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La Diète japonaise

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Reiko Ōyama

Préface de la version originale

Texte intégral

1La Diète japonaise se trouve actuellement à un tournant historique.

  • 1 NdT : Période dite du « Système de 1955 », caractérisée par la coexistence du Parti libéral démocra (...)

2Durant la longue période, de 1955 à 19931, pendant laquelle le Parti libéral démocrate (PLD) se maintint au pouvoir, la Diète fut critiquée par bon nombre de citoyens qui considéraient qu’elle se bornait à valider les projets de loi que lui présentait le Cabinet. Il est vrai en effet que rares furent les politiques publiques à émerger lors de débats parlementaires où la majorité et l’opposition s’étaient concertées, et que la plupart des projets de loi furent adoptés à la Diète sans qu’aucun amendement ne leur fussent apportés.

  • 2 NdT : Au Japon les sessions parlementaires sont discontinues avec, en général, une session ordinair (...)

3Les membres de la Diète, plutôt que de mesurer la force de leurs arguments, s’employaient à de simples luttes partisanes. De même, on ne peut guère considérer que les partis d’opposition relevaient suffisamment les points problématiques des projets de loi émis par le Cabinet, dans la mesure où leur principal objectif était en réalité de pousser ces projets à l’abandon en retardant les débats parlementaires2. Il arrivait certes que les opinions de l’opposition soient intégrées dans les projets de loi et que ceux-ci soient amendés, mais dans ces cas, la négociation entre la majorité et l’opposition s’opérait en dehors de la Diète, si bien que cela n’avait pas pour effet de redynamiser les débats parlementaires.

4Cependant, à partir du xxie siècle, l’environnement entourant la Diète s’est trouvé profondément transformé.

  • 3 NdT : La Diète divisée, littéralement « Diète tordue », est l’appellation donnée à la situation de (...)

5On voit ainsi la lutte pour le pouvoir entre les deux grands partis devenir centrale dans la politique japonaise. L’époque où les projets et propositions de loi étaient adoptés au cours de négociations informelles menées entre un éternel parti majoritaire et un éternel parti d’opposition semble s’éloigner. La situation dite de « Diète divisée3 », dans laquelle l’opposition détient la majorité des sièges à la Chambre des conseillers – la Chambre haute –, se banalise, rendant plus compliquée la coordination des positions des deux chambres. Le processus décisionnel selon lequel il suffisait d’obtenir, au sein de la majorité, un compromis antérieur à l’examen parlementaire des projets de loi, ne fonctionne plus. Désormais, il est rare que l’examen d’un projet de loi important ne débute sans la recherche active d’un compromis entre la majorité et l’opposition.

6Pourtant, il est frappant de voir que les membres de la Diète, de même que les médias de masse, sont encore captifs d’une conception surannée de l’examen parlementaire des projets et propositions de loi. L’opposition continue d’avoir recours à sa stratégie habituelle du refus de l’examen des projets de loi, tandis que le gouvernement et la majorité persistent à vouloir circonvenir l’opposition au cours d’une négociation menée hors de la Diète. Les médias de masse appellent certes la majorité et l’opposition à dialoguer afin de sortir de l’impasse, mais eux aussi envisagent une concertation antérieure et hors de la Diète ; rares sont les voix qui réclament la conclusion d’un accord au cours de l’examen parlementaire des textes.

7La Diète ne devrait-elle pas constituer à l’origine le lieu où les partis et les parlementaires peuvent exprimer librement leurs opinions et faire émerger des compromis au terme de débats ? Pourquoi ne peut-on pas, ou ne cherche-t-on pas, à mener un examen substantiel de projets et propositions de loi à la Diète ? Comment doit-on procéder pour redynamiser les débats parlementaires et les réformer de sorte qu’ils fassent effectivement sens ?

8Il existe de nombreux points à discuter en ce qui concerne la réforme de la Diète. Lors des élections à la Chambre des conseillers en juillet 2010, plusieurs partis politiques, à commencer par le PLD et le Parti démocrate du Japon (PDJ), avaient inclus dans leurs programmes la réduction du nombre de parlementaires à la Diète. La question du rapport de la politique à l’argent n’est toujours pas résolue, notamment pour ce qui a trait au financement de la vie politique ou encore aux indemnités parlementaires. Ces questions ne manqueront d’ailleurs pas de revenir au cœur des débats si l’occasion se présente. Ceci dit, la tâche la plus urgente à l’heure actuelle n’est-elle pas de faire en sorte que la volonté du Peuple soit reflétée dans la prise de décision, par le biais de la refonte du système d’examen des textes à la Diète ?

9Dans cet ouvrage, parmi les diverses questions relatives à la Diète, nous nous focaliserons sur celle des débats parlementaires et, tout en nous attachant aux institutions, nous tâcherons de chercher une voie possible pour redonner de la substance à ces débats. Nous pensons en effet que, outre les qualités intrinsèques des membres de la Diète et le contexte socio-culturel, les raisons principales pour lesquelles les débats à la Diète ont été vidés de leur substance sont à chercher dans les institutions parlementaires.

10Nous devons tout d’abord faire un rappel concernant la façon dont les institutions parlementaires actuelles ont été mises en place. Dans le premier chapitre, nous reviendrons sur la façon dont la Diète fut conçue lors des réformes de l’après-guerre en remontant au moment de l’instauration de la Constitution du Japon. Dans le chapitre deux, nous verrons comment ces institutions se sont transformées avec les applications qui en ont été faites postérieurement.

11Afin de présenter des arguments objectifs, on ne peut se passer d’une comparaison avec d’autres régimes parlementaires étrangers. Au cours de l’élaboration des réformes de la Diète menées jusqu’ici, les propositions inspirées de l’étranger n’ont pas été rares, mais elles ont eu tendance à n’opérer que des emprunts institutionnels partiels et sélectifs. En particulier, une connaissance plus approfondie du modèle britannique de Westminster, sur lequel se fondent de nombreuses analyses relatives aux récentes réformes politiques et réformes de la Diète, sera nécessaire. Dans le chapitre trois, en sus du système britannique, nous présenterons certains régimes parlementaires des pays d’Europe continentale qui diffèrent de ce dernier, ce qui nous permettra de repenser la Diète japonaise.

12Dans le chapitre quatre, nous évoquerons la question du bicamérisme et tâcherons de réfléchir aux moyens de surmonter cette difficulté que constitue, le cas échéant, la divergence des majorités entre les deux chambres de la Diète. Dans le dernier chapitre, nous discuterons à nouveau de l’esprit des réformes de la Diète et les moyens de leur mise en œuvre, puis nous soumettrons au lecteur un projet qui nous semble réalisable.

13Ōyama Reiko

Notes

1 NdT : Période dite du « Système de 1955 », caractérisée par la coexistence du Parti libéral démocrate et du Parti socialiste, le premier étant perpétuellement majoritaire et le second, dans l’opposition.

2 NdT : Au Japon les sessions parlementaires sont discontinues avec, en général, une session ordinaire de janvier à juin et une session extraordinaire de septembre à décembre. Une proposition ou un projet de loi n’ayant pas été adopté dans la session parlementaire de son dépôt à la Diète devient caduc (haian), sauf lorsque l’examen est reconduit expressément à la session suivante, après décision en commission ou en séance plénière dans la chambre concernée (on parle de keizoku shingi ou keizoku shinsa).

3 NdT : La Diète divisée, littéralement « Diète tordue », est l’appellation donnée à la situation de divergence des majorités entre les deux chambres parlementaires. Concrètement, ce sont les cas où le parti au pouvoir (ou les partis de la coalition au pouvoir) n’a pas la majorité à la Chambre des conseillers. C’est une sorte de situation de cohabitation au sein de la Diète qui s’est produite en 1989, 1998, 2007 et 2010. Delamotte, 2008, p. 37-51. Depuis 2012, le PLD détient la majorité des deux chambres.

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