Keep the lights on! La décentralisation énergétique à Londres
p. 29-62
Texte intégral
1Les objets de l’énergie, longtemps cantonnés à des espaces périurbains ou périphériques, effectuent un retour remarqué en zone urbaine1. À l’échelle européenne, la transition énergétique s’accompagne d’une mutation infrastructurelle : différentes initiatives de production d’énergies renouvelables redéfinissent les territoires urbains et leur géographie sociotechnique associée2. Les projets de décentralisation engagés dans la production d’électricité et/ou de chaleur se multiplient3. Un temps limitée et marginalisée à la petite échelle domestique ou communautaire, l’autonomie énergétique a gagné la ville et le champ des études académiques. L’objectif de cette contribution est d’apporter un éclairage sur les enjeux et les effets spatiaux de stratégies de production énergétique visant à l’autosuffisance et/ou à l’autonomie locale4 en milieu urbain dense.
2Marquée par le contexte de la libéralisation du marché de l’énergie des années 2000, Londres catalyse sans pareille mesure des problématiques liées à la relocalisation énergétique, à la complexification et à l’ouverture du jeu des acteurs. Dès 2007, la politique publique volontariste du Greater London Authority (GLA) s’est notamment illustrée par le « Decentralised Energy Program » qui vise pour 2025 à ce que 25 % de la consommation énergétique soit produite par des « sources décentralisées5 ».
3Avec un fort pouvoir des boroughs (arrondissements), des projets de très différentes natures coexistent mais deux ensembles se détachent. D’un côté une décentralisation « pensée par le haut » (ou top down) : c’est le pilotage énergétique directif qui est à l’œuvre dans les projets urbains portés par de grands opérateurs publics et privés de l’aménagement et des réseaux de services, comme à King’s Cross, Greenwich Peninsula ou River Lake. La promotion immobilière y assure avec de forts investissements économiques la gestion énergétique ; chaque opération d’aménagement est désormais dotée de sa centrale de cogénération intégrée et connectée aux centaines ou aux milliers de logements, sans que les communautés habitantes ne soient impliquées dans le projet énergétique, ni que la résilience des modèles installés ne soit assurée sur le long terme. Dans ce cas, la mise en place de dispositifs de décentralisation énergétique n’agit pas comme un facteur d’autonomisation politique à la différence d’initiatives citoyennes coopératives dites bottum-up, dont l’une des plus célèbres est « Repowering London ». Créée en 2011, cette coopérative londonienne accompagne la mise en œuvre de projets d’énergie renouvelable installés par des communautés habitantes qui cherchent à reprendre le pouvoir sur leur production et leur consommation dans la tradition d’une écologie politique et sociale notamment incarnée par le mouvement des villes en transition6. La synchronisation et la mise en relation de ces différentes stratégies de transition portées par des logiques organisationnelles inédites posent toutefois question. La multiplication des projets et de ces micro-infrastructures constitue‑t‑elle une stratégie énergétique articulée ? Quels sont les effets spatiaux de ces phénomènes de décentralisation énergétique dans le tissu urbain ?
4Marqué par le foisonnement de dispositifs de relocalisation et le déploiement de microréseaux associés, le contexte londonien montre qu’il n’y a pas de déterminisme infrastructurel. Le changement de forme technique et d’échelle en lien avec une gouvernance plus localisée reste un fort levier de changement social, comme l’ont démontré les socioanthropologues des techniques Laure Dobiny et Laurence Raineau7. Toutefois l’autosuffisance (quand les besoins sont couverts par les productions) et la relocalisation de flux physiques ne vont pas systématiquement de pair avec un projet d’autonomie énergétique valorisant une gouvernance plus ouverte et partagée, une économie sociale de proximité et un changement des pratiques. Dans une perspective qui articulera deux niveaux d’analyse, l’un sociotechnique et l’autre plus spatial, l’ambition de cet article est de présenter un état des lieux des projets de décentralisation relevant des deux dynamiques évoquées. La première correspond à une logique d’action technocentrée, c’est l’application par des acteurs de grandes entreprises privées d’une politique publique volontariste (King’s Cross, Greenwich Peninsula ou River Lake). La seconde correspond à une logique d’action portée par des acteurs citoyens et orientée sur la réappropriation et le changement des pratiques comme outil d’empowerment citoyen (Repowering London et plus largement les coopératives).
Retour en ville
5Après la création du Grand Londres en 2000 qui a vu les limites de la ville repoussée, le GLA s’est rapidement doté d’une stratégie de planification énergétique ambitieuse. Olivier Coutard et Jonathan Rutherford, dans leurs travaux sur les stratégies urbaines et régionales de transition énergétique en Europe, avaient pointé la « révolution de l’énergie décentralisée » engagée par le maire de Londres, Ken Livingstone, en 2006.8 Ce volontarisme politique de réduire les émissions carbones et planifier la décentralisation s’est d’abord traduit par la réalisation de documents stratégiques. L’un des premiers outils de diagnostic énergétique a été la Heat Map. Créée en 2007, cette carte interactive (figure 1) a révélé dans le tissu urbain les plus importants postes de consommation de carburant fossile, les lieux de précarité énergétique et les secteurs les plus touchés par la pollution carbone. Cette cartographie a permis d’identifier les secteurs prioritaires pour l’installation de nouvelles sources d’énergie.
Figure 1

The London Heat map, Center for Sustainable Energy, Greater London Authority, 2011.
© Crown copyright. GLA
6Dans la perspective de réduire sa dépendance aux infrastructures nationales, le Decentralised Energy Masterplanning Programme de 2011 affiche la volonté politique d’assurer 25 % des besoins énergétiques de la ville à partir de ressources énergétiques décentralisées à l’horizon 2025 et de réduire de 60 % les émissions de CO2 avec l’objectif principal d’améliorer la qualité de l’air9. Dans les discours politiques, la notion « decentralised » est clairement affichée. L’indépendance énergétique, qui est un enjeu classiquement vu comme de sécurité nationale, est ici avant tout perçue en lien avec l’environnement et reliée à l’impératif de baisser les émissions de CO210. Mais la question de la sécurité nationale reste fortement en lien avec les menaces de black‑out sur le réseau national. Suite à la fermeture de centrales charbon en 201511 et à un objectif d’intégration massive d’EnR dans le réseau électrique national : l’injonction « Keep the lights on » a relayé dans la presse les inquiétudes des grands fournisseurs. Ces inquiétudes ont été accentuées par le Brexit et les incertitudes qui pèsent sur de nouveaux projets de liaisons électriques sous‑marines entre le Royaume‑Uni et l’Europe12.
7Mais ce « retour en ville » de la production énergétique correspond à un phénomène mondial qui a identifié la ville comme espace levier prioritaire. En juin 2016, le Global Covenant of Mayors for Climate & Energy, qui représente quelques sept mille cent villes et plus de six cent mille personnes, a engagé la responsabilité des maires dans le changement climatique. Michael Bloomberg, le maire de New‑York City, a signé à cette occasion une tribune dans le Guardian déclarant que « l’une des meilleures mesures que les gouvernements nationaux peuvent prendre pour lutter contre le changement climatique est de doter leurs villes des outils et de l’autonomie dont elles ont besoin pour agir13. » Le soutien financier et les subventions disponibles à l’échelle nationale et européenne pour la décentralisation énergétique sont une opportunité pour dynamiser l’économie des villes. Les municipalités sont par ailleurs de grandes consommatrices d’électricité et les prix de l’énergie ont un impact important sur leurs budgets. Produire leur propre énergie et réduire leur consommation permettrait de réinvestir un pan économique et de le mettre au bénéfice de l’économie locale et même de générer des revenus. Reste à savoir selon quelle modalité de gouvernance enclencher le réinvestissement de ce champ énergétique, dont les cadres réglementaires et la gestion ont historiquement fluctué passant de petits monopoles privés à de petits monopoles publics, puis à des partenariats privé‑public majoritairement devenus de grandes multinationales. En Europe, depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’harmonisation du secteur14 a suivi, notamment pour l’électricité, une trajectoire plutôt centralisatrice (incitations tarifaires et prérogatives juridiques), des logiques industrielles structurées sur un idéal de croissance et de consommation reposant très majoritairement sur les énergies non renouvelables. L’ouverture à la concurrence des années 2000 a‑t‑elle été l’occasion de renouveler les modèles existants et de favoriser une diversité infrastructurelle basée sur d’autres énergies et ressources ?
Libéralisation et décentralisation
8Sur le continent européen, l’histoire nous montre qu’une multitude de transitions n’a cessé de bousculer un horizon énergétique commun15. Concernant les ressources primaires, c’est une mobilisation assez récente qui permet à l’Europe de s’afficher aujourd’hui au premier rang mondial dans la production d’énergies renouvelables (cf. introduction de l’ouvrage). De nombreuses coopérations internationales au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ont esquissé les grandes lignes énergétiques d’un avenir commun : l’UE du charbon avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1952, puis celle du nucléaire (ou Communauté européenne de l’énergie atomique, CEEA, ou Euratom) en 1957 vont orienter les politiques industrielles de la CEE. Des réflexions stratégiques sur la dépendance au pétrole avec les pays du Moyen‑Orient et des États‑Unis émergent toutefois dès le milieu des années 1965, nourries par les travaux du club de Rome qui vont favoriser la recherche ainsi que des mouvements citoyens, associatifs et/ou d’institutions publiques favorables aux énergies renouvelables, au premier rang desquelles le solaire. Elles s’intensifieront encore suite au premier choc pétrolier. Au Royaume‑Uni, la création en 1974 de la section britannique de l’International Solar Energy Society (ISES) est initiée par Mary Archer, une jeune scientifique de la Royal Institution de Londres (en lien avec les équipes des laboratoires universitaires pionniers sur ces sujets : Brian Brinkworth à Cardiff, John Page à Sheffield, Peter Dunn à Reading, Alexander Pike16 à Cambridge). Si de nombreuses recherches ont vu le jour et étaient financièrement soutenues (notamment pour le solaire) il n’y a pas eu d’appui pour le développement d’une politique industrielle17. Depuis le début des années 2000, la structuration de programmes européens et d’institutions nationales s’est progressivement constituée, mais comme le rappelle Yves Bouvier : « Les difficultés rencontrées pour la formulation d’une politique commune, quelles que soient les énergies concernées, reposaient non seulement sur l’absence de convergence des modèles nationaux mais également sur la volonté des principaux États membres de ne pas transférer à la Commission européenne un domaine jugé stratégique, tant sur le plan économique que sur les plans diplomatique ou politique18. » Malgré les objectifs fixés par l’Europe pour le développement des énergies renouvelables, l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité (et du gaz) n’a pas impulsé la coordination de politiques nationales favorables aux énergies renouvelables (EnR) et à la décentralisation.
9À la fin des années 1990, cette ouverture à la concurrence a permis aux entreprises de nouvelles conquêtes économiques. Mais pour le Royaume‑Uni, la privatisation ne s’est pas passée comme les libéraux l’avaient imaginée et s’est traduite par une perte de souveraineté pour le gouvernement, et de fait pour les citoyens britanniques19. Le principal argument pour les défenseurs de la privatisation du marché de l’énergie (notamment Margareth Thatcher) était que, en permettant aux investisseurs privés d’acheter des actions dans les anciennes entreprises publiques, elle rendrait le pouvoir aux usagers‑consommateurs. James Meek dans son article « How We Happened to Sell Off Our Electricity » retrace cette histoire (notamment dans ses rapports avec EDF) et affirme que : « Les petits actionnaires britanniques n’ont eu aucune influence sur les propriétaires – dans leur vaste majorité non britanniques – des firmes qui produisent et distribuent l’électricité dans leur pays. Le fait que les ménages et les petites entreprises puissent choisir de substituer une offre de tarification opaque proposée par un opérateur oligopolistique à celle proposée par un autre ne les protège en rien de variations de prix […]20. » L’opérateur électrique historique Central Electricity Generating Board (CEGB) est passé en deux décennies des mains d’entrepreneurs privés britanniques à des fonds d’investissement américains et aux grands groupes français et allemands qui poursuivent leurs propres objectifs et priorités. L’auteur insinue ici que la privatisation du marché de l’énergie a provoqué une perte de souveraineté de l’économie nationale sur la production électrique et qu’une partie du patrimoine électrique du pays est propriété de compagnies électriques aux logiques largement extraterritoriales. Cette situation pourrait être une clef d’explication du programme Decentralised Energy System. Est‑ce que la décentralisation pourrait être une manière pour le Royaume‑Uni de reprendre une certaine souveraineté sur la production électrique en renversant les effets de la libéralisation qui lui ont fait perdre la gestion d’une partie de son patrimoine électrique ?
10Au Royaume‑Uni, il y a deux cent cinq fournisseurs d’électricité autorisés21, mais le marché est dominé par six entreprises : les « Big Six », qui approvisionnent plus de 90 % des foyers du pays : British Gas (filiale de Centrica, environ 20 millions de sites clients), EDF Energy (filiale d’EDF, environ 6 millions de sites clients), E.ON UK (filiale d’E.ON, environ 5 millions de sites clients), Npower (filiale de RWE, environ 6,5 millions de sites clients), Scottish Power (filiale d’Iberdrola, environ 5 millions de clients), SSE (environ 9,6 millions de clients)22. Les profits de ces multinationales, qui restent majoritairement très haut, ont été continus depuis 2009. L’agence de régulation des marchés du gaz et de l’électricité du Royaume‑Uni (l’Office of Gas and Electricity Markets, Ofgem) a reconnu que les bénéfices des grandes entreprises énergétiques monopolistiques britanniques sont cinq fois plus élevés en 2016 qu’ils ne l’étaient en 2009, alors que des millions de ménages ont connu des hausses records de leurs factures de gaz et d’électricité23. Mais la totalité du marché ne revient pas aux Big Six, 10 % sont entre les mains de nouveaux opérateurs qui connaissent une forte croissance, notamment ceux qui misent sur les énergies renouvelables, une baisse des coûts et le transfert de leurs bénéfices dans l’économie locale. Parmi eux : Good Energy (crée en 1999), Flow Energy (1998), Spark Energy (2007), LoCO2 Energy (2009), Ovo Energy (2009), Ecotricity (1996), The Co‑operative Energy (2010), Robin Hood Energy (2015), Fischer Energy (2017)24.
11D’un côté, le contexte de la libéralisation (qui offre aux consommateurs la liberté de pouvoir choisir entre plusieurs fournisseurs25) permet aux producteurs d’EnR et aux nouveaux opérateurs favorables à la relocalisation d’émerger et de se positionner sur le marché, mais d’un autre côté, le cadre réglementaire national empêche une décentralisation plus ambitieuse et reste clairement favorable aux Big Six26. Les lois de libéralisation des années 2000 (Utilities Act 2000, Enterprise Act 2002, Energy Act 2008) ont renforcé l’utilisation locale des énergies renouvelables et des petites capacités de production jusqu’à 50 MW27, ce qui a donné aux autorités locales de nouvelles possibilités de promouvoir les projets énergétiques, mais la décentralisation reste très cadrée dans le périmètre de ce « new deal énergétique ». La réglementation limite également la possibilité de connecter un réseau privé à du résidentiel : il n’est pas autorisé de dépasser 1 MW (environ mille ménages28). La réglementation conditionne également l’exportation et la revente d’électricité dans le réseau national à 5 MW ou à seulement 2,5 MW dans le cadre d’une production domestique. Afin de surmonter cette barrière réglementaire, la municipalité de Woking à quarante kilomètres de Londres a installé et interconnecté plus de quatre‑vingts réseaux privés29 !
12C’est également la multiplication et la hausse des taxes et des redevances30 pour produire et réinjecter les productions décentralisées vers le résidentiel, mais aussi le raccordement des microréseaux aux macro qui limitent les initiatives. Pour les microréseaux électriques privés, il est possible d’être partiellement déconnecté du réseau centralisé à condition encore de garder une connexion avec le réseau national (en cas de black‑out global). À noter également qu’une réforme de la réglementation31 promulguée en 2009 a permis aux producteurs d’énergie décentralisée de fournir de l’électricité aux consommateurs locaux via le réseau public de distribution, comme s’il s’agissait de réseaux filaires privés. Cette approche a été nommée « réseaux privés virtuels » (virtual private wire networks32). Cette ordonnance censée améliorer l’économie de l’énergie décentralisée exigeait des accords avec un fournisseur d’électricité titulaire d’une licence (l’un des Big Six par exemple) pour gérer toutes les exportations ou les entrées des productions locales vers le réseau de transport d’énergie décentralisé. L’un des effets pervers de cette ordonnance est qu’elle ne rendait pas obligatoire ce service, ainsi aucun des fournisseurs agréés n’a été tenu de l’accepter... Au regard de cette difficulté, l’Ofgem a mis en place en 2009 un nouveau type de licence d’approvisionnement en électricité appelé « licence lite ». Cet outil a été créé pour permettre aux initiatives de microproductions d’utiliser le réseau national et d’accéder à une offre de distribution compétitive (via un système de réduction de charges). Toutefois, seules des municipalités ou des structures privées économiquement solides peuvent s’engager dans ce processus. À Londres, aucune licence d’approvisionnement de ce type n’existe encore – nous y reviendrons plus loin. Si le cadre réglementaire très complexe limite l’émergence de nouveaux modèles de gestion et de gouvernance, le volontarisme politique du GLA en faveur de la multiplication d’une production d’énergie décentralisée a favorisé depuis début 2010 un foisonnement de projets de relocalisation énergétique, dont la centrale de cogénération est souvent l’objet infrastructurel emblématique.
La centrale de cogénération et les microréseaux : un nouveau produit du capitalisme urbain ?
13Le développement de centrales de cogénération ou trigénération – Cogeneration or Combined Cooling, Heat and Power (CHP ou CCHP) – a été identifié comme un levier d’action prioritaire pour la production d’énergie (électricité, chaleur, froid) en milieu urbain. En 2014, Londres comptait 291 centrales de cogénération alimentées à 90 % au gaz naturel avec une part assez faible d’EnR33 (moins de 10 %). L’ambition de développer une politique de gestion des déchets ménagers34 afin d’utiliser de la biomasse en ressource primaire pour les centrales de cogénération n’a pas pu se déployer et très peu de systèmes gaz installés sont aujourd’hui réversibles biomasses. Les échelles de microréseaux installés sont très variables et dépendent pour beaucoup des initiatives portées par les boroughs.
14Techniquement les microréseaux peuvent être raccordés directement au réseau de distribution ou fonctionner en mode îloté, comme nous le verrons à King's Cross. Leurs potentialités d’interconnexion avec d’autres réseaux restent donc « ouvertes » en fonction des performances et des besoins alentour. À Islington, par exemple, la centrale de cogénération et son réseau de chaleur d’un kilomètre sont d’échelle réduite avec une capacité d’extension limitée. Géré par la municipalité, le réseau connecte huit cent cinquante logements et deux centres de loisirs, une extension est prévue pour connecter un ensemble de logements sociaux. À Olympic Parc, c’est une ambition d’une autre échelle qui se déploie : sur le site des JO, la centrale de cogénération gérée par Cofely et son réseau de chaleur vont fusionner avec le réseau de chaleur London Thames Gateway Heat Network. Il s’étendra à terme sur 23 kilomètres et connectera quelque cent vingt mille logements35.
15Les municipalités jouent ici un rôle pilote dans la définition du projet de relocalisation, des modalités de sa gestion et des perspectives d’interconnexion en vue de participer à solidariser le territoire local. Dans ces deux exemples, la centrale de cogénération ou « centre d’énergie » est pensée comme un équipement public vecteur d’urbanité. À Olympic Park, la centrale est un objet signal, au bord de l’eau et adossé à une brasserie de bière artisanale au cœur du quartier de Hackney Wick desservi par la nouvelle ligne de train London Overground mise en place pour les Jeux olympiques de 2013. La dimension « équipement » de la centrale n’est pas toujours valorisée dans les grands projets d’aménagements ou d’ensembles immobiliers pilotés par des promoteurs privés qui en assurent la maintenance et la gestion. C’est notamment le cas du quartier résidence River Light conçu par l’agence Richard Rogers et livré en 2016 pour le promoteur St James Group.
16Six bâtiments de douze à vingt étages s’élèvent en bord de Tamise. Le programme comprend 806 logements, une crèche, des restaurants, bars ainsi que quelques espaces de vente. Au sous‑sol, un parking ; la moitié de sa surface est occupée par un certain nombre de voitures (de luxe : Porsche, Maserati, Ferrari) et l’autre par une installation énergétique conçue, installée et gérée par la SSE Enterprise Utilities, une entreprise privée qui aide les promoteurs à régler les « complex energy issues36 ».
17Le dispositif comprend une centrale de cogénération, des chaudières à gaz et des pompes à chaleur géothermiques. Les chaudières à gaz sont efficientes à 90 % et la cogénération, à 40 %37. À noter que le moteur thermique pour faire de la chaleur est une solution bien moins efficiente que l’utilisation de chaudières et de pompes de géothermie. Le rendement de la centrale de cogénération est minime dans la mesure où il n’y a pas d’ambition de produire de l’électricité sur site. « Il était donc beaucoup plus intéressant en termes d’efficacité d’utiliser des chaudières au gaz au lieu de cogénération, mais nous utilisons la cogénération en raison de l’objectif de produire 25 % d’énergie décentralisée à Londres et des financements », assume le promoteur Eddie Pinchin38. Au regard des actuels prix de l’énergie, E. Pinchin reconnaît qu’il est moins rentable de faire fonctionner le système de production local (géothermie et cogénération) que de se connecter au réseau électrique traditionnel qui reste moins cher.
18Par ailleurs, les bâtiments neufs de cette opération bénéficient d’une bonne isolation qui renforce le confort thermique et induit une baisse des besoins de chauffage. River Light est une résidence destinée à une catégorie de population fortunée. En octobre 2016, les deux tiers des logements vendus sont des placements financiers, majoritairement inhabités39. Cet exemple illustre un certain opportunisme énergétique des promoteurs dans le sens où l’installation a permis de capter des financements et de s’inscrire dans la politique énergétique de la ville. Mais le dispositif technique n’est pas optimisé afin de maintenir le modèle économique et la maîtrise de la facture énergétique de leur opération. Pour ces promoteurs privés, la question de l’extension du réseau de chaleur n’est pas vraiment un sujet : qui paierait le coût de raccordement40 ? Si de grands objectifs ont été donnés à l’échelle nationale, la vision stratégique à l’échelle de la métropole reste fragile, eu égard au foisonnement des opérations qui ont des ambitions très différentes.
19À une échelle encore plus vaste, le projet de Greenwich Peninsula peine à passer pour un projet urbain inscrit dans une logique de transition énergétique cohérente. Sur 81 hectares de terres industrielles désaffectées et anciennement polluées s’élèveront en 2030 quelque quinze mille sept cents logements et 325 000 m2 d’espaces commerciaux (figure 2).
Figure 2

Greenwich Peninsula, chantier du projet urbain 2016.
© Alexandre Bouton et Fanny Lopez.
20L’agence d’architecture et d’urbanisme Allies & Morrison assure la planification urbaine et une partie de la maîtrise d’œuvre est confiée à l’architecte Santiago Calatrava. Au nord‑est du quartier, le centre d’énergie est pensé comme un signal par l’agence d’architecture danoise Møller Architects et l’artiste londonien Conrad Shawcross. Toutes les cheminées sont enveloppées dans une tour sculpturale recouverte de panneaux en aluminium perforés qui réfléchiront l’éclairage intérieur. La centrale de cogénération (chaudières à gaz) aura une puissance installée de 87 MWth (mégawatt thermique) de chaleur via un réseau de chauffage urbain de 10 kilomètres de long qui connectera l’ensemble des bâtiments du site (figures 3 et 4).
Figure 3

Greenwich Peninsula, réseaux de chaleur du site.
© Mark Hadden
Figure 4

Centre d’énergie du site dessiné par C. F. Møller Architects.
© Mark Hadden
21Cette opération urbaine est portée par un investisseur privé (un fonds de pension hongkongais) qui a fait réaliser à son développeur (le promoteur chinois Knight Dragon) un appel d’offres pour la création et la gestion énergétique du quartier pour les quarante prochaines années. Le fonds de pension a ainsi pris conscience de l’importance des marges de bénéfice réalisées par E.ON et a décidé de faire appel à une société de services énergétiques (Esco41) Pinnacle Power pour concevoir puis fonder sa société de gestion Loka Energy afin d’assurer la maintenance énergétique du quartier et récupérer la plus‑value42. Avec le développement des sociétés de services énergétiques, un nouvel acteur énergétique apparaît. À River Light comme à Greenwich Peninsula, le promoteur coconstruit un modèle de gestion énergétique en fonction des objectifs qu’il s’est fixés dans le cadre du retour sur investissement de son opération. Ce qui est très différent du réseau électrique remunicipalisé de la ville de Woking43 où l’opérateur Thamesway (société d’économie mixte créée par la municipalité) assure la gestion des installations décentralisées et où les bénéfices issus des économies d’énergie sont réinvestis dans de nouveaux projets portés par la ville, en lien avec la société civile. Dans le cas de River Light et Greenwich Peninsula, la vision des aménageurs se limite à la rentabilité de leurs opérations.
22À King’s Cross, différemment des opérations précédemment citées, un réseau électrique privé a été installé pour mieux intégrer les productions locales, il est interconnecté au réseau public pour exporter les surplus et importer si besoin. Ce projet d’aménagement est l’un des plus grands chantiers urbains en cours. À l’arrière de la gare de St Pancras, les grues s’élèvent pour transformer 27 hectares d’un ancien tissu industriel hétérogène où coexistaient gazomètres, ateliers, logements ouvriers (figure 5) en un quartier résidentiel et d’activité qui offrira en 2020 quelque 316 000 m² de bureaux, deux mille unités résidentielles44, 46 400 m² de commerces et de loisirs, un hôtel et des établissements d’enseignement.
Figure 5

King’s Cross chantier en cours, 2017.
© Alexandre Bouton et Fanny Lopez.
23Cette nouvelle section urbaine s’est dotée d’un réseau de chaleur et d’un réseau électrique privé qui s’appuient sur trois systèmes de cogénération fonctionnant au gaz et intégrés en sous‑sol de cœur d’îlot. Il y a deux centrales de cogénération 2 MWe (mégawatt électrique) et trois chaudières de 10 MWth. Un moteur de cogénération 2 MWe viendra compléter le dispositif pour répondre à une possible hausse de la demande. La turbine rose fuchsia45 de la centrale de cogénération (figures 6 A et B), située au rez‑de‑chaussée d’un ensemble de logements, est ouverte à la visite.
Figure 6 A et B


Centrale de cogénération A et B.
© Argent
24Le site a fait de son patrimoine infrastructurel (passé et existant) un atout paysager. La structure métallique des gazomètres et d’autres éléments du dispositif ont été mis en valeur dans un jardin au pied des logements. Les dispositifs énergétiques intégrés sont visibles et visitables (le centre d’énergie, la cheminée en façade). À King’s Cross, la relocalisation de l’énergie prend place au cœur du bâti dans un jeu d’équilibre qui associe démonstration et discrétion. Quatre-vingts pour cent des besoins en électricité et 100 % des besoins en eau chaude et en chaleur du quartier seront assurés par ce dispositif technique. Des éoliennes montées sur le toit, des panneaux photovoltaïques, des pompes géothermiques et des panneaux solaires thermiques complètent le système. Le réseau électrique connecte « seulement » des locaux commerciaux, des bureaux et quelques grands équipements, comme l’hôpital, car la réglementation limite la connexion au résidentiel46. Plus que l’image de l’îlot autonome, c’est une géographie énergétique plus complexe qui, en rassemblant les postes de consommation les plus importants, compose un archipel électrique d’équipements interconnectés. Pour l’ingénieur Allan Jones, président de l’International Energy Advisory Council et expert mondial des microréseaux47, l’évolution de la réglementation en faveur de la connexion au résidentiel est un enjeu majeur de la décentralisation et de la transformation du secteur électrique48.
25Les entreprises de distribution, comme la London Power Networks plc à King’s Cross, font payer plus de taxes pour racheter une électricité à basse ou très basse tension d’un microréseau privé (d’énergie renouvelable) vers le réseau national dont la tension est plus haute (le capital de charge facturé se chiffre en milliards). S’il y a une bonne optimisation et une efficacité de rendement, comme c’est le cas à King’s Cross, le microréseau gagne et renforce son autonomie dans son rapport au macroréseau. Comme le souligne Allan Jones, les taxes de raccordement et les taxes sur le voltage favorisent in fine une efficacité énergétique du microréseau. « Ordinairement, l’énergie décentralisée se connecte à un réseau de 11 kV (c’est ce que nous avons fait à Woking). Comme King’s Cross est très grand, ils ont décidé de renvoyer leur électricité sur le réseau à 33 kV et de s’équiper d’un transformateur pour passer de 11 à 33 kV. Il y a plusieurs raisons à cela : les opérateurs chargent plus la basse tension – la charge facturée se compte en millions de livres pour un site comme King’s Cross avec des charges régulières qui augmentent pour la plus faible tension de l’énergie décentralisée connectée. Argent, le développeur de King’s Cross, a donc fait probablement plusieurs millions de livres d’économie en achetant un transformateur ; London Power Networks leur facture donc seulement le coût d’investissement et de connexion pour leur tension qui est directement à 33 KV49. » À King’s Cross, la contrainte a créé une opportunité : pour éviter des frais, le promoteur a pris l’initiative de transformer le voltage avant de le renvoyer sur le réseau.
26Si quelques promoteurs et développeurs de projets urbains estiment parfois inutiles et infondés ces investissements colossaux que le GLA les encourage à réaliser pour produire cette énergie localement, Peter North insiste sur la vision à long terme portée par le GLA qui ne peut pas être celle du développeur. Sa volonté assurée est bien ici de construire un ensemble de points de microproductions qui pourront être interconnectés les uns aux autres pour assurer une part non négligeable de l’autonomie énergétique de la métropole. Le GLA fait porter à des investisseurs financiers importants des équipements énergétiques dont ils n’auront peut‑être jamais besoin, mais dont les tissus plus anciens, parfois en précarité, auront besoin. On peut ici parler d’une forme de pragmatisme libéral orienté. Le GLA accompagne, soutient l’émergence d’un nouveau cadre juridique, mais sa position reste fragile, il n’a pas les moyens de faire pression sur les Big Six, ni sur l’instabilité des prix de l’énergie.
27Si les nouveaux projets de développements urbains doivent produire de l’énergie décentralisée, aucun ne peut réellement consommer l’électricité produite sur site, et la revente au réseau doit se faire par l’intermédiaire d’une société de fourniture d’électricité qui a une certaine licence50. Mais au regard des taxes et des taux de rachats relativement bas, l’opération n’est pas toujours rentable pour les producteurs d’énergie décentralisée. Il y a actuellement de nombreuses réflexions sur l’évolution des outils réglementaires pour favoriser et encadrer le développement des réseaux privés, mais ils restent inaccessibles pour les petits producteurs et les communautés énergétiques. Pour Peter North51, responsable de la planification énergétique du GLA, comme pour Allan Jones, la principale incohérence dans la politique de décentralisation reste la position dominante des Big Six. Les microréseaux ont du mal à exister face aux règlementations nationales. Malgré ce statu quo, des initiatives locales novatrices mobilisées vers un marché de l’énergie durable, plus démocratique et contrôlé localement, n’en finissent pas de défier le cadre énergétique existant.
Les Big Six et les autres : à propos de quelques not‑for‑profit energy supplier
28Depuis la fin des années 1990, des fournisseurs ont émergé et se sont développés sur le marché en proposant une électricité issue des énergies renouvelables (Good Energy, Flow Energy, Spark Energy, LoCO2 Energy, Ovo Energy, Ecotricity, The Co-operative Energy, Robin Hood Energy, Fischer Energy, etc.) Mais ce paysage des « micro-suppliers » est loin d’être homogène. Si Fisher Energy propose une énergie renouvelable issue des champs éoliens danois, LoCO2 Energy assure une production majoritairement issue des microstations hydroélectriques et éoliennes implantées au Royaume‑Uni52, tout comme Ecotricity. Au‑delà d’une offre d’énergie renouvelable et une recherche de coût de vente le plus bas possible, ces nouveaux acteurs ne font pas tous de l’énergie un outil d’empowerment pour les communautés habitantes. La remunicipalisation et la création de coopératives restent, parmi les dispositifs de renouvellement de la gestion énergétique, les plus ambitieux en termes d’implication citoyenne et de transferts des bénéfices dans l’économie locale. Parmi les plus emblématiques initiatives de reprise de pouvoir, mentionnons celle de la ville de Nottingham qui a créé en 2015 son fournisseur énergétique Robin Hood Energy en achetant une licence de fourniture à l’Ofgem (figure 7).
Figure 7

Robin Hood Energy, capture d’écran du site internet, avril 2017.
29Grâce à un important investissement de la municipalité, un not‑for‑profit energy supplier vend désormais de l’électricité moins chère que n’importe quelle autre entreprise dans les East Midlands. Dix mille foyers se sont abonnés en un mois avec la perspective d’économiser environ 250 livres sur une facture annuelle53. Robin Hood Energy (RHE) qui emploie une trentaine de personnes est la première entreprise d’approvisionnement en électricité à but non lucratif « appartenant aux autorités locales depuis la nationalisation de l’industrie de l’électricité en Grande‑Bretagne en 194854 ». Son énergie est générée par des centrales de cogénération biomasse et gaz, des installations solaires photovoltaïques installées à Nottingham. RHE achète également du gaz et de l’électricité sur le marché. Sur leur site, ils se définissent ainsi : « Créée par le conseil municipal de Nottingham, la mission de RHE est de fournir de l’énergie à faible coût à tous les ménages. Pas d’actionnaires privés. Aucun bonus pour la direction. Seulement des tarifs énergétiques bas et compétitifs. Parce que nous savons que personne ne veut trop payer pour le gaz et l’électricité, nous travaillons dur pour maintenir nos prix bas et compétitifs pour aider nos clients à économiser de l’argent sur leurs factures d’énergie. En tant que première entreprise d’approvisionnement en énergie appartenant au Royaume‑Uni, nous nous sommes distingués des Big Six et de nombreuses autres entreprises énergétiques du secteur privé55. »
30La revendication de la dimension locale et municipale est un argument de vente auquel sont particulièrement sensibles les consommateurs et habitants de Nottingham. Cet exemple de remunicipalisation fait écho à celui de la ville allemande de Hambourg qui a municipalisé son réseau électrique en 2016 et aux tentatives de Berliner Energietisch pour faire de même à Berlin56. Les coopératives sont une autre forme privilégiée de reprise de pouvoir sur les réseaux d’énergie. Au Royaume‑Uni, depuis 2008, environ six cents groupes communautaires se sont lancés dans la production énergétique57. Entre 2010 et 2017, leur nombre a augmenté de 40 %. Les coopératives connaissent depuis une dizaine d’années un essor remarqué et sont rassemblées depuis 2011 dans une fédération européenne des coopératives (en Allemagne, leur nombre a quintuplé depuis 2008, il y en a environ mille aujourd’hui58). La coopérative fonctionne sur un processus et un mode organisationnel (une personne = une voix, ses membres peuvent être à la fois producteurs, clients, associés, salariés59) qui visent à se réapproprier la fabrication, la gestion et le mode de consommation d’une ressource. C’est un groupe d’acteurs citoyens qui a en partage des parts sociales, un projet et un mode de vie. Cette gestion collective et démocratique renvoie à la notion de « biens communs » ou « des communs » qui a été définie et analysée par Elinor Ostrom (prix Nobel d’économie 2009). Cette pratique pluriséculaire qui s’est disloquée au tournant du xvie siècle, notamment en Angleterre avec le mouvement des enclosures, connaît une grande vitalité dans le champ des sciences politiques et sociales depuis plusieurs années60. Un grand nombre de coopératives de production d’énergie réclame cette filiation. Les coopératives sont d’échelles variables, les plus grandes (comme The Co-operative Energy61) jouent un rôle au niveau régional, voire national ; les plus petites ne produisent que pour tout ou partie de la communauté qui les constitue à une échelle très locale. Mais au Royaume‑Uni, différemment de l’Allemagne62, les coopératives énergétiques ont des difficultés économiques pour être viables. Licence lite n’est pas un outil à leur échelle63.
31Le maire de Londres, Sadiq Khan, soutient toutefois ce nouvel outil juridique qui permettrait de créer une société énergétique municipale : Energy for Londoners64, semblable aux sociétés à but non lucratif déjà établies à Nottingham et Bristol (en développant le solaire résidentiel). Depuis 2014, l’Ofgem est en discussion avec le GLA mais rien n’est encore engagé. Licence lite permettrait au GLA d’acheter de l’électricité propre à un ensemble de producteurs incluant cinq arrondissements londoniens, le gestionnaire de logements sociaux Peabody Housing Association et les sociétés énergétiques Scottish & Southern Energy et Vital Energy65. En produisant et en distribuant une électricité à prix compétitif, Energy for Londoners pourrait aider Londres à produire sa propre énergie d’une manière beaucoup plus propre, tout en créant « 300 millions d’euros d’investissements supplémentaires d’ici 2021, 1 650 emplois de construction à court terme et 160 emplois permanents dans l’exploitation et la gestion des microproductions66 ». Malgré un certain enthousiasme et des « discussions en cours » avec plusieurs organisations potentiellement intéressées, rien n’est encore advenu et la complexité technico‑juridique du dispositif a été maintes fois soulignée67. Selon Toby Cosbin, membre fondateur de la Community Renewable Energy Wandsworth (Crew), coopérative dédiée à l’approvisionnement en énergie renouvelable et à l’optimisation de l’efficacité énergétique dans le sud‑ouest de Londres, licence lite reste inadaptée aux petites coopératives68, l’investissement étant trop important pour ses membres. Les groupes communautaires préfèrent négocier des reventes d’énergies renouvelables avec les Big Six (en percevant des redevances fixées par l’Ofgem et en échange d’un rachat à bas tarif – ce qui permet également aux géants du marché d’atteindre leur quota d’énergie renouvelable) plutôt que de s’engager dans la distribution. En se passant de l’intermédiaire des Big Six, les petits producteurs pourraient pourtant vendre l’électricité moins cher que les taux actuels du marché et dynamiser l’économie locale dont le bénéfice des retombées locales (emplois, retours financiers sur les investissements des résidents, etc.) a notamment été démontré dans un récent rapport du Department of Energy and Climate Change69.
La coopérative énergétique comme outil d’empowerment citoyen
32Créée en 2011 par Agamemnon Otero70, Repowering London (RE) est une coopérative qui intervient majoritairement dans de grands ensembles de logements sociaux au cœur de tissus urbains fragilisés où la précarité économique, sociale et énergétique est forte. Dans une perspective affichée d’empowerment, Repowering London accompagne les habitants dans la mise en œuvre de projets d’économie d’énergie et de production locale en favorisant une économie sociale et solidaire de proximité. L’une des principales actions de lutte contre la précarité économique et énergétique passe par des solutions low-tech71 pour renforcer le confort thermique et faire des économies (isolation, étanchéité à l’air, etc.) et l’installation de panneaux solaires en toiture des bâtiments afin de produire de l’électricité et de faire baisser les factures des consommateurs. Repowering London oriente, conseille et aide à la définition et à l’accompagnement de la gestion du projet de réappropriation énergétique en apportant une expertise technique, financière, juridique, administrative et en assurant une mise en réseau et en partenariat avec les autorités locales. Une fois le projet déterminé, une offre d’actionnariat est ouverte à tous les citoyens britanniques pour recueillir les fonds et créer la coopérative avec une priorité aux résidents locaux (la moyenne des investissements est entre 50 et 200 livres72). « L’énergie produite sur place est vendue à des prix réduits aux logements, suivant un accord d’achat d’électricité distinct (PPA, pour power purchase agreement). Vingt pour cent des bénéfices nets totaux de chaque projet sont mis de côté sur un fonds communautaire en faveur de l’efficacité énergétique (FCEE)73. » Cette caisse de mutualité permet de soutenir d’autres projets sur site ou le lancement de projets similaires ailleurs.
33C’est à Brixton, en 2012 dans le quartier de grands ensembles de Loughborough, que le premier projet de centrale solaire coopérative Brixton Solar Energy 1 a été lancé, très vite suivi par les initiatives Brixton Solar Energy 2, Brixton Solar Energy 3, Brixton Solar Energy 4.
34Brixton Energy Solar 1 a été la première installation urbaine de panneaux solaires au Royaume‑Uni initiée et détenue par des habitants74. « Avec le soutien de Brixton en transition et d’une ou deux personnes très engagées dans le quartier, petit à petit, à force de porte‑à‑porte, le projet a pu voir le jour et une communauté de voisinage s’est constituée75. » Ainsi Repowering London a vu émerger avec succès sa première coopérative énergétique.
35Le long toit de la barre un peu défraîchi Elmore House (figure 8) a été recouvert de panneaux solaires (37,24 kW de puissance installée). Le projet a attiré́ 103 investisseurs et a permis de récolter 58 000 livres en moins d’un mois. Quelques bâtiments plus loin, ce sont les toits de cinq blocs du Styles Gardens (Brixton Energy Solar 2) qui ont été équipés (45 kW). Encore un peu plus loin, ceux de quatre barres de Roupell Park (Brixton Energy Solar 3) (52,5 kW).
Figure 8

Repowering London, le toit équipé de panneaux solaires d’Elmore House, Brixton, 2016.
© Alexandre Bouton et Fanny Lopez.
36C’est en 2012 que le conseil municipal de Lambeth, qui est propriétaire du quartier, a autorisé́ l’installation de panneaux solaires sur les toits à la suite de plusieurs consultations avec les résidents du domaine et la gestion immobilière de Loughborough. La coopérative est attrayante pour les collectivités par son principe organisationnel, le lien social et les missions éducatives qu’elle développe76. En effet, RP se définit comme proche des réseaux d’éducation populaire et organise des workshops (figure 9), des formations et des parrainages à l’emploi pour les jeunes et les résidents locaux dans les installations d’énergie renouvelable, l’informatique et le droit. Ce sont les membres habitants de la coopérative qui ont installé les systèmes solaires en toiture avec l’entreprise Southern Solar (figure 10).
Figure 9

Atelier sur les panneaux solaires à Vauxhall, 2017.
© Repowering London
Figure 10

Installation de panneaux solaire à Brixton (B. Solar 3).
© Repowering London
37Le but est d’encourager les membres de la communauté à s’impliquer et à se familiariser avec ces technologies, à faire de la sensibilisation sur les pratiques quotidiennes et les changements de mode de vie afin de réduire les coûts et la consommation d’énergie.
38À Brixton, l’été, lorsque chacune des installations est au maximum de son ensoleillement, chaque production pourrait combler les besoins d’entre soixante‑dix et quatre‑vingts ménages. Mais il est impossible de fournir une alimentation directe d’électricité́ aux appartements. L’électricité́ produite est donc vendue au fournisseur Good Energy. Les ménages sont les premiers bénéficiaires du fonds social financé par les revenus du projet (dont le tarif de rachat gouvernemental est garanti pendant vingt ans.) Après déduction des coûts d’exploitation, les bénéfices résultant de la vente d’énergie sont donc utilisés pour soutenir les initiatives en faveur de l’efficacité énergétique et proposer aux membres locaux de la coopérative un retour annuel sur leur investissement. En tant que membres de la coopérative responsable des projets Brixton Energy Solar, les citoyens deviennent éligibles à un allégement fiscal au titre du régime d’investissement en faveur des pépinières d’entreprises (Seed Enterprise Investment Scheme). En vertu de ce régime, les investisseurs éligibles peuvent « demander un allégement fiscal de 50 % de leur investissement. L’allégement est accordé́ via une réduction d’impôt, à condition que le montant de l’imposition le permette. Cet allégement fiscal s’ajoute à la rentabilité́ financière et à la contribution au FCEE77. »
39En 2015, une nouvelle coopérative a vu le jour à Banister House, une puissance de 102 kW a été installée en panneaux solaires sur quatorze toitures de ce quartier de logements sociaux des années 1930 longtemps marqué par une forte criminalité78. Pour Ann Cannaii, résidente et directrice du Banister House Solar, « l’énergie est un outil d’empowerment qui a fait de notre quartier un meilleur endroit où vivre, ça a changé la vie quotidienne et modifié des trajectoires personnelles, ça a redonné un peu d’espoir, d’activité et des projets aux habitants du quartier79 » (figure 11).
Figure 11

Banister House, entrée de la résidence, mars 2017.
© Alexandre Bouton et Fanny Lopez.
40Au‑delà des toitures, la coopérative a obtenu l’autorisation de réinvestir les espaces verts et de les transformer en jardins potagers. Quand les gens se sentent copropriétaires et responsables d’une partie de l’énergie qu’ils utilisent, mais aussi des espaces communs collectivement investis, des changements de comportement et d’usages sont observés80 (figures 12 et 13).
Figure 12

Les jardins partagés de Banister House, mars 2017.
© Alexandre Bouton et Fanny Lopez.
Figure 13

Les jardins partagés de Banister House, mars 2017.
© Alexandre Bouton et Fanny Lopez.
41Dans une démarche collaborative et inclusive, Repowering London part des besoins des résidents locaux, les habitants sont moteurs et référents de chaque processus de projet.
42Si en termes de production énergétique, l’autonomie est relativement faible, il y a une démonstration de l’efficacité d’un modèle social d’investissement. À Banister House, 4 personnes ont été élues au poste de directeur responsable du suivi et de la gestion du projet, 25 jeunes ont bénéficié de trente semaines de stage rémunéré81, 6 personnes ont été embauchées pour installer des panneaux solaires. En termes de valorisation et de publicité, une vidéo a été réalisée par les habitants et envoyée à David Cameron pour contester la baisse des subventions de l’État à l’énergie solaire. Banister House est devenu un exemple fréquemment cité dans le cadre du débat sur la réduction des subventions, notamment par Jeremy Corbyn lors des questions au gouvernement et par de nombreuses agences de presse nationales et internationales, comme Reuters en 2016. Le changement de forme technique et d’échelle de l’infrastructure reste un levier de changement social. Les initiatives locales des coopératives influent in fine sur les outils de planification énergétique et participent à la réorientation des politiques publiques de transition énergétique.
43Si une série de projets locaux novateurs offrent des alternatives aux grands fournisseurs en partant des économies locales, c’est une bataille perpétuelle pour exister. Le 17 février 2017, Greenpeace lançait une pétition alertant sur de nouvelles taxes fiscales sur le solaire, annoncées dans un projet de gouvernement. En effet, les promoteurs de l’énergie décentralisée commencent à se rendre compte que les « tarifs de rachat » ne sont pas une solution à long terme et qu’une grande réforme réglementaire s’impose afin de profiter des avantages économiques, sociaux et environnementaux de l’énergie décentralisée. Les politiques de rachat favorisent le développement d’une décentralisation pas toujours maîtrisée et optimisée.
44Au regard des études de cas analysées, les protagonistes de la décentralisation vers une autonomie/autosuffisance énergétique locale revendiquent la nécessité d’abord de : repenser le rapport des microproductions au grand réseau, puis de planifier, réglementer et projeter plus fortement la décentralisation. Parmi les arguments avancés : 1. l’énergie comme outil d’empowerment social et économique des communautés habitantes ; 2. l’objectivation de nouveaux usages et vers une baisse des consommations ; 3. une nouvelle forme de sécurité énergétique.
Changer de modèle de référence : faire place
45Les microréseaux nécessitent une conception différente de celle de grands réseaux de distribution conventionnels et l’acceptation de cette réalité technique et structurelle est aujourd’hui un enjeu majeur pour la transition énergétique et ses économies associées. Pour Allan Jones : « Les grands opérateurs continuent à privilégier la production d’électricité à distance et à défendre la grande échelle qui correspond à leur modèle d’affaires historique, ils vont remplacer les centrales alimentées au charbon et au gaz par de grandes éoliennes et des fermes solaires. […] Les grandes entreprises de services publics et privés souhaitent que l’énergie décentralisée soit introduite dans le système national d’échange d’électricité parce que ce système est déjà en place et qu’ils veulent continuer à investir dans de très grands réseaux de transport et de distribution afin d’éviter les actifs bloqués et de continuer à rentabiliser leurs systèmes centralisés82. »
46Cette approche pénalise les producteurs et les consommateurs d’énergie décentralisée soumis aux prix d’exportation de l’électricité des fournisseurs incapables in fine d’acheter toute cette électricité83. » Mais face à l’élan irrépressible des microproductions locales – en témoigne la hausse du nombre de coopératives, notamment à Londres – , les microréseaux privés (virtuels ou pas) se multiplient. À noter également que la baisse des prix des systèmes solaires et la prochaine arrivée sur le marché de nouvelles batteries risquent de favoriser ce foisonnement. En raison d’une marginalisation encore forte des microréseaux, le mode îloté se répand lentement, Allan Jones rappelle qu’il « garantit dans la ville de Woking une énergie moins chère pour les consommateurs, soulage le grand réseau de l’intermittence des EnR (différentiel de tension) et surtout peut être utile en cas de panne du réseau national84 ». La production d’îlots d’autonomie devient un argument de sécurité énergétique en vue de la possible augmentation de catastrophes climatiques (ouragan, raz‑de‑marée). Les menaces de grands black‑out urbains seraient ainsi évitées. Mais l’exponentialité du phénomène de microréseaux reste contenu par une réglementation favorable aux réseaux centralisés et à ces opérateurs historiques (notamment avec les tarifs de rachats). Peter North et Allan Jones en appellent aux politiques pour régler ce conflit d’intérêts historique : « l’énergie décentralisée est une technologie perturbatrice pour l’économie historique et le modèle d’affaires associé des opérateurs qui résistent85 ». L’analyse du terrain londonien corrobore cette analyse.
47Une transition infrastructurelle majeure est à l’œuvre dans le tissu urbain, un profond renouvellement de la matrice technique se met en place même si, à Londres, la tendance des installations décentralisées semble être à l’éparpillement. Peter North défend cette politique libérale de foisonnement qui voit se multiplier de nouveaux acteurs et de nouveaux gisements énergétiques. Il envisage ces ensembles techniques comme des puissances installées, une réserve infrastructurelle possible, activable et optimisable. La stratégie de connexion des microréseaux entre eux et aux macroréseaux reste aujourd’hui insuffisamment lisible, mais ce blocage s’explique par les impossibilités qui réglementent le secteur électrique. La question est de savoir comment arriver à relier à l’échelle de la métropole une vision planificatrice ambitieuse qui prenne en compte les difficultés techniques sur le terrain. Les protagonistes de la décentralisation réclament des cadres réglementaires et juridiques qui soient très différents du régime actuel. Allan Jones et les membres de l’International Energy Advisory Council (IEAC) militent à l’échelle internationale pour encourager des politiques publiques fortes via des plans directeurs d’énergies renouvelables décentralisées, coordonnés entre les villes86. L’évolution des stratégies et des outils de planification et de réglementation sont un axe central d’une transition énergétique mieux territorialisée. Appuyées sur les ressources de leurs territoires, les productions décentralisées doivent exister et être concurrentielles dans les économies locales via les microréseaux privés ou les microréseaux virtuels (avec des réglementations d’accès facilité au réseau national) et non plus perçues comme une réserve économique d’import‑export au profit des grands fournisseurs.
48Dans cette hypothèse, les hiérarchies pourraient s’inverser, le grand réseau électrique resterait fortement structurant mais pourrait devenir secondaire pour l’approvisionnement de certains secteurs où il serait essentiellement une réserve de solidarité en fonction des besoins. Sur chaque secteur d’arrondissement ou territoire énergétique (défini en fonction du bien commun, des productions et des besoins), le rapport d’échange entre réseaux privés (dont la balance énergétique production/consommation viserait à être optimale) et le réseau national pourrait se redéfinir dans un nouveau rapport de solidarité (insuffisance, trop forte charge, risque de black-out). Macro et micro composeraient un mécano énergétique de solidarité territoriale. À la différence du macrosystème technique augmenté (smart grid) qui pense l’effacement ou l’autonomie de certaines parties du système électrique comme variable d’ajustement du grand réseau, le microréseau ferait de l’optimisation de la petite échelle la priorité d’un système technique dont le périmètre serait extensible.
49L’autonomie énergétique locale désignerait dans cette perspective la capacité d’un groupe local d’acteurs (une coopérative, par exemple) à définir son projet énergétique ainsi que les conditions de production et d’approvisionnement énergétique du « lieu » considéré. Précisons que l’autonomie énergétique peut être divisée en deux ensembles. Le premier est l’autonomie sécessionniste qui renvoie au projet de l’indépendance radicale et s’apparente aux isolationnistes communautaires (certaines communautés des années 1970, gated communities, etc.). C’est la conséquence d’une politique délibérée d’un groupe d’individus, pratiquant une économie fermée. L’autonomie sécessionniste se rapproche de l’autarcie ou de l’autarchie. Le deuxième ensemble, que nous appellerons l’autonomie coopérative ou générative, peut mettre en avant des potentialités de mutualisation et d’interconnexion de mailles locales en fonction d’un projet politique partagé par les acteurs des « lieux connectables87
50Chez tous les acteurs et les projets présentés, l’efficacité énergétique et la réduction des consommations passent d’abord par une lutte contre la précarité énergétique, ou Fuel Poverty, au centre des recommandations du Green Deal 2013. Repowering London, mais aussi Brixton Energy Transition et Community Renewable Energy Wandsworth mènent des actions prioritaires en ce sens. À Woking, les consommations d’électricité ont été réduites de 50 %. Chaque fois que le conseil municipal a installé un réseau d’énergie décentralisé pour les propriétés résidentielles, il a également installé des isolations (façades, cloisons et toitures), ainsi qu’un double vitrage, un éclairage à haut rendement énergétique et généré une campagne de sensibilisation aux économies d’énergies. La cogénération permet de récupérer la chaleur perdue de la production d’électricité et de l’intégrer directement dans les microréseaux de chauffage. Dans le cadre d’économie d’énergie, une baisse des températures dans les microréseaux de chaleur permettrait également d’économiser l’électricité nécessaire à l’augmentation de la chauffe (souvent nécessaire pour les plus grandes distances et les pertes en ligne). Peter North défend cette approche et milite aussi pour mieux prendre en compte l’exergie qui permet de mesurer la qualité de l’énergie, c’est une façon d’augmenter la résilience et de mieux résister à l’entropie.
51La transition énergétique apparaît comme une opportunité de replacer la technique au centre de la culture urbaine, architecturale et domestique. Depuis le début des années 2000, la matrice infrastructurelle londonienne mute progressivement et les catégories architecturales d’analyse banhamienne88 restent utiles pour interroger ce phénomène de transition, avec cette fois un déplacement à l’échelle urbaine. Dans l’Histoire de l’environnement bien tempéré en 1969, l’ingénieur et historien anglais Reyner Banham proposait de revisiter l’histoire de l’architecture sous l’angle des services en proposant trois modes pour analyser l’évolution de l’architecture dans son rapport à l’environnement : conservatif, sélectif ou régénératif. Si les deux premiers modes sont compatibles avec l’architecture elle-même, définie comme « machine passive », le troisième crée une crise, c’est ce que Banham désigne par : le divorce entre projet architectural et ingénierie des dispositifs techniques qui apparaissent à la fin du xixe siècle. La prolifération techniciste non maîtrisée et la démultiplication des dispositifs d’énergies renouvelables pourraient porter à son paroxysme ce que critiquait Banham avec les technologies de la fin du xixe et du début du xxe siècle. C’est dans cette perspective que l’International Energy Advisory Council appelle à la mise en place de schémas directeurs d’énergies renouvelables décentralisées et de microréseaux coordonnés entre les villes.
52Ces expériences de décentralisation et le renouvellement structurel qui redessinent des géographies sociotechniques associées montrent que les changements de forme technique et d’échelle des infrastructures peuvent être des leviers de changement spatial et social. Ces projets posent des défis pour le cadre énergétique existant, dominé en France par une forte centralisation. Les retours d’expériences londoniennes nous permettent de questionner les conditions requises (stratégies d’intégration spatiale, outils et cadres réglementaires, prérogatives juridiques) vers un marché de l’énergie renouvelable plus démocratique et local.
53Keep the lights on! Reprenons alors de façon détournée l’injonction médiatique qui a relayé les inquiétudes de quelques grandes entreprises électriques en pointant le risque de rupture de charge et de black-out du système électrique – et de leur modèle d’affaires – en cas de transitions trop rapides vers le renouvelable et l’énergie décentralisée89. Keep the lights on! C’est la revendication d’existence, de mise en visibilité et en débat de modèles de réseaux alternatifs porteurs d’une économie sociale et solidaire qui peinent encore à exister et à se déployer entre les mailles du filet du marché de l’énergie.
Notes de bas de page
1 Lopez Fanny, 2016, « Les monuments de la transition énergétique » in Alain Beltran (dir.), Mondes électriques, Francfort‑sur‑le‑Main : Peter Lang.
2 Coutard Olivier & Rutherford Jonathan, 2013, « Vers l’essor de villes “post‑réseaux” : infrastructures, innovation sociotechnique et transition urbaine en Europe », in Joëlle Forest & Abdelillah Hamdouch, Quand l’innovation fait la ville, Presses polytechniques universitaires romandes, p. 97‑118. Voir également : Christen Guillaume, Hamman Philippe, Jelhing Mathias, Wintz Maurice, 2015, Systèmes énergétiques renouvelables en France et en Allemagne, Éditions Horizon. Lopez Fanny & Bouton Alexandre, 2015, « Les micro‑systèmes techniques de la transition énergétique », in Urbanités, no 6, en ligne : http://www.revue-urbanites.fr/6-les-micro-systemes-techniques-de-la-transition-energetique/
3 Cf. les Territoires de l’autonomie énergétique, journées du Labex Futurs urbains Paris ÉAVT et Ensa Paris‑Malaquais, 16 et 17 février 2016 ; la Fabrique de l’autonomie énergétique, Paris EIVP et ENPC, Champs‑sur‑Marne, 13‑14 juin 2016 ; Micro‑Grids and Grassroots Initiatives in Energy Transition: Berlin, London, Paris, ÉAVT, 19 mai 2017.
4 Cet éclairage international résulte d’entretiens et d’analyses de terrain réalisés dans le cadre de la recherche « Future of Energy » financée par la fondation Tuck en 2016‑2017 et menée avec Alexandre Bouton.
5 GLA, Decentralised Energy Master Planning, a Manual for Local Authorities, 2011.
6 Hopkins Rob, 2008, The Transition Handbook: from Oil Dependency to Local Resilience, Chelsea Green Publishing. Krauz Adrien, « Les villes en transition, l’ambition d’une alternative urbaine », Métropolitiques, 01/12/2014. URL : https://www.metropolitiques.eu/Les-villes-en-transition-l.html
7 Dobigny Laure, 2009, « Changement énergétique et rapport au monde », in Marie‑Jo Menozzi, Fabrice Flipo, Dominique Pecaud, Énergie & Société, Sciences, gouvernances et usages, Aix‑en‑Provence : Sud, p. 215‑224. Raineau Laurence, 2009, « L’imaginaire des énergies renouvelables », in Énergie & Société, Sciences, gouvernances et usages, p. 205‑213.
8 Coutard Olivier, 2010, « Services urbains, la fin des grands réseaux », in Olivier Coutard & Jean‑Pierre Lévy (dir.), Écologies urbaines, Paris : Economica Anthropos, p. 103‑129. Mais il est possible de négocier des exceptions comme ce fut le cas à Woking. https://lc.cx/mqNB (consulté le 22 février 2017).
9 “Renewable energy DE opportunities including the use of energy from waste and biomass schemes are also supported. Shifting 25 per cent of London’s energy demand to be supplied through decentralised systems could save up to 2.57 million tonnes of carbon dioxide a year. Greater use of DE will also help London become more self‑sufficient and secure in relation to its energy needs”, GLA, Decentralised Energy Masterplanning, a manual for local authorities, 2011, op. cit.
10 Christen, Hamman, Jelhing, Wintz, 2015, Systèmes énergétiques renouvelables en France et en Allemagne.
11 En 2015, la fermeture des centrales de Ferrybridge dans le Yorkshire et d’Ironbridge dans le Shropshire (par Scottish & Southern Energy SSE et E.ON) ont supprimé 2 GW de capacité.
12 http://www.rte-france.com/fr/projet/interconnexion-sous-marine-et-souterraine-france-angleterre (consulté le 5 février 2017).
13 Le Guardian, 22 juin 2016 : https://www.theguardian.com/sustainable-business/2016/jun/22/michael- bloomberg-global-covenant-links-600m-people-and-7000-cities-fight-against-climate-change (consulté le 22 février 2017).
14 Dans les années 1920, les réseaux électriques nationaux se structurent, les interconnexions régionales se mettent en place mais il faudra attendre les années 1995 pour que l’interconnexion européenne se concrétise. Cf. Lagendijk Vincent & Van Der Vleuten Erik, 2013, “Inventing Electrical Europe: Interdependencies, Borders, Vulnerabilities” in Per Högselius, Anique Hommels, Erik Van Der Vleuten, Arne Kaijser (dir.), The Making of Europe’s Critical Infrastructure: Common Connections and Shared Vulnerabilities, Londres : Macmillan, p. 62‑94. Van Der Vleuten Erik & Kaijser Arne (dir.), Networking Europe. Transnational Infrastructures and the Shaping of Europe, 1850‑2000, Sagamore Beach : Massachusetts, 2007.
15 Bouvier Yves & Laborie Léonard (dir.), 2016, l’Europe en transitions. Énergie, mobilité, communication xviiie‑xxie siècles, Paris : Nouveau Monde. Voir notamment l’article : Bouvier Yves, « Renouveler l’Europe de l’énergie depuis les années 1950. Une perspective européenne sans politique commune », p. 227‑269.
16 Lopez Fanny, 2011, « L’utopie énergétique d’Alexander Pike », in Éric Alonzo & Sébastien Marot (dir.), Marnes, documents d’architecture no 2, éditions La Villette, p. 133‑167.
17 Perlin John, 2013, Let It Shine. The 6.000 Years Story of Solar Energy, Novato : New World Library. Pour la France, voir la thèse de Chauvin Marion, 2013, Architectures solaires et politiques énergétiques en France de 1973 à 1985, sous la direction de Claude Massu, université Paris I‑Sorbonne.
18 Bouvier Yves, « Renouveler l’Europe de l’énergie depuis les années 1950. Une perspective européenne sans politique commune », p. 240.
19 Meek James, 2012, “How We Happened to Sell Off Our Electricity”, in London Review of Books, vol. 34, no 17, 13 septembre, p. 2‑12.
20 Ibidem, p. 8.
21 Au 22 mars 2017, voir la liste d’Ofgem de tous les titulaires d’électricité avec des adresses enregistrées ou de service. https://lc.cx/mqNa (consulté le 4 février 2017).
22 http://www.telegraph.co.uk/business/2016/07/23/energy-giant-profits-five-times-too-high/ (consulté le 4 février 2017).
23 Depuis 2009, la commission de régulation de l’énergie du Royaume‑Uni, l’Ofgem, a demandé aux grands fournisseurs d’énergie de rendre publics leurs bénéfices pour les différents segments de leurs activités de production et d’approvisionnement. https://www.ofgem.gov.uk/gas/retail-market/retail-market-monitoring/understanding-profits-large-energy-suppliers Voir également les réactions de la presse sur les superprofits des entreprises de l’énergie :http://www.telegraph.co.uk/news/politics/10472758/Profits-at-Big-Six-energy-companies-have-rocketed-since-the-financial-crisis-began.html (consulté le 4 février 2017).
24 http://www.cornwall-insight.com/newsroom (consulté le 4 février 2017). Selon une étude de Cornwall Energy, les indépendants ont augmenté leur part de 0,2 % à 7,6 % et 3,8 millions de clients ont des comptes avec des fournisseurs plus petits et indépendants.
25 Il y en avait vingt‑deux en 2004, cf. Fernet Guillaume, 2004, « Dossier : Un débat électrique : La privatisation de l’industrie électrique au Royaume‑Uni », les Annales des Mines, no 77, p. 40‑45.
26 Entretien avec Allan Jones, président de l’International Energy Advisory Council, le vendredi 13 octobre 2016 et avec Peter North, responsable de la planification énergétique du GLA, le 14 février 2016.
27 Il est possible d’aller jusqu’à 100 MW avec l’approbation du secrétaire d’État.
28 https://lc.cx/moVw (consulté le 4 février 2017).
29 Afin de surmonter cette barrière réglementaire, Woking a veillé à ce que chaque réseau filaire privé ne fournisse pas plus de mille foyers. Woking a été en mesure de fournir de l’énergie décentralisée à un prix inférieur à celui de l’énergie centralisée et l’a utilisé dans le cadre de ses programmes de lutte contre la pauvreté en carburant, tout en fournissant à d’autres consommateurs des prix d’énergie compétitifs. Woking utilise l’énergie décentralisée pour réduire les factures d’énergie du consommateur entre 5 % et 15 %. Entretien avec Sean Randal, Londres, 9 octobre 2015. Brown Paul, “Woking shines in providing renewable energy”, The Guardian, Londres, 26 janvier 2004. Sur l’expérience Woking, voir également Coutard Olivier & Rutherford Jonathan, Vers l’essor de villes « post‑réseaux », p. 103.
30 https://www.theguardian.com/environment/2015/oct/20/solar-power-in-crisis-panels-generate-power-government-subsidy (consulté le 4 février 2017).
31 La London Climate Change Agency a obtenu le 6 février 2009 une ordonnance de modification du permis d’approvisionnement en électricité (Electricity Supply Licence Modification Order) https://www.ofgem.gov.uk/ofgem-publications/58104/definalproposals-pdf (consulté le 4 février 2017).
32 https://www.ofgem.gov.uk/system/files/docs/2017/01/ofgem_future_insights_series_3_local_energy_final_300117.pdf (consulté le 4 février 2017).
33 Waters Liz & Hodges Richard, 2014, Combined Heat and Power in Scotland, Wales, Northern Ireland and the Regions of England, Government Department of Energy & Climate Change (DECC), rapport.
34 GLA, Decentralised Energy Masterplanning, a Manual for Local Authorities, 2011.
35 Dix mille tonnes de CO2 par an seront économisées, cf. Greater London Authority, “Policy Decentralised Energy network”, The London Plan 2011 to Climate Change, GLA, 2011, p. 147.
36 https://sseenterprise.co.uk/
37 Entretien avec Eddie Pinchin, chef de projet à St James Homes (promoteur de River Light), Londres, 12 octobre 2016.
38 Ibidem.
39 Ibidem.
40 Ibidem.
41 Esco pour Energy Service Company, Société de services énergétiques.
42 Entretien avec Smith Neil, chef de projet urbain, Knight Dragon Developments Ltd, Londres, le 13 octobre 2016.
43 Coutard Olivier & Rutherford Jonathan, 2013, « Vers l’essor de villes “post‑réseaux” : infrastructures, innovation sociotechnique et transition urbaine en Europe », in Joëlle Forest & Abdelillah Hamdouch. Voir également http://www.energy-cities.eu/db/woking_566_en.pdf (consulté le 6 février 2017).
44 En moyenne 10 000 £/m2. Entretien avec Benoit Dufour, responsable de projet pour Argent, Londres, le 13 octobre 2016.
45 Le moteur a été ainsi coloré en soutien à la recherche pour le cancer du sein, une collecte de fonds a eu lieu autour de l’engin exposé dans le quartier avant son installation dans le bâtiment.
46 “The national regulations limit the size (the power) of the self-sufficient energy system and the number of customer who can be served.” South West Renewable Energy Agency, 2007 : 1‑2.
47 L’International Energy Advisory Council a été spécialement créé pour conseiller les gouvernements et d’autres organisations sur la façon de remplacer les systèmes centralisés de combustibles fossiles et d’énergie nucléaire qui peuvent être substitués ou évités par une combinaison d’énergie décentralisée et d’efficacité énergétique. Cent pour cent d’énergie renouvelable à venir. Les membres de l’IEAC ont conseillé collectivement plus de deux cents gouvernements et organisations dans 27 pays et plus de cinquante organisations gouvernementales et non gouvernementales internationales et européennes. Allan Jones a été directeur général du plan Energy and Climate Change de la ville de Sydney (2009‑2014) et membre du conseil d’administration du National Climate Change Adaptation Research Facility (2010‑2013) de l’Australie. Il a mis en place et dirigé la London Climate Change Agency (2004‑2008) et a contribué auprès du maire au développement des plans énergétiques de Londres (Climate Change Action Plan, Climate Change Statutory Duty, Decentralised Energy Program). Il a également créé la London Esco, une société de services d’énergie publique/privée entre LCCA et EDF Energy, afin de développer le marché de l’Esco à Londres. Il a par ailleurs été directeur de Thameswey Ltd à Woking.
48 Entretien avec Allan Jones, Londres, vendredi 13 octobre 2016.
49 Entretien avec Allan Jones.
50 En ce qui concerne les tarifs de rachat, sur les 205 fournisseurs d’électricité autorisés, il n’y a que 10 titulaires de licence FIT obligatoires et 28 titulaires volontaires FIT. https://www.ofgem.gov.uk/environmental-programmes/fit/contacts-guidance-and-resources/fit-licensee-contact-details (consulté le 10 mars 2017).
51 Entretien avec Peter North, Londres, le 14 février 2016.
52 Prix 2013 de Ethical Consumer ainsi qu’une accréditation éthique de l’Ethical Company Organisation http://www.ethicalconsumer.org/buyersguides/energy/greenelectricitysuppliers.aspx (consulté le 10 mars 2017). Fondée il y a une dizaine d’années, The Ethical Company Organisation s’est engagée à définir des références en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises afin d’aider les consommateurs à faire des choix plus éthiques.
53 Jacobs Michael, “Energy Companies Are Cheaper and Cleaner When Run by the Council”, The Guardian, 3 juin 2016.
54 http://www.theade.co.uk/first-council-owned-energy-supply-company-launched-in-nottingham_3455.html (consulté le 25 mars 2017).
55 https://robinhoodenergy.co.uk/ (consulté le 15 mars 2016).
56 Blanchet Thomas, 2015, “Struggle over Berlin Energy Transition: How Can Grassroots Initiatives Affect Local Energy Policy ?”, Energy Policy, vol. 78, p. 246‑254.
57 https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/274746/20140108_Community_Energy_Modelling_FinalReportJan.pdf (consulté le 25 mars 2017).
58 https://www.theguardian.com/public-leaders-network/2015/oct/02/energy-cooperatives-uk-germany-denmark-community (consulté le 25 mars 2017).
59 Voir la déclaration de l’Alliance coopérative internationale de 1995.
60 Alix Nicole, Bancel Jean‑Louis, Coriat Benjamin, Sultan Frédéric, Vers une république des biens communs ? Colloque Centre culturel international de Cerisy, du 8 au 15 septembre 2016. Voir également la journée d’étude : Biens communs et territoires, organisé par le Puca, l’EIVP et l’Inra, à l’EIVP le 21 mars 2017.
61 Créée en 2010, Co‑operative Energy (2010) est la seule coopérative énergétique qui fournit de l’électricité sur le marché et qui a reçu en 2015 le EU Sustainable Energy Europe Award. The Co‑operative Energy appartient à la Midcounties Co‑operative, la plus grande société de coopérative indépendante au Royaume‑Uni.
62 Blanchet Thomas, 2015, “Struggle over Berlin Energy Transition: How Can Grassroots Initiatives Affect Local Energy Policy ?”, p. 249.
63 Entretien avec Toby Cosbin, membre fondateur de la Community Renewable Energy Wandsworth (Crew), Londres, 14 mars 2017.
64 https://www.london.gov.uk/decisions/dd2077-energy-londoners-not-profit-energy-supply-company (consulté le 25 mars 2017).
65 https://www.london.gov.uk/press-releases/mayoral/mayor-plans-to-power-tube-with-clean-electricity (consulté le 25 mars 2017).
66 My Green pod 10th August 2016, http://www.mygreenpod.com/articles/a-greener-tube/ (consulté le 25 mars 2017).
67 Entretien avec Kevin Baillie, responsable régulation de l’Ofgem, Londres, le 14 mars 2017.
68 Entretien avec Agamemnon Otero, fondateur de Repowering London, et Toby Costin, membre fondateur de la Community Renewable Energy Wandsworth, les 13 et 14 mars 2017.
69 https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/274746/20140108_Community_Energy_Modelling_FinalReportJan.pdf (consulté le 15 mars 2017).
70 Repowering London est créée en 2011 avec le statut d’organisation bénévole (IPS, pour Industrial Provident Society) et prend le statut de coopérative en 2013 (Community Benefit Society). RL, qui compte aujourd’hui cinq salariés, fonctionne majoritairement avec des financements publics.
71 Voir à ce sujet les recommandations du Green Deal 2013 Fuel Poverty.
72 Chaque contribution financière (qu’importe le montant) devient une voix égale aux autres.
73 Entretien avec Agamemnon Otero, Londres, 13 mars 2017.
74 « Les coopératives de Brixton Energy, Londres », in Rob Hopkin (dir), Ils changent le monde ! 1 001 initiatives de transitions écologiques, Paris : Éditions du Seuil, 2014, p. 35‑37.
75 Entretien avec Agamemnon Otero.
76 Entretien avec Sumitra Gomer, urbaniste, Lambeth Council, Londres, 15 mars 2017.
77 Seed Enterprise Investment Scheme.
78 http://www.repowering.org.uk/projects/hackney-energy (consulté le 10 mars 2017).
79 Entretien avec Ann Cannaii , Agamemnon Otero, Wilhemina Stewart, Banister House Hackney, Londres, 13 mars 2017.
80 Dobigny, 2009, « Changement énergétique et rapport au monde », p. 218.
81 L’une d’entre elles, Victoria Omubuwajo, a obtenu un prix du Solar Power Portal Award et s’est inscrite suite à cette expérience dans un master (Business Studies).
82 Entretien avec Allan Jones, op. cit. La ville de Sydney a également été confrontée à cette problématique. Malgré la contre‑expertise de l’IEAC, un choix d’importants investissements sur les réseaux centralisés et les grandes centrales d’EnR a été fait sur cinq ans. Au cours de cette période, les prix de l’électricité des consommateurs ont augmenté de plus de 50 % (les frais de réseaux représentant 50 % à 60 % des factures d’électricité des consommateurs). Au cours de cette même période, les consommateurs ont massivement investi dans l’efficacité énergétique et l’énergie décentralisée, en particulier dans le domaine de l’énergie solaire. Par exemple, à la fin de la période de cinq ans, l’Australie avait installé plus de 2 millions de systèmes d’énergie renouvelable à petite échelle capables de déplacer environ 6 882 GWh d’électricité sur le réseau, ce qui équivaut à l’approvisionnement en électricité de plus d’un million de foyers pendant un an.
83 Entretien avec Allan Jones, op. cit.
84 Ibidem.
85 Entretien avec Peter North et Allan Jones, op. cit.
86 Voir le plan de décentralisation de Sydney coréalisé par Allan Jones. http://www.cityofsydney.nsw.gov.au/__data/assets/pdf_file/0003/153282/Renewable-Energy-Master-Plan.pdf
87 Olivier Coutard et Fanny Lopez, définition formulée dans le cadre de la recherche Vite ! (villes et transitions énergétiques), financée par l'ANR, diriger par Olivier Coutard (CNRS UMR 8134 - Latts) et Caroline Gallez (Ifsttar - LVMT).
88 Dans l’Histoire de l’environnement bien tempéré en 1969, l’historien anglais Reyner Banham propose de revisiter l’histoire de l’architecture sous l’angle des services en proposant trois modes pour analyser l’évolution de l’architecture dans son rapport à l’environnement : conservatif, sélectif ou régénératif. Cf. Banham Reyner, 1969, The Architecture of the Well-Tempered Environment, Londres : The Architectural Press, (l’Architecture de l’environnement bien tempéré, Orléans, HYX, 2011). Voir également l’introduction du présent ouvrage.
89 http://www.rte-france.com/fr/projet/interconnexion-sous-marine-et-souterraine-france-angleterre (consulté le 5 février 2017).
Auteur
-
Fanny Lopez
École d'architecture de la ville et des territoires de Marne-la-Vallée, Université Paris-Est – LIAT

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