Introduction – L’alternance politique a-t-elle changé la Diète ?
p. 17-31
Texte intégral
Des débats vidés de leur substance
1De tous les organes d’État, la Diète est le seul dont les membres soient désignés par le biais du vote populaire, faisant d’elle l’organe de représentation du Peuple. Le fait que la Constitution actuelle du Japon fasse de la Diète « l’organe suprême de l’État » tient d’ailleurs certainement au fait qu’elle incarne la représentation populaire. La Constitution fait également d’elle « l’unique organe légiférant1 » et ajoute, dans des dispositions plus détaillées, que les dépenses et les recettes de l’État doivent être gérées conformément aux décisions de la Diète.
2Ainsi la Diète décide-t-elle des politiques nationales en tant que représentante du Peuple et contrôle-t-elle le budget nécessaire à financer leur mise en œuvre. L’organisation et les mécanismes actuels de la Diète, tels que le système des commissions parlementaires permanentes et le pouvoir d’enquête en matière de politiques nationales, sont élaborés de sorte que celle-ci puisse exercer ces prérogatives considérables (voir le chapitre 1).
3Pourtant, au cours des soixante dernières années depuis l’entrée en vigueur de la Constitution, il est difficile de considérer que la Diète ait été appréciée à sa juste valeur. À l’exception des premières années suivant la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a estimé que sous le système dit de 1955, avec la prédominance du PLD dans le paysage politique, les débats à la Diète étaient dépourvus de véritable sens. On a même raillé cette dernière en affirmant que son rôle consistait seulement à « tamponner » les projets de loi préparés par les hauts fonctionnaires.
4Dans une enquête comparative réalisée dans différents pays au sujet du degré de confiance des citoyens envers leurs parlements nationaux, la Diète japonaise ne recueillait la confiance que de 23,2 % des sondés. Le Japon se retrouvait ainsi dans le groupe de queue des pays développés, en occupant la 41e place sur les 54 pays ayant fait l’objet de l’étude2.
5Le fait que les débats parlementaires soient vidés de leur substance se vérifie également dans les statistiques. Dans la période faisant immédiatement suite à l’entrée en vigueur de la Constitution, la durée annuelle des débats en séances plénières de la Chambre des représentants dépassait les 100 heures, mais celle-ci a diminué ces dernières années pour n’atteindre que 60 heures. En comparant avec les séances plénières des Chambres basses ouvertes, en Grande‑Bretagne et en France, plus de 1000 heures par an, on peut dire que les séances plénières ne sont au Japon que des réunions cérémoniales.
6En revanche, la durée totale des débats se déroulant dans les commissions parlementaires atteignaient respectivement 1300 et 1400 heures par an3, chiffre qui n’a rien à envier à ceux des parlements étrangers. Cependant, on constate également une tendance sur le long terme à la diminution de la durée des débats dans les commissions parlementaires puisqu’elle atteignait environ les 2000 heures annuelles dans les années 1980.
Une procédure d’amendement des projets de loi peu utilisée
7Outre leur courte durée, le contenu même des débats à la Diète pose problème.
8Dans les parlements européens, comme en France et en Allemagne, il est habituel que les parlementaires proposent et adoptent de nombreux amendements aux projets de loi lors de leur examen, article par article, dans les commissions. Face à cela, les discussions qui se déroulent à la Diète ont plus tendance à n’être, du début jusqu’à la fin, que des joutes verbales entre le gouvernement et l’opposition, et il est rare de voir un examen substantiel des projets de loi qui pourrait donner naissance à des amendements dans les commissions parlementaires.
9D’après l’analyse des 7535 projets de loi présentés par le gouvernement entre la 1re et la 137e session parlementaire de la Diète (1947‑1996), si l’on omet les amendements formels consistant par exemple en la modification de la date d’entrée en vigueur de la loi, seuls 16 % de tous ces projets de loi avaient été amendés de façon substantielle, ne serait-ce que sur un seul point4. Autrement dit, plus de 80 % des projets de loi présentés par le gouvernement passent par la Diète sans faire l’objet d’amendement. De plus, la période pendant laquelle les amendements étaient relativement nombreux au Japon s’est achevée en 1955, si bien que ces dernières années, le pourcentage de projets de loi amendés de manière substantielle dans le cours de son examen parlementaire n’a pas dépassé 10 %.
10Il ne fait aucun doute que la principale cause de la sclérose des débats parlementaires provient de l’avènement, sous les gouvernements PLD, de la procédure dite de « l’examen en amont de la Diète » au sein du parti majoritaire (voir la section 2 du chapitre 2).
11La particularité du processus décisionnel au Japon réside dans le fait que l’examen effectif et l’amendement des projets de loi sont menés, avant même que ces derniers ne soient présentés à la Diète, au cours d’une procédure se déroulant au sein du parti majoritaire5. À l’origine, la règle était que la prise de décision devait se faire après un examen minutieux à l’unanimité des membres du parti. Le gouvernement et ce dernier cherchaient en collaborant à faire adopter tels quels les projets de loi soumis à la Diète.
12Cette pratique a supprimé presque toute possibilité de voir émerger des amendements au cours de l’examen parlementaire.
13Bien entendu, sans l’accord des parlementaires occupant la majorité des sièges, on ne peut espérer voir un amendement adopté. Ainsi, même dans les parlements étrangers où les amendements sont nombreux, ce sont la plupart du temps les parlementaires de la majorité qui en sont à l’origine.
14Finalement, en donnant lieu à une joute verbale entre majorité et opposition plutôt qu’à un examen de la substance des projets de loi, les commissions de la Diète ont, pour ainsi dire, rempli le rôle que jouent les séances plénières dans les différents parlements étrangers. Ce faisant, puisque qu’il ne reste plus guère d’éléments à débattre au niveau des séances plénières, celles-ci sont complètement vidées de sens.
Le « Cabinet bureaucratique » et l’ambiguïté du leadership
15Jusqu’à présent, on a pu estimer que la politique japonaise était dirigée par les hauts fonctionnaires dans ce qu’on a qualifié de « régime de Cabinet bureaucratique » (kanryō naikaku-sei). Étant donné que la prise de décision concernant les politiques publiques s’opérait de manière compartimentée, selon chaque ministère, on a également parlé de régime de « Cabinet des ministères » (shōchō naikaku-sei). Or, cette situation n’est pas sans lien avec la procédure de l’examen en amont de la Diète.
16Tout bien considéré, sous une Constitution qui fait de la Diète l’unique organe légiférant de l’État, des hauts fonctionnaires non élus du Peuple, et ainsi dépourvus de légitimité démocratique, ne devraient pas être en mesure d’exercer de leur propre chef un pouvoir si important. Pourtant, au sein des sections du comité de recherche des questions politiques du PLD – lesquelles étaient organisées selon la répartition des différents ministères –, une étroite collaboration concernant notamment l’élaboration des projets de loi s’opérait entre les parlementaires de la majorité spécialisés dans des secteurs de politiques publiques particuliers (parlementaires appelés au Japon zoku giin. Ils seront qualifiés dans cet ouvrage de « parlementaires de réseau6 ») et les hauts fonctionnaires des ministères respectifs. Certes, les parlementaires de la majorité purent user d’une grande influence sur le processus décisionnel, mais il en allait de même des hauts fonctionnaires qui négociaient et formaient des compromis avec eux.
17Puisque ce mécanisme reflétait les volontés des différents groupes d’intérêt au cours de ce processus d’examen en amont de la saisine de la Diète, certains ont aussi considéré que les décisions se fondaient sur un consensus. Mais cela ne pouvait que vider de son sens l’examen des projets de loi à la Diète. En outre, tant que le processus décisionnel se faisait de telle sorte qu’un projet de loi ne pouvait être validé en Conseil des ministres et présenté à la Diète sans que le long examen en amont ne soit achevé, le leadership du Cabinet ne pouvait qu’être ambigu, rendant compliquée la réalisation de réformes politiques audacieuses qui dépasseraient les murs existant entre les différents ministères.
L’alternance et l’idée d’un « gouvernement dirigé par les hommes politiques »
18L’année 2009 devrait rester longtemps dans les mémoires pour avoir constitué un tournant pour la démocratie parlementaire japonaise.
19À l’issue des élections générales organisées le 30 août, le PDJ remporta une victoire écrasante, débouchant sur une alternance choisie par les électeurs7. Les 308 sièges obtenus par le PDJ dépassaient largement les 269 sièges nécessaires à la majorité absolue stable8, tandis que le PLD, qui disposait de 303 sièges au moment de la dissolution, perdait une grande partie d’entre eux en en recueillant 119 seulement.
20Durant les 120 années depuis la première session de la Diète impériale, et au cours des 80 années écoulées depuis l’introduction du suffrage universel masculin, il y avait déjà eu dans l’histoire parlementaire japonaise quelques exemples de changements de gouvernement provoqués par des élections générales, à l’image du gouvernement de Katō Taka.aki (juin 1924 – janvier 1926) à la fin de l’ère Taishō, ou du gouvernement de Katayama Tetsu (mai 1947 – mars 1948) au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, c’était la première fois que survenait une alternance portant à la tête de l’exécutif un parti d’opposition ayant remporté la majorité des sièges lors des élections générales, c’est-à-dire en recevant le soutien clair et sans appel des électeurs. En ce sens, l’alternance de 2009 constitue bien un événement marquant dans l’histoire politique parlementaire du Japon.
21Le PDJ avait promis dans son programme de mettre en place un système de prise de décision dirigé par les hommes politiques (seiji shudō) selon le slogan suivant : « Passons d’une politique confiée entièrement à la haute administration, à une politique menée par un parti majoritaire responsable » (kanryō marunage no seiji kara, seikentō ga sekinin o motsu seijika shudō no seiji e)9. La prise de décision devait alors s’effectuer essentiellement par les personnes nommées aux trois catégories de postes gouvernementaux que sont les ministres, vice-ministres et conseillers politiques. Aussi les termes « hommes politiques », dans l’expression « une prise de décision menée par les hommes politiques », devaient être entendus comme désignant le Cabinet et non les parlementaires de la majorité.
22Ainsi, le 18 septembre 2009, peu de temps après l’entrée en fonction du Cabinet de Hatoyama Yukio, le secrétaire général du parti Ozawa Ichirō signa et publia un document intitulé « Règles concernant la prise de décision dans un système où le gouvernement et le parti sont réunifiés » par opposition au dédoublement institutionnel décrit plus haut. Il y était prévu la suppression du comité de recherche sur les politiques publiques (seisaku chōsakai, CRP), dont l’homologue au PLD était le comité de recherche sur les questions politiques (seimu chōsakai), la concentration du processus décisionnel dans le Cabinet et la création de réunions politiques pour chaque ministère afin de permettre aux parlementaires n’ayant pas intégré le gouvernement d’émettre leurs avis.
23Toutefois, craignant qu’avec la suppression du CRP, il ne devienne plus difficile pour eux de faire valoir leurs opinions, plusieurs parlementaires du PDJ émirent des objections. Aussi, à partir du 14 octobre, un accord fut conclu entre les cadres de la commission de stratégie à l’égard de la Diète (kokkai taisaku iinkai) et les présidents des commissions permanentes et spéciales afin d’admettre la possibilité pour les parlementaires de la majorité d’amender les projets de loi à la Diète. Selon cet accord, s’il était approprié qu’un projet de loi soit amendé au cours de son examen en commission, il était demandé au président de cette dernière de « mener les débats en ce sens ». Il était ainsi prévu que la discipline partisane soit imposée au niveau de l’examen parlementaire en commission.
24Il est tout à fait normal que le chef du parti ayant bénéficié du soutien populaire, c’est-à-dire le Premier ministre et son Cabinet, supervise le processus décisionnel. Il est ainsi de la responsabilité du gouvernement de présenter ses projets de loi à la Diète. Cette dernière, en tant qu’organe de représentation populaire, doit pour sa part examiner minutieusement ces projets de loi, et tout en intégrant les avis formulés par les parlementaires de l’opposition, doit les amender. Dans bien des régimes parlementaires, des débats vivants se déroulent dans les parlements dans l’optique même d’amender les projets de loi des gouvernements. Cet accord mettait en avant de manière tout à fait appropriée pour un régime parlementaire, le rôle des débats parlementaires et laissait entrevoir un espoir de redynamisation de ceux-ci.
Des espoirs déçus
25Cependant, ces espoirs furent finalement déçus par l’examen parlementaire mis en place sous les trois gouvernements démocrates. On ne vit pas davantage le gouvernement et les parlementaires de la majorité se concerter dans les commissions, et le nombre d’amendements des projets de loi demeura aussi faible qu’avant. Par comparaison avec la période où le PLD était au pouvoir, la durée des débats à la Diète eut même tendance à diminuer légèrement, renforçant la perte de sens de l’examen parlementaire. En définitive, cette situation provient du fait que, sous le pouvoir démocrate, le rôle de l’examen parlementaire ne fut jamais arrêté, et que son projet phare d’établir un « gouvernement dirigé par les élus » ne vit jamais le jour.
26Bien que le CRP ait été supprimé et qu’il n’y eût pas d’examen en amont, la négociation entre gouvernement et parti ne fut pas transférée à la Diète. On continua d’imposer des consignes de vote aux parlementaires de la majorité une fois les projets de loi soumis à la Diète, on continua de viser leur adoption sans amendement lors de leur examen en commission, si bien que les choses ne furent pas fondamentalement différentes de la période des gouvernements PLD précédents. Seuls des modifications liées aux rapports de force internes au parti majoritaire purent être constatées, tels que le renforcement du pouvoir des cadres du parti placés sous le secrétaire général du PDJ et la diminution de l’influence des parlementaires. Mais la dépendance du Cabinet envers le parti majoritaire au cours du processus décisionnel resta, elle, inchangée.
27Le 4 juin 2010, le Premier ministre Hatoyama et son Cabinet posèrent leur démission collective, devenant le gouvernement à la sixième durée la plus courte sous la Constitution actuelle, avec seulement 266 jours. Parallèlement, le secrétaire général du parti Ozawa Ichirô démissionna, faisant entrer le PDJ dans une nouvelle phase. En succédant à Hatoyama au poste de Premier ministre, Kan Naoto exigea que le CRP soit rétabli afin que la coordination entre les membres de chaque équipe ministérielle (ministres, vice-ministres et conseillers politiques) et les parlementaires y soit menée, conformément aux demandes qu’il avait reçues de ces derniers.
Le retour de la « Diète divisée »
28Les signes du retour à un fort taux de soutien du nouveau Cabinet se dissipèrent rapidement, lorsque le PDJ essuya une lourde défaite aux élections à la Chambre des conseillers le 11 juillet 2010. Il ne parvint à obtenir que 44 sièges, lui permettant tout juste, en incluant les sièges qui n’étaient pas en jeu dans l’élection10, de demeurer le premier parti à la Chambre haute. Cependant, avec seulement 106 sièges sur 242, il était loin d’y atteindre la majorité : sa coalition avec le Nouveau Parti du peuple (Kokumin shintō) n’en apportait que 3. Avec le retour d’une « Diète divisée », l’avenir du gouvernement devenait plus incertain (voir la section 1 du chapitre 4).
29Entre l’élection à la Chambre des conseillers de 2007 et les élections générales à la Chambre des représentants de 2009, le pouvoir PLD avait lui aussi dû composer avec une Diète divisée, mais dans la mesure où la coalition de l’époque – formée avec le Parti bouddhique, le Kōmeitō – détenait plus de deux tiers des sièges à la Chambre des représentants, la possibilité d’adopter un projet de loi en seconde lecture demeurait (alinéa 2 de l’article 59 de la Constitution).
30En 2010, cependant, l’adoption des projets de loi des gouvernements PDJ à la majorité des deux tiers était impossible sans la coopération de l’opposition. Prenant en considération les résultats de l’élection à la Chambre des conseillers, le Premier ministre Kan exprima son intention de former des coalitions partielles avec les partis d’opposition, en vue de négocier des compromis sur les différentes politiques publiques. Les médias de masse exhortèrent unanimement les partis d’opposition à adopter une attitude de coopération flexible également.
31Mais où allait bien pouvoir se dérouler cette « coopération flexible » ? En principe lorsque l’avis de la Chambre des représentants et celui de la Chambre des conseillers ne coïncident pas, il est prévu qu’une Commission mixte paritaire soit réunie afin que les deux chambres tentent de trouver un terrain d’entente. Dès lors, la majorité et l’opposition auraient dû employer ce système pour tâcher de s’accorder entre elles. Il n’en fut rien. Étant donné que le PDJ continuait d’imposer sa discipline partisane en amont de l’examen parlementaire et empêchait qu’un débat libre ne se déroule, il était très improbable qu’un compromis se forme dans une Diète ouverte aux yeux du public. S’opèrerait-il un retour à une Diète ne servant qu’à « apposer son tampon » sur des accords formés préalablement ? Un article publié le 13 juillet 2010 dans le quotidien Nihon Keizai Shinbun affirmait que « pour que la tentative du PDJ de former des coalitions partielles soit un succès, la concertation préalable entre le gouvernement et l’opposition [était] essentielle11 ». Cette vision des choses, qui posait comme évidence une concertation préalable hors de l’enceinte de la Diète, s’inscrivait ainsi dans la tradition parlementaire japonaise et ne laissait nullement entrevoir l’émergence d’une nouvelle façon d’envisager les débats à la Diète.
Les réformes politiques survenues à partir des années 1990
32Cela étant, si l’on reconsidère le passé, force est de constater que le cadre de la politique japonaise s’est métamorphosé suite à l’introduction dans les années 1990 de nombreuses réformes.
33Tout d’abord, on peut citer la réforme mise en place en 1994 sous le Cabinet de Hosokawa Morihiro (mai 1993 – avril 1994) qui modifia le système électoral à la Chambre des représentants. Il supprima le système du scrutin plurinominal avec vote unique non transférable (dit « système des circonscriptions de taille moyenne12 »), pour adopter un système mixte mêlant scrutin uninominal majoritaire à un tour (dit « système des circonscriptions de petite taille ») et scrutin à la proportionnelle.
34Jusqu’alors, si un parti souhaitait obtenir la majorité des sièges, il devait présenter plusieurs candidats dans une même circonscription de taille moyenne, si bien qu’ils devaient mener une lutte féroce au cours d’une campagne électorale bien plus axée sur la personne de chaque candidat, que sur leur appartenance au parti. Par opposition, le nouveau système électoral était le fruit d’un compromis réalisé entre les partis politiques majeurs qui souhaitaient l’introduction pure et simple d’un scrutin uninominal majoritaire à un tour, et les plus petits partis qui préféraient la proportionnelle. Avec le scrutin uninominal comme avec la proportionnelle, les campagnes électorales sont centrées sur la compétition entre les partis politiques, et non sur celle pouvant intervenir entre les différents candidats d’un même parti. L’élection d’un candidat n’ayant pas été désigné officiellement par un parti devint plus difficile, renforçant de ce fait les organes exécutifs chargés de ces désignations officielles.
35Dans le même temps, la réforme du système de financement des partis politiques interdit par principe aux candidats de percevoir personnellement des contributions financières provenant d’entreprises et de syndicats, permettant là aussi de recentrer le financement de la vie politique sur les partis. L’introduction d’une subvention publique des partis politiques, renforça non seulement la situation financière de ces derniers, mais eut aussi tendance à accentuer la dépendance des hommes politiques vis-à-vis de leurs organes centraux en matière de financement des campagnes électorales.
36En 1998, vint la loi-cadre13 relative à la refonte des administrations centrales, adoptée sous le gouvernement de Hashimoto Ryūtarō (janvier 1996 – juillet 1998). À partir de janvier 2001, conformément à cette loi-cadre, les ministères furent réorganisés et leur nombre réduit, et deux nouveaux organes visant à renforcer les prérogatives du Premier ministre furent créés : l’Office du Cabinet (naikakufu) et le comité consultatif pour les politiques économiques et les finances publiques (keizai zaisei shimon kaigi). Les postes de vice-ministres (fukudaijin) et de conseillers politiques (daijin seimukan) furent institués dans le but de former dans chaque ministère des équipes constituées d’hommes politiques qui superviseraient la prise de décision.
37En 1999, la loi relative à la dynamisation des débats à la Diète14 supprima le système des « commissaires » du gouvernement (seifu iin)15 et introduisit les séances de questions entre chefs de partis (tōshu tōron).
38Les commissaires du gouvernement étaient ces hauts fonctionnaires chargés d’assister les ministres lors des débats à la Diète. Jusqu’alors, au cours de l’examen des projets de loi dans les commissions de la Diète, l’essentiel des réponses du gouvernement aux questions posées par les parlementaires de l’opposition était assuré par ces hauts fonctionnaires. La loi relative à la redynamisation des débats à la Diète vint supprimer ce système des commissaires du gouvernement, et instaura dans chaque ministère des postes de vice-ministres et de conseillers politiques occupés par des parlementaires, afin qu’ils assistent les ministres. La possibilité fut toutefois laissée de nommer des hauts fonctionnaires conseillers du gouvernement (seifu sankōnin) et de les charger d’apporter des explications concernant les dispositions techniques des projets de loi lors de leur examen.
39Par ailleurs, des séances de débats entre les chefs de partis devaient désormais se dérouler lors des réunions conjointes des commissions pour les politiques nationales fondamentales (kokka kihon seisaku iinkai) nouvellement instituées dans chaque chambre : le Premier ministre y ferait face aux chefs des partis d’opposition.
Les objectifs des réformes
40On peut distinguer deux grands objectifs dans ces réformes. Il s’agissait premièrement de viser un système bipartite dans lequel l’alternance devenait possible, et deuxièmement de renforcer le leadership du Premier ministre et du Cabinet, afin de permettre des changements audacieux de politiques publiques menés dans un processus décisionnel descendant (top down)16.
41Dans les faits, dans le cadre du nouveau système électoral, les partis politiques recueillant moins de voix que les trois premiers partis ont progressivement disparu sous l’effet du scrutin uninominal majoritaire à un tour, conduisant à partir des années 2000 à un système bipartite dans lequel le PDJ envisageait de prendre le pouvoir au PLD. En ce sens, on peut considérer que l’alternance de 2009 marque le point final de la réforme.
42Avec la possibilité d’une alternance, le PLD et le PDJ ont commencé lors des campagnes électorales à mettre en avant leurs chefs de parti respectifs comme candidats au poste de Premier ministre. Depuis les élections générales de 2003, chaque parti fait la promotion de son programme politique (manifesuto), dans lequel il cherche, clairement et préalablement, à indiquer aux électeurs les politiques publiques qu’il mettra en place en cas de victoire. Ces transformations, s’ajoutant aux effets des réformes institutionnelles, ont joué dans le sens d’un renforcement des pouvoirs du Premier ministre, modifiant les rapports qu’il entretenait avec les parlementaires de la majorité. Cela s’explique par le fait que, dans un contexte où la désignation du gouvernement et du Premier ministre devenait le véritable enjeu des élections générales, ces parlementaires de la majorité élus grâce au soutien des citoyens pour le chef de parti, devaient dès lors se conformer aux orientations fixées par ce dernier.
43En 2001, le Premier ministre Koizumi Jun.ichirō (avril 2001 – septembre 2006) se démarqua des précédents gouvernements PLD en ignorant les factions17 (habatsu) lors de la nomination des membres de son Cabinet et en réalisant des politiques publiques qui étaient jusqu’alors impensables, telle la réduction des dépenses en matière de travaux publics ou encore la privatisation de la Poste. Ce sont là aussi des phénomènes qui n’auraient probablement pu voir le jour sans ces réformes. Les factions étaient engagées sur la voie du déclin du fait de la réforme du système électoral et du système de financement des partis politiques, réduisant ainsi presque à néant les forces internes au PLD résistant au Premier ministre. De même le comité consultatif pour les politiques économiques et les finances publiques récemment institué fut-il grandement mis à profit par le Premier ministre Koizumi et son équipe pour piloter l’élaboration du budget.
Un « Cabinet faible » et une « Diète faible »
44S’il est indéniable que l’ensemble de ces réformes a eu pour effet de faire progresser la centralisation des pouvoirs entre les mains du Premier ministre, la question de savoir si le processus décisionnel jusqu’alors en vigueur en fut profondément changé, demeure en suspens.
45En réalité, même Koizumi, qui disposait pourtant d’une forte popularité et fut salué comme un dirigeant doté de charisme, abandonna l’idée d’abolir la procédure d’examen en amont et ne parvint pas vraiment à introduire un nouveau système de prise de décision sous la conduite du Cabinet. Les projets de loi relatifs à la privatisation de la Poste furent finalement les seuls à être présentés à la Diète sans recueillir en amont l’accord des parlementaires de la majorité. Or, face à l’opposition de ces derniers, l’exécutif fut contraint, même dans ce cas, de faire des concessions par rapport au projet initial (voir la section 4 du chapitre 2).
46Les gouvernements ayant succédé à celui de Koizumi – lequel s’étendit sur cinq années et cinq mois – furent tous de courte durée, ne donnant à quasiment aucun moment l’occasion pour le Premier ministre de faire preuve de leadership dans la prise de décision. Au contraire, il a même été dit que durant la seconde moitié du 1er cabinet Abe (septembre 2006 – septembre 2007), le pouvoir des « parlementaires de réseau » (zoku giin) s’était réaffirmé.
47Les gouvernements PDJ ayant fait suite à l’alternance de 2009 n’amenèrent pas non plus de grands changements à ce niveau. Bien qu’on ait soutenu que ce serait le Cabinet qui dirigerait l’élaboration du budget de l’année fiscale 2010, celui-ci s’aligna finalement sur les « principales requêtes » émises par le secrétaire général du parti, Ozawa Ichirō, parce que les ministres ne parvenaient pas à se mettre d’accord entre eux. Au titre de ces « principales requêtes », que l’on disait agréger les doléances du PDJ, figurait par exemple l’abandon de la réduction temporaire du taux de la taxe sur les hydrocarbures ou l’adoption d’un système de compensation financière pour les agriculteurs céréaliers, dans le but de réaliser les politiques publiques inscrites dans le programme électoral du parti. Les demandes du parti majoritaire furent ainsi intégrées presque telles quelles dans le projet de budget.
48Par ailleurs, on ne peut affirmer que les réformes ayant eu pour objectif de dynamiser les débats à la Diète aient porté leurs fruits. Malgré l’abolition du système des commissaires du gouvernement, les débats entre parlementaires ne devinrent pas plus animés. Les séances de débat entre les chefs de partis qui devaient en principe avoir lieu toutes les semaines eurent tendance à être repoussées ; la première séance à se dérouler après l’alternance fut organisée près de six mois plus tard, le 17 février 2010.
49Alors que les réformes établissaient comme idéal un système dans lequel le processus décisionnel serait dirigé avec un leadership gouvernemental fort s’appuyant sur une Diète dynamique, la situation donnait à voir un Cabinet faible et une Diète faible, conduisant au sentiment que l’on était au point mort. Si l’on ajoute à cela le fait que le rôle joué par la haute administration avait clairement diminué depuis l’alternance démocrate, l’on constatait une sorte de paralysie des « trois pôles » : administratif, gouvernemental et parlementaire.
Le modèle de Westminster comme idéal
50Les réformes introduites ces dernières années au Japon avaient toutes comme source d’inspiration le système politique anglais, autrement appelé « modèle de Westminster ». Cela peut se vérifier par de multiples exemples : l’introduction des circonscriptions à scrutin uninominal majoritaire à un tour lors de la réforme du système électoral de la Chambre des représentants, l’introduction des postes de vice-ministres et de conseillers parlementaires, le renforcement des prérogatives du Cabinet qui constituait un pilier important de la réforme des administrations centrales, ou encore l’introduction à la Diète de séances de débats entre chefs de partis.
51L’homme politique à avoir le plus tôt imaginé des réformes inspirées du modèle de Westminster est probablement Ozawa Ichirō. Dans son ouvrage intitulé Un plan de restructuration pour le Japon et publié en 1993, il faisait la promotion d’un passage au scrutin uninominal majoritaire à un tour pour le système électoral de la Chambre des représentants, dans l’optique de voir se mettre en place un système bipartite dans lequel l’alternance devenait possible. Il suggérait également d’introduire des réformes visant à augmenter considérablement le nombre de postes gouvernementaux et à intégrer les positions de cadres du parti majoritaire dans le Cabinet, de sorte que le parti et le gouvernement ne fassent qu’un (seifu-yotō no ittaika). Il affirmait qu’ainsi, « le Cabinet et le parti majoritaire ne formeraient qu’une seule entité supérieure, qui serait responsable de la politique qu’elle mènerait », et que « les parlementaires de la majorité qualifiés de “parlementaires de réseau” ne seraient alors plus la cible des critiques ».
52Après l’alternance de 1993, les points essentiels de la pensée d’Ozawa furent admis par les partis de la majorité comme par ceux de l’opposition, et beaucoup des réformes qu’il proposait furent finalement réalisées. Entretemps, les principaux médias apportèrent leur soutien aux réformes inspirées du modèle de Westminster.
53D’ailleurs, lors de l’alternance de 2009, les projets de réformes du PDJ, qui soutenait qu’un changement radical d’orientation des politiques publiques devait être mené par le gouvernement, s’inscrivaient aussi fondamentalement dans la voie tracée par Ozawa. Parmi les mesures concrètes avancées par le PDJ dans son programme, on trouvait notamment : 1) l’intégration d’environ cent parlementaires de la majorité dans le Cabinet en tant que conseillers politiques ou bien assistants ministériels ; 2) l’abolition de la réunion hebdomadaire des vice-ministres administratifs (jimujikan kaigi) et l’introduction de commissions interministérielles (kakuryō iinkai) comme lieu de négociation des politiques ; 3) le renforcement des prérogatives du Premier ministre avec l’instauration d’une direction de la stratégie nationale (kokka senryakukyoku) directement placée sous ses ordres. Or ces réformes ne donnaient guère l’impression de se démarquer de celles des gouvernements PLD, mais plutôt d’en être le prolongement. En effet, dans les « propositions finales relatives au système politique », rendues en 2002 par la commission pour une vision nationale instituée dans le quartier général de la stratégie nationale du PLD, il était déjà question de supprimer la réunion hebdomadaire des vice-ministres administratifs et d’instaurer des comités interministériels (kakuryō kaigi) ainsi qu’un conseil de la stratégie nationale (kokka senryaku kaigi) – autant de mesures extrêmement proches de celles inscrites dans le programme du PDJ.
54À titre d’exemple, l’instauration d’une direction de la stratégie nationale était une des mesures phares du pouvoir démocrate destinées à faire émerger un processus décisionnel supervisé par les responsables politiques. Mais en réalité, elle ne fut qu’une nouvelle forme de comité consultatif pour les politiques économiques et les finances publiques, sans grand changement de trajectoire. Suite à sa défaite aux élections à la Chambre des conseillers d’août 2010, le gouvernement de Kan Naoto abandonna l’idée d’instaurer cette direction de la stratégie nationale, mais quand bien même cette dernière aurait été introduite, rien ne permet de penser qu’un changement important et immédiat s’en serait suivi dans le processus décisionnel.
Les raisons de cette situation de blocage
55Alors que la majorité des réformes inspirées du modèle de Westminster sont aujourd’hui introduites au Japon, l’impression que l’on ne parvient guère à s’extraire du modèle antérieur demeure. On répète qu’il est nécessaire de reconstruire les mécanismes de prise de décision pour que celle-ci s’organise autour du Cabinet, mais lorsqu’il s’agit de savoir comment s’y prendre concrètement, personne ne semble avoir d’idée lumineuse. Il en va de même concernant la dynamisation des débats à la Diète. Si les réformes ont aujourd’hui montré leurs limites, ne serait-ce pas parce que leur orientation fondamentale était problématique ? N’est-il pas temps de se demander s’il était approprié ou non de vouloir transformer le processus décisionnel japonais par le biais de réformes inspirées du modèle de Westminster ?
56J’ai pour ma part toujours considéré qu’il était improbable que la simple introduction de réformes imitant le modèle de Westminster fasse émerger un système dans lequel le processus décisionnel serait piloté par les responsables politiques. Je pense en outre que cela ne permettrait pas de redynamiser les débats parlementaires. Je vois à cela deux raisons.
57Premièrement, le modèle de Westminster ne constitue pas la panacée pour rendre les débats à la Diète plus substantiels. Outre que, ces derniers temps, la politique britannique a connu d’importantes transformations, l’éloignant ainsi progressivement de l’image que nous nous faisons de la politique dans le modèle de Westminster (voir la section 2 du chapitre 3), il convient de noter que la tradition britannique n’a jamais été celle d’un compromis élaboré sur la base d’une concertation souple entre parlementaires. En Grande‑Bretagne, où le gouvernement et le parti majoritaire fusionnent pour ainsi dire en une seule entité, les débats à la Chambre basse consistent essentiellement en un échange opposant le parti majoritaire à ceux de l’opposition. Le taux d’amendement des projets de loi n’y dépasse pas les 10 %, même si l’on comptabilise les amendements mineurs réalisant par exemple des corrections techniques.
58Deuxièmement, le cadre institutionnel politique japonais diffère complètement de celui existant en Grande‑Bretagne. La particularité du modèle de Westminster réside dans le fait que le parti qui dispose de la majorité des sièges à la Chambre basse constitue seul un Cabinet, lequel pilote la prise de décision en déployant un important leadership. Mais si le Premier ministre a pu faire preuve d’un tel leadership en s’appuyant sur sa majorité parlementaire à la Chambre basse, c’est parce que la Grande‑Bretagne ne dispose ni de Constitution écrite, ni a fortiori de contrôle constitutionnel, et que la Chambre haute (la Chambre des pairs) possède relativement peu de pouvoirs.
59Or, la particularité du système politique japonais, à l’inverse, réside dans le fait qu’il existe de nombreux contre-pouvoirs (veto players) qui ont pour rôle de contrôler les prérogatives du Premier ministre. Par exemple, la Chambre des conseillers est une des Chambres hautes qui possèdent le plus de pouvoirs.
60Chez les chercheurs anglo-saxons spécialistes de la politique japonaise, l’opinion qui ressort le plus souvent consiste à affirmer que bien que les organes de gouvernement établis par la Constitution du Japon aient été fondamentalement basés sur le modèle de Westminster, ils auraient dévié de leur forme originelle du fait de la pratique qui en avait été faite sous les gouvernements PLD. Ainsi, on pourrait considérer que les réformes des années 1990 avaient pour but de faire revenir la politique japonaise à sa forme originelle. C’est en tout cas une idée que semblaient partagés les hommes politiques et les médias de masse japonais.
61Mais peut-on vraiment considérer les relations établies entre la Diète et le Cabinet par la Constitution du Japon comme semblables au modèle de Westminster ? Si l’on estime que le cadre institutionnel fondamental japonais diffère de ce modèle, force est de conclure que c’était se fourvoyer dès l’origine que d’appliquer des réformes qui en étaient inspirées : l’échec de la tentative d’introduire un processus décisionnel dirigé par les responsables politiques ne pourrait être imputé aux seules insuffisances de ces derniers.
62Je souhaite à présent développer ce propos par une analyse des institutions parlementaires japonaises.
Notes de bas de page
1 NdT : Par contraste avec la Constitution de 1889.
2 Sondage réalisé entre 2005 et 2008 par la World Values Survey Association.
3 Moyenne calculée sur toutes les commissions parlementaires de la Chambre des représentants de 1985 à 2001.
4 Fukumoto, 2000, 261 p.
5 Plus exactement, dans les différentes sections du comité de recherche des questions politiques.
6 NdT : Il sera question de ces parlementaires dans le chapitre 2. Les zoku giin étaient des parlementaires de la majorité qui étaient spécialisés dans un domaine spécifique de politique publique et qui avaient développé de fortes relations avec les hauts fonctionnaires et groupes d’intérêts en rapport avec ces domaines. Ils disposaient en conséquence d’une influence importante sur les décisions relatives à leurs domaines respectifs, bien souvent capables de mettre en échec une éventuelle tentative du gouvernement d’aller contre les intérêts qu’ils défendaient. Ces parlementaires faisaient par exemple partie de la « tribu » (zoku) des routes, favorisant notamment la construction d’infrastructures autoroutières dans leurs circonscriptions, de la tribu agricole, de la tribu de la Poste, de la tribu médicale et pharmaceutique, etc.
7 NdT : L’auteure marque par les termes « choisie par les électeurs » une différence avec l’alternance survenue en août 1993, lorsque huit partis anti-PLD avaient formé, à l’issue des élections, une coalition pour obtenir la majorité des sièges à la Chambre basse. L’alternance fut d’ailleurs de courte durée puisqu’en juin 1994, le PLD revenait déjà au pouvoir, aux côtés du Parti socialiste japonais (PSJ) et du Nouveau Parti pionnier (Shintō sakigake).
8 La majorité absolue dite « stable » désigne le nombre de sièges nécessaires à l’obtention du poste de président de la Chambre basse, ainsi que de la majorité des membres de chaque commission.
9 Programme politique du PDJ pour les élections générales de 2009.
10 NdT : La Chambre haute est renouvelée par moitié tous les trois ans.
11 Nihon Keizai Shinbun, 2010.
12 NdT : Dans ce système électoral, plusieurs sièges (3 à 5 en général) étaient à remporter dans chaque circonscription. Le candidat recueillant le plus de voix était élu en premier, puis celui disposant du nombre de voix le plus élevé dans les candidats restants était élu, et ainsi de suite. Cependant, si le candidat d’un parti arrivait en tête en remportant 1000 voix de plus que le second par exemple, il ne transférait pas aux autres candidats du même parti les 999 voix inutiles pour sa victoire (il n’en avait besoin que d’une de plus que le second). Aussi, la bonne répartition des voix entre les différents candidats d’un même parti était cruciale pour sa victoire. Un candidat recueillant trop de voix en privait d’autant les autres candidats de son parti et risquait indirectement de compromettre leur élection au profit des candidats adverses se répartissant mieux les voix.
13 NdT : Une loi-cadre est au Japon une loi-programme qui fixe des orientations et objectifs. Celle-ci a besoin d’être transposées dans d’autres lois (et non pas des décrets comme c’est le cas en France) pour que les objectifs visés dans ses dispositions se concrétisent.
14 Son appellation officielle traduite en français est la suivante : loi relative à la redynamisation des débats à la Diète et à l’instauration d’un processus décisionnel dirigé par les responsables politiques.
15 NdT : Nous choisissons ici cette terminologie dans la mesure où, malgré certaines différences, les seifu iin japonais se rapprochent des commissaires du gouvernement visés au second alinéa de l’article 31 de la Constitution française de 1958 (à ne pas confondre avec l’ancienne appellation des rapporteurs publics des juridictions administratives). L’article 31 de la Constitution française dispose que : « Les membres du Gouvernement ont accès aux deux assemblées. Ils sont entendus quand ils le demandent. Ils peuvent se faire assister par des commissaires du Gouvernement. »
16 NdT : Il en sera postérieurement question mais, dans les années 1990, notamment, le système politique japonais fut vivement critiqué pour être caractérisé par un processus décisionnel ascendant (bottom-up) dans lequel les parlementaires de la majorité exerçaient une très forte influence sur l’élaboration des politiques publiques. D’après ces critiques, en permettant à ces derniers de protéger leurs clientèles électorales contre les éventuelles tentatives du gouvernement de remettre en question leurs intérêts, ce système aurait empêché l’exécutif de faire passer d’importantes réformes structurelles dont le Japon avait besoin.
17 NdT : Les factions sont des groupes de parlementaires réunis autour de membres très influents du PLD qui en vise la présidence. Afin de capter un maximum de parlementaires, les chefs de factions participaient largement au financement de leurs campagnes électorales durant la période du système de 1955. La répartition des postes gouvernementaux en fonction des rapports de force entre les factions contribua à institutionnaliser ces dernières. Les parlementaires non affiliés à une faction n’avaient de fait aucune chance de capter un poste gouvernemental.

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