezat et Nabil Wakim, « La question de la pérennité des groupes pétroliers est posée », Le Monde, 4 juin 2020.
14Ørsted, « Taking action to stay within 1.5°C », White Paper, 2019.
15https://www.linkedin.com/pulse/un-cap-pour-la-revolution-energetique-isabelle-kocher/, page web consultée le 20 mai 2019.
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