1185 opérations d’ACCE étaient recensées par Enedis au printemps 2022, dont la moitié était active204 Elles représentaient une puissance installée globale de 4,4 MWc, soit une part infime de la puissance totale en France (136,2 GW en 2020), y compris pour le parc photovoltaïque (15,7 GW en 2022205). Plusieurs caractéristiques se dégagent des données existantes, en termes à la fois techniques, économiques et organisationnels.

1.1. Des opérations de petite taille et une diversité de profils de consommateurs

2Les projets d’ACCE sont en général des opérations de petite taille, organisées autour d’un faible nombre d’acteurs. En mai 2022, on compte en effet un total de 141 producteurs pour 1118 consommateurs, ce qui représente en moyenne 1,5 producteurs et 11,5 consommateurs par opération, chiffres stables en comparaison des données de mai 2021 (1,7 producteurs et 11 consommateurs). La médiane reste stable également, puisqu’elle se situe à 1 producteur et 6 consommateurs (contre 5 l’année précédente). Beaucoup d’opérations sont donc encore organisées autour de petits collectifs d’acteurs, malgré les dispositions permettant d’étendre les périmètres.

3Les consommateurs intégrés à des opérations d’ACCE sont divisés par Enedis en trois catégories distinctes (figure n° 18). Cette répartition des profils est effectuée selon la puissance souscrite de l’opération et donc selon la typologie d’activité des consommateurs concernés. Comme en 2021, les PRO (petits consommateurs hors résidentiel) sont les plus représentés en 2022, totalisant alors 46 % des consommateurs, soit 512 participants. Suivent, avec 42 % (467 participants), les consommateurs RES (résidentiels). Enfin, les ENT (consommateurs hors résidentiel, plus gros que les PRO), dernière catégorie identifiée par Enedis, représentent 12 % des consommateurs en 2022, part elle aussi stable depuis l’analyse effectuée en 2021 (elle s’élevait à 12 % également).

Figure n° 18. Répartition des profils de consommateurs en mai 2022

1.2. Une très forte prégnance des collectivités territoriales dans les PMO

4Les données sur les PMO fournissent des indications précieuses sur le type d’acteurs qui se saisissent de l’outil ACCE. Un premier traitement, recoupant la forme juridique et le code NAF des entités Personnes morales organisatrices (PMO) permet de faire ressortir quelques premiers éléments d’analyse (figure n° 19). Il montre la présence de quatre types d’acteurs (en mai 2022 comme un an auparavant) : les collectivités territoriales et les acteurs de l’administration publique, les acteurs de la location de logements (bailleurs sociaux principalement), ceux de la distribution d’électricité (directement intéressés par le système énergétique et les innovations sur les réseaux) et enfin les acteurs associatifs, regroupés sous le statut de la loi de 1901, mais qui intègrent bien souvent un ou des acteurs cités précédemment (des collectivités associées aux citoyens par exemple).

Figure n° 19. Classement des PMO par code NAF et forme juridique, mai 2022

5Les résultats issus de ce premier traitement sont confirmés par une seconde analyse des formes de PMO, agrégée en les classant par champ d’activité à partir de leur code NAF. Comme le montre la figure n° 20, les collectivités sont des acteurs incontournables, puisqu’elles représentent plus des deux tiers des opérations d’ACCE en mai 2022. Les PMO créées sous la forme de sociétés et EPIC (établissements publics à caractère industriel et commercial) arrivent ensuite, loin derrière les PMO collectivités, avec 18 % des opérations représentées. Les autres formes juridiques totalisent environ 15 % des opérations d’ACCE recensées en 2022. Ce résultat reflète, selon nous, le caractère encore faiblement attractif de l’outil auprès des acteurs mus par une logique économique, eu égard aux problèmes de rentabilité qu’il peut rencontrer par rapport à d’autres instruments, comme la revente directe (cf. supra). Dans le cas des collectivités locales, cette dimension est moins prégnante, la motivation étant d’ordre plus symbolique et politique, pour montrer l’engagement des élus en faveur de démarches de transition énergétique. Nous y reviendrons dans les études de cas sur la communauté de communes du Haut-Pays du Montreuillois et Langouët.

Figure n° 20. Nombre d’opérations par type de PMO (code NAF), mai 2022

6Cette surreprésentation des collectivités territoriales peut toutefois varier selon les régions (figure n° 21), avec des territoires où elle se ressent fortement (notamment dans l’ouest de la France) et d’autres où les acteurs privés sont plus présents (cas de Provence-Alpes-Côte d’Azur).

Figure n° 21. Nombre d’opérations par type de PMO par Région, mai 2021

1.3. Des installations de petite taille inégalement réparties sur le territoire

7L’analyse des données fournies par Enedis donne à mieux connaître la nature des installations d’ACCE en France, à la fois en termes de puissance, de moyens de production mobilisés et de répartition dans le territoire.

8La puissance de production des opérations d’ACCE varie, en mai 2022, de 6 à 247 kWc, avec, en très large majorité, une puissance inférieure à 36 kW (figure n° 22). Ce constat confirme, sans surprise, que l’on a surtout affaire à des opérations de petite taille.

9Ces installations sont, dans leur très large majorité, alimentées à partir du solaire photovoltaïque (95 % des cas). Les autres moyens de production sont les bioénergies en cogénération à combustion, l’hydraulique au fil de l’eau, le thermique non renouvelable en cogénération à combustion ou le stockage via des batteries (hors hydraulique).

10Enfin, l’ACCE n’est pas distribuée de manière homogène sur l’ensemble du territoire. La figure n° 23 permet de visualiser la répartition de la puissance totale de production des opérations entre les différentes régions. Elle montre que les Hauts-de-France sont en 2022, comme un an auparavant, la première région pour le développement de l’ACCE. L’Occitanie, les Pays de la Loire et la Normandie contribuent elles aussi assez fortement à la dynamique nationale.

Figure n° 23. Puissance de production par région, mai 2022

1.4. La volonté d’avoir un taux d’autoconsommation élevé

11Un autre élément important concerne les taux d’autoproduction206 et surtout d’autoconsommation207. Comme nous l’avons vu, le modèle économique de l’ACCE repose largement sur la capacité du collectif d’acteurs à consommer lui-même ce qu’il produit, faute d’un TURPE attractif et de soutiens publics permettant de valoriser le surplus (du moins à date de 2021, lors de la première analyse des données). Les chiffres portant sur ces deux taux sont donc particulièrement intéressants à observer. Le taux d’autoconsommation reste stable entre les deux périodes observées (il était de 76 % en mai 2021, contre 78,1 % en mai 2022), avec un niveau assez élevé, ce qui montre la volonté des porteurs de projets de l’augmenter au maximum. Le taux d’autoproduction moyen des 185 opérations d’ACCE s’établit quant à lui à 13,6 % en mai 2022, légèrement en baisse par rapport à 2021 (19,8 %). C’est le taux de couverture moyen208 qui semble avoir connu la plus forte progression entre 2021 et 2022 : il atteint 42,1 % en mai 2022 (il était de 27,5 % un an auparavant). Il apparaît donc que les opérations d’ACCE semblent de plus en plus capables de couvrir les besoins en soutirage globaux par la production locale.

1.5. Les facteurs institutionnels et humains dans la diffusion de l’ACCE

12La répartition par région des opérations d’ACCE montre que le facteur physique (degré d’ensoleillement régional) n’est pas déterminant, ce qui se traduirait sinon par une très forte présence de territoires bénéficiant de conditions naturelles privilégiées. Ce constat se confirme au regard de la forte prégnances des projets situés dans les parties nord et nord-ouest de la France, a priori moins bien pourvues en ressources solaires que d’autres territoires. Il est donc nécessaire de prendre en compte d’autres dimensions, de nature « institutionnelle » et « humaine ».

13Un premier facteur explicatif pourrait être le degré de soutien économique dont peuvent bénéficier les porteurs de projets de la part des Régions, dans un contexte, nous l’avons évoqué dans la première partie de cet ouvrage, de rentabilité difficile (TURPE spécifique peu attractif, absence, jusqu’en 2021, de soutiens publics de l’État).

14Nous avons cherché à « tester » cette hypothèse en élaborant une grille d’analyse fondée sur 5 critères : l’existence d’aides régionales, la mention d’un bonus pour l’implication des citoyens, un plafond d’aide supérieur à 100000 €, un ciblage spécifique de l’ACCE (et pas uniquement du développement des EnR) et la reconduction des aides sur plusieurs années. Chaque item correspond à 1 point, ce qui permet ensuite d’aboutir à un total sur 5 et à un « classement » des régions en fonction de l’intensité de leur soutien au déploiement de l’ACCE spécifiquement (figure n° 24). Cette analyse, lorsqu’elle est mise en regard avec la géographie des opérations d’ACCE, permet d’avancer l’hypothèse d’une importance non négligeable du soutien régional, tout en soulignant qu’il ne fait pas tout et qu’une dynamique de déploiement de l’ACCE peut s’observer dans des territoires qui ne bénéficient pas forcément d’aides à ce niveau.

Figure n° 24. Les soutiens régionaux à l’ACCE, octobre 2021

15D’autres dimensions sont donc à prendre en compte, comme l’existence d’un tissu associatif, citoyen, militant sur les questions d’énergie décentralisée, les effets de « mimétisme » local que peuvent entraîner certains projets ou la dynamique impulsée par des institutions (hors Régions) actives, qu’il s’agisse d’un syndicat d’énergie, d’associations comme dans le cas du programme SMILE en Bretagne/Pays de la Loire (présidé cela dit par les deux Régions, très impliquées), de bureaux d’études spécialisés ou d’intercommunalités et communes engagées. Les monographies présentées dans la suite de cet ouvrage permettent de l’illustrer.