1L’opération d’ACCE que nous nous proposons d’étudier à présent est portée par la communauté de communes du Haut-Pays du Montreuillois (appelée CC HPM dans la suite de ce rapport). Situé dans le département du Pas-de-Calais, à 30 km au sud de Saint-Omer, cet établissement public de coopération intercommunale (EPCI) regroupe les anciennes communautés de communes du canton de Fruges (CC CF) et du canton d’Hucqueliers (CC CH), qui ont fusionné en 2017. La nouvelle entité compte un peu moins de 16000 habitants en 2018, répartis dans un territoire plutôt rural et agricole, très peu dense (moins de 40 hab/km²). Elle n’est pas « novice » sur les questions énergétiques, ayant déjà soutenu, dans un passé proche, des projets de production d’électricité renouvelable.

2Menée au printemps 2022 sur la base de dix entretiens semi-directifs, de trois visites de site et d’une revue de presse1, cette monographie revêt un double intérêt.

3D’une part, elle aborde un type d’ACCE majoritaire en France : les projets lancés et portés par un acteur public local à des fins patrimoniales. Elle offre ainsi de mieux connaître la spécificité de telles initiatives, en matière de financement et de modèle économique, de mobilisation et de gouvernance territoriales, les acteurs impliqués étant très différents des protagonistes des autres cas étudiés.

4D’autre part, eu égard à son antériorité (elle est lancée en 2018), l’opération permet de donner une certaine profondeur à notre analyse de l’ACCE et d’évoquer, avec le recul, certains de ses effets sur les acteurs et dynamiques territoriales.

1. Un projet d’envergure mais aux risques largement maîtrisés

5Dans cette première parte, nous reviendrons brièvement sur la nature du projet, afin de mettre en avant ses spécificités au regard des autres cas étudiés.

1.1. Les caractéristiques générales du projet

6La CCHPM lance dès 2016 une étude de faisabilité pour l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures de bâtiments intercommunaux situés à Fruges et à Preures. À l’époque, le diagnostic, réalisé par le bureau d’études Cohérence Énergies, fait état de bâtiments offrant, chacun pris isolément, un faible potentiel de consommation interne, au regard de ses capacités de production. Il est donc rapidement question de mettre en place des outils permettant de relier les édifices entre eux, d’abord dans l’idée de réseaux fermés2 et sous contrainte d’une localisation des bâtiments en aval d’un poste de distribution. En 2018, la production d’électricité démarre finalement sous forme d’autoconsommation individuelle (ACI), avant d’être couplée à l’ACCE à partir de l’automne 2018. Par la suite, l’opération connaît deux extensions majeures dans son périmètre.

7Le projet en ACCE démarre officiellement en novembre 2018, après une phase de travaux qui dure entre avril et juin 20183 et une mise en service de la production d’électricité en juin 2018. Des panneaux solaires PV sont installés sur les toits de la déchetterie, du cyber centre (ou Maison de la jeunesse et de l’innovation) et de la salle des sports Rougé à Fruges, ainsi que sur la toiture de la micro-crèche située à Preures, à 19,4 km de Fruges (figure n° 30). En 2018, le projet semble faire date, puisqu’il est désigné comme la « première opération d’autoconsommation collective photovoltaïque en service en Hauts-de-France » dans le journal intercommunal.

8Trois autres acteurs sont impliqués aux côtés de la CC HPM. Cohérence Énergies assiste l’EPCI en tant que bureau d’études maître d’œuvre de l’opération. Son implication renvoie à sa ligne d’action, qui vise à favoriser « [une] consommation et [une] production plus responsable et [une] économie plus circulaire, plus coopérative, plus locale, plus inclusive4 ». Enedis est également présente, en tant que GRD, responsable notamment de la mise en œuvre technique du projet. Enfin, Enercoop est choisie en tant que responsable d’équilibre, qui rachète le surplus d’électricité produit dans le cadre de l’ACCE.

9L’opération répond initialement à la triple volonté de favoriser la « poursuite du développement des énergies renouvelables », de proposer une production locale de l’énergie « pour réduire les factures de la Communauté de communes » et de faire de la CC HPM la « première collectivité en France à mettre en œuvre une installation en autoconsommation collective5 ». Mais, comme nous le verrons par la suite, ces objectifs évoluent.

Figure n° 30. Localisation des différentes installations de production d’électricité photovoltaique

1.2. Les caractéristiques techniques du projet

10En 2018, l’entreprise Sunelis est chargée de l’installation des modules PV, notamment sur le toit de la déchetterie. D’autres solutions techniques et services énergétiques sont également déployés, comme, par exemple, le tableau de suivi en direct de la production d’électricité de l’opération, installé près de l’accueil de l’hôtel communautaire à Fruges (image n° 7). Au total, 228 kWc de puissance sont installés sur les toitures des quatre bâtiments de la CC HPM, aujourd’hui tous intégrés à l’opération d’ACCE, grâce à l’extension du périmètre à 20 km obtenue en 2021. L’opération d’ACCE ne concerne au départ que le cyber centre de Fruges, soit 33 kWc de puissance.

11En 2020, avant la dérogation obtenue pour l’extension à 20 km, la production d’électricité s’élève à 220 MWh6 et est répartie équitablement entre tous les bâtiments. Elle couvre 25 % de leurs besoins en électricité. Jusqu’à cette date, le taux d’autoconsommation7 est de 35 %. Il s’élève ensuite à 56 % entre juin 2020 et octobre 2021. La CC HPM vise, grâce à l’extension effective à 20 km du périmètre du projet, un nouveau taux de 70 à 80 %.

Image n° 7. Panneau d’affichage dynamique indiquant la production d’électricité en autoconsommation, situé dans l’hôtel communautaire de la CC, à Fruges8

Figure n° 31. Localisation des principaux bâtiments inclus dans l’opération d’ACCE (par date d’intégration)

12Selon Cohérence Énergies, 6 bâtiments producteurs et 17 bâtiments consommateurs font partie de l’opération depuis la seconde extension. La carte de la figure n° 31 permet de localiser leur intégration progressive à l’opération, au fil des extensions de périmètre.

13Parmi les bâtiments producteurs, on dénombre la déchetterie, l’hôtel communautaire, le cyber centre et le Jardin des Mômes (jardin d’enfants), la salle de sport Rougé et la crèche à Preures (seul bâtiment producteur non situé sur la commune de Fruges). Certains cas particuliers sont à souligner : les panneaux installés sur la toiture du cyber centre produisent de l’électricité directement pour ce bâtiment et pour le Jardin des Mômes, étant donné que la toiture a été « séparée » en deux lors de la pose des panneaux, afin de raccorder une partie de celle-ci au cyber centre directement et une autre au Jardin des Mômes. Ainsi, même si le Jardin des Mômes ne possède pas de panneaux sur sa toiture, il est considéré comme un bâtiment producteur. Il en est de même pour l’hôtel communautaire, situé à proximité de la déchetterie, qui n’est pas équipé en panneaux solaires sur sa toiture mais qui est également considéré comme un producteur.

14Plusieurs bâtiments s’ajoutent à ces derniers pour former le groupe des « consommateurs » : la maison de la santé, la salle de sport Pomart, les services techniques, le CIAS9 (à Fruges), le centre socioculturel, l’antenne de la CC HPM (services administratifs) et la maison de la santé (à Hucqueliers). Les bornes de recharge de véhicules électriques installées à Hucqueliers et à Fruges sont également alimentées par l’électricité produite.

1.3. Un projet très rentable pour la CC HPM

15Le coût d’investissement est de 270 000 € HT10, auquel s’ajoutent les travaux de désamiantage de la toiture de la déchetterie de Fruges, qui portent le budget total à 400 000 €. L’obtention d’une subvention étatique dans le cadre de la labellisation TEPCV11 du territoire joue un rôle majeur dans la volonté de la CC HPM de mettre en œuvre le projet, puisqu’elle permet de financer 80 % de cet investissement. Les 20 % restants le sont par les fonds propres de la collectivité. Cette subvention TEPCV n’est alors pas destinée spécifiquement au financement d’une opération d’ACCE, puisqu’elle a été obtenue en 2015, date à laquelle le projet n’existait pas encore.

16D’après Cohérence Énergies, le bilan financier de l’opération pour la CC HPM en 2020 est positif, de l’ordre de 18 550 €. L’excédent provient de 9000 € environ d’économies réalisées grâce à la partie ACI du projet (bâtiments à la fois producteurs et consommateurs), de 3 600 € environ d’économies réalisées grâce à l’ACCE (factures des bâtiments uniquement consommateurs) et enfin de 6000 € environ d’excédents de production (recettes perçues par la collectivité grâce à la revente de l’électricité produite, à hauteur de 6 c/kWh).

1.4. Un modèle organisationnel très simplifié

17Aucune PMO n’est créée dans le cadre de l’opération, celle-ci étant entièrement publique et ne générant aucune vente d’électricité entre les producteurs et consommateurs, qui relèvent tous du patrimoine de la CC HPM. Ce faisant, les discussions autour de la répartition de l’électricité produite et/ou autour de la gouvernance collective sont limitées voire inexistantes, contrairement aux ACCE dites « ouvertes », où elles peuvent avoir lieu. Un acteur de la gestion du projet souligne que la seule présence de la collectivité dans la convention est l’un des facteurs majeurs expliquant le développement rapide et fluide de l’opération :

« Dans ce que j’ai découvert dans l’ACC, c’est la difficulté de trouver des équilibres et de signer des conventions multipartenaires. Là, il n’y a qu’un seul interlocuteur qui est la CC. (…) Ce qui fait que, pour la répartition de la consommation, c’est 100 % pour tout le monde. Donc ce qui est disponible, on le dispatche à tout le monde. Il n’y a pas de refacturation, c’est très facile, il n’y a personne qui sort ou qui rentre en cours de route, hormis si on crée un nouveau point de production ou de consommation. Mais on discute avec nous-même. Donc ça facilite forcément les choses ! ».

18Il ajoute ensuite :

« Mais là, notre objectif, au final, que ce soit l’électricité consommée à la crèche, dans une salle de sports ou dans la maison de santé, c’est toujours le même qui paie la facture à la fin. Ça rend les choses beaucoup plus faciles. C’est plus simple. C’est aussi pour ça que cette convention a pu se faire en deux mois de temps ».

19La collectivité a donc pleinement conscience que ce type de structuration juridique facilite le déploiement d’opérations d’ACCE. C’est aussi ce que remarque un membre d’association environnementale locale, qui évoque le fait que les opérations menées par des PMO « Collectivités » seraient moins risquées à long terme que des opérations gérées par des particuliers : « avec des privés, on serait plutôt réticent oui. On aurait peur que, dans le temps, le consommateur disparaisse, et que, du coup, l’opération ne tienne plus ».

20Des préoccupations quant à la viabilité de ce type d’opérations sont donc mises en avant par les enquêtés : avec une collectivité comme PMO, le risque que des consommateurs ou des producteurs quittent l’opération à un moment donné semble significativement diminué.

21Cette sécurisation des opérations d’ACCE patrimoniales, notamment grâce à leur structuration juridique mais aussi à leur montage économique peu risqué, explique en partie que ce modèle soit, selon un responsable de la direction régionale Nord-Pas-de-Calais d’Enedis, « le plus fréquent » à ce jour en France. En effet, plusieurs acteurs rencontrés ont avancé que les opérations d’ACCE patrimoniales sont celles qui leur paraissent les plus abouties actuellement. Un salarié du bureau d’études Cohérence Énergies avance que « les trois-quarts des opérations d’ACC en France en service (moins de 80) sont sur ce modèle-là, [parce que] c’est le modèle le plus simple », tandis qu’un responsable de la direction régionale Nord-Pas-de-Calais d’Enedis constate « qu’il y a beaucoup d’opérations d’ACC où ce sont les bâtiments de la commune ou de la collectivité [qui sont concernés] ».

22Seul un contrat de revente du surplus d’énergie est établi, avec Enercoop. Cohérence Énergies se voit mandatée sur une durée trois ans pour suivre l’opération, dans le cadre d’une prestation de service. Cet acteur intervient ainsi dans la gouvernance et dans la définition du modèle économique de ce projet.

2. des dynamiques territoriales propices à l’opération d’ACCE

23Avant d’en venir à une analyse plus détaillée du projet tel qu’il se donne à voir en 2022, il nous semble essentiel de nous attarder quelque peu sur son historique. Ce regard rétrospectif permet de mettre en évidence l’importance décisive, dans ce cas, des initiatives antérieures, notamment politiques, en matière de transition énergétique, et de mieux comprendre les motivations ayant poussé les élus à se saisir d’un outil qui, en 2018, restait encore assez peu connu et source d’incertitudes.

2.1. Un projet qui s’inscrit dans un contexte local très favorable

24Une large majorité des enquêtés considèrent l’opération d’ACCE portée par la CC HPM comme le résultat d’une volonté politique antérieure et ancrée localement depuis le début des années 2000. Selon eux, le projet marque le souhait de s’inscrire dans la continuité de cette trajectoire énergétique territoriale particulière.

2.1.1. L’héritage d’une politique (inter) communale dynamique en matière d’énergie

25La production d’électricité provenant de sources renouvelables (notamment de l’éolien) est revendiquée comme une spécificité locale et est très largement valorisée. Le projet de parc éolien de Fruges est initié dès 2001 par la communauté de communes du canton de Fruges. Il est alors, selon le maire d’une commune de la CCHPM, « l’un des premiers champs éoliens de France » en nombre de machines installées et en termes de précocité d’action dans ce domaine. Beaucoup d’enquêtés y voient la source de ce qui va devenir une trajectoire énergétique favorable à la promotion des énergies renouvelables (EnR). Certains affirment « qu’il y a très peu voire pas de territoire aussi développé [au niveau de l’éolien] si on rapporte ça à la population » (membre d’une association) et que c’est « un acquis ancien » (membre d’une autre association). Cet héritage politique est d’ailleurs largement reconnu par la CC HPM aujourd’hui :

« Il y a un historique de la collectivité, quelque chose qui fait qu’on est dedans. (…) C’était l’aboutissement d’un projet, d’une vision qu’avait eue la CC de Fruges au début des années 2000. (…) Donc c’était plus l’aboutissement d’un cycle, qu’aujourd’hui on achève » (un acteur de la CC HPM).

26Cet extrait montre que l’EPCI a conscience que le projet énergétique qu’il porte ne doit pas seulement reposer sur l’ACCE et qu’une nouvelle dynamique politique devrait émerger pour renforcer cette spécificité territoriale revendiquée. Aussi, l’opération n’est pas une fin en elle-même mais un nouvel outil, qui permet à la collectivité de continuer à s’inscrire dans cet héritage politique :

« C’était une volonté de l’ancien Président de la CC de Fruges, Jean-Jacques Hilmoine, qui était de développer son territoire grâce aux EnR. Il a beaucoup poussé pour les éoliennes à Fruges, enfin du territoire, et il a embarqué la CC de Fruges à l’époque pour être reconnue « Territoire à énergie positive ». Et cette reconnaissance a permis de récupérer un financement pour notamment équiper des bâtiments de la CC en PV, des bornes de recharge aussi, l’éclairage public… » (un partenaire du projet).

27La CC a d’ailleurs conscience que l’opération d’ACCE a en partie pu être réalisée grâce à l’action des précédentes présidences et que l’équipe actuelle a repris ce projet hérité en l’appliquant au territoire désormais étendu de la CC :

« Dans la continuité, la nouvelle entité a pris ces projets là où ils étaient et les a menés jusqu’au bout. Elle en a profité pour l’étendre à l’ensemble du territoire. Mais, pour en arriver à ces projets-là et être ne serait-ce qu’identifié parmi les premiers territoires à signer une convention TEPCV, il fallait qu’il y ait quand même une démarche de fond et être identifié comme un territoire qui s’implique dans ces thématiques-là » (un acteur de la CC HPM).

28Le projet d’ACCE contribue ainsi à nourrir et à perpétuer cette dimension de territoire « pionnier » en matière de développement des EnR, puisque l’opération a également été l’« une des premières [en autoconsommation] de la région » (un acteur associatif). Cet ancien responsable d’Enedis va dans ce sens, soulignant qu’il s’agit de « la plus importante opération d’ACC, (…) la plus significative parce que c’était la première pour la DR NPDC [direction régionale Enedis Nord-Pas-de Calais]. Et on devait être la deuxième ou troisième au niveau France. Et c’est la première à avoir eu cette dérogation il y a quelques mois, de l’extension à vingt kilomètres ».

29C’est donc un récit de territoire entier qui a été construit autour de la présence des 70 éoliennes du parc (mis en service à la fin des années 2000 et étendu au cours des années 2010) et du développement des EnR. Celles-ci permettraient en effet à la CC de percevoir des retombées financières « non négligeables » (un acteur de la CC HPM), qui, selon l’EPCI, financent en partie de nouvelles infrastructures intercommunales, telles que la Maison de santé ou la crèche à Fruges. De même, l’opération d’ACCE est fréquemment associée, par les enquêtés, à d’autres projets impulsés par la collectivité, dans la perspective d’en faire des piliers autour desquels de futures initiatives peuvent être pensées. Cet acteur évoque ainsi cette perspective de lien avec ce qui peut être présenté comme un vrai projet de territoire de la CC HPM :

« À la CC, dès qu’il y a un projet qui se fait, construction ou rénovation, automatiquement ce sont des panneaux solaires, panneaux PV [qui sont installés] dans la mesure du possible, techniquement parlant quoi. C’est pas un projet qui se travaille à part, c’est au fur et à mesure quoi » (un acteur de la CC HPM).

30De même, le fait que l’opération d’ACCE s’inscrive dans une réflexion plus globale sur le TEPCV montre que la politique environnementale intercommunale souhaite ne pas se limiter au développement des EnR, tout en s’appuyant fortement sur cet axe :

« C’était lié déjà aux travaux qu’on a faits de modernisation de nos bâtiments, d’éclairage de nos salles de sport, qui sont des grosses consommatrices d’électricité. (…) Disons que cette opération faisait partie d’un ensemble de choses. (…) Donc quand on a fait ce projet, ça faisait partie d’une convention où il y avait une quinzaine d’actions. À côté de ça, on a commencé à faire évoluer notre flotte de véhicules, électrifier le parc de véhicules plutôt individuel. (…) Là, on a plus de la moitié de nos voitures utilitaires qui sont en électrique, avec nos propres bornes de recharge, et qui sont alimentées par le PV. (…) Mais, globalement, on a une politique qui se décline un peu à tous les niveaux, à la fois sur les services, dans les villages pour aider les communes et directement auprès des habitants » (un acteur de la CC HPM).

31Là encore, une attention particulière est portée au fait que l’opération d’ACCE puisse être le socle de réflexion d’autres projets (des bornes de recharge de véhicules par exemple), dans l’objectif d’assurer une certaine « circularité » et cohérence autour d’elle (l’électricité produite par l’installation d’ACCE est consommée dans les bâtiments intercommunaux ou les bornes de recharge qu’elle alimente également).

32Cependant, si, selon cet acteur de la CC HPM, le Président de l’EPCI « souhaitait, puisqu’on est un territoire qui est un territoire historiquement engagé dans le développement des EnR, puisqu’on a un des plus gros parcs éoliens de France, que la collectivité soit un petit peu plus exemplaire, c’est-à-dire qu’elle produise aussi des EnR pour sa propre consommation », certains acteurs restent plus réservés quant à la continuité historique réelle de ce projet de territoire. Ceux-ci rappellent en effet que la « couleur politique des élus » est un facteur non négligeable d’encouragement ou de freinage des initiatives énergétiques locales, telles que les opérations d’ACCE. Un acteur extérieur au projet estime :

« Vous avez lu les feuilles de route du territoire démonstrateur Rev3 ? Vous allez voir ! Il faut le lire pour voir que, bon, le diagnostic il est quand même faible hein. En termes d’EnR euh… Quand on regarde, ils mettent l’accent sur la méthanisation et sur l’extension du projet éolien qui se termine là. Voilà, ça s’arrête là… C’est du passé. (…) Aujourd’hui, ce n’est pas un sujet qui les intéresse vraiment, enfin je ne crois pas. (…) Je ne sens pas [de dynamique de mise en place d’autres projets EnR sur le territoire de la CC] ».

33Au-delà des discours et des récits territoriaux, ce propos, corroboré par un autre observateur du projet d’ACCE, invite à nuancer, voire à questionner, la réelle volonté politique actuelle centrée sur le développement des projets EnR, sur « fond de divergences politiques internes » (un acteur extérieur au projet).

2.1.2. Un terreau favorable à l’ACCE : la politique de transition énergétique des Hauts-de-France

34La Région des Hauts-de-France a initié, depuis les années 2010, une politique de transition énergétique fondée sur le concept de « Troisième Révolution Industrielle » (rebaptisée Rev3 plus récemment), directement inspirée des travaux de Jérémy Rifkin (2012). Celui-ci considère qu’après la première révolution industrielle (issue de l’exploitation du charbon, qui a permis, entre autres, d’inventer la machine à vapeur) et la deuxième (centrée sur l’électricité et l’invention de moyens de télécommunications), une troisième période associera, en synergie, les énergies renouvelables et les technologies informatiques. S’appuyant notamment sur cet auteur à succès, devenu consultant pour elle, la Région des Hauts-de-France élabore un plan qui se veut ambitieux, décliné en plusieurs volets touchant tant la politique de l’offre (développer les énergies renouvelables) que de la demande (fixer des objectifs élevés de rénovation thermique des bâtiments, modifier les pratiques de mobilité en vue de leur plus grande décarbonation, etc.), en association avec l’installation de réseaux dits intelligents (grâce au déploiement des compteurs communicants Linky, pour l’électricité, et Gazpar, pour le gaz).

35Ce contexte régional est favorable au déploiement de l’ACCE, comme le soutiennent un grand nombre de personnes interrogées au cours de l’enquête. Se trouve ainsi confirmée une hypothèse forte, formulée précédemment, sur l’importance des facteurs institutionnels et humains dans la « géographie de l’ACCE » en France. Si plusieurs projets existent dans les Hauts-de-France, c’est aussi parce que la Région a mis sur l’agenda politique la question de la transition énergétique et s’est efforcée de créer les conditions pour qu’un ensemble d’acteurs locaux (élus, syndicaux, associatifs, issus du monde de l’entreprise, etc.), parfois à l’origine de ses ambitions, aient pu interagir pour porter certains de ses objectifs au plus près des territoires. C’est ce qu’estime l’un des partenaires de l’opération d’ACCE de la CC HPM, lorsqu’il indique que « le contexte [autour de la Troisième Révolution Industrielle, avec Jérémy Rifkin, etc.] fait qu’effectivement, on était sur des thématiques extrêmement porteuses ». Il évoque le soutien politique de la collectivité territoriale (« c’était aussi une volonté de la Région d’aider cette dynamique-là et de poursuivre encore l’accompagnement aujourd’hui »). D’autres enquêtés, porteurs du projet d’ACCE dans la CC HPM, insistent sur le rôle essentiel joué non pas simplement par la Région (qui n’a pas, par exemple, financé l’opération) mais par Enedis (direction régionale) et Cohérence Énergies. Un responsable administratif de la CC HPM explique qu’il n’« avait jamais entendu parler [de l’ACCE] » avant que ces deux acteurs ne l’aient évoquée devant lui, lorsque, pour cet élu de l’EPCI, « c’est Enedis qui [lui] a proposé » l’ACCE. Interrogé à ce sujet, un agent d’Enedis confirme qu’il rentre dans ses attributions de présenter le dispositif comme une solution possible lorsque les collectivités le sollicitent pour discuter des projets d’installation de panneaux PV sur leurs toitures. Il met aussi en avant l’intérêt du GRD d’être associé à ce type d’opérations, qui a des retombées positives pour l’entreprise, en termes d’image.

36Portée par ce riche tissu d’acteurs, l’ACCE trouve un terreau fertile dans les Hauts-de-France. Les données fournies par Enedis en attestent et font état, en mai 2021, d’une quinzaine de projets en préparation ou en fonctionnement, pour une puissance de production totale d’environ 1 MW, ce qui place, si l’on retient ce critère, la Région en première position en France, devant la Nouvelle-Aquitaine et les Pays de la Loire.

2.2. Entre sensibilité environnementale et effet d’aubaine : la création du projet

37C’est donc portés par ce contexte territorial favorable que les élus de la CC HPM décident, en 2018, de créer une opération d’ACCE patrimoniale. Comme le montre l’enquête, plusieurs types de motivations s’entrecroisent. Sans négliger la dimension environnementale de la démarche, invoquée dans plusieurs discours, un élément essentiel apparaît dans les témoignages d’acteurs, qui ne saurait être sous-estimé : le caractère très « pragmatique », pour ne pas dire « opportuniste », de cette création, liée à l’existence d’une subvention TEPCV obtenue au préalable par l’EPCI. Un acteur du territoire, qui ne participe pas au projet, utilise le terme « d’opportunité financière » et, ce faisant, remet un peu en question le discours politique tenu sur la transition énergétique. Un autre acteur, lui aussi extérieur à l’opération, tient un propos convergent :

« C’est un projet qui a été fortement financé, puisqu’avec TEPCV, il y a eu des aides importantes sur le projet. Du coup, on est sur une belle rentabilité. (…) Mais c’est plutôt un effet d’aubaine. (…) Sans subvention, je crois aussi que le projet n’aurait peut-être pas été pensé. C’est clair qu’il y a un argument économique derrière. En fait, moi je ne sens pas la collectivité très proactive dans le développement des EnR ».

38En somme, la labellisation TEPCV du territoire (accompagnée de subventions importantes) semble avoir été le principal moteur de la dynamique de création, bien plus qu’un fort souci politique de défendre une certaine vision de la transition énergétique.

39Les membres de la CC HPM ne se cachent pas de l’opportunité qu’a représenté, pour eux, l’existence de fonds conséquents. L’un d’entre eux parle de projet « presque à taux zéro pour nous ». Un autre souligne l’attachement de l’EPCI à maîtriser le coût de l’opération : « on ne peut pas se permettre d’avoir comme seul critère d’analyse l’impact environnemental et énergétique. On est obligé d’avoir déjà des services qui fonctionnent, de bien gérer nos budgets, on arbitre entre tout ça ». Aussi, cette opération permet de se détacher quelque peu d’une vision parfois bien ancrée parmi les professionnels et/ou observateurs de l’ACCE : des ACCE patrimoniales qui ne seraient guère rentables car portées par des collectivités territoriales plus soucieuses de leur image et de leur impact politique. Si ces dimensions sont présentes, elles n’expliquent pas tout et cette opération (comme plusieurs autres dans la Région des Hauts-de-France, au dire de certains acteurs) illustre le souci économique de beaucoup de porteurs de projets de ce type.

40Ces conditions financières liminaires très favorables font qu’en 2022, le projet est très rentable pour la collectivité et qu’il est également peu risqué, dans le sens où l’enveloppe financière qu’elle perçoit dans ce cadre lui permet de penser sereinement son développement, sans avoir à se soucier des pertes financières qui pourraient survenir. Un acteur du projet constate :

« [Il y a] pu [y] avoir un financement TEPCV à 80 %, qui faisait qu’il fallait y aller et qu’il n’y avait pas de question de modèle économique derrière. Il n’y avait pas de sujet de savoir s’il y avait une rentabilité. À 80 % de subventions, on ne cherche même plus à savoir si ça va être rentable ».

41La question de la rentabilité de l’opération a été évoquée par tous les enquêtés. Selon cet acteur, très au fait du projet, les gains financiers réalisés sont très intéressants :

« Oui l’opération est super rentable, puisque la rentabilité dépend notamment du prix de l’électricité sur le réseau. Aujourd’hui, on est en train de faire exploser les prix de l’électricité, donc les opérations d’ACC s’améliorent niveau rentabilité. Sans subvention, ça reste difficile aujourd’hui. (…) [La rentabilité repose] sur les économies de charge ».

42Un autre, membre de la CC, complète :

« Quand on est tout seul et que notre installation a été très bien subventionnée, le coût de revient de notre électron PV est très intéressant. (…) Dans notre cas, parce que la rentabilité sur l’installation était très bonne, même sans l’ACC de toute façon, on rentabilisait l’installation grâce à la subvention. (…) On avait calculé que le retour sur investissement, sans l’ACC, il était en moyenne autour de cinq ans, selon les installations. Du coup, avec l’ACC, on améliore ça ».

43Ainsi, le modèle économique du projet repose entièrement sur son subventionnement. Ce trait caractéristique, qui semble être commun à la plupart des opérations d’ACCE patrimoniales de la Région des Hauts-de-France (selon les enquêtés rencontrés), interroge sur la viabilité et la pérennité de cet outil. Même si la dimension financière n’est pas toujours première dans les motivations à agir des collectivités, qui peuvent être également politiques et symboliques (exemplarité, innovation, etc.), elle ne saurait être négligée et montre que l’ACCE dépend encore largement de leviers d’action que ne maîtrisent pas les communes ou intercommunalités, comme les subventions régionales (qui peuvent se tarir) ou les dispositifs d’aide mis en place au niveau national (comme les TEPCV, des appels à projets et, plus récemment, les soutiens publics à travers les arrêtés tarifaires notamment).

3. L’importance dʼun relationnel en « circuit court »

44Créée dans des conditions politiques et économiques très favorables, l’opération d’ACCE est l’une des toutes premières à se mettre en place en France. Dans cette partie, nous reviendrons sur sa phase de conception, qui court entre 2016, date de début des travaux, et juin 2020, date de la première extension effective du projet (voir l’annexe II pour un rappel chronologique), pour évoquer les difficultés rencontrées par les acteurs. Malgré un impératif de rapidité (pour bénéficier des subventions TEPCV), l’opération se déroule sans accroc majeur, grâce à la constitution d’une structure projet efficace, en raison d’un fort degré d’interconnaissance entre acteurs.

3.1. Une initialisation rapide afin de consommer les crédits TEPCV

45Après les études réalisées par Cohérence Énergies en 2016, qui montrent que les bâtiments intercommunaux sur lesquels le potentiel de production est le plus important ne sont pas ceux qui sont les plus consommateurs, la CC HPM décide, début 2018, d’équiper quatre toitures en panneaux PV. Cette première décision est prise dans un laps de temps très court, sous l’influence de contraintes financières liées à l’utilisation de la subvention TEPCV. Comme le souligne cet acteur partie prenante du projet :

« Comme, en plus, on avait un délai qui était très contraint par le ministère [de l’écologie], notamment avec le renouvellement de gouvernement, les conditions se sont fortement durcies. Il a même été question, à un moment, qu’on perde la subvention. En fait, les conventions initialement ont été très light, il y avait un délai. Mais, globalement, il y avait très peu de contraintes. Et le nouveau ministère s’est aperçu que l’argent qui avait été mis là, ils voulaient le récupérer pour autre chose. Donc la machine s’est mise en route et il y a eu des contraintes qui ont été ajoutées, qui sont apparues, un regard beaucoup plus critique sur les projets. Et ça a été un peu plus compliqué ».

46Toujours selon ce même acteur, ces contraintes temporelles ont accéléré l’initialisation du projet :

« J’ai eu une validation du montage de notre projet PV en gros le 30 décembre [2017]. Donc là, il a fallu que je signe un marché le 31, parce que, pour engager un projet, il fallait un bon de commande. Et il devait être achevé pour [les travaux réceptionnés] courant mai. Donc j’avais cinq mois pour signer le marché de maîtrise d’œuvre le 31/12. On a lancé l’AO en janvier, on a fait les travaux et désamianté les bâtiments… ».

47Du côté d’Enedis, cette pression liée au respect des délais est également évoquée :

« La principale difficulté selon moi (…), c’était le temps en fait. On avait toujours l’impression qu’on n’allait pas assez vite. (…) Il fallait qu’on donne l’impression de dérouler quelque chose qui était évident alors que ça ne l’était pas ».

3.2. Une structure projet très fluide

48L’ACCE de la CC HPM repose sur un ensemble d’acteurs qui sont moins difficiles à mobiliser que dans d’autres opérations (sur ce point, voir le cas de SerenyCalas dans la commune de Cabriès). Le collectif de producteurs et d’autoconsommateurs est composé de participants appartenant à une seule et même entité, l’EPCI, ce qui facilite les accords sur les grands paramètres (répartition des flux, partage des bénéfices, etc.). Ceci étant, les porteurs du projet doivent réussir à coopérer avec d’autres protagonistes, comme le bureau d’études (Cohérence Énergies), le GRD (pour raccorder l’opération) et Enercoop (comme fournisseur de complément et responsable d’équilibre). La mise en œuvre du projet dépend de la qualité des relations existant entre eux et de leur capacité à traiter les problèmes qui ne manquent pas de se poser, surtout dans le cas de l’ACCE, outil encore peu connu en France.

49La coopération est facilitée par le fort degré d’interconnaissance. Les élus et services de la CC HPM, les ingénieurs de Cohérence Énergies et d’Enedis, le fournisseur Enercoop se connaissent déjà avant la conception du projet. Cohérence Énergies a travaillé avec la CC HPM, dans le cadre de la Société d’économie mixte (SEM) Hauts-de-France Énergies (entretiens avec Cohérence Énergies et la CC HPM). Ainsi, comme l’évoque le responsable adjoint à la direction de la CC HPM, dans ce projet, « le facteur humain est essentiel ».

50La qualité des relations de coopération autour de l’EPCI est décisive au moment de la phase d’initialisation, l’une des étapes clés du projet. Avec Cohérence Énergies, qui est chargée de la maîtrise d’œuvre technique et qui effectue les études de faisabilité et les demandes de raccordement, les relations sont qualifiées de fluides. La collectivité, qui, nous l’avons dit, connaît bien ses interlocuteurs, évoque le rôle de « traducteur » que joue le bureau d’études vis-à-vis d’elle et des autres acteurs du projet, ainsi que celui de « facilitateur » :

« Ça permet aussi pour eux [Cohérence Énergies] de dialoguer et être directement en contact avec les services au sein d’Enedis quand il y a un problème. Ils nous tiennent au courant, nous mettent en relation. Mais moi, je ne suis pas forcément disponible pour ça trop souvent. Donc ça nous facilite les choses. C’est à la fois un rôle de traducteur, ça nous apporte de la réactivité sur ces projets-là – s’il y a quelque chose à faire, ils le font – et ça permet de faciliter nos relations avec les différents interlocuteurs, parce qu’ils parlent le même langage » (un acteur de la CC HPM).

51Enedis intervient quant à elle au moment de la phase de raccordement. Son implication est forte pour porter le projet en interne, ses agents y voyant également une véritable opportunité pour leur structure : « mener une évolution majeure du distributeur d’électricité » en accompagnant la CC HPM de très près et en travaillant de façon coordonnée avec elle. Là encore, les relations avec la collectivité sont présentées comme étroites, très bonnes et sont confortées par l’existence d’un manager territorial, interlocuteur privilégié des communes. Ce lien n’est pas expérimenté seulement dans le cadre de l’opération d’ACCE, puisque ces deux acteurs travaillent ensemble sur d’autres projets territoriaux (entretien avec Enedis).

52Le fort degré de coopération ne tient pas simplement à l’existence d’échanges bilatéraux resserrés entre la collectivité et chacune des parties prenantes, y compris avec Enercoop, qui est déjà intervenue auprès de la CC HPM, dans le cadre de projets antérieurs. Il renvoie également au fait que les acteurs intervenant pour le compte de l’EPCI se connaissent souvent très bien eux aussi. De par son activité, Cohérence Énergies a des relations fréquentes avec ses interlocuteurs d’Enedis. Il en est de même d’Enercoop, qui est très présente dans les opérations d’ACCE de la région, en sa qualité de fournisseur (achat des surplus, responsable d’équilibre). Par ailleurs, selon un membre de la CC HPM, Cohérence Énergies a longtemps été administrateur d’Enercoop dans les Hauts-de-France.

53La densité et la qualité de ces relations expliquent certainement, en grande partie, le fait que ces quatre acteurs insistent assez peu sur les difficultés de mise en œuvre. La question du raccordement au réseau est, certes, présentée comme ayant été un réel obstacle, à l’instar de tout type d’opération impliquant de la production d’électricité renouvelable. Mais, sur ce sujet, les avis convergent pour relativiser les problèmes rencontrés, ne les imputant pas à la nature même de l’outil (ACCE). Le bureau d’études (Cohérence Énergies) en charge d’assister la CC HPM ne relève pas de difficultés « exceptionnelles » (sic), indiquant que « mis à part les problèmes techniques dus à l’exploitation, qui sont normaux, tout s’est bien passé ». Un agent d’Enedis reconnaît lui aussi des difficultés opérationnelles : « au tout début, c’était surtout des petites problématiques de raccordement, avec la production et l’injection. C’était un petit peu compliqué à mettre en place. Ça, c’était peut-être un peu côté Enedis, voilà ». Mais, globalement, il apparaît que le processus de mise en service n’occasionne pas de difficultés ou de retards compromettant l’octroi de la subvention TEPCV, enjeu essentiel pour les porteurs du projet. On peut faire l’hypothèse que l’intérêt des acteurs à coopérer (avoir une nouvelle référence pour Cohérence Énergies, conforter son image pour Enedis, renforcer sa position sur la niche de marché de l’ACCE pour Enercoop) joue dans la volonté de résoudre au mieux les difficultés, en activant si besoin est ses propres réseaux.

4. S’étendre pour assurer un meilleur équilibre économique du projet

54Cette phase initiale ne marque pas la fin du projet. Loin d’être stabilisé, celui-ci entame une nouvelle étape. Sans remettre en question son statut d’ACCE patrimoniale, il s’étend à de nouveaux sites, tous situés sur le territoire de la CC HPM. Les évolutions législatives et réglementaires qui se font jour entre 2019 et 2022 (cf. partie I) permettent en effet d’entrevoir de nouvelles opportunités, en vue de renforcer un peu plus encore la viabilité du modèle économique et, partant, de donner une plus grande visibilité à l’opération.

4.1. Conforter le modèle économique : un moteur de l’extension de l’opération

55Comme dans tout projet d’ACCE, l’un des enjeux est d’augmenter le taux d’autoconsommation, afin de bénéficier pleinement de l’effet « économie de facture ». Cette préoccupation est visible dès la phase de lancement de l’opération, qui essaie de penser au mieux les liens entre production PV et valorisation par l’ACI ou par l’ACCE :

« [Au début], on avait dimensionné les projets pour ne pas avoir trop de surplus. Le but, c’était d’autoconsommer 70 à 80 % de notre production et on avait un contrat de rachat de gré à gré pour le surplus. (…) L’ACC rentrait dans notre cadre, elle nous permettait d’aller plus loin, d’optimiser plus vite notre projet et finalement de faire ce qu’on souhaitait » (un membre de la CC HPM).

56Cette aspiration préoccupe avant tout la CC HPM et Cohérence Énergies. Un acteur de l’EPCI évoque que les extensions successives de l’opération ont pour but « d’améliorer nos résultats [en termes d’autoconsommation] » et que « l’objectif, en ayant étendu, c’est quand même d’atteindre les 70 % d’autoconsommation ». On retrouve cette même préoccupation chez le bureau d’études mandaté pour suivre le projet :

« On a la possibilité avec l’ACC étendue à vingt kilomètres d’avoir une diversité de consommateurs en face, qui vont pouvoir consommer le maximum d’énergie. Parce que c’est ça le problème à la fin : c’est de faire l’équilibre entre producteurs et consommateurs. (…) Là, avec 17 consommateurs, on va commencer à atteindre les 70 % d’autoconsommation. On était à 35 %. On est passé à 56 % et là, l’idée en étendant à vingt kilomètres, c’est de passer à 70 % d’autoconsommation ».

57L’évolution du périmètre géographique du projet depuis 2020 est ainsi pensée de manière conjointe à la question de l’optimisation de la part d’électricité autoconsommée, qui est l’une des cibles visées. C’est également ce que souligne un salarié d’Enedis Nord-Pas-de-Calais, qui pense que la CC « ne doit pas tout autoconsommer » actuellement et que « c’est certainement ce qui [la] motive de raccrocher d’autres bâtiments derrière ».

58Cet objectif est facilité par l’assouplissement du cadre réglementaire initialement prévu pour l’ACCE, en particulier en ce qui concerne le périmètre des opérations (cf. partie I). La règle imposant des points de soutirage et d’injection situés sur une même antenne basse tension du réseau public de distribution12 est reconsidérée au fil des années. La loi du 22 mai 2019, dite PACTE, institue, à titre expérimental, un rayon de 1 km. La loi énergie climat du 8 novembre 2019 propose deux types d’ACCE, dites « sur bâtiment » et « étendue », en imposant, pour cette dernière, que les points de soutirage et d’injection soient situés sur le réseau de basse tension, avec une extension limitée à un diamètre de 2 ou 20 km selon les cas. Enfin, une dernière disposition (ordonnance de mars 2021) assouplit un peu plus encore les contraintes initiales, en instaurant une troisième catégorie d’ACCE, dite « étendue 100 % EnR », qui autorise certaines opérations à se développer au-delà de la seule basse tension, toujours sur les mêmes diamètres, en empruntant le réseau de moyenne tension.

59Tirant parti de ces évolutions, la CC HPM décide d’étendre le champ d’action de son projet. Comme le montre la figure n° 30 ainsi que la frise en annexe, le processus se fait en deux étapes. À l’origine, l’opération d’ACCE ne concernait que le cybercentre, le Jardin des Mômes et la Maison de santé de Fruges. Jusqu’en juin 2020, celle-ci, qui ne produisait rien, se voyait affecter le surplus d’électricité générée par les panneaux PV des deux premiers bâtiments. Entre juin 2020 et octobre 2021, le projet porté par l’EPCI évolue une première fois. Il bénéficie du nouveau périmètre de 2 km. La contrainte de positionner l’opération en aval d’un poste de distribution ayant été également levée, la collectivité peut alors inclure la déchetterie, l’hôtel communautaire et la salle de sport Rougé à Fruges comme nouveaux producteurs. En octobre 2021, le projet connaît une deuxième extension, en obtenant une dérogation lui permettant d’utiliser la règle des 20 km de diamètre pour les opérations d’ACCE en milieu rural. La crèche de Preures ainsi que plusieurs bâtiments appartenant à l’EPCI et situés à Hucqueliers peuvent être désormais intégrés, ce qui porte à, respectivement, 6 et 17 le nombre de producteurs et d’autoconsommateurs13. Dans le cas de la crèche de Preures, où un projet d’équipement en panneaux PV existait déjà, en autoconsommation individuelle, l’objectif est clairement de bénéficier de l’avantage que procure ce site pour l’équilibre de l’opération :

« À Preures, c’est une crèche qui est productrice et consommatrice. Il n’y a pas d’autres bâtiments concernés. C’est le seul bâtiment et c’est intéressant parce que c’est celui où il y a un petit hangar à côté, avec une belle surface. Donc en fait, c’est celui où on produisait le plus de surplus. Donc le remettre dans la boucle d’ACC, c’était intéressant parce que ça nous permettait de mieux optimiser cette production » (un membre de la CC HPM).

60Ces différentes phases d’extension semblent n’avoir causé aucune difficulté majeure aux parties prenantes du projet :

« Jusque-là, ça ne me paraît pas particulièrement complexe, dans le sens où il y a une PMO. Aujourd’hui, si on reste dans les deux kilomètres, la PMO peut nous remonter très facilement l’ajout de PDL14, de clients à l’opération d’ACC – ou, au contraire, le retrait de certaines parties prenantes – très facilement. Il suffit, entre guillemets, de fournir les PDL, de s’assurer que ces PDL ont des compteurs Linky qui sont bien communicants et c’est bon. Donc l’extension à la maille des vingt kilomètres, je ne pense pas que ça pose plus de soucis que ça » (un agent d’Enedis).
« Dès que ça a été possible, on a regardé ça avec Cohérence Énergies, on a regardé les périmètres… C’était assez rapide. On a fait un courrier, une demande au Ministère [de l’écologie], puisqu’il fallait une autorisation. En trois semaines, on a eu un retour. Et derrière, après, avec Enedis on a signé un avenant, et voilà. La demande au Ministère, c’était parce que le rayon de vingt kilomètres, c’est une dérogation. Donc on l’a demandée et ça a été assez vite » (un membre de la CC HPM).

61Ainsi, l’opération a été la première des Hauts-de-France à bénéficier de la dérogation des 20 km de diamètre. Celle-ci était particulièrement stratégique, dans la mesure où la crèche de Preures, dont nous avons vu l’importance qu’elle joue dans l’équilibre global de l’opération, est située à 19,4 km à vol d’oiseau du cyber centre de Fruges (point le plus à l’extrémité de l’opération).

4.2. Une évolution qui consolide l’implantation des EnR dans le territoire

62Ces évolutions attestent le pragmatisme et la grande capacité de la CC HPM à se saisir, grâce au savoir-faire et aux réseaux de ses partenaires, notamment de Cohérence Énergies et d’Enedis, de la moindre opportunité pour développer son projet. En revanche, comme le soulignent plusieurs enquêtés, il serait largement exagéré d’évoquer l’existence d’une réelle stratégie, dans le cadre de ce qui serait une politique de transition énergétique à l’échelle du territoire. Petite structure aux moyens humains et financiers limités, la CC HPM avance plutôt par petites touches successives, qui, agrégées, font sens localement, autour de la production d’électricité provenant de sources renouvelables. Nulle volonté non plus de penser la diversification des ressources. Comme le relève ce membre de l’EPCI, « [il n’est pas sûr] que ça a été pensé comme ça, puisque l’objectif premier, c’était vraiment de produire notre propre EnR pour notre consommation ». Ce n’est donc qu’a posteriori, en fonction d’un objectif politique global qui fait figure de cadre général plus que de boussole opérationnelle, que l’opération d’ACCE est valorisée, notamment dans le journal intercommunal. Dans la commune, le parc de production éolienne continue largement de nourrir les imaginaires, plus que le PV, au regard de son importance :

« À côté [de l’éolien], l’autoconsommation, c’était entre guillemets de la gnonotte. C’était vraiment peu par rapport aux éoliennes et à leur rendement, leur rapport… Pour les communes et la communauté de communes, les éoliennes, c’est une manne, ce sont des retombées inespérées. Les panneaux PV, ça n’est pas encore le cas. Mais nous, sur le territoire de Fruges, c’est surtout les éoliennes, je vais vous le dire, on en mange souvent. Il n’y a pas eu la même promotion [que les éoliennes] entre guillemets, il n’y a pas eu la même publicité » (un acteur local).

63Dans ce contexte, la CC HPM essaie de communiquer sur le projet. Alors que, dans d’autres territoires (nous pensons, par exemple, à la commune de Cabriès évoquée dans le cas de SerenyCalas), des réticences se font jour pour donner à voir les panneaux, les édiles de l’EPCI n’hésitent pas, au contraire, à faire montre d’un souci de « visibiliser » les installations. Les équipements sont ainsi assez apparents sur les toitures et ont pour but de montrer l’exemplarité de la CC HPM en matière de transition énergétique. De même, un panneau d’affichage dynamique est installé dans l’hôtel communautaire (image n° 7), afin d’informer les habitants sur l’électricité produite. Ce faisant, l’objectif de l’ACCE est aussi d’ordre pédagogique et politique : rendre plus concrète l’action de l’intercommunalité. Un agent d’Enedis évoque cette volonté de communication à destination des habitants des communes de Fruges, d’Hucqueliers et de Preures :

« Les panneaux PV, on les voit et la CC HPM a également souhaité mettre des affichages dynamiques pour voir concrètement combien produit le panneau et combien consomme le bâtiment. Donc il y a un dispositif de pédagogie autour de ça ».

4.3. La mise en place d’une gestion routinisée de l’opération

64Lors de cette nouvelle phase, les porteurs de projet ne doivent pas simplement réussir à étendre l’opération d’ACCE. Ils doivent aussi la faire fonctionner au quotidien, afin de tirer pleinement profit de son potentiel économique.

65Ce travail est confié à Cohérence Énergies. Même s’il occasionne des frais de gestion supplémentaires, la forte rentabilité du projet permet à la CC HPM de pouvoir s’offrir ce genre de prestation. Faute de disposer de ressources internes suffisantes pour assurer lui-même cette tâche, l’EPCI donne ainsi mandat au bureau d’études pour assurer la gestion et le suivi du fonctionnement, pour une période initiale de trois ans :

« Là où, par contre, ça a été beaucoup plus compliqué, c’est pour ça aussi qu’on a missionné Cohérence Énergies là-dessus, c’est pour l’intégration de ça dans nos factures d’électricité, parce qu’on reçoit un certain nombre de données d’Enedis qu’il faut décrypter pour suivre l’exploitation. On n’avait pas forcément les techniciens pour faire ça chez nous. Et puis, derrière, les fournisseurs d’électricité avec qui on a des marchés pour nos différents bâtiments ont eu beaucoup de mal à intégrer ça dans leurs factures » (un membre de la CC HPM).

66Dès lors, Cohérence Énergies s’impose comme un acteur clé de l’opération, notamment grâce à sa capacité à traiter l’ensemble des données émises dans le cadre du projet. C’est notamment sur cet aspect que l’expertise de ce bureau d’études se construit, à Fruges comme ailleurs. Un salarié de la structure explicite les missions qui lui ont été confiées dans ce cadre :

« Je suis le projet, je fais l’exploitation du projet. On est appui PMO sur ce sujet-là et on fait le suivi d’exploitation. (…) On reçoit les fichiers Enedis mensuellement, on traite les données pour vérifier que l’opération se passe bien. On gère aussi l’ajout des participants dans la PMO : faire entrer de nouveaux PDL, les faire sortir. (…) Et puis on fait des bilans annuels sur l’opération, sur ce qui s’est passé dans l’année écoulée. Et après, c’est un suivi technique des productions ».

67Ce faisant, Cohérence Énergies conforte le rôle central qu’elle occupait déjà durant la période précédente, sans compter celui qu’elle joue dans la stratégie d’extension. À ses côtés, Enedis représente le second pilier de l’opération, complémentaire de par sa fonction :

« Pour les aspects assez techniques, parce que la CC HPM a donné mandat à Cohérence Énergies, Cohérence Énergies m’appelait pour les demandes de raccordement, le comptage, intégrer ou non ce PDL-là, les études… Enfin voilà, tout l’aspect technique. Mais on sait qu’on partageait… pour le coup on faisait des réunions tous ensemble ou du B2B15. Mais, naturellement, tout le monde savait, c’était transparent quoi. Les relations que j’avais avec Cohérence Énergies étaient transmises aux équipes » (un agent d’Enedis).

68Les échanges sont qualifiés de très bons de chaque côté, à l’instar de ce qu’ils étaient durant la première phase. Le bureau d’études ne se positionne pas en tant que simple gestionnaire pour le compte de la CC HPM. Étant au cœur des problèmes rencontrées, il adopte aussi une posture plus critique, faisant remonter aux niveaux régional (direction régionale Nord-Pas-de-Calais d’Enedis) et national (le pôle « projets et solutions » de la direction « clients et territoires16 ») les difficultés rencontrées, sur ce projet comme sur d’autres : « Cohérence Énergies fait partie d’un des tout premiers bureaux d’études qui nous disait « on ne comprend rien ». Et donc il nous a challengés, on l’a challengé » (un agent d’Enedis).

4.4. Adapter son organisation à l’ACCE : un enjeu pour Enedis et Enercoop

69L’ACCE est un outil nouveau pour les acteurs du projet, qui induit des apprentissages nombreux, d’ordres technique (savoir gérer les flux de données), économique (concevoir un modèle viable) et organisationnel (revoir certains modes de fonctionnement). S’ils concernent tous les protagonistes, notamment la CC HPM, ils touchent plus particulièrement ceux qui, de par leur fonction, seront appelés à gérer d’autres opérations de ce type. Il en est du bureau d’études Cohérence Énergies qui, à travers cette expérience, peut se forger un savoir-faire précieux, en partie réplicable dans d’autres territoires. Il en est de même pour de plus grandes organisations telles qu’Enedis et Enercoop, sur lesquelles nous nous proposons de nous attarder à présent, pour qui les projets d’ACCE ne constituent qu’une petite partie des activités dont elles ont la charge.

70À Enedis, après une période d’incertitude, l’entreprise décide d’adapter son organisation interne. Deux niveaux sont mis en place pour accompagner les projets. Au siège central, une cellule ACCE est créée, rattachée au pôle « projets et solutions » situé au sein de la direction « clients et territoires » (DCT). Elle est chargée de doter les équipes qui sont sur le terrain de principes d’action clairs et les plus uniformes possibles, du fait du statut national du GRD (qui se doit d’assurer une égalité de traitement entre les porteurs de projets). À travers séminaires, webinaires, formations et échanges formels et informels, il s’agit d’énoncer une doctrine définissant la logique d’accompagnement – et non de conseil – qui est celle de l’entreprise. Il s’agit aussi d’assurer un meilleur suivi des opérations locales, en informant les interlocuteurs régionaux de problèmes que les processus habituels ne peuvent pas toujours identifier, au regard du faible nombre d’ACCE existantes :

« Il y a une équipe en charge d’appuyer tous les référents ACC en DR [directions régionales]. Donc il y a une équipe qui m’appuie, qui est animée à la maille nationale et qui vient me dire : « attention, vous avez un souci sur cette opération-là, le compteur ne remonte plus les courbes de charge »» (un agent d’Enedis en région).

71Le suivi plus opérationnel passe par la mise en place d’une organisation décentralisée à deux niveaux. Des « référents ACCE » sont nommés dans chaque direction régionale, avec pour tâche d’informer les acteurs des territoires et de faire remonter les éventuels problèmes. Parfois, des séances de formation sont organisées à destination des collectivités et des particuliers, afin de les aider à se saisir pleinement du sujet et à assurer le suivi de leurs opérations :

« Une petite formation a eu lieu ce mois-ci [printemps 2022] pour certaines communes, et notamment les plus petites, pour faire le suivi de leur production etc., analyser les dossiers. (…) Vous voyez, on va quand même un peu plus loin que juste transmettre les données. (…) C’était un service d’Enedis qui faisait ça. Ce n’était pas dans la région et localement mais c’était dédié aux petites communes qui faisaient de l’ACC. Il y avait trois sessions de formation, justement pour leur permettre une analyse un peu plus fine et simple de leur production » (un agent d’Enedis).

72Ces référents s’occupent aussi des problèmes liés à la gestion des données (dysfonctionnements, non prise en compte des consommations par les fournisseurs de complément, etc.).

73Par ailleurs, le GRD s’appuie sur ses directions territoriales qui, par leurs contacts fréquents avec les acteurs locaux, notamment les collectivités locales, peuvent être aussi approchées pour fournir des conseils sur le rôle d’Enedis :

« L’organisation qui avait été décidée, c’était que les [directions territoriales] sont beaucoup sur le terrain. Elles échangent de façon pratiquement quotidienne avec les collectivités, les bailleurs sociaux, le client. Mais, du coup, ce sont elles qui sont le plus à même d’expliquer le process d’une ACC, comment on la met en place, quels sont les documents à remplir, comment on en vient à la signature de la convention… Bref, elles expliquent un peu tout le processus. Et on a un peu démultiplié tout ça grâce aux managers territoriaux » (un agent d’Enedis).

74En revanche, Enedis ne traite pas séparément les demandes de raccordement des opérations d’ACCE. Celles-ci sont considérées au même titre que d’autres projets et doivent passer par les processus habituels (guichet unique, instruction par les services techniques).

75Du fait de la multiplication des interlocuteurs, l’enjeu pour Enedis est de réussir à faire travailler ces acteurs en réseau, dans le respect des procédures habituelles, afin d’éviter une certaine confusion dans le portage de la politique nationale. Instauré à partir de la fin des années 2010, ce mode de fonctionnement matriciel, qui n’est pas spécifique à l’ACCE, se met en place progressivement et couvre désormais l’ensemble du territoire national.

76Enercoop doit aussi adapter son organisation interne. Là encore, une partition des tâches se dessine entre le niveau national, qui s’occupe de la gestion des opérations d’ACCE, et les responsables des coopératives régionales, qui sont chargés de la contractualisation auprès des porteurs de projet (entretien avec un responsable d’Enercoop). Dans ce cas, comme pour Enedis, Enercoop ne distingue pas les opérations d’ACCE des autres projets suivis en interne, les traitant de manière similaire. Dans la coopérative, tous les producteurs sont identifiés de façon identique à l’échelon national, qu’ils utilisent ou non l’autoconsommation.

77Les outils et dispositifs de gestion des opérations d’ACCE constituent l’autre axe majeur de réflexion au sein d’Enedis et d’Enercoop. Lorsque les premières initiatives émergent, dont celle portée par la CC HPM, le suivi des projets d’ACCE chez Enedis reste pour le moins artisanal ou, pour reprendre les termes d’un agent du GRD, « sans process, sans modélisation ». Un autre explique :

« Tous les mois, j’envoyais le fichier excel à toutes les parties prenantes de l’opération. Donc il ne fallait pas que je rate un mois ! Maintenant, c’est automatique. Donc vous voyez, on a monté en compétences et en puissance. Parce qu’au début, c’était manuel, j’avais dans mon agenda « ACC de tel : envoyer les données » ! ».

78Depuis, les opérations d’ACCE sont renseignées dans un outil informatique dédié :

« Tous les mois, on communique à la PMO les données de production et de consommation de chaque partie prenante de l’opération. Et ça se fait de façon automatique. Donc moi, je n’ai rien à faire entre guillemets, ça envoie directement. Dans notre logiciel de suivi des opérations d’ACC, on renseigne les adresses méls des PMO. Donc c’est un mél automatique qui envoie l’ensemble des données de conso et de prod à la PMO. Donc il n’y a pas forcément de personne référente là-dessus, ça se fait automatiquement » (un agent d’Enedis).

79Cette question s’est aussi posée pour Enercoop (aux niveaux national et régional). Si les acteurs inclus dans des opérations d’ACCE sont traités par le siège central de manière indifférenciée par rapport à d’autres producteurs et/ou consommateurs, certaines coopératives régionales ont développé des outils dédiés « à la partie PMO, pour être PMO » (entretien avec un responsable d’Enercoop Hauts-de-France), comme c’est le cas d’Enercoop Midi-Pyrénées. D’une manière générale, pour Enercoop, comme pour d’autres petits fournisseurs, traiter les données issues des projets ACCE entraîne des surcoûts importants. Les attentes sont fortes vis-à-vis d’Enedis, sur sa capacité à simplifier et fluidifier les process :

« Enedis est en cours de développement de transmission des flux de données spécifiques à ça. Parce qu’actuellement, ce qui est transmis aux PMO, c’est juste des fichiers excel (…) et donc c’est obligatoirement traité à la main, ce qui donne des surcoûts de facturation qui sont importants. Et, en même temps, ce qui va être développé par Enedis, il va falloir s’y adapter. Donc ça va donner un surcoût de développement qui va être aussi super important. Chez nous, on attend les résultats d’Enedis. Et la problématique pour les petits fournisseurs tels qu’Enercoop, c’est que ce développement-là n’est que pour quelques clients » (un responsable d’Enercoop Hauts-de-France).

80Ces difficultés ne sont pas sans conséquences sur l’attention portée aux projets d’ACCE. Le fait que certains d’entre eux soient jugés trop compliqués à gérer conduit ainsi Enercoop à refuser parfois d’être responsable d’équilibre.

5. Au-delà des participants, quels effets du projet sur le territoire ?

81Dans ce dernier volet, nous dresserons un bilan de l’opération d’ACCE. Nous distinguerons, dans un premier temps, la vision très positive qu’en ont les participants, qui en retirent de nombreux avantages, tant économiques que politiques. Les effets du projet sont cependant plus nuancés si l’on élargit le spectre des acteurs, montrant qu’au-delà de sa réussite intrinsèque, il tend à fonctionner quelque peu en « vase clos » et peine à essaimer sur l’ensemble du territoire.

5.1. Un bilan très positif pour les participants

82Le projet d’ACCE de la CC HPM suscite une forte adhésion de la part des acteurs qui en sont partie prenante. Celle-ci renvoie, en premier lieu, au bilan économique de l’opération, qui a permis à l’EPCI de bénéficier de retombées non négligeables, quelle que soit l’étape du projet considérée. Ce membre de la communauté de communes affirme « qu’économiquement, on l’a senti très vite sur les factures » et que « chaque point de décision, c’est pour gagner plus ». Ces retombées ont également été détaillées par Cohérence Énergies, qui rend compte d’un solde financier positif de l’opération de près de 18000 € (cf. partie 1 de cette monographie). Ces éléments chiffrés, issus des bilans réalisés en 2021, ont dû être plus importants en 2022, suite à l’extension à 20 km du périmètre. Un élu local ayant mis en place une opération d’ACCE à proximité de celle de la CC HPM assume également un « bilan plutôt chiffré ». Il met en avant des recettes économiques directes grâce à la vente des surplus.

83Ainsi, la CC HPM insiste sur la rentabilité financière de son opération, sans oublier de mentionner qu’elle est aussi en grande partie due au subventionnement initial :

« Moi je pense aujourd’hui qu’heureusement qu’il y avait un financement très fort, qui a permis de se dire : « on peut prendre des risques ». Parce qu’on ne savait pas où on allait. Et ça nous a donné confiance pour pouvoir explorer toutes ces pistes. Donc on a eu un beau terrain de jeu grâce à un financement fort, avec une volonté politique qui a permis de faire une expérimentation très large » (un membre de la CC HPM).

84Le bénéfice de l’opération d’ACCE est également d’ordre institutionnel. Les acteurs de l’EPCI et d’Enedis mettent en avant les retombées positives en termes d’image. Un agent du GRD indique que le projet a été « une belle vitrine pour Enedis, pour démontrer aussi l’expertise de son personnel. (…) C’était une manière de montrer qu’on pouvait aller au-delà, sur des projets plus innovants ». Il dit avoir pu ressentir « une certaine fierté aussi. (…) On avait un projet concret en lien avec des enjeux énergétiques actuels ». Cette dimension est également évoquée par un élu local, qui estime que l’ACCE permet de « donner peut-être une autre image de la commune, une nouveauté, une modernité… Parce qu’il n’y a pas beaucoup de villages qui ont fait ça ». Une image associée aux idées de modernité, d’innovation, d’expertise ou encore d’adaptation des édiles aux contextes énergétiques mouvants.

85Enfin, pour les enquêtés, l’ACCE permet de consolider l’engagement du territoire en matière de développement des énergies renouvelables. Sur ce point, un acteur associatif local pense que « la collectivité a bien fait de mettre en œuvre [l’opération] », notamment parce qu’elle permet de promouvoir le développement de projets énergétiques en « boucle courte, en circuits courts » sur le territoire. Concrètement, cette opération pourrait nourrir de futures initiatives (inter) communales. Un membre de la CC HPM évoque une nouvelle réflexion, centrée sur la vente locale d’électricité :

« Alors, on sort du cadre de l’ACC mais on va encore plus loin. C’est un projet qui est dans les cartons. Il y a déjà des études de faisabilité. C’est d’utiliser ce qu’on pourrait appeler des délaissés fonciers ou des friches qu’on peut avoir, notamment des anciennes décharges, pour aller produire de l’EnR et la distribuer localement. Alors plus sous forme d’autoconsommation mais sur de la vente locale. (…) Le sujet est là aujourd’hui. C’est d’optimiser le foncier. Typiquement, on a deux anciennes décharges qu’on ne peut pas exploiter, qu’on doit conserver plus ou moins en l’état. Si on peut produire de l’énergie et la vendre localement, là, on passerait le cran au-dessus ».

5.2. Des retombées territoriales et une gouvernance à questionner

86La vision qu’ont les acteurs extérieurs au pilotage de l’opération est, quant à elle, un peu plus mitigée. Elle est, en quelque sorte, un effet direct du caractère « patrimonial » du projet, qui se traduit par une gouvernance limitée à quelques presonnes qui ne facilite ni sa diffusion ni son appropriation par un plus large public.

87Dès le départ, l’opération d’ACCE est gérée par un cercle d’acteurs très restreint, sous forme de « circuit court » décisionnel. Il faut agir vite pour bénéficier de la subvention TEPCV. Il faut faire des choix rapides pour respecter le calendrier serré, notamment en termes de raccordement. Ce mode de gouvernance n’est guère remis en question au fur et à mesure du développement de l’opération (nouveaux sites, extension du périmètre). Au contraire, il tend même à se renforcer, du fait même de la qualité du relationnel entre les parties prenantes. Ce faisant, un moindre intérêt est porté à l’association d’autres acteurs.

5.2.1. Un projet faiblement connu au sein de la CC HPM

88Ce moindre intérêt peut se lire à plusieurs niveaux. Le premier renvoie à la CCHPM en tant qu’institution. Plusieurs acteurs évoquent une communication interne marginale dans le temps, passée l’année 2018, lorsque des actions sont alors menées pour faire connaître le projet. Selon eux, les élus locaux n’ont, depuis, entendu parler de l’opération que lors de quelques réunions d’instances délibératives et leur consultation s’est limitée à cette forme de diffusion de l’information. Un acteur de la gestion du projet avance ainsi :

« La vulgarisation n’a pas été beaucoup faite. Même les élus, il y en a très peu qui maîtrisent le sujet. Ça s’est fait entre la direction de la communauté de communes, qui maîtrise bien, et puis quelques élus : le Président et quelques Vice-Présidents qui ont suivi le dossier. Après, c’est de la production PV, point. C’est déjà pas mal. Tout le montage, la question des économies de charge [ont] sûrement été évoqués en conseil communautaire. Mais je ne suis pas certain qu’il y ait grand monde qui maîtrise les tenants et aboutissants de l’opération ».

89Au-delà des élus locaux, les services sont eux aussi peu au fait de l’opération, alors que leurs bâtiments sont parfois producteurs et/ou autoconsommateurs d’électricité. Un acteur d’un site concerné par l’ACCE explique ainsi qu’il « n’a rien suivi », qu’il « n’a pas été mis dans le projet » ou encore qu’il « ne sait pas du tout combien ça ramène en électricité ». De même, les personnes fréquentant les bâtiments intercommunaux, qu’elles soient agents de l’EPCI ou simples usagers (crèche, maison de la santé, salle des sports, centre socio-culturel) sont très peu au courant, voire pas du tout, du projet. Un membre de la CC HPM le confirme, qui reconnaît une faible communication :

« Peut-être que les personnes qui sont dans les services publics dans les territoires – écoles, déchets etc. –, elles ne sont peut-être pas vraiment au courant ou ils le sont en tant qu’habitants du territoire. On aurait peut-être pu faire un petit plus. (…) Quand on a fait les travaux ici, on a dû fermer pendant deux mois la déchetterie. Il a fallu rénover la toiture parce qu’elle était pleine d’amiante. Donc forcément, il y a eu une communication naturelle qui se fait. On est pas mal au courant ».

90En particulier, aucune action notable de sensibilisation n’est menée sur les enjeux de la transition énergétique ou sur la maîtrise de la demande, en lien avec la courbe de charge de l’ACCE. Si, selon certains acteurs, les économies d’énergie font partie intégrante des objectifs du projet d’ACCE de la CC HPM et que les parties prenantes « avaient ça en tête », l’ambition peine à être traduite concrètement. Les acteurs rencontrés se positionnent très vaguement sur cette thématique. Un observateur du projet indique : « j’ai participé à des conférences là-dessus et j’ai pu voir qu’il y avait eu des choses. Mais je ne me rappelle plus exactement quoi. Mais c’est vrai que ça arrive souvent avec la sobriété ». En somme, les questions d’efficacité voire de sobriété énergétique restent encore un impensé.

5.2.2. Des citoyens et acteurs du monde associatif peu au courant

91À un autre niveau, externe à la CC HPM, peu de relations existent entre les porteurs du projet et les acteurs susceptibles d’y être associés localement ou, à tout le moins, d’en être informés, comme les associations ou les citoyens. C’est en tous cas le constat que dressent plusieurs enquêtés participant ou non aux instances de pilotage de l’opération. Une personne extérieure au projet explique avoir sollicité plusieurs fois la collectivité, sans avoir obtenu de réponse de sa part :

« On avait demandé à plusieurs reprises de rencontrer le technicien de la Com de Com [communauté de communes], pour qu’il explique [à nos membres] le montage. Alors ça n’avait pas pu se faire. (..) On n’a pas de réponse, c’est plus dans l’autre sens. On voudrait travailler sur des projets d’énergie citoyenne, oui, carrément. (…) Rien que pour organiser une visite de l’opération d’ACC, on n’a pas de réponse, rien que ça ».

92Une association environnementale locale indique qu’elle ne « connaissait pas » l’opération d’ACCE menée dans la commune voisine de Fruges, alors qu’elle est située « à dix kilomètres ». Une autre fait également part de « très peu d’interactions et d’échanges avec la collectivité » en général. Cette dernière elle-même admet qu’elle « n’arrive pas toujours à répondre à tout le monde », du fait de « beaucoup de demandes » et de sollicitations concernant des retours d’expérience du projet par d’autres collectivités. Ce faisant, la diffusion semble davantage se faire en-dehors du territoire qu’en son sein, « la CC a[yant] pu faire des présentations du projet jusqu’à Paris (…) lors d’un des premiers événements sur l’AC ». Selon un acteur de la gestion du projet, « il y a de la remontée sur le secteur mais, sur le territoire, ça n’est pas connu comme ça ».

93Initialement, les « simples » citoyens et particuliers étaient l’une des cibles des actions de communication identifiées par les porteurs du projet. Quelques années après le lancement, force est de constater que ce chantier reste encore à mener. Si la collectivité indique avoir « communiqué là-dessus » et « rencontré beaucoup d’habitants ou même d’entreprises venus pour nous demander comment ça se passait » (un membre de la CC HPM), la majorité des acteurs rencontrés estiment que l’opération est très peu connue des habitants. S’agissant de la labellisation TEPCV ou de l’opération d’ACCE, cet enquêté répond qu’il « ne pense pas que les habitants connaissent l’opération ». Un autre insiste sur un certain « manque de communication sur l’opération, en termes d’exemplarité », qui a pour conséquence de faire en sorte que les particuliers « voient ça de loin », étant donné qu’ils ne sont ni intégrés ni même informés des avancées du projet et de ses évolutions. Ainsi, l’approche adoptée par l’EPCI en matière de communication semble avoir été, en fin de compte, surtout d’ordre technique (rendre visible les équipements PV, installer un panneau d’affichage dans l’hôtel communautaire), sans inclure un volet ambitieux d’information et d’animation territoriale.

5.2.3. De la communauté de communes à la Région : un projet exemplaire ?

94Nous avons évoqué plus haut le fait que le projet d’ACCE s’inscrit dans un contexte régional très porteur en matière de transition énergétique. Quels sont, en retour, ses apports pour les Hauts-de-France, notamment en termes de structuration de nouveaux projets de territoires ? Il est très difficile de répondre à cette question, qui mériterait une recherche à part entière. Faute d’un tel corpus, nous ne pouvons que nous faire l’écho de propos glanés dans les entretiens. Ils montrent une absence de consensus sur le sujet.

95Les acteurs ayant une certaine « hauteur de vue » sur les dynamiques régionales (car couvrant, par leur activité, un territoire et un champ d’action assez larges) estiment qu’à défaut d’avoir eu une influence forte, le projet a contribué à une certaine émulation entre élus, dans le cadre de réseaux préexistants :

« Le travail de la communauté de communes du Haut-Pays du Montreuillois a quand même mis une petite lumière dans le cerveau de certains maires, puisque j’ai un projet aussi sur la commune d’Hucqueliers, où ils ont l’intention de rénover la mairie. Ils n’avaient pas du tout l’intention de poser des panneaux PV mais on a profité de la rénovation pour le proposer. (…) Parce que, certainement, la CC a déjà fait un projet du même type. Donc ça doit les rassurer aussi » (un agent d’Enedis).
« [Il y a eu] une émulation de territoire. À partir du moment où la communauté de communes a commencé, il y a eu une volonté politique certainement. Et puis, entre élus, ils se retrouvent, ils partagent leurs idées (…). Et effectivement, ce territoire et le Pas-de-Calais est vraiment hyper-moteur sur ces questions-là » (un responsable d’Enercoop Hauts-de-France).

96Cette forme d’influence, qu’il ne faudrait pas sous-estimer, est plutôt d’ordre indirecte, participant à la « petite musique » de la Région sur la transition énergétique. Elle ne s’exerce pas directement, les projets étant de nature souvent très différente, ce qui induit à chaque fois un modus operandi spécifique :

« Disons que Fruges, c’est essentiellement sur le toit des bâtiments, les toitures quoi. Alors que moi, c’est carrément le contraire, l’opposé. C’est au sol ici donc c’est uniquement ça. Sinon, c’est le même principe. (…) Au départ, on est parti entre guillemets tout seul, parce que moi, j’avais répondu de mon côté à l’appel du Ministère [de l’écologie] et puis je ne savais même pas que la communauté de communes [du Haut-Pays du Montreuillois] y avait répondu aussi. Donc ça s’est fait comme ça. (…) Nous, c’était exactement au même moment mais on a travaillé chacun de notre côté » (un élu d’une commune proche de l’opération).
« La communauté de communes du Haut-Pays du Montreuillois a lancé le dossier. C’était un des premiers du secteur mais ça n’a pas spécialement motivé une autre commune, puisque la commune de [X] est arrivée sur ce même type de dossier mais pas sous l’influence de la communauté de communes. Clairement, il n’y a pas du tout un effet, en tous cas pas dans ce dossier-là, ni sur un autre dossier de la même communauté de communes. On sent bien qu’il n’y a pas eu d’influence de la communauté de communes sur ce dossier-là. (…) Et ce qui est assez surprenant, c’est que oui, la communauté de communes du Haut-Pays du Montreuillois a eu un projet très novateur mais qui est resté au niveau de la communauté de communes » (un agent d’Enedis).

97Le terme de « vecteur d’émulation » serait ainsi certainement plus pertinent à utiliser.

5.3. Vers une ouverture de l’opération à d’autres types d’acteurs ?

98À la date de rédaction de cet ouvrage, le projet d’ACCE de la CC HPM semble loin d’avoir atteint son développement ultime. Plusieurs pistes, plus ou moins ambitieuses, sont évoquées pour lui donner une plus forte consistance encore.

99Certaines font écho aux remarques qui ont été évoquées plus haut au sujet de lacunes en matière de communication et de diffusion. Des pistes sont évoquées par la CC HPM à destination des acteurs locaux, dans l’optique de mieux faire connaître l’opération, afin que d’autres projets d’ACCE, portés par des acteurs privés, puissent voir le jour dans le territoire :

« Aujourd’hui, si on devait de nouveau communiquer, ce serait peut-être avec un retour sur deux, trois ans de ce système-là, de montrer que ça fonctionne pour nous, de peut-être aller chercher des retours d’expériences sur des projets portés par des privés sur des zones d’activités par exemple, du tertiaire, de l’industriel… Et de communiquer ça aux entrepreneurs locaux, notamment dans les zones d’activités, car la proximité géographique facilite les choses » (un membre de la CC HPM).

100Une autre piste concerne les élus locaux, peu au fait du projet, avec l’idée, là encore, de susciter des initiatives à une échelle communale :

« Je pense qu’on refera un petit bilan, peut-être à l’occasion, en instance non-délibérative mais qui se réunit au moins 4-5 fois dans l’année, et qu’on appelle le conseil des maires. (…) Ça permettra aussi – il y a eu pas mal de renouvellements de maires aux dernières élections – de rattacher tout le monde à cette info-là. Et peut-être que ça donnera envie à plusieurs communes qui ont plusieurs bâtiments ou qui ont l’habitude de travailler ensemble de monter des projets ensemble. (…) Mais c’est compliqué parce que leur cycle de consommation n’est pas forcément évident » (un membre de la CC HPM).

101Des actions de ce type pourraient trouver un écho favorable du côté associatif, surtout si elles concernent le « grand public ». Un membre d’une structure environnementale locale évoque ainsi l’organisation souhaitable « d’ateliers, de chantiers, la participation à des salons, à des visites techniques » pour sensibiliser les habitants et les acteurs privés.

102Mais, plus encore, le projet pourrait évoluer dans les prochaines années, du point de vue du nombre de sites intégrés voire des parties prenantes associées. Si certains acteurs (associations environnementales locales, Enercoop) voient d’un bon œil l’ouverture de l’ACCE à des acteurs autres que publics (notamment des particuliers), la CC HPM semble vouloir quant à elle conserver la gouvernance actuelle, au regard notamment de sa simplicité. Un élargissement à d’autres acteurs nécessiterait en effet de passer à une « ACCE ouverte » et donc d’adopter un mode de gouvernance différent, plus complexe à mettre en œuvre.

103La piste la plus envisageable semble de poursuivre la logique historique d’intégration de nouveaux sites intercommunaux :

« Aujourd’hui, toutes nos infrastructures qui consomment de l’électricité sont bouclées dans la convention, sauf l’éclairage public. Là, on construit un nouvel équipement qui est en plein centre du territoire, à mi-chemin entre nos différentes installations. Voilà. Une fois qu’il sera mis en service, on fera un nouvel avenant à la convention et on pourra l’intégrer dans le périmètre. Et forcément, dans les choix de conception de l’infrastructure, notamment sur les besoins énergétiques, on va intégrer ça. Alors, aujourd’hui, c’est facile, on sait qu’on a de la réserve etc. Après, on va être dans de l’optimisation » (un membre de la CC HPM).

104En revanche, même si elle est envisagée par certains acteurs partenaires du projet, la perspective d’ouvrir l’ACCE à des communes semble, à court terme, plus difficile, l’EPCI estimant, là aussi, qu’elle compliquerait le pilotage, sans réelle valeur ajoutée :

« À l’époque, c’était relativement simple. On avait un périmètre relativement restreint. On aurait pu se dire qu’il y avait une opportunité de le faire qu’avec Fruges. Aujourd’hui, si je devais rentrer dans cette logique-là, au moins une trentaine de communes pourraient intégrer l’opération. Donc à la fin, je vais distribuer des miettes à tout le monde. C’est très compliqué et ça demande un travail administratif de dingue tous les ans pour refacturer, qui ne profite à personne » (un membre de la CC HPM).