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Le projet Solai Lann Coat à Langouët

p. 211-251


Texte intégral

1L’opération Solai Lann Coat (Soleil de Langouët en breton) est un projet d’autoconsommation collective dont la Personne Morale Organisatrice (ci-après PMO) est portée par une association de type loi 19011.

2Elle s’étend sur le territoire de la commune de Langouët (35630), située dans le département d’Ille-et-Vilaine, en région Bretagne, à 25 km de Rennes. Elle fait partie de la communauté de communes du Val d’Ille-Aubigné. C’est une commune rurale, principalement résidentielle qui comptait 601 habitants en 2018, pour une densité de population de 86,0 hab/km2. Sa population est majoritairement active (83,1 %).

3Notre étude de l’opération se déroule au printemps 2022, alors que le projet est en pleine recherche de développement, que les épreuves de la structuration initiale sont dépassées, qu’il s’agit maintenant d’offrir à l’opération un changement d’échelle, révélateur de profonds défis à relever.

4Initiée en 2017, alors que le cadre juridique vient tout juste d’être adopté, c’est une opération fortement marquée par l’apprentissage organisationnel et la volonté de conduire collectivement l’opération. Le retour d’expérience de cette opération est riche d’exemples très concrets de difficultés opérationnelles que seule la pratique peut effectivement révéler : qui contrôle que les fournisseurs tiers intègrent bien le flux autoconsommé ? Qui édite les factures ? Comment articuler vente privée et comptabilité publique ? Comment intégrer de nouveaux producteurs ? Comment rendre les informations sur les flux accessibles à tous ? Comment couvrir les coûts d’intermédiation ?

5Les experts initiaux, intéressés pour faire de Solai Lann Coat une opération pilote afin d’appréhender les subtilités du cadre économique et juridique de l’ACCE, ont laissé une place entière aux consommateurs, à la tête de la gouvernance effective de l’opération ; et c’est cet apprentissage organisationnel, ce collectif regroupant plusieurs cercles d’expérience, constitué des consommateurs et des experts, qui fait la richesse de ce projet.

1. Le projet Solai Lan Coat caractéristiques générales

1.1. Les caractéristiques techniques

6L’opération repose sur une installation photovoltaïque d’une puissance installée de 13,56 kWc, soit une production d’environ 19 MWh/an. Le tracker solaire est installé en juillet 2020 (75 m2 de panneaux solaires, 3,5 mètres de hauteur), raccordé puis mis en service le 20 août 2021, inauguré en septembre suivant (image n° 8).

Image n° 8. Tracker solaire2

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7L’installation est réalisée par une société tierce (OKwind) pour le compte de la SEM Energ’iV, filiale du Syndicat départemental d’énergie SDE 35 (figure n° 34), pour un coût total de 50000 €. Le projet a bénéficié d’une subvention à hauteur de 40 % par le Conseil Régional, portant sur l’investissement.

8Entre le 20 juillet 2020 et le 19 juin 2021, 13 800 kWh ont été produits et assignés à l’opération d’ACCE, c’est-à-dire après autoconsommation individuelle par la mairie ; du 19 juin 2021 au 19 juin 2022, ce sont 15 584 kWh qui ont été produits et assignés à l’opération (figure n° 32).

9Au dire des éléments échangés lors de l’assemblée générale, l’évolution des données s’explique par la météo. L’hiver a été plus clément, les consommateurs ont été également plus vigilants et enfin l’un des autoconsommateurs a été déconnecté de l’opération pendant deux mois pour des raisons liées à l’ajout d’un compteur individuel.

Figure n° 32. Répartition de la production dédiée à l’ACCE – juin 20223

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10Il y a 9 autoconsommateurs. En moyenne, 18,5 % de la consommation de chaque autoconsommateur résidentiel, 8 personnes, sont issus de cette production, 11 % pour l’autoconsommateur exploitant agricole. L’ACCE développée s’inscrit dans le périmètre classique de 2 km, qui couvre le cœur du village.

11L’association ne cherche pas actuellement à étendre son périmètre mais à disposer de nouvelles installations de production appartenant à d’autres producteurs que Energ’iV ou la commune, et ce afin d’intégrer de nouveaux consommateurs, qui se sont déjà manifestés, et réduire la dépendance du projet aux subventions.

1.2. Les caractéristiques juridiques et contractuelles

12Conceptualisée en 2017, l’opération a opté pour une organisation juridique souple, celle d’une PMO sous forme associative, regroupant les membres historiques, fondateurs et bienfaiteurs, et les membres actifs. Les statuts n’ont pas fait l’objet d’une discussion particulière lors de la réunion constitutive.

13L’objet de l’association est particulièrement large, ce qui lui permet d’envisager une évolution très flexible de ses activités. Ainsi, l’association « constituera notamment la personne morale organisatrice » (nous soulignons). Spécifiquement à ce rôle, il est notamment prévu que l’association, outre le rôle légalement prévu de co-contractant unique avec le gestionnaire de réseau, puisse s’assurer « de la gestion directe ou contractualisée de la facturation de la production autoconsommée entre ses membres » ; qu’elle puisse gérer « la vente d’électricité entre les membres de l’opération d’autoconsommation et fourni[r] des services associés (répartition dynamique, facturation, suivi des consommations, etc.) » ; qu’elle « atteste de l’information préalable des consommateurs et des producteurs du périmètre » de la conclusion de la convention d’ACCE ; qu’elle « participe au démarchage de nouveaux membres, producteurs et consommateurs » ; qu’elle soutienne de façon générale « toutes actions visant à la réalisation d’économie d’énergie » et enfin qu’elle promeuve « l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables et de récupération ». L’ensemble de ces actions est pleinement mobilisé par les membres actifs de l’opération, qui en font un véritable projet de territoire et une nouvelle arène de réflexion collective autour des enjeux énergétiques (3.).

14Du point de vue du réseau, il y a un producteur, le PDL du tracker, et 9 PDL autoconsommateur. La production est d’abord consommée en ACI par la commune, et le reste intègre l’ACCE (figure n° 33). L’installation de production est la propriété d’Energ’iV, qui l’exploite pour le compte de la commune. C’est la commune qui adresse la facturation sous la forme d’une créance publique, un titre de recette semestriel visant à recouvrer la quantité d’électricité vendue.

Figure n° 33. Schéma de la répartition des flux physiques et contractuels d’électricité

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15Enfin, l’offre proposée d’autoconsommation repose sur des tarifs fixés au regard du tarif réglementé : un prix de vente stable, égal ou inférieur au tarif réglementé. Au regard des dernières factures adressées, le tarif appliqué est moins élevé que celui du tarif réglementé (images 9 et 10).

2. Un projet ancré dans un territoire sensibilisé à la transition énergétique

2.1. Une opération rapidement ouverte au collectif d’habitants

16Langouët est marquée par le développement d’une politique publique engagée sur les enjeux environnementaux et sociaux, sous les mandats successifs de Daniel Cueff (1999-2020), avec, par exemple, dès 2003, des repas de la cantine préparés sur place avec des produits locaux et bénéficiant du label « Agriculture biologique », ou encore, plus récemment, l’adoption d’un arrêté municipal fixant des distances entre habitations et épandages de pesticides dans le cadre d’une activité agricole (produits phytosanitaires). La commune est membre de la communauté de communes Val d’Ille-Aubigné. Elle participe pleinement à la satisfaction des objectifs ambitieux de ce territoire, qui dispose d’un PCAET volontaire depuis 2011, qui est adhérent à la Convention des maires pour le climat, qui est membre fondateur du réseau national TEPOS et a disposé du label étatique « Territoire à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV) en 2015. La commune de Langouët est en outre adhérente à l’Agence locale de l’énergie et du climat du Pays de Rennes (ALEC) et plus particulièrement du Conseil en Énergie Partagé qui y est proposé, élément indispensable pour comprendre le contexte énergétique dans lequel s’insère et se déroule projet.

17Lorsque l’opération débute, la municipalité est alors déjà fortement mobilisée sur la réduction des consommations d’électricité de son patrimoine, particulièrement en prenant appui sur son bilan énergétique dédié fourni par l’ALEC, et sur la satisfaction attendue des objectifs du PCAET, surtout pour les bâtiments publics. Elle s’est engagée dans une démarche globale de sobriété énergétique (par exemple, absence d’éclairage public entre 21h et 6h en hiver, pas d’éclairage en été) et de développement d’une production et d’une consommation locale d’électricité de source renouvelable pour les usages publics (bâtiments municipaux, éclairage public, bibliothèque municipale etc.) depuis 2003.

18Le bilan énergétique de la commune réalisé par l’ALEC pour 2020 fait ainsi état d’une production d’électricité locale couvrant 152 % de l’électricité consommée dans les bâtiments communaux, le surplus étant revendu.

19La commune de Langouët est donc profondément marquée par l’influence de Daniel Cueff (mandat de 18 années consécutives) sur l’intégration des enjeux climat, énergie et biodiversité, maire lorsque l’opération est conceptualisée puis présentée aux habitants.

20Le développement de l’opération s’inscrit dans une réflexion plus large, opérationnalisée par la démarche Cradle to Cradle portée par la commune en 2017- 2018. Cette démarche concerne la requalification/restructuration du centre bourg avec la volonté de développer une démarche d’économie circulaire à impact positif. L’objectif affiché est de faire de la commune un terrain d’expérimentation inspirant et exemplaire, notamment dans la mise en place d’une mobilité décarbonée à l’échelle de la commune, la production, le stockage et la redistribution de la totalité de l’électricité nécessaire à la vie du bourg et de ses habitants par des énergies renouvelables :

« Daniel Cueff était dans une approche de réflexion, de développement de solutions locales, locales dans tous les axes, locales au niveau de l’alimentation, locales au niveau de l’énergie, pour donner, et donc c’est ça la réflexion » (un membre fondateur).

21Cette démarche est mise en œuvre par l’organisation d’ateliers citoyens, associant les habitants dans le choix des actions qui seront réellement développées :

« J’ai bien senti que Daniel Cueff avait créé une communauté d’habitants qui était dans son projet et qui était dans son projet plus global que l’autoconsommation électrique. (…) Ces gens-là travaillaient ensemble sur un projet innovant d’urbanisme pour la commune d’une manière générale, et faisaient confiance à leur maire, à toutes les parties prenantes du projet » (un membre extérieur).

22La notion d’autoconsommation collective apparaît dans le rapport demandé par le maire, et est présentée lors de ces ateliers :

« On a été guidé. Je me souviens même pas qu’on ait eu un choix. La question c’est : « est-ce que vous voulez racheter des électrons locaux et renouvelables dans la région ? » Oui, on dit oui, il n’y a pas eu : « est-ce qu’on peut faire autre chose ? »» (un membre consommateur).

23L’opération n’est donc pas une émanation des habitants eux-mêmes mais l’expression de la volonté de la municipalité de l’époque, et fortement portée par elle, et nommément par l’ancien maire Daniel Cueff :

« De toute façon, toute l’opération de l’asso vient à l’initiative de Monsieur Cueff, ça… Je rends à César ce qui est à César » (un membre consommateur).
« Il est clairement l’initiateur de ce projet. Sans lui, cela ne se serait pas fait » (un membre extérieur).

24Ce type d’initiative ne surprend pas et est plutôt bien accueilli dans une commune rurale où l’engagement collectif est courant, ainsi que l’engagement citoyen dans les politiques locales. Ainsi, pour exemple, « il n’y a pas de boulangerie, il n’y a pas de bar. C’est un bar associatif où, là encore, ce sont les citoyens qui sont mobilisés pour ouvrir le bar » (un membre actif consommateur). Le projet de plan local d’urbanisme a fait l’objet d’une contestation collectivement organisée : « pour le PLU, on s’est tous mis au courant. On se connaît tous à peu près dans le même quartier. On s’est tous mis au courant, puis on a échangé par mail. On a fait une réunion et on a décidé d’écrire un truc. Il y a eu une démarche commune. (…) C’est pas passé » (un membre consommateur).

25La forte personnalisation initiale de l’opération est donc rapidement atténuée par la constitution et l’association d’un collectif de consommateurs démarchés par le maire, qui ne dispose pas encore réellement de pouvoir dans la conception du projet, mais s’identifie déjà comme un groupe. C’est d’ailleurs lors d’une réunion de présentation que l’actuel président de l’opération, un citoyen autoconsommateur, est désigné :

« Quand le maire a proposé de faire cette opération-là, on était une dizaine d’habitants intéressés, et je me suis retrouvé à poser trop de questions à une réunion, donc je me suis retrouvé à être président de l’AG, président de l’association, comme quoi il ne faut pas ouvrir trop sa bouche (rires). Mais bon, ça ne me dérange pas, j’aime bien quand même le sujet » (un membre consommateur).

26Mais ce collectif doit initialement se reposer sur une expertise technique et économique. Porté par une commune, le projet fera l’objet d’une co-construction opérationnelle avec un acteur classique de l’investissement public : une SEM (société d’économie mixte).

2.2. La recherche d’un modèle économique et juridique par le véhicule « SEM » : une opération clef en main

27Si le maire Daniel Cueff apparaît donc comme l’épicentre du démarrage de l’opération, il est accompagné par un premier collectif d’acteurs « sachants », experts sur les questions énergétiques et souhaitant développer un projet innovant : la SEM, Enedis, l’ALEC.

28Ainsi, l’un des membres bienfaiteurs a réalisé des campagnes de mesure sur les bâtiments concernés,

« donc des campagnes de courbes de charge électrique, pour savoir à quel moment de la journée ils consomment de l’énergie électrique et quelle consommation globale ça représente, pour pouvoir regarder les bâtiments de la commune, cela va représenter combien de la production locale ? Je l’avais fait sur tous les bâtiments » (un membre bienfaiteur).

29Comme le souligne l’un des membres fondateurs, « on a eu la chance, surtout… C’est surtout les syndicats qui payaient ces études. Pour une petite commune, ce n’est pas possible. Il faut que ce soit clé en main pour nous » (un membre fondateur) ; et ce d’autant plus que le projet est lancé en 2017-2018, lorsque le cadre juridique et économique demeure imprécis. Ainsi « c’est complexe, et ça l’était encore plus il y a 3 ans. C’était encore plus flou. Il y avait peu de projets en cours, c’est nous qui avons fait ça sur Langouët » (un membre fondateur).

30Outre la réalisation des études de faisabilité, le montage économique repose également sur ces partenaires. L’installation de production est financée entièrement par la SEM Energ’iV, filiale du SDE 35, le Syndicat départemental d’énergie 35 (figure 34).

Figure n° 34. Actionnariat Energ’IV

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31La SEM supporte l’installation puis l’exploitation de la centrale, pour le compte de la commune, sur une durée de 25 ans et est titulaire de la convention d’autoconsommation collective.

32Si c’est donc un collectif de « sachants » qui a développé et présenté le modèle économique, la main est ensuite très rapidement passée à un collectif plus étendu, centré sur les consommateurs.

2.3. Un choix revendiqué d’ouvrir la gouvernance aux consommateurs

33La conception du projet est entre les mains de « sachants », mais sa vie est déterminée par le collectif de citoyens consommateurs, en relation étroite avec la municipalité :

« Maintenant, nous sommes plus en retrait. (…) Au tout début du projet, la parole était celle de X à l’époque, le technicien en charge et qui a monté cela. Il était très écouté et aussi parce qu’il a une bonne approche. Il vient informer mais les décisions sont prises collectivement après » (un membre fondateur).

34Cette attention portée au développement d’une gouvernance collective, intégrant pleinement les consommateurs, se reflète directement dans les règles de représentativité propres à l’association, rédigées lors de la détermination du modèle, donc en amont de la constitution d’un collectif de consommateurs. C’est la SEM Energ’iV qui a conçu la structure juridique de l’opération : « il fallait une expertise administrative et juridique que nous avons. (…) On a participé au lancement » (un membre fondateur).

35Ainsi, lorsque l’opération est présentée aux consommateurs, « il y avait les statuts, il y avait Enogrid qui était déjà dans la boucle et Energ’iV aussi. Nous sommes arrivés, il n’y avait plus qu’à prendre la place du président, trésorier, secrétaire, les statuts étaient quasiment prêts, etc. » (membre consommateur) ; ce qui n’a pas fait l’objet d’une contestation ou d’une crispation en raison du positionnement d’expert des auteurs du document :

« Oui, oui, ça m’a plu. Oui, parce que j’arrivais, le travail était déjà fait. J’avais juste à démarcher la banque pour ouvrir un compte en banque et c’est tout, donc c’est bien. Et puis c’était bien gaulé. Si ça avait été mal foutu, j’aurais râlé. Je n’aurais pas accepté. C’était bien foutu » (un membre consommateur).

36Cette attention à l’instauration d’une gouvernance collective, mêlant « sachants » et consommateurs plus classiques, est également particulièrement présente dans la liberté accordée aux consommateurs quant à la détermination de la clef de répartition, dont on sait qu’elle a pu faire l’objet de débats au niveau national (Fonteneau, 2022).

2.3.1. Une vie des statuts favorable au citoyen consommateur

37Initiée en 2017, l’opération développée est la première pour l’ensemble des acteurs impliqués. Le choix d’une structuration associative pour la PMO s’est imposé naturellement au dire d’acteurs, en raison de la facilité apparente qu’offre ce cadre.

38Les statuts reposent sur la recherche d’une égalité entre les membres effectifs du projet, en fondant les règles de représentativité sur une distinction par catégorie de membres, catégories pouvant se cumuler dans des cas explicitement prévus. On retrouve trois catégories. D’abord, les membres fondateurs, c’est-à-dire tous les membres présents lors de l’assemblée générale constitutive (liste annexée au statut) ; ensuite les membres actifs, soit tout producteur ou tout consommateur d’électricité à jour de ses cotisations et faisant partie de l’opération d’ACCE en ayant conclu entre eux un contrat de vente ou d’achat d’électricité ; enfin les membres bienfaiteurs, à savoir toute personne physique, morale, collectivité ou association à jour de ses cotisations ne répondant pas à la définition de membres actifs mais soutenant financièrement l’association. Il s’agit notamment du SDE 35 (Syndicat départemental d’énergie 35) et de l’ALEC (Agence locale de l’énergie et du climat). Il est explicitement prévu qu’un membre fondateur peut être un membre actif s’il remplit les conditions de la définition. En ce sens, Energ’iV est ainsi membre fondateur et membre actif dans son rôle de producteur pour le compte de la commune ; les autoconsommateurs actuels sont membres fondateurs et membres actifs. De même, un membre fondateur peut être un membre bienfaiteur, étant entendu que, dans ce cas, le membre fondateur ne peut être un membre actif et membre bienfaiteur.

Figure n° 35. Schéma organisationnel de l’opération d’ACCE

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39Enogrid est un prestataire de services pour le compte de la PMO qui met notamment à disposition de l’association une solution logicielle pour la gestion de l’opération, sous forme d’une plateforme web permettant aux membres actifs de disposer des données puis suivre leur consommation. Ce prestataire est également chargé de mettre en œuvre le coefficient de répartition choisi par les membres de l’association et de transmettre ces données à Enedis. Il joue un rôle important dans la vie de l’association, en offrant une solution technique et ergonomique pour le suivi des différents flux, importance qui peut générer des coûts intermédiaires qui ne sont pas négligés par le collectif PMO (5.1.).

40Les différentes catégories de membres de l’association (fondateurs, bienfaiteurs, actifs) permettent de déterminer le droit de représentation lors de l’Assemblée générale (figure n° 36), puis le droit de vote (figure n° 37) : 1 personne 1 voix (en cas de partage, la voix du président de l’association étant prépondérante).

Figure n° 36. Part représentative de chaque catégorie de membre

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Figure n° 37. Répartition des droits de vote aux assemblées générales

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41Les membres bienfaiteurs ne disposent donc pas du droit de vote. Les statuts prévoient explicitement que cette catégorie leur permet de disposer d’un retour d’expérience et de l’affichage de l’opération d’autoconsommation. Il y a une certaine décorrélation entre le soutien financier direct (subvention, investissement) et indirect (analyse énergétique) à l’activité et la gouvernance. Cette catégorie permet de maintenir des liens forts entre les acteurs initiateurs du projet et de poursuivre des actions communes en matière de sobriété énergétique. Les initiateurs participent donc pleinement à l’animation du collectif, réduisant les coûts intermédiaires sur ce point.

42Ce constat s’observe également au Conseil d’administration (figure n° 38). Ainsi, si des administrateurs de droit sont identifiés parmi les membres fondateurs, ils demeurent minoritaires en termes de représentativité (2 contre 3 membres élus parmi les membres actifs). Ces membres de droit sont nommément désignés par les statuts et correspondent au couple de « producteur » (Energ’iV et la commune) de l’opération, tandis que les membres actifs élus ne sont que des consommateurs, sans que cette dernière spécificité ne soit prévue par les statuts. Il s’agit ainsi d’une répartition contextuelle.

43Au sein du bureau (figure n° 39), seuls les administrateurs de droit et les membres actifs peuvent être représentés. Actuellement, seuls des membres actifs consommateurs occupent les sièges.

Figure n° 38. Répartition actuelle des membres et droits de vote au conseil d’administration

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Figure n° 39. Composition actuelle du bureau

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44Cette représentativité des consommateurs est une caractéristique qui semble déterminante pour les acteurs « sachants » (membres fondateurs, administrateurs de droit), qui cherchent à reproduire ce type de schéma d’investissement citoyen : « que cette opération a pu intégrer des habitants de la commune, je pense que c’est vraiment un point positif » (un membre bienfaiteur).

2.3.2. La maîtrise par les consommateurs de la détermination de la clef de répartition : le choix de l’équité

45Si les statuts sont prérédigés, ce sont les consommateurs qui ont pris en charge une des dernières étapes du projet, celle de définir la clef de répartition de l’opération :

« Parce que, du coup, c’est nous, en tant que pilotes de la répartition, qui décidons des critères, et à chaque AG, moi, je pose la question : « est-ce qu’on revoit ou est-ce qu’on ne revoit pas ? Est-ce que ça vous semble juste ? »» (un membre du bureau).

46Celle-ci est dynamique et fait écho à deux éléments, d’abord, la volonté de maximiser le taux d’autoconsommation, ensuite, la volonté d’assurer une répartition équitable.

47Ainsi, l’application de la clef de répartition distingue deux tours. Lors du premier tour, chacun reçoit la même part, la production est divisée par le nombre d’autoconsommateurs : « on cotise tous 20 balles par an pour ça. C’est le critère simple » (membre du bureau). Ce premier tour est donc parfaitement égalitaire. Toutefois, dans ce cas, les autoconsommateurs ont identifié une perte potentielle si, à l’issue de ce tour, un des membres n’a pas consommé.

48Lors du second tour, c’est donc le restant du premier tour qu’il s’agit de répartir. Le choix est fait d’instaurer un critère économique de répartition : « c’est-à-dire tous ceux qui font une activité économique locale bénéficient de deux parts, alors que les autres bénéficient d’une part sur ce deuxième tour » (un membre du bureau). Sont ainsi favorisés l’exploitation agricole et les télétravailleurs4, dans un souci d’équité, afin de couvrir le maximum de leur consommation par une électricité moins coûteuse pour des usages qui ne peuvent être ni réduits ni déplacés.

3. Les motivations à participer au projet d’ACCE

49L’ordre de présentation choisi ne reflète pas de hiérarchisation explicite mais plutôt un faisceau de motivations qui sont apparues au cours des entretiens.

3.1. Consommer l’électricité verte et locale : un désir d’autonomie sans indépendance par rapport au réseau

50Dans un contexte où la commune dispose depuis 2003 d’une politique de valorisation des produits agricoles locaux (particulièrement à la cantine) et que le projet a émergé lors d’une réflexion sur l’application locale d’une démarche Cradle to Cradle d’économie circulaire à impact positif, il n’est pas étonnant que la motivation qui se présente immédiatement pour l’ensemble des acteurs interrogés est celle de participer à la production et à la consommation d’électricité « verte » et « locale » :

« C’est vrai que, dès le début, c’est quand même ce qui a été aussi vendu aux habitants de la commune, c’était de produire une partie de leur énergie localement » (un membre bienfaiteur).
« Le premier argument très fort et j’insiste dessus car c’est le plus important et je ressens une volonté des gens de participer à ça qui est de dire : « on a un projet local collectif qui va nous permettre de créer du lien et c’est vertueux pour la planète ». C’est vraiment important. S’il n’y a pas ça, pour eux, il n’y a pas d’intérêt à être dans la boucle a priori puisque, surtout au début, on ne leur propose pas de l’énergie moins chère » (un membre fondateur).
« Vous êtes passée dans la commune, vous avez vu notre atelier communal où il est couvert de panneaux solaires. Ça, et les autres panneaux qu’on a sur les autres bâtiments, ça rapporte 12 000 euros par an. (…) Et l’autoconsommation collective, c’est un plus qui nous a permis d’atteindre 152 % [part de la consommation autoproduite sur le territoire de la commune pour les besoins de la commune]. On devait être à 110, 120 avant » (un membre fondateur).

51Cette motivation au local se retrouve également dans le choix de recourir à un tracker :

« Ça crée des emplois, en plus, on a quand même une filière… Là, c’est un tracker qui a été fait par OKwind à Vitré [Torcé, environ 50 km de Langouët], même si les panneaux ne sont pas faits à Vitré évidemment. Mais je trouve que c’est bien aussi qu’on ait une filière locale. Tout ça, c’est plutôt bénéfique » (un membre fondateur).

52Le localisme n’est pas l’expression d’une revendication à l’indépendance énergétique du territoire par rapport au système centralisé, mais la recherche d’abord d’un degré d’autonomie dans la couverture des besoins en électricité des bâtiments municipaux « et de mémoire, à l’origine la volonté du maire était plus ambitieuse que ça. C’était de produire la totalité d’énergie de la commune via ce type d’opération » (un membre bienfaiteur) puis d’offrir cette possibilité aux citoyens :

« - Parce que OK vous changez, mais ce n’est pas pour autant que vous avez une contrainte sur ne pas avoir d’électricité quand il n’y a pas de vent, pas de soleil…
 - Le réseau est l’assurance ?
 - Voilà. Daniel Cueff a très bien compris tout cela dès le début et honnêtement c’est une des expériences les plus marquantes et les plus sympathiques de ma vie et des plus intéressantes que d’avoir été associé à ce projet dès le début, pour plein de raisons » (un membre extérieur).
« Il y a un juste compromis à y aller. Je suis très favorable à la cantine bio qui fonctionne à Langouët, mais ça peut pas être que local. De toute façon, il n’y aura jamais de poisson à la cantine (rires). (…) Est-ce qu’on peut tout faire en local ? La réponse est non. Sinon, là, on va retomber. C’est le juste milieu. (…) Moi, je suis plutôt un adepte de solutions milieu, mais je n’exclus pas, c’est pas pour ça que je suis contre le localisme, même en réflexion sur l’énergie » (un membre fondateur).

53Il apparaît que l’enjeu de l’accès au service public national de distribution est perçu par les consommateurs :

« Ce qui me déprime, c’est que je connais plusieurs individus qui ont les moyens ou des compétences techniques d’installer des panneaux photovoltaïques chez eux à moindres frais. Ils s’équipent mais ils se mettent en autonomie, ils se coupent du réseau. (…) Moi, ça me pose deux questions. Un, leur surplus est perdu, parce qu’ils se coupent carrément du réseau. Et en plus de ça, ça veut dire qu’ils se désabonnent du réseau, donc ils font porter le poids de l’entretien des réseaux sur le reste de la collectivité qui, elle, n’a pas les moyens de s’équiper. J’essaie de discuter avec eux, les convaincre et tout ça » (un membre du bureau).

3.2. Stabiliser les coûts énergétiques

54Sans savoir si le contexte de crise énergétique accentuée par la guerre en Ukraine participe de la formulation de cette motivation, il apparaît que la stabilité des prix de l’énergie qu’offre le modèle juridique et économique est un facteur d’adhésion, ou du moins qu’il est porté tel quel :

« Le deuxième argument qui doit venir rassurer est que, financièrement, ils finiront par être gagnants. (…) Il faut que nous arrivions à produire un modèle économique dans lequel ils ne vont pas payer l’énergie plus cher qu’avec un tarif bleu réglementé, pour qu’il n’y ait pas un impact trop fort de hausse sur leur facture au moment du début de l’opération. Après, notre argument qui est très fort, et qui touche les gens, est que, même si, au début, on est sur le tarif réglementé et pas mieux que ça, notre tarif va être stable pendant 15 à 20 ans car on connaît le coût de production de l’énergie sur le long terme » (un membre fondateur).
« Effectivement, on n’a pas gagné d’argent parce que le prix du kilowattheure qui vient du tracker et le prix du fournisseur, globalement, c’est le même. Par contre, ils pensent que, sur les dix, quinze, vingt ans, (…) le prix de l’énergie venant des fournisseurs va plutôt aller à la hausse. Et voilà, il y a beaucoup d’acteurs qui étaient aussi dans cette dynamique-là. (…) On souhaite à l’échelle de notre territoire en maîtriser une partie » (un membre extérieur).

3.3. Participer à l’acceptabilité sociale des centrales de production EnR

55Le choix d’une autoconsommation collective sur panneaux photovoltaïques apparaît pour de nombreux acteurs comme plus facile, en raison de l’acceptabilité sociale plus importante de cette technologie : « le solaire est beaucoup plus facile à implémenter et il n’y a pas de blocage en fait en quelque sorte » (un membre fondateur).

56D’ailleurs, dans ce projet, la centrale de production installée ne se caractérise pas par sa discrétion : poteau pivotant de 3,5 mètres de haut, 75 m2 de panneaux, en cœur de village, à proximité immédiate de la mairie et de l’école, à 200 mètres de l’église. En parallèle, la commune est pourtant déjà fortement équipée en panneaux photovoltaïques plus discrets depuis 2004. La mise en visibilité par le recours au tracker est donc volontaire :

« De notre côté, X, notamment, n’était pas hyper fan du tracker parce que ça coûte cher au regard de ce que ça permet réellement de produire. Je pense que c’était justement parce que c’était visible que c’est le choix qui a été fait localement » (un membre fondateur).
« Certains habitants ne trouvaient pas que c’était très joli au milieu du bourg. On apprécie, moi j’aime bien plutôt la technique, j’aime plutôt la technique donc moi, ça ne me choque pas plus que ça, mais je sais que d’autres, ça choque » (un membre fondateur, qui n’a pas participé au choix).
« Il y en a eu, il y en a eu, mais moins que de… Il y en a quelques-uns qui se sont plaints, mais moins que ceux qui sont contents. (…) Ça se voit [le tracker]. Moi, je trouve ça vache, mais après, ça va être très con, mais il n’y a pas un château fort à côté ou un truc de la Renaissance » (un membre actif consommateur).

57La visibilité du tracker fait partie intégrante du projet, parce qu’« il a fallu faire comprendre aux habitants que c’était une simple vue de l’esprit » (un membre actif consommateur).

3.4. L’ACCE, un outil de diffusion des enjeux de transition énergétique

58Initialement, le projet a une envergure plus large en termes d’adhésion des citoyens, avec davantage de consommateurs intégrés dans la boucle. L’idée défendue est alors d’utiliser l’opération d’autoconsommation collective comme un levier d’universalisation de la compréhension des questions énergétiques :

« Et puis, un des objectifs, je me souviens, du maire de Langouët, c’était aussi d’y associer des habitants qui ne s’intéressent pas forcément aujourd’hui à la création… Au domaine de l’énergie, c’était de pouvoir, via cette opération d’autoconsommation collective, de faire venir des habitants qui aujourd’hui ne se seraient pas intéressés à ces questions-là. C’est vrai qu’à Langouët, on a quand même beaucoup de personnes qui s’intéressent à ces sujets, c’est quand même une commune assez moteur, assez motrice, sur les questions énergétiques depuis très longtemps, puisque c’est vrai que là, l’opération d’autoconsommation collective était limitée en nombre de personnes. Finalement, la taille du tracker solaire ne pouvait pas permettre d’intégrer 100, 200 habitants de la commune. Ce qui avait été souhaité, c’est d’intégrer des habitants qui ne soient pas forcément… Qui ne connaissent pas le sujet de l’énergie. (…) C’était vraiment un des objectifs, je me souviens, c’était de… Parce que trouver 10 personnes, c’est ce que le maire de Langouët disait à l’époque, c’est que trouver 10 personnes sur la commune intéressées par le projet, qu’il pouvait les trouver très facilement en fait, et l’idée, c’était plus d’aller chercher aussi des personnes qui n’allaient pas venir comme ça » (un membre bienfaiteur).

59D’ailleurs, la connaissance des questions énergétiques passe par l’identification des acteurs territoriaux du système énergétique. Ainsi, un consommateur, engagé dans la transition énergétique à l’échelle de son habitation, interrogé sur sa connaissance du distributeur ou de la SEM Energ’iV répond, sans ambages « non ».

60Cette acculturation est soulignée par les acteurs concernés :

« Une fois qu’on s’est présenté, si. Une fois qu’on a fait deux réunions, les gens nous connaissent. À Langouët, dans l’association, il n’y en a pas un qui ne nous connaît pas. (…) On est identifié Energ’iV, on est identifié auprès des citoyens comme engagés dans les énergies renouvelables. C’est très clair. C’est un acteur très connu parmi les SEM de la région comme un des plus engagés dans les énergies citoyennes, plutôt reconnu par les gens que ça intéresse. Mais c’est vrai que, pour les citoyens lambda, quand on arrive notamment à Melesse [où un projet d’autoconsommation collective est en développement], les gens ne nous connaissent pas du tout (un membre fondateur).

3.5. L’efficacité énergétique sur les épaules du consommateur : le déplacement des consommations

61L’autoconsommation collective est également identifiée comme contribuant aux actions d’efficacité énergétique par un report des consommations, surtout chez les porteurs du projet :

« C’est que ce qu’apporte de très nouveau vis-à-vis des énergies renouvelables le dispositif d’autoconsommation électrique est que, par rapport à tout ce qui est vente, obligation d’achat, etc., on établit un lien entre la facture de consommation et la production des énergies renouvelables. Du coup, ça incite au changement de comportement des consommateurs, c’est-à-dire que quand vous vendez toute votre énergie au tarif, vous vivez pareil, mais quand vous avez un tarif d’autoconsommation, vous allez adapter votre comportement de consommateur à la production électrique de l’équipement qui est dans votre voisinage » (un membre extérieur).
« C’est vrai que là, c’est quand même quelque chose qui permet d’intégrer vraiment des différents acteurs dans le projet, et qu’ils puissent aussi prendre connaissance de leur consommation, chose qu’ils ne font pas forcément lorsqu’il y a une revente totale de l’électricité par exemple » (un membre bienfaiteur).

62Ce déplacement des temps de consommation n’est pas verbalisé par les consommateurs, qui se sentent par contre pleinement investis dans des actions de sobriété énergétique.

3.6. La sobriété énergétique prise en main par les consommateurs : un fil conducteur commun

63Comme le souligne l’un des membres fondateurs, « on fait attention quand on a sa propre production ». L’engagement vers la sobriété dépasse ce simple ce constat. La sobriété énergétique apparaît comme l’un des piliers des actions de l’association à destination de ses membres, comme la motivation principale de ses membres actifs en charge de l’animation. Ainsi,

« mon premier message, et je l’ai dit direct au discours [lors de l’inauguration], on aura beau couvrir tous les toits avec des panneaux photovoltaïques sur toute la commune, on n’arrivera jamais à être autonome. Ce n’est juste pas possible. Il faut qu’on fasse des efforts. Il faut qu’on baisse nos consommations. Il faut qu’on [le] fasse tous, d’où mes tableaux, pour baisser nos consommations. Aujourd’hui, avec une voiture hybride, je consomme quasiment la même chose que ma maison au démarrage » (un membre du bureau).
« J’avais bien aimé ce qu’il [un membre du bureau] avait dit en plus à l’inauguration, (…) au-delà de consommer localement son énergie, c’était aussi une volonté de réduire nos consommations, quoiqu’on n’y arriverait pas si on ne réduisait pas nos consommations énergétiques. Je trouvais ça bien… Je trouve ça super d’avoir intégré vraiment ces deux piliers de réduction de consommation énergétique et de consommation locale d’énergie. C’est vraiment un point fort important » (un membre bienfaiteur).

64Cette attention à la sobriété énergétique fait pleinement partie de la vie de l’opération, notamment grâce aux acteurs mobilisés lors du lancement et intégrés à la gouvernance.

65En effet, cette phase de structuration de l’opération est déterminante pour comprendre la vie et les épreuves actuelles de l’opération. Maintenant un fort dynamisme collectif, l’opération a pu dépasser des difficultés, particulièrement liées à l’imputation de la part autoconsommée sur le fournisseur tiers, et mettre en œuvre des actions d’information et de sensibilisation à la sobriété. Mais c’est également les choix initiaux de structuration de l’opération qui expliquent les épreuves actuellement identifiées (5.).

4. Un apprentissage facilité par des relations de confiance

66Le développement de l’opération prend forme en 2018, lorsque peu d’opérations sont actives et que les cadres juridiques et économiques font l’objet de vives discussions. Sa conception fait ressortir un apprentissage organisationnel, c’est-à-dire un « phénomène collectif d’acquisition et d’élaboration de compétences5 ».

67Ce phénomène est pleinement identifié par les acteurs « sachants », mais alors qualifiables de novices sur les questions d’autoconsommation, dès lors que le projet est envisagé par eux comme un projet pilote :

« C’est 4 ou 5 maisons. Sur le plan de la démonstration, c’est intéressant » (un membre extérieur).
« On va commencer par un tracker et on voit comment ça se passe. Et ensuite, on va augmenter le nombre de producteurs et au fur et à mesure le nombre de consommateurs. Mais c’est un projet qui doit se passer sur 10 ou 15 ans et pas se lancer dans un projet trop ambitieux d’un coup. Ça ne rentre pas économiquement. (…) Nous avons participé à simplifier le projet » (un membre fondateur).

68Ainsi, pour la phase de conception, des co-porteurs du projet ont pu apprécier le regard porté par les partenaires « experts », notamment Enedis :

« J’ai moi-même plus appris par les différents partenaires du projet, parce qu’à chaque fois, il y avait vraiment tous les partenaires associés, que ce soit Enedis… C’était surtout Enedis aussi qui suivait ça de près, (…) qui sont vraiment intégrés à ces projets d’autoconsommation collective. (…) J’ai assisté aux réunions. C’était plus des réunions d’échanges et collectives et de travail collectif sur le sujet. C’est vrai que ce n’est pas moi, je pense directement, qui ai eu un fort impact sur la création de ce projet, mais dans tous les cas, on était là pour apporter nos billes sur le sujet » (un membre bienfaiteur).
« On était accompagné par Enedis, (…) qui a été vraiment le moteur sur le sujet et qui est vraiment très bien, très bon interlocuteur, humainement super, très pédagogique, très disponible, bref, que des gens bien sur le projet » (un membre du bureau).

69Sur la phase de vie de l’opération, l’apprentissage organisationnel apparaît encore plus marqué, notamment grâce à l’accès commun aux données énergétiques de l’opération, permettant la création d’un dialogue entre acteurs.

4.1. La compréhension des données grâce une plateforme web commune

70La mise en place des compteurs communicants n’est pas un objet de tension ou de crispation. Il semble même que l’autoconsommation collective permette d’en démontrer l’intérêt :

« Nous étions en plein dans la période des compteurs Linky. Une bonne partie de mon job était d’intervenir dans les conseils municipaux pour expliquer le déploiement du compteur, commune par commune, et désamorcer toutes les peurs, (…) etc. Donc c’était super pour moi d’avoir ce projet qui utilisait les comptages pour avoir un sujet, Daniel Cueff étant un maire connu, avec un engagement écologiste » (un membre extérieur).
« De toute façon, il y avait un critère qui permettait de sélectionner les choses de base, c’était d’avoir un Linky. Sans Linky, rien n’est possible. (…) Et il y en avait un [habitant intéressé], quand on lui a dit : « tu n’as pas de Linky, tu ne viens pas, au revoir ». Ça calme le débat » (un membre consommateur).

71L’accès aux données de l’opération est perçu comme indispensable aux différents acteurs, et c’est d’ailleurs en ce sens que la PMO conclut une convention de service avec Enogrid, offrant notamment les services d’une plateforme web sur laquelle les différents acteurs peuvent retrouver individuellement leurs consommations. Également, le président de la PMO dispose d’un accès spécifique, en qualité d’administrateur, lui permettant de disposer des connaissances sur l’équilibre des flux de l’opération. Enfin, cette entreprise est celle qui est chargée de préfigurer les factures.

72Dès lors, l’accès aux données est une condition primordiale à la réussite de l’opération en ce qu’il participe du dialogue et de l’articulation des rôles entre les acteurs du projet et qu’il permet l’identification des points d’amélioration possibles de l’efficacité énergétique de l’opération :

« Alors, pour moi, un acteur essentiel, je le redis, je ne leur fais pas de pub plus que ça, mais c’est une super boîte, c’est Enogrid. Sans eux, rien n’est possible, rien n’est clair, rien n’est efficace » (un membre du bureau).

4.1.1. Pour le dialogue et l’articulation des rôles entre acteurs

73La gestion des données est indispensable lors des moments forts de la vie d’une opération, comme le contrôle de l’application du coefficient de répartition et la facturation :

« Tous les 20 du mois, Enogrid fait les calculs, donc elle prend par demi-heure les données, voit combien il y a de production, voit comment elle est répartie sur chaque compteur Linky, ré-envoie ses calculs d’attribution à Enedis, qui les redistribue aux fournisseurs d’énergie. La facture est automatiquement prête sur le site d’Enogrid et la mairie n’a plus qu’à les télécharger » (un membre du bureau).

74Mais l’accès aux données est également un temps propice à l’expression des besoins des membres actifs de l’opération et encourage l’amélioration continue du processus :

« Il y a un tableau de bord qui va permettre de… Qui permet et qui s’améliore encore parce qu’ils m’ont montré des trucs et puis je n’arrête pas de leur faire des suggestions, donc ils appliquent… Je suis chiant mais ça fait du bien » (un membre du bureau).
« Ils nous font remonter un certain nombre d’informations et ils organisent des formations qui nous permettent à nous aussi de nous tenir informés des évolutions juridiques, administratives, économiques des projets » (un membre fondateur).

75Enfin, la facilité d’usage de la plateforme choisie est directement citée comme un outil pour la simplification de la vie de l’opération :

« On les juge utiles pour nous simplifier la vie d’un point de vue suivi des consommations, facturation, etc. Ils ont un outil (…) qui est efficace, qui est beaucoup plus simple à lire pour les consommateurs que le compteur Linky. On a plutôt de bons liens avec eux » (un membre fondateur).

4.1.2. Un outil indispensable pour appuyer les économies d’énergie à titre individuel

76L’accès à la plateforme web est utilisé différemment selon les profils, puisque tous les membres actifs n’y ont pas directement accès. Seul le président de la PMO, comme administrateur, en dispose, mais il peut agir comme un intermédiaire et diffuser à chacun des membres ses propres courbes de consommation interne à l’opération :

« Nous, avec Enogrid, ce qui est bien, c’est qu’on a un tableau de bord. (…) Derrière, ils vont nous permettre de distinguer la part d’autoconsommation, la part d’énergie locale, la part d’énergie auprès du fournisseur d’énergie à la date près, et ça, c’est bien » (un membre du bureau).

77Si le président de la PMO, particulièrement féru de domotique et de pilotage pour sa consommation électrique, utilise les informations de la plateforme pour réaliser ses courbes de consommation individuelle, il explique que : « moi, je l’ai [l’accès], parce que je suis administrateur du site Enogrid, donc je reçois tous les statuts et, après, s’ils ont besoin de leurs données perso, je peux leur envoyer. Mais personne ne me les demande ».

78Cette limite de la sensibilisation à la sobriété énergétique par l’usage d’une plateforme web est identifiée en interne :

« C’est pour ça que je pense que cette soirée de sensibilisation [infra. 4.3], qui était complètement décorrélée de la plateforme, elle était, je pense, vraiment intéressante, d’autant plus pour ces personnes qui ne vont pas forcément sur… Ou qui ne sont pas intéressées par ces questions numériques ou plateformes » (un membre bienfaiteur).

79La sobriété énergétique, pleinement identifiée comme l’une des motivations à l’autoconsommation, prend donc appui sur d’autres mécanismes, prenant des formes plus classiques, celui d’un atelier animé par l’un des membres bienfaiteurs de l’opération (cf. infra. 4.3).

4.2. Partager les informations pour surmonter certaines épreuves : lʼexemple de la facturation

80Les réunions entre les acteurs, hors temps de vie collective de l’association, sont très fréquentes et indispensables à la vie du projet, particulièrement entre les acteurs professionnels « sachants » et les membres actifs :

« Oui, on est accompagné par Energ’iV. On fait des points juridiques. On en a fait un il y a trois ou quatre mois, et on va en refaire un suite à ma dernière réunion. Enogrid aussi qui suit ça, pareil, pour savoir ce qu’ils ont le droit de faire et pas faire. Et Enedis, qui malgré tout nous supporte bien. J’étais encore ce midi au téléphone avec lui » (un membre du bureau).
« Et on continue à accompagner leurs pas dans la même mesure qu’au moment du lancement. Parce que là, on va dire que le système est rodé et fonctionne. Mais, malgré tout, on a des relations et des échanges réguliers avec (…) le président de l’association et la mairie de Langouët. (…) Et puis on accompagne le collectif de citoyens pour répondre à leurs questions sur les évolutions réglementaires qui sont en cours, sur des évolutions également, peut-être de périmètre sur demain. Ça a été le cas de nos derniers échanges. Ils souhaitent intégrer de nouveaux producteurs. Comment ? Même si c’est marqué dans les conventions. Mais comment ? » (un membre extérieur).

81L’intégration d’un nouveau producteur constitue le défi actuel auquel est confrontée l’opération. Toutefois, la gestion de la facturation a été, et est toujours, au cœur d’échanges soutenus entre les acteurs, et exemplifie les difficultés opérationnelles du projet. Seuls ce dialogue constant et cette recherche commune d’une solution la plus adaptée aux demandes des autoconsommateurs – le moins de factures possible – permet d’entrevoir un dépassement de ce défi et constitue clairement un jeu d’apprentissage collectif entre les acteurs du projet.

82Le montage juridique et économique de l’opération distribue les rôles : à la SEM Energ’iV celui de producteur pour le compte de la commune, à la commune celui d’autoconsommer de façon individuelle la production du tracker et de vendre le surplus aux membres de l’autoconsommation collective.

83Dès lors, les membres actifs consommateurs ont deux factures : celle éditée par la commune et celle de leur fournisseur tiers. La mise en œuvre de l’opération révèle sur ce point deux difficultés qui sont partiellement résolues, et ayant donné lieu à une montée en compétences des acteurs concernés.

4.2.1. Des solutions trouvées pour les consommateurs : le rôle essentiel d’Enedis

84Contrairement à d’autres opérations d’autoconsommation collective, les membres actifs consommateurs ont affaire à deux facturations qui ne sont pas articulées puisqu’elles proviennent d’acteurs différents et ne concernent pas les mêmes flux. Dès lors, il y a eu des difficultés certaines de mise en œuvre, liées à la fois à la temporalité de la facturation…

« Ils ont opté pour une facturation annuelle, ce qui est formidable puisque nos fournisseurs nous facturent mensuellement pour la plupart, donc c’est un bordel sans nom (rires) » (un membre du bureau).

85… et à la compréhension par les fournisseurs tiers de la nature juridique de ce qu’est une opération d’autoconsommation collective :

« Quand le fournisseur fait une erreur de facturation, les interlocuteurs qu’on a auprès de ces fournisseurs ne sont pas forcément au fait de ce qui se fait. Quand on leur parle d’autoconsommation collective, ils peuvent vous envoyer chier purement et simplement, en disant : « c’est comme ça votre compteur, c’est ça que vous devez payer »» (un membre du bureau).

86Le second problème est directement pris en charge par Enedis :

« Je considère que cela fait partie de notre métier. C’est plutôt le métier du fournisseur mais ça fait partie de notre métier de relayer au fournisseur les anomalies de factures que nous détectons. (…) Car le comptage et les données de comptage font partie de la mission que nous avons en propre de par la loi » (un membre extérieur).

87Plus spécifiquement, « tout dépend où se situe l’erreur. Si on fait la bonne soustraction et que c’est dans le processus de facturation, c’est le fournisseur. Si le fournisseur reçoit des données et qu’on ne fait pas la bonne soustraction production moins consommation, là, c’est de notre faute. Il faut regarder de près » (un membre extérieur).

88Sur l’opération, le référent d’Enedis a donc pris en charge d’abord individuellement cette difficulté, en contactant au besoin les fournisseurs concernés. Désormais, il est indiqué que des informations de ce type remontent dans les instances internes pour procéder aux corrections. Lors de la dernière Assemblée générale (juillet 2022), 7 des 9 autoconsommateurs avaient toujours des difficultés. Le référent Enedis, aidé par le président de la PMO, est, spécifiquement pour ce projet, en charge d’assurer l’interface avec les fournisseurs. Il a également été relevé que les fournisseurs, s’ils n’appliquent pas directement la part autoconsommée sur la facture, émettent par contre des avoirs. Outre le fait que les autoconsommateurs expriment un certain déplaisir à voir se multiplier les papiers, ils font aussi état d’un manque d’information sur ces avoirs, notamment sur la périodicité concernée, ce qui les empêche de contrôler que les fournisseurs tiers ont bien pris en compte les flux autoconsommés.

89Cette difficulté peut s’atténuer à l’avenir, les fournisseurs présents sur le marché français étant désormais un peu plus acculturés au fonctionnement des opérations et Enedis ayant développé une API visant à constituer une « passerelle entre notre système d’information et un système d’information tiers qui permet de sécuriser et de fiabiliser ces flux d’information et d’éviter peut-être un certain nombre d’erreurs de traitement manuel par des entités tiers » (un membre extérieur).

90Toutefois, en passant par le contrôle précis des données et un dialogue facilité entre les membres, un message de prévention continue d’être délivré par le président de la PMO : « je demande régulièrement à tous mes membres de vérifier leur facture, parce que c’est pas des gros montants au final. Mais c’est pas l’objectif qu’ils paient en double en fait » (un membre du bureau).

4.2.2. L’absence de solution pour la commune, éditrice des factures

91La commune est chargée de cette nouvelle activité. De nouveau, il y a eu une co-construction et une montée en compétences des acteurs : « il se trouve que chez Energ’iV et SDE5, la responsable financière, (…) honnêtement, elle nous a énormément aidés. Elle a aidé. On a fait une réunion où elle était là pour expliquer au trésorier comment on allait faire » (un membre fondateur).

92Pour ce faire, la commune émet un titre de recette du Trésor Public (image n° 9). La commune joint à ce titre de recette un feuillet, élaboré par Energ’iV, ressemblant davantage à une facture de fournisseur classique (image n° 10).

Image n° 9. Titre de recette du Trésor Public valant facture

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Image n° 10. Le feuillet de vulgarisation

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93Le consommateur reçoit dès lors deux documents : l’un, assez peu explicite, portant recouvrement d’une créance, l’autre, plus accessible, mais sans aucune valeur juridique. À ces deux documents s’ajoute la facture du fournisseur tiers.

94Cela a demandé la création d’un budget spécial, en M14, ce qui n’est pas au cœur de la difficulté. L’enjeu se situe en termes de coût en ressources humaines. Ainsi, malgré le soutien de la plateforme web qui procède à la pré-édition des factures,

« c’est beaucoup d’énergie pour une petite commune, avec des moyens administratifs limités qui se limitent à une secrétaire de mairie qui doit faire l’urbanisme, les factures, la cantine, l’école, tout ça. C’est en ce sens-là où je vous dis que, dans l’esprit, je suis assez d’accord, dans la traduction du quotidien, on n’a pas un centre de facturation d’EDF » (un membre fondateur).

95La commune se place donc dans un rôle explicitement en opposition avec celui d’un fournisseur classique et cherche des solutions pour réduire ces coûts. L’hypothèse d’une embauche dédiée ayant été exclue, la solution est d’annualiser les factures :

« J’ai dit à ma secrétaire de mairie « on va faire les factures à l’année », parce que de toute façon, même à l’année, c’est quelques centaines d’euros, même pas. Je pense que ça parle avec l’exploitation, on n’atteint peut-être pas 100 euros. (…) Le budget de la commune, c’est à peu près 500000 euros. Le budget annexe de l’autoconsommation collective, c’est 5000 euros. Il ne faudrait pas quand même que l’on passe plus de temps à gérer celui-là que celui de 500000 » (un membre fondateur).

4.3. L’intégration des prestations de sobriété énergétique dans la gouvernance : la réduction des coûts dʼintermédiation

96Reflétant les motivations et avantages de l’autoconsommation collective identifiés par les acteurs, la vie quotidienne du projet est rythmée par des actions de sensibilisation à la sobriété énergétique.

97Le montage juridique, plaçant l’ALEC comme membre bienfaiteur et la commune comme membre fondateur et administrateur de droit, permet à l’opération de bénéficier d’un accompagnement gratuit, assuré par l’ALEC, dans cette animation, ce qui réduit les coûts d’intermédiation. Ainsi,

« quand la question nous avait été posée pour qu’on soit membre bienfaiteur à Langouët, on avait vu ça d’un bon œil parce que c’est vrai que ça rentre vraiment dans nos missions de sensibilisation et de mobilisation des acteurs du territoire. Pourquoi pas ? Après, c’est toujours ces questions, et je me souviens qu’il y avait eu des échanges là-dessus. Au départ, c’est toujours le financement de nos actions en tant qu’association, on ne peut pas aller passer du temps sur des actions qui ne sont pas financées. Je pense que oui. Cela nous intéresse, s’il y a un financement de l’action » (un membre bienfaiteur).

98La commune est adhérente à l’ALEC (1,50 €/hab/an) et plus particulièrement du Conseil en énergie partagé proposé par cet acteur. Les prestations sont donc pleinement intégrées au bénéfice de l’opération :

« Je pense que c’est vrai que notre rôle en tant qu’ALEC, là, c’est les actions de sensibilisation et d’accompagnement des habitants, ça rentre pleinement dans nos missions. C’est aussi pour ça qu’il y avait eu un souhait du maire de l’époque pour que l’on soit membre bienfaiteur, si je reprends le terme » (un membre bienfaiteur).

99Après une première année de fonctionnement, afin de pouvoir dresser un bilan énergétique de l’opération, un atelier de sensibilisation à la sobriété énergétique est animé par l’ALEC, à destination des membres actifs de l’opération6. Deux objectifs y sont assignés : adapter la consommation d’électricité à la production du tracker et travailler sur la réduction de la consommation énergétique par la mise en place d’écogestes.

100L’analyse porte sur les questions suivantes : comment et quand les consommateurs consomment l’électricité du tracker ? quelle part cela représente-t-il sur leur consommation finale globale ? L’enjeu est de leur montrer « qu’ils avaient intérêt, soit à modifier tel comportement pour favoriser la production locale d’électricité et puis aussi favoriser, via les écogestes, la réduction purement et simplement de leur consommation énergétique » (un membre bienfaiteur). Il s’agit donc d’un atelier adapté et dédié aux cas individuels.

101Les retours sont positifs :

« On a bien vu qu’il y avait certaines personnes qui ne connaissaient pas… D’ailleurs, quand je leur ai présenté leur courbe de charge électrique, donc quand est-ce qu’ils consommaient leur électricité, ils étaient surpris par certains moments de la journée et, du coup, ils se sont posé la question : « ah oui, c’est vrai. À tel moment, c’est soit mon chauffe-eau électrique qui se met en route, c’est telle chose qui se met en route ». Et, du coup, je pense que ce sont des choses qui restent ensuite, et qu’ils se disent : « c’est vrai qu’à tel moment, j’ai ça qui consomme l’électricité ». Et c’est ça que j’ai trouvé intéressant dans cette action de sensibilisation, c’est qu’on puisse vraiment croiser les usages avec leur consommation ou leur historique de consommation énergétique » (un membre bienfaiteur).
« Quand on analyse, on peut voir des problèmes aussi. On peut voir un chauffe-eau qui marche trop ou qui est mal réglé ou qui… C’est aussi très intéressant dans la démarche. J’avais trouvé cela très intéressant, et c’est pour ça que, si l’on pouvait étendre à plus d’habitants, forcément, on aurait un effet sur plus d’habitants » (un membre fondateur).

« On a fait un atelier ALEC au mois de septembre, qui a été super, où, en fait, on a analysé nos différentes courbes de charge. Donc on en voit certains qui maîtrisaient bien, d’autres pas du tout. On en a vu un qui avait un truc qui sautait toutes les deux heures, mais un pic monstrueux. Je pense qu’il avait un problème de chauffe-eau. J’espère qu’il l’a réglé depuis » (un membre consommateur).

102Cette approche opérationnelle de la recherche d’une efficacité énergétique de l’opération et d’une sobriété énergétique de ses membres est l’un des points forts de la montée en compétence et du retour d’expérience du projet.

103Lors de la dernière Assemblée générale (juillet 2022), à la date d’écriture de cette monographie, la consommation des autoconsommateurs a baissé lors de l’année écoulée. Toutefois, l’hiver doux empêche d’établir une corrélation nette entre cet atelier consacré à la sobriété et la baisse des consommations. Par contre, lors de cette Assemblée générale, certains autoconsommateurs, qui n’étaient pas particulièrement engagés initialement dans des actions de sobriété énergétique, ont fait part de l’adoption pérenne de certains gestes : extinction des lumières dans les pièces vides, nettoyage des réfrigérateurs et congélateurs, coupure des veilles sur les appareils électriques, etc.

104Un nouvel atelier sur la sobriété énergétique est projeté pour l’année 2023, ouvert cette fois à l’ensemble des habitants de Langouët, et sera également le moment de choisir de nouveaux consommateurs. Afin de réduire tout conflit, cette décision sera effectuée par tirage au sort parmi les consommateurs éligibles.

105Le président de la PMO met en œuvre, de sa propre initiative et sur son temps personnel, une modélisation des données de l’opération qui est envoyée (par mail et par accès en ligne) à tous les autoconsommateurs, mensuellement, afin de participer au développement des actions de sobriété énergétique et de maximisation du taux d’autoconsommation (images n° 11, 12 et 13).

Image n° 11. Présentation générale

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Image n° 12. Données générales

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Image n° 13. Données saisonnières

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5. Une opération au coeur d’enjeux de changement d’échelle

106Si l’opération est envisagée comme un projet pilote pour les acteurs « sachants », les membres actifs consommateurs souhaitent poursuivre et dynamiser le projet. Sans rencontrer d’opposition franche de la part des investisseurs initiaux, ce changement souhaité d’échelle, par l’ajout d’un producteur, fait face à des difficultés certaines particulièrement liées au modèle économique et juridique adopté : « notre modèle est un peu hybride, casse-gueule. Moi, j’aimerais bien que ce soit beaucoup plus simple, parce que des gens qui vont s’équiper en photovoltaïque chez eux, il va y en avoir. Il va y en avoir un paquet » (un membre du bureau).

107Mais, plus généralement, l’opération a pleinement rempli son rôle de projet innovant et les apprentissages qu’elle a apportés sont transposés dans les projets ou politiques menés par ses membres fondateurs sur d’autres territoires7.

5.1. Intégrer de nouveaux producteurs sans arrimage à la collectivité territoriale

108L’épreuve centrale actuelle de l’opération est celle de l’admission de nouveaux producteurs. Les motivations à ce changement d’échelle sont liées à la volonté de répondre à des sollicitations d’habitants souhaitant intégrer la boucle :

« Il y a d’autres habitants qui m’ont déjà dit : « mais pourquoi on n’est pas dedans ? » Et c’est logique, c’est logique » (un membre fondateur).

109… et surtout à la recherche d’un équilibre économique du collectif :

« On fait un truc super, c’est bien ça, mais tu ne peux pas en profiter, merde. Donc c’est ça qui est frustrant, et ça passera par plus de production. Plus de production, (…) plus de production privée ou plus d’équipements de la municipalité. Mais ce n’est pas le cas, c’est pas le chemin sur lequel on est » (un membre du bureau).

110Cette perspective s’inscrit dans l’opérationnalisation du projet. Elle révèle des difficultés liées aux choix structurels et organisationnels effectués lors de sa conception, et emporte des questionnements sur le modèle adopté.

5.1.1. La recherche d’un équilibre économique face à des coûts d’intermédiation perçus comme incompressibles

111Après une première année d’exercice, le bilan comptable de l’association (figure n° 40) présenté en juillet 2021, date de la dernière assemblée générale, était positif, mais non consolidé et révélait une forte dépendance aux subventions, constat qui est précisé par le relevé des recettes (figure n° 41). Les dépenses sont majoritairement consacrées à la rémunération de l’intermédiaire (Enogrid) (figure n° 42).

Figure n° 40. Bilan comptable N+1 (20/07/2020-19/06/2021)8

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Figure n° 41. Recettes - 20219

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Figure n° 42. Dépenses - 202110

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112La cotisation est de 20 €/an par site de consommation. Dès lors, l’association est dépendante des subventions pour couvrir ses coûts d’intermédiation et cherche actuellement divers moyens pour réduire cet aléa.

113Cet élément est au cœur des réflexions et épreuves actuelles que traverse le projet quant à sa pérennité et sa possible extension : « soit on prend plus d’utilisateurs, ça peut être une partie du problème, mais ça va diminuer significativement, soit on augmente notre production » (un membre du bureau).

5.1.2. L’absence de capacité d’investissement supplémentaire du secteur public

114La première option, pour réduire cette dépendance, est d’envisager un renforcement de la capacité de production d’une centrale soutenue par un investissement public. Or deux difficultés sont relevées.

115D’une part, le territoire de la commune ne peut que difficilement, au dire du maire, accueillir de nouvelles unités de production. En effet, les toits des bâtiments publics sont déjà occupés :

« Enfin, j’en ai, ce n’est pas totalement vrai, parce que j’ai un nouveau bâtiment qu’on va refaire, ce qu’on appelle un tiers-lieu, mais, vu la taille du toit, ça ne va jamais faire grand-chose. Peut-être que ça permettra de mettre deux habitants de plus, mais jamais plus que ça » (un membre fondateur).

116La municipalité est opposée au développement de panneaux photovoltaïque au sol :

« On va éviter de reprendre des terres agricoles, qu’on soit quand même logique. On est en train d’appliquer les nouvelles règles de la loi climat et résilience pour diminuer l’impact sur les terres agricoles. On ne va pas les utiliser pour mettre du solaire » (un membre fondateur).

117D’autre part, les centrales de production appartenant à la commune, qui auraient pu être ajoutées à l’opération, sont actuellement sous contrat de rachat par « EDF Obligation d’achat » : « l’existant, il est encore sous contrat. Alors, ça va pas se faire tout de suite » (un membre du bureau).

118Dès lors, l’hypothèse développée est celle d’un ajout de producteur privé.

5.2. La recherche collective de solutions : l’ajout complexe d’un autre producteur dans la structuration juridique

119L’ajout d’un producteur est le défi actuellement posé à l’opération pour assurer sa croissance et sa pérennité (figure n° 43), et fait face à des difficultés liées notamment à la place de la collectivité publique dans l’opération.

5.2.1. Un manque de foncier et une facturation risquant de se complexifier

120L’intégration d’un producteur de droit privé ne semble pas avoir été envisagée initialement. Ainsi, le montage économique et juridique, qui fait que la commune porte la facturation, aboutit à ce que l’ajout d’un nouveau producteur demanderait que la collectivité facture également cette production, c’est-à-dire que la commune achète la production du nouveau producteur et la revende aux autoconsommateurs. Cette solution soulève des problèmes11 :

« Pour le moment, il y a 9-10 mois, nous n’avions pas la possibilité d’introduire de nouveaux producteurs parce que le producteur principal est la commune de Langouët et que c’est un acteur public et que ça passe par le trésorier public. On n’arrivait pas à trouver un montage juridique pour faire rentrer des producteurs qui partagent le prix de revente d’énergie, etc. » (un membre fondateur).

Figure n° 43. L’ajout d’un producteur privé : difficultés, hypothèses et solutions partielles

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121De même, l’ajout d’un producteur interroge quant au prix de vente de l’électricité produite par la nouvelle centrale : faut-il vendre la production à prix unique ou différencier ce qui vient de la centrale de production publique de celle qui vient de la centrale de production privée ? Les investissements ne sont pas les mêmes et le modèle économique est pensé de sorte à garantir aux autoconsommateurs un prix de vente stable, égal ou inférieur au tarif réglementé. Mais ce modèle ne correspond pas nécessairement à celui d’une rentabilité pour un investisseur privé : « l’idée est d’augmenter la production et que les consommateurs ne voient pas la différence et que tout se vende au même prix, etc. » (un membre fondateur).

122Enfin, l’autre difficulté rapidement identifiée pour cette solution est celle de la multiplication des factures pour l’autoconsommateur, dès lors que la commune ne peut être l’opératrice de facturation. L’autoconsommateur risquerait de recevoir autant de factures qu’il a de fournisseurs :

« L’idée, c’était de dire qu’il y a la facture de son fournisseur d’énergie, la facture de la mairie, qui est donc Trésor public, et la facture de tous les producteurs privés pour être regroupées en une. Pour l’instant, il n’y en a qu’un de producteur privé, donc ça faisait trois factures par individu. (…) Là, j’ai fait… j’ai démarré deux factures [celle de la mairie et celle du fournisseur tiers], il y en a déjà qui pètent les plombs. Ou alors avec trois, vous n’imaginez même pas. (…) Cela veut dire que les gens vont se retrouver avec une facture de la mairie, voire une facture d’un producteur et de la mairie, ou que d’un producteur. Bref, c’est un bordel sans nom. Ça, pour moi, c’est un vrai frein » (un membre du bureau).

123C’est pourtant l’option qui est présentée et validée lors de l’Assemblée générale de juillet 2022.

5.2.2. Montrer l’exemple et lutter contre le « gaspillage » énergétique

124Après avoir identifié un premier autoconsommateur susceptible de devenir producteur, hypothèse écartée notamment en raison des difficultés susmentionnées, l’idée émerge de faire un exemple afin de tester un nouveau schéma contractuel.

125L’actuel président de la PMO a pour projet – réalisé depuis l’écriture de la monographie – d’installer des panneaux au-dessus de son carport afin de recharger son véhicule électrique. L’investissement aurait donc été fait, que la production soit allouée à l’autoconsommation collective ou non : « ça va arriver en avril et je me suis dit, en tant que président, je vais montrer l’exemple, je vais rendre mon surplus de production à l’asso, même si ça me gagne un petit peu moins, je m’en fous. Au moins, la démarche est propre » (un membre du bureau). Il s’agit donc d’une opportunité de tester une solution pour augmenter le flux autoproduit, en mobilisant le cadre juridique de la vente en surplus offert par la réglementation tarifaire S21 : d’abord une consommation en autoconsommation individuelle, puis une revente dans le cadre de l’autoconsommation collective. Comme le dit la personne concernée, « l’idée est de savoir si je vais pouvoir revendre mon surplus à l’association. Je suis le bêta testeur du contrat administratif, voilà ».

126Poursuivant son approche par la démonstration, le tarif fixé de revente de la production à l’opération est de 10c/kWh, comme pour le producteur initial, pour « simplifier les choses. [En effet], le prix qu’on a aujourd’hui, c’est un prix qui a été calculé par la mairie pour rentabiliser le panneau au plus vite possible, ce que je comprends, et qui en même temps après, qu’il reste en dessous du marché, donc c’est toujours intéressant de le revendre » (un membre du bureau).

127Si cette solution est validée lors de la dernière Assemblée générale (juillet 2022), reste à définir le modèle contractuel.

5.2.3. Des difficultés contractuelles persistantes

• La nature juridique des producteurs empêchant la réunion des flux contractuels dans les mains de la PMO

128Pour pallier à la fois les difficultés administratives pesant sur la commune et l’illégalité d’un rachat de la production d’un tiers pour revente par elle, des discussions sont menées sur le fait de savoir s’il ne conviendrait pas mieux que la PMO porte ces activités.

129Le modèle adopté place actuellement la PMO, outre son rôle de co-contractant avec Enedis, comme une structure d’animation de l’opération :

« Aujourd’hui, elle [la PMO] a un rôle qui est plutôt d’animation, plutôt de relation entre tous les acteurs, d’essayer de trouver des projets nouveaux. Mais la partie administrative, elle l’a relativement peu dans notre organisation, dans notre schéma » (un membre fondateur).

130C’est principalement la multiplication des factures qui va ouvrir la réflexion sur une redéfinition du rôle :

« La première solution qui a été envisagée, c’était que l’asso devienne… fasse la facturation au nom de… donc au nom de la mairie, au nom des producteurs privés. Le problème, c’est qu’a priori, ce n’est pas légal de faire ça pour le compte du Trésor public. C’est problématique » (un membre du bureau).

131L’association était alors envisagée comme un « compte de transition » (membre du bureau), procédant à de l’achat pour revente.

132L’illégalité supposée d’un tel montage exclut pour l’heure une telle hypothèse, mais elle ferait, au dire d’acteurs, l’objet d’une analyse par la Direction générale des Finances publiques.

• L’hypothèse conflictuelle : une modification du montage juridique associatif

133Cette option n’est pour l’heure pas admise par les membres actifs du projet. En ce sens, parlant des habitants de la commune et spécifiquement des membres actifs consommateurs de l’opération, « je pense que si on leur parle entreprise, actionnariat, start-up nation, je suis pas sûr que ça passe » (un membre du bureau). Dès lors,

« tant qu’on n’a pas exploré toutes les pistes administratives possibles pour qu’on puisse redistribuer les électrons sans repasser par une phase de statut et de coopérative, ça pourrait être ça, non, je préfère rester dans l’asso. (…) C’est moins contraignant, il y a moins de papiers, moins d’administratif et, si on passe au statut de coopérative fournisseur d’énergie, on risque d’avoir des problèmes au niveau des tarifs » (un membre du bureau).

• Une solution en cours de développement : une nouvelle prestation de service pour la plateforme web renchérissant les coûts intermédiaires

134Ne pouvant changer pour l’heure le modèle économique et juridique, mais désirant être exemplaire afin de trouver une solution à cette épreuve, le président a donc accepté de porter l’investissement.

135La tâche d’identification de sa production dans l’opération sera confiée à la plateforme web par la PMO, au titre d’une nouvelle prestation de service. Cela demande de nouveaux développements pour cet acteur central de l’opération, afin de répondre particulièrement à l’enjeu du maintien ou de la simplification de la facturation pour les autoconsommateurs. Deux solutions sont évoquées. La première est de faire d’Enogrid un mandataire de facturation pour le compte de la PMO (« c’est simple, mais elle ne peut pas aller trop loin, peut-être à cause de la commune », souligne un membre fondateur). La seconde est qu’Enogrid développe un algorithme permettant que l’association facture « ces électrons-là de manière simple » (un membre du bureau).

136La seconde solution semble emporter l’adhésion : « que chaque consommateur n’ait qu’une seule facture, que ce soit une full mairie ou full consommateurs privés, et que s’il y a ici un delta qui ne peut pas être fait sur un seul et même individu, que celui-ci ait trois factures, mais que ce soit limité à un ou deux individus max » (un membre du bureau). Cela pourrait être envisageable sous réserve que le prix soit le même pour l’ensemble des producteurs : « [qu’]à la fin, une fois que ces électrons, puisqu’ils ont tous le même prix, que ce soit la mairie qui facture ou que ce soit le producteur privé, ça ne change rien pour le consommateur final » (un membre du bureau).

6. La recherche d’une réplication partielle

137Lors des entretiens, tous les membres actifs comme les membres fondateurs et bienfaiteurs prennent l’exemple de Langouët pour exposer combien cette opération leur offre un certain nombre d’outils réplicables, marqueurs à nouveau de cet apprentissage organisationnel : « on voit bien que tout le monde est en train d’apprendre, qu’on apprend en marchant » (un membre fondateur).

138D’ailleurs, c’est en se fondant sur le dépassement de l’épreuve du producteur que le président de la PMO envisage de mener par la suite une réelle communication à son échelle, anticipant la structuration d’une possible communauté d’énergie : « à partir du moment où on fera rentrer des producteurs privés dans le jeu et que là, du coup, ça peut être un groupe d’individus, même producteurs privés, qui peuvent se lancer dans cette démarche-là, oui, là, ça devient super intéressant de communiquer sur le sujet. Et moi, depuis le début, j’ai ça en tête ».

139La montée en compétences et l’usage des retours d’expérience du projet de Langouët sont particulièrement évoqués chez les porteurs de projet « sachants », semblant indiquer l’identification, pour eux, de facteurs de réussite d’une opération et valorisant par là même la démarche commencée par cette opération. C’est également perceptible chez la commune, ce retour d’expérience interrogeant l’actuelle municipalité quant à sa place dans l’opérationnalisation de futures opérations d’autoconsommation collective.

6.1. Mise en place d’un groupe local de citoyens consommateurs pour la structuration et le portage de projet

140La structuration d’un collectif de consommateurs pour animer le projet est présentée comme déterminante pour monter une opération d’autoconsommation collective sur du résidentiel :

« Cette structuration [autour des] valeurs de solidarité, de travail collectif, en fait, c’est que, souvent, c’est des projets qui se font pas en quelques semaines. Il y a une demande des consommateurs. Le développement, de faire des études de marché, de dire voilà ce qui va me racheter mon énergie. Tout ça, donc ça permet de fédérer aussi un collectif de citoyens habitant sur un même bassin de vie » (un membre extérieur).
« Sur Langouët, c’est parce qu’il y avait des personnes qui étaient là pour monter une association et que c’est beaucoup plus simple pour nous de déléguer tout ça à une association locale » (un membre fondateur).

141Cet acteur revient régulièrement sur ce sujet et explicite sa pensée quant à un projet en cours de développement dans le bassin rennais :

« Je sais que ce sera beaucoup plus compliqué parce que, quand même, en tant que citoyen et habitant d’une résidence, pour rentrer à ce point dans sa consommation d’énergie, dans la participation à la production, il ne va pas y avoir beaucoup de monde. Il faut que nous arrivions à avoir 2-3 leaders qui soient parties prenantes. On va essayer de faire en sorte que ça arrive. Là-dessus, on se met une obligation de moyens, mais, sur le résultat, je suis moins catégorique » (un membre fondateur).

142Cet acteur, qui admet les difficultés administratives de la gestion d’une opération, poursuit toutefois :

« Si la simplification est de faire en sorte que ça échappe au citoyen, c’est dommage parce qu’on perd l’esprit. Et si c’est trop compliqué, c’est dommage parce que ça décourage les citoyens de le faire. Je sais que c’est simple à dire et moins de le mettre en œuvre mais je pense que c’est essentiel. J’aimerais vraiment que nous arrivions à travailler sur autre chose que le photovoltaïque sur cette question en fait » (un membre fondateur).

6.2. Proposer des actions de sensibilisation aux économies d’énergie

143L’accès direct et privilégié à un groupe de consommateurs est particulièrement salué quant à la satisfaction possible d’objectifs quantitatifs ou qualitatifs de sobriété énergétique. Ainsi, lors de l’atelier destiné spécifiquement aux autoconsommateurs, l’analyse de leurs courbes de charge individuelle permet une sensibilisation active, concrète :

« C’est vrai que ça, je pense que ça avait bien plu, et surtout, c’est vraiment concret. On arrive vraiment à relier nos usages à notre consommation. Je pense que c’est vraiment intéressant. Le souhait, c’était de reproduire cette action sur Melesse » (un membre bienfaiteur).

144Toujours sur ces liens entre autoconsommation collective et sobriété, l’un des acteurs explique ainsi que si, pour l’heure, le modèle économique n’anticipe pas « vraiment » la sobriété, se concentrant sur le profil des autoconsommateurs afin de maximiser le foisonnement des consommations,

« on peut imaginer que si on arrive à optimiser les choses, au fur et à mesure on pourra intégrer davantage de personnes ou au contraire. C’est un objectif de faire diminuer les consommations des gens qui participent, sachant que là, on aura peu de repères car c’est une nouvelle résidence. Faire en sorte que cette ligne diminue. Ce qui est déjà le cas à Langouët » (un membre fondateur).

6.3. Anticiper la place de la collectivité dans la réalisation de lʼopération

145La modification du montage juridique sous forme d’association est également débattue. Elle est notamment portée par le maire, qui s’interroge, notamment du fait de la charge administrative, sur la place de la collectivité territoriale dans le montage, alors que cette dernière n’est ni autoconsommatrice ni productrice directement :

« Je suis quand même assez interrogatif sur le fait que la commune au milieu du système, est-ce que c’est la meilleure solution ? Est-ce qu’en fait, du fait de la complexité, des complexités administratives liées à des collectivités publiques, est-ce qu’on est le meilleur acteur ? Est-ce que créer une société associative qui traite ça, est-ce que c’est pas une meilleure solution ? Même si la commune n’est pas partie prenante » (un membre fondateur).

146Pour l’élu local, la collectivité territoriale doit pleinement jouer un rôle d’initiatrice mais pas nécessairement s’impliquer dans le montage et le portage opérationnel du projet :

« Ça a l’avantage de pouvoir permettre de le lancer, parce que, sans la collectivité publique, on ne le lance pas non plus. (…) Et là, on est dans notre rôle. Est-ce qu’on doit être pour autant acteur ? Initiateur, oui sûrement, acteur pour pousser aussi dans le cadre du privé ou dans le cadre de bâtiments publics à ça. De là à aller partout, à faire de l’autoconsommation collective, où en est le producteur ? Voilà mon juste milieu » (un membre fondateur).

Annexe

7. Annexes

Annexe I - Entretiens réalisés dans le cadre de l’étude de l’opération d’ACCE Solai Lann Coat

Statut de la personne interviewéeDate de l’entretien
Président PMO
Autoconsommateur
9 mars 2022
26 avril 2022
11 juillet 2022
Direction des Affaires Publiques
Enedis
22 avril 2022
Directrice Territoriale
Enedis
6 mai 2022
Chef du département « IOT et Intelligence Contrôle Commande Conduite »
Enedis
6 mai 2022
Chargé de la concertation et de l’ancrage local des projets ENR
Energ’iV
27 avril 2022
Maire28 avril 2022
Chargé de mission
ALEC
28 avril 2022

Annexe II - Frise chronologique du projet d’ACCE Solai Lann Coat

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Notes de bas de page

1 L’autrice de cette monographie remercie très sincèrement l’ensemble des personnes pour la qualité des échanges et l’accueil sur le terrain. L’annexe I de la présente monographie précise la liste anonymisée des personnes rencontrées.

2 Source : photographie personnelle.

3 Source : graphique issu des données diffusées lors de l’assemblée générale – juin 2022.

4 Précisons que les acteurs ont défini la notion d’activité économique locale comme la prise en compte des entreprises dont le siège social est dans le périmètre de l’opération et non du télétravail par intermittence.

5 Koenig, 2006, page 297.

6 Le 13 octobre 2021, sur le territoire de Langouët.

7 Voir pour exemple le projet de la résidence Phébus à Melesse (35), mené par le promoteur Cap Accession en partenariat avec Energ’iV.

8 Source : graphique issu des données diffusées lors de l’assemblée générale – juin 2021

9 Source : graphique issu des données diffusées lors de l’assemblée générale – juin 2021

10 Source : graphique issu des données diffusées lors de l’assemblée générale – juin 2021

11 Partiellement résolus, l’article 86 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (JORF n° 0060 du 11 mars 2023) autorisant explicitement les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices à recourir à un contrat de la commande publique avec un ou plusieurs producteur(s) participant à une ACCE pour répondre à leurs besoins en électricité produite à partir de sources renouvelables dans le cadre d’une opération d’autoconsommation collective (art. L. 331-5 du Code de l’énergie). La difficulté demeurant de devoir passer par les procédures de la commande publique.

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