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Encyclopédie des historiographies : Afriques, Amériques, Asies

 | 
Nathalie Kouamé
, 
Éric P. Meyer
, 
Anne Viguier

R

Relations géographiques d'Ovando (Amérique espagnole)

Geographical Relations of Ovando (Spanish America)

Relaciones geográficas de Ovando (America española)

Pierre Ragon

Résumé

Face au caractère déroutant des réalités américaines et aux témoignages contradictoires qui lui parvenaient, la Couronne d’Espagne fut immédiatement confrontée à la nécessité d’établir les faits et de vérifier les connaissances. Pour ce faire, elle sollicita des rapports individuels et lança de vastes enquêtes collectives. Celle dite d’Ovando, dans les années 1570 et 1580, figure parmi les plus importantes.

Texte intégral

1À plusieurs reprises – et dès le règne de Philippe ii –, la Couronne de Castille eut recours à l’enquête géographique dans le but de mieux connaître ses royaumes et d’en améliorer le gouvernement. En Amérique, cette nécessité apparut peu de temps après l’établissement des premiers Espagnols : confrontée à un monde totalement inconnu, déroutée par de nouvelles réalités et désorientée par des rapports souvent aussi contradictoires qu’intéressés, la Couronne d’Espagne chercha d’emblée à réunir des renseignements fiables. Les premières demandes d’information furent tout d’abord adressées à des témoins privilégiés, à qui l’on estimait pouvoir faire confiance (religieux et évêques notamment) ou à des corporations jugées sûres (juges des tribunaux supérieurs, ordres religieux), et cela dès 1530. Puis l’on élabora et envoya aux autorités politiques ou religieuses installées des questionnaires plus ou moins précis dont on espérait qu’ils permissent la collecte systématique des informations nécessaires. C’est ainsi qu’au total, ces opérations furent renouvelées une trentaine de fois tout au long de la période coloniale, mais avec un bonheur très inégal. En effet, si en certaines circonstances, notamment lors des années 1570‑1580 et 1740, les demandes de la Couronne furent largement relayées par les autorités locales, bien souvent, les ordres envoyés ne trouvèrent qu’un écho limité quand ils ne furent pas tout simplement ignorés.

2Les enquêtes géographiques dites d’Ovando provoquées par une décision royale prise en 1569 sont particulièrement utiles tant pour la connaissance de la société coloniale en formation que pour la compréhension du passé préhispanique. Philippe ii souhaitait resserrer l’emprise du gouvernement royal sur ses royaumes américains et, à cet effet, il mit en place une « junta magna » chargée d’inspecter les bureaux du Conseil des Indes et de la Casa de Contratación afin de pouvoir réformer et rationaliser le gouvernement des Indes. De nombreuses décisions en découlèrent et parmi les premières, on trouve logiquement la volonté de réunir une information fiable permettant de prendre des décisions pertinentes. En fait toute une série de questionnaires fut alors rédigée et envoyée aux Indes, y compris dans les années qui suivirent la mort d’Ovando (1575). Le premier, en 1569, comportait 37, ceux de 1540 et 1573 en déclinèrent beaucoup plus : 200 pour le premier, et 135 pour le second. La version de 1577 (50 questions) est celle qui fut la plus largement reprise. Au total, on connaît, revenues des provinces de Nouvelle‑Espagne, 167 réponses, mais seulement 15 pour le Pérou, 6 pour Quito, 12 pour le Venezuela, 7 pour le royaume de Nouvelle‑Grenada et une pour les Caraïbes. Assurément, un certain nombre de ces textes ne nous sont‑ils pas parvenus, et l’on connaît pour la Nouvelle‑Espagne l’existence de 24 réponses qui n’apparaissent dans aucun dépôt. L’information recueillie porte tout à la fois sur la géographie, les peuplements espagnol et indigène des territoires, les coutumes et les mœurs des autochtones, les ressources naturelles, le commerce local, la défense militaire et l’avancement de la mission religieuse. Certains de ces documents étaient accompagnés de cartes, parfois rédigées par des informateurs indigènes. Ce sont évidemment là des sources très précieuses qui témoignent à la fois des cultures autochtones et de leur transformation.

3L’importance de cette série documentaire a été perçue dès la fin du xixe siècle par des chercheurs tels que Fermín Caballero ou Marcos Jiménez de la Espada. Pourtant leur édition systématique en collections utilisables par les chercheurs et leur étude globale ne datent guère que de la fin du siècle passé. C’est que l’immense masse d’archives produite par cette enquête n’a pas été réunie en une série homogène, mais se trouve dispersée dans différents fonds de nombreux dépôts d’archives, notamment ceux de l’Archivo General de Indias, de la Real Academia de Historia à Madrid et au sein de la Latin American Collection de l’Université du Texas à Austin. Le premier inventaire quasiment complet du fonds concernant la Nouvelle‑Espagne, le plus important, a été publié par H. F. Cline dans le Handbook of Middle American Indians (vol. 12) en 1972.

Bibliographie

Ouvrages

Acuña René, 1984‑1988, Relaciones geográficas del siglo xvi [Les Relations géographiques du xvie siècle], 10 vols., UNAM, Mexico.

Jiménez de la Espada Marcos, 1965, Relaciones geográficas de Indias : Perú [Les Relations géographiques des Indes : Pérou], Atlas, Madrid.

Solano Francisco (éd.), 1988, Cuestonarios para la formación de las Relaciones Geográficas de Indias (siglos xvixix) [Les questionnaires pour la formation des Relations géographiques des Indes (xviexixe siècle)], CSIC, Madrid.

Article et contribution à un ouvrage

Berthe Jean‑Pierre, 1986, « À l’origine des “Relations géographiques pour la description des Indes", les documents de 1577 », Trace (CEMCA), n10, p. 5‑14.

Cline Howard F., 1972, “The Relaciones Geográficas of the Spanish Indies, 1577‑1618” [Les Relations géographiques des Indes espagnoles, 1577‑1618], in Wauchope Robert et alii (eds.), Handbook of Middle American Indians, University of Texas Press, vol. 12, Austin, p. 183‑242.

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