Chypre : les espoirs du rapprochement communautaire
|Troisième partie
2004 : Le tournant
Texte intégral
- 1 Affaire Tassos Isaac, cf. supra.
1Les Nations Unies sont présentes dans l’île depuis 1964 à travers la Force des Nations Unies à Chypre (UNFICYP) dont le mandat est toujours régulièrement reconduit. L’efficacité de cette politique de pacification reste discutable dans la mesure où elle n’est pas parvenue, faute d’un mandat suffisamment large, à contrer les événements de 1974 ni à répondre aux graves troubles qui ont opposé les deux communautés en 19961. Depuis 1974, cinq Secrétaires généraux se sont penchés sur le sort de Chypre. Parmi eux, quatre ont proposé des plans ambitieux afin de solder la discorde intercommunautaire, mais ni Kurt Waldheim, ni Javier Perez de Cuellar, ni Boutros Boutros-Ghali, ni Kofi Annan ne sont parvenus à concilier des positions incompatibles, essuyant souvent des refus de dernière minute. Ban Ki‑Moon, le dernier des cinq, a missionné un haut représentant sur place, l’Australien Alexander Downer, puis, en août 2014, un Norvégien, Espen Barth Eide, afin d’inciter les deux parties à négocier sur la base du dernier plan proposé, le plan Annan. Ban Ki‑Moon multiplie en outre les contacts personnels directs avec les dirigeants chypriotes des deux bords.
- 2 Pierre Blanc, 2000, la déchirure chypriote, op. cit., p. 28.
2La présentation des initiatives successives des Nations Unies à Chypre s’apparente donc à un exercice inutile, car elles butent toujours sur les mêmes difficultés2. Après une reprise en juillet 1997, en effet, les négociations se sont multipliées sans succès. En 2000, au quatrième tour des discussions à New York, comme dans un cinquième tour à Genève, les propositions du Secrétaire général sont rejetées par les deux parties. Les uns refusent l’idée d’une confédération, les autres celle de libre circulation et de libre établissement des Chypriotes dans toute l’île.
3Dans ces conditions, il peut sembler paradoxal de présenter l’année 2004 comme un tournant puisque c’est celle de l’échec du nouveau plan parrainé par le Secrétaire général des Nations Unies, Koffi Annan ; cet échec a néanmoins contribué à faire avancer la réflexion des parties concernées et à débloquer partiellement la situation.
Le plan Annan révèle les points de division
4Les pourparlers, encouragés par l’ONU, reprennent en 2002. Glafkos Cleridès souhaitant qu’une Chypre réunifiée rentre dans l’Union européenne, il faut si possible obtenir un accord avant le sommet de Copenhague prévu pour la fin 2002. Une première et une seconde version du futur plan Annan sont travaillées en novembre et décembre 2002, une troisième, en février 2003, est refusée par les deux parties. Après l’élection en février 2003 d’un nouveau président de la République de Chypre, Tassos Papadopoulos, l’ouverture des checkpoints en avril par la RTCN et l’élection en décembre 2003 à la tête de la RTCN de Mehmet Ali Talat, chaud partisan de l’intégration européenne, l’atmosphère change.
5En février 2004, les négociations reprennent pour aboutir à une nouvelle proposition du plan Annan, le 29 mars 2004. Une cinquième version est présentée le 31 mars, à la suite des critiques de la partie chypriote grecque. Les deux négociations – intégration à l’Union européenne et plan Annan – s’entremêlent chronologiquement et sur l’essentiel, puisque les Nations Unies et l’Europe espèrent par ce plan résoudre le problème chypriote avant l’intégration de Chypre dans l’Union européenne. Puis, l’Europe devient, avec l’intégration de Chypre, un nouveau recours extérieur pour les Chypriotes grecs, par la mobilisation de la Cour de Justice des communautés européennes, avec l’espoir de voir, sous son influence, la situation se dénouer. Les Chypriotes grecs espèrent également que la Turquie se montrera plus souple pour faciliter sa propre intégration dans l’Union européenne.
6Il faut avouer que les négociations interminables ont épuisé la patience des Nations Unies. De surcroît, l’UNFICYP, après cinquante ans de présence, même si elle rassure les deux communautés, devient une charge insupportable pour ceux qui y participent alors que d’autres crises semblent plus urgentes. Elle a coûté en trente ans plus de deux milliards de dollars. Aussi les Canadiens ont‑ils retiré leur contingent à la fin de 1993, tandis que la Grèce et Chypre prennent alors en charge la moitié des sommes nécessaires. Le budget de l’UNFICYP s’élevait en 2008/2009 à 56,5 millions de dollars – au même moment, le budget des forces onusiennes au Kosovo s’élevait à 210 millions de dollars –, financé au tiers par la République de Chypre et à hauteur de 6,5 millions de dollars par la Grèce. Depuis 2013, cette unité d’interposition n’est plus constituée que par moins d’un millier d’hommes originaires de dix‑sept pays différents. Son mandat est prorogé régulièrement, compte tenu de l’absence de règlement politique, et vise désormais à « surveiller les lignes de cessez‑le‑feu et la zone tampon, à entreprendre des activités humanitaires et à appuyer les missions de bons offices du Secrétaire général de l’ONU ». Elle s’implique ainsi dans l’accueil et l’organisation des rencontres entre communautés au Ledra Palace ou sur le site de l’ancien aéroport international de Nicosie.
7Le plan Annan est le fruit, comme les précédents, d’un long travail pour satisfaire les exigences des deux parties. Ne pouvant imposer le respect du droit international, les Nations Unies se sont orientées vers une solution acceptable par les « durs » du camp turc, en modifiant les versions successives du projet, afin de satisfaire un nombre croissant de leurs exigences. Mais, en allant trop loin dans cette direction, le plan est devenu inacceptable pour les Chypriotes grecs. Il propose des solutions sur les questions qui animent le débat intercommunautaire depuis quarante ans : les institutions d’une fédération bicommunautaire, le partage du territoire, la sécurité et les droits des personnes déplacées. Il envisage la constitution d’une confédération sur le modèle helvétique dotée d’une présidence tournante entre représentants chypriotes grecs et turcs. Les deux États constituants disposeraient chacun d’une constitution et de pouvoirs propres. Le plan limiterait en outre à moins de 10 000 hommes les effectifs militaires grecs et turcs qui pourraient stationner dans chacun des « États constituants ». L’entité turque ne représenterait plus que 28,4 % du territoire en raison de la rétrocession de certains territoires à la partie grecque. Une partie des 110 000 colons turcs devrait donc repartir en Anatolie tandis que plus de 100 000 Chypriotes grecs pourraient, sous conditions, retourner vivre en zone turque. Enfin, la Grande‑Bretagne, la Grèce et la Turquie conserveraient, comme garantes, un droit d’intervention, ce qui étrangement donnerait à un État extérieur à l’Union européenne le droit d’intervenir militairement dans un État de l’Union.
8Une fois de plus, dans ces négociations, les termes « bizonalité », « fédération », « libertés essentielles », « sécurité » ne recouvrent pas les mêmes exigences selon les parties. Quels éléments incitent le gouvernement chypriote grec à conseiller de voter non ? Passant sous silence les principes européens de libre établissement et de non‑discrimination, les négociateurs ont décidé de limiter la capacité des Chypriotes grecs à résider et à disposer de leurs biens dans le Nord tout en étalant le processus sur de nombreuses années, ce qui était pourtant une cause permanente d’échec des négociations depuis 1974, et alors que le gouvernement chypriote estime à 100 000 personnes le nombre de ceux qui voudraient retourner vivre dans le Nord ou y conserver une résidence secondaire. Par ailleurs, le schéma de réunification ne laisse au niveau fédéral que des compétences réduites sans grands moyens. De surcroît, le partage alterné des responsabilités fédérales entre Chypriotes grecs et turcs n’est pas sans rappeler le souvenir et les blocages de la constitution de 1960, ce qui laisse peu d’espoir pour une application réelle du projet.
Tableau 3 : L’équilibre démographique actuel dans l’île de Chypre
Source : Ces données tirées des recensements sont sujettes à réserves. Selon les diverses estimations, les colons turcs seraient en 2006, entre 90 000 et 120 000 personnes sur une population totale de 256 000 habitants.
Superficie |
Population |
|||
Km2 |
% de l’île |
Habitants |
% de l’île |
|
RTCN |
3254 |
35,2 |
257 000 |
24,8 |
République de Chypre |
5497 |
59,4 |
773 000 |
74,5 |
Zone tampon |
246 |
2,7 |
||
Bases GB |
255 |
2,8 |
7 500 |
0,7 |
9 252 |
100 |
1 037 500 |
100 |
9Le texte limite les effectifs militaires grecs et turcs aux chiffres prévus en 1960, mais les Chypriotes grecs veulent un retrait total des troupes des deux pays, précisant logiquement qu’un État « indépendant » ne peut être occupé en partie par des troupes étrangères. Enfin, les Chypriotes grecs ne peuvent accepter la présence de tous les colons turcs ni le fait qu’ils deviennent citoyens chypriotes, en modifiant ainsi l’équilibre démographique ancien. Donc, à leurs yeux, le plan reconnaît le statu quo né d’une occupation pourtant déclarée illégale par les Nations Unies. C’est ce qu’a voulu signifier le président Tassos Papadopoulos en refusant de voter Oui :
- 3 22 avril 2004 dans Kıbrıs cité dans Mertkan Hamit, 2009, Cypriotism as an ideology in between Turk (...)
Le peuple m’a fait président d’un État souverain indépendant […] Le peuple m’a fait dirigeant d’une République indépendante, je ne voudrais pas faire le péché de réduire sa position à celle d’un « État constituant »3.
10Rauf Denktaş, fidèle à ses positions, s’est d’emblée opposé au projet qui a tout de même été soumis aux représentants des deux communautés au début de l’année 2004, à Bürgenstock, en Suisse ; Denktaş laisse alors la direction des opérations à Mehmet Ali Talat. Ces ultimes négociations, menées dans la perspective de l’intégration de Chypre dans son entier au sein de l’Union européenne, se soldent par un relatif échec le 28 février 2004. Kofi Annan, cependant, impose que le projet, même sans l’accord de Glafkos Cleridès et de Rauf Denktaş qui ne sont plus au pouvoir ni l’un ni l’autre, soit soumis à l’approbation de chacune des deux communautés, par référendum, avant l’entrée de l’île dans l’Union européenne. Vu les positions de Mehmet Ali Talat, le schéma habituel du veto de Denktaş à toute négociation est inversé, c’est alors au président chypriote grec, Tassos Papadopoulos, que revient le rôle négatif et il se déclare nettement défavorable au plan.
- 4 Il est facile de comprendre le malaise ou même l’inquiétude de certains Chypriotes ou colons turcs (...)
- 5 Jean‑François Drevet, 2013, « Chypre et l’Union européenne (UE) », EchoGéo [En ligne], Sur le Vif, (...)
11L’UE a indiqué à l’avance que ce plan devait être réalisé « conformément aux principes qui sous‑tendent l’Union européenne ». Ce n’est pas vraiment le cas. Le point litigieux porte sur le respect de la liberté d’établissement, qui contredit la volonté turque de figer à jamais le nettoyage ethnique de 1974. En raison de la différence de niveau de vie entre les deux parties, les Chypriotes turcs craignent en effet des achats massifs dans le Nord par des Chypriotes grecs, plus nombreux et plus riches ; ils craignent aussi de voir remises en question par les anciens propriétaires les attributions faites par les dirigeants de Chypre Nord ou les ventes effectuées depuis lors4. Aujourd’hui, n’importe quel citoyen européen peut acheter une propriété dans le Nord, mais pas le Chypriote du Sud. Ce dernier n’est d’ailleurs même pas en mesure de reprendre celle dont il est propriétaire. D’après les juristes du Foreign Office, des dérogations à la liberté d’établissement seraient possibles et feraient partie du droit primaire de l’Union européenne. Cette dernière a donc cédé, comme les Nations Unies, et limite la capacité des Chypriotes grecs à résider et à disposer de leurs biens dans le Nord. La République de Chypre estime de surcroît que certains des engagements demandés font d’elle un État de seconde classe : soutenir la candidature turque à l’UE, ne pas exploiter les ressources gazières du plateau continental sans l’accord d’Ankara par exemple5.
- 6 Une partie des colons anatoliens, vivier traditionnel de l’électorat nationaliste a également acce (...)
12Le référendum bicommunautaire sur le plan Annan, tenu le 24 avril 2004 se solde par un échec. Mobilisant largement l’électorat au Nord et au Sud de l’île, il est approuvé par 65 % des Chypriotes turcs, mais refusé par 76 % des Chypriotes grecs. Au Nord, la politique de Rauf Denktaş est sévèrement désavouée par une population qui voit dans l’acceptation du plan et dans la perspective d’intégrer l’Union européenne un moyen de rompre l’isolement dans lequel elle est plongée depuis 19746. Au Sud, les Chypriotes considèrent ce plan avec scepticisme et inquiétude. Leurs attentes (retour possible de tous les réfugiés, droit de propriété, expulsion des colons, démilitarisation intégrale) ne sont pas satisfaites, et le gain leur paraît limité. Avertis par le précédent allemand – l’intégration coûteuse de l’ex‑RDA –, ils voient également un péril dans l’intégration d’une entité accusant de graves retards économiques. Les pressions plus ou moins discrètes effectuées par l’UE, les États‑Unis et même le gouvernement grec en faveur d’un vote positif ne font qu’augmenter leurs méfiances et leur désir de décider de manière indépendante. Par ailleurs, l’assurance d’intégrer l’Union européenne une semaine plus tard rend indolore un refus de la partie chypriote grecque.
- 7 Mertkan Hamit, 2009, Cypriotism as an ideology in between Turkish and Greek nationalisms, op. cit.(...)
13Mertkan Hamit estime que le plan Annan est la meilleure preuve de ce que le « chypriotisme » signifie deux choses différentes pour les Chypriotes grecs ou turcs : pour les uns, le plan est une menace, car leur « communauté imaginaire » comprend l’île dans son entier, pour les autres, le plan est le seul moyen réaliste de maintenir leur chypriotisme. Il conclut en jugeant que défendre le chypriotisme est pour les uns voter NON, et pour les autres, voter OUI7.
14Ce refus est mal accepté par la communauté internationale qui, lasse d’entendre parler du « problème chypriote », fait porter toute la responsabilité de l’échec sur les « nationalistes Chypriotes grecs » face aux Chypriotes turcs qui ont désormais le « bon » rôle. Le refus de la communauté chypriote grecque n’empêche pas l’entrée de l’île – déjà décidée – dans l’Union européenne quelques jours plus tard. Le plan Annan n’est d’ailleurs pas enterré pour autant, puisqu’il reste une base de travail des discussions qui ont repris depuis 2008 et portent désormais sur des « aménagements » qui pourraient conserver l’accord des Chypriotes turcs tout en calmant les inquiétudes des Chypriotes grecs…
L’Union européenne et ses positions ambiguës
15L’Union européenne est devenue un nouvel échelon s’ajoutant à tous ceux qui préexistaient – relations bicommunautaires, relations gréco‑turques, relations internationales – dans les discussions sur Chypre.
- 8 Pierre Blanc, 1998, « Chypre : une île à hauts risques », Hérodote n° 90 Méditerranée, Nations en (...)
16De même que la Grèce et la Turquie ont été les premiers États à demander leur association à ce qui était alors le Marché commun (la Grèce signe un accord d’association en 1962), la République de Chypre (qui l’avait demandé en 1962) obtient, dès 1972, un accord d’association avec la CEE, valable à partir du 1er juin 1973 et qui s’applique, logiquement, à toutes les populations de l’île. La relation de Chypre à l’Europe communautaire est donc ancienne, mais la progression de l’île vers l’adhésion, bien qu’entamée en 1973, a relevé de l’exercice d’endurance8.
- 9 Pierre Blanc, 2001, « Géopolitique de Chypre et jeux d’échelles », Colloque « Recherches en cours (...)
17Les deux communautés chypriotes sont favorables à cette entrée, mais cela n’empêche pas la division de leurs dirigeants et l’interférence des problèmes gréco‑turcs. Côté chypriote turc, il s’agit de savoir si le développement économique sera atteint par une intégration totale à la Turquie ou par la réunification dans un cadre européen. À partir de 1983, Rauf Denktaş pour la RTCN s’oppose à toute candidature, car il reste partisan d’une confédération qui supposerait la reconnaissance de son « État », et n’accepte ni l’idée d’une fédération ni le fait que les Chypriotes turcs soient représentés par la République de Chypre, qui a déposé seule la demande puisqu’elle est le seul État reconnu. La reconnaissance de la RTCN est pour lui un préalable indispensable. Son refus repose sur un problème identitaire : être Turc ou Chypriote turc, et sur une crainte de l’écrasement par les Chypriotes grecs : « Si nous affirmons que nous sommes Chypriotes, nous serons bouillis dans la marmite chypriote grecque9 ».
18Après 1995, l’Union européenne, contournant l’obstacle du leader chypriote turc, s’adresse à ses citoyens, en ouvrant en RTCN un bureau chargé d’expliquer aux Chypriotes turcs les bienfaits matériels que pourrait leur apporter l’intégration, ne serait‑ce que l’aide aux régions les plus pauvres et la fin de l’embargo. Contrairement à Rauf Denktaş, les présidents de la République de Chypre, Georges Vassiliou (1988‑1993) et Glafkos Cleridès (1993‑2003) multiplient les efforts pour cette intégration, avec l’espoir que les pressions européennes seraient plus efficaces que celle des Nations Unies pour faciliter la réunification. Ils espèrent également que la législation européenne aidera à soutenir les droits des Chypriotes grecs à la libre circulation et à l’affirmation de leurs droits de propriété dans la partie nord. Enfin, ils en escomptaient une protection contre de possibles ambitions turques, donc des motivations beaucoup plus politiques qu’économiques.
- 10 Constantinos Lycourgos, 1989, l’Association de Chypre à la CEE, Paris : l’Harmattan.
- 11 Gilles Bertrand, 2001/2002, « L’adhésion de Chypre à l’Union européenne : un déblocage du conflit p (...)
19L’accord d’association de 197310 prévoyait deux phases : la première, qui aurait dû s’achever en 1977, est prolongée jusqu’en 1987 ; la seconde, activée en 1988, devait conduire à l’Union douanière en quatre ou cinq ans, mais est finalement réalisée en 2002. Les événements de 1974 ont en effet plongé les relations Chypre‑Europe dans une longue somnolence. La dernière phase de la candidature chypriote est le fruit d’une stratégie de réconciliation du président Vassiliou qui se distingue de ses prédécesseurs Glafkos Cleridès, Spyros Kyprianou et Vassos Lyssarides, tous axés sur la défense unique de leur communauté11.
20En juillet 1990, la République de Chypre, désormais privée de facto de sa partie nord, pose sa candidature à l’entrée dans l’Union européenne. Elle reçoit un avis favorable en juin 1993, après l’élection à la présidence chypriote de Glafkos Cleridès dont le programme repose presque uniquement sur l’adhésion à l’UE. Les dirigeants européens reconnaissent que l’île appartient à la culture européenne (par son volet hellène) et qu’elle a vocation à entrer à moyen terme dans l’Union. L’Union qui ne veut pas avoir à se mêler de l’affaire, peut‑elle espérer rester hors de la question si elle accepte l’île de Chypre ? Comment intégrer cet État « différent », puisque protégé depuis 1960 par des puissances étrangères, partiellement occupé par l’une de ces puissances elle‑même candidate, et délesté de toute souveraineté sur près de 3 % de son territoire par les bases souveraines britanniques ? Les « dangereuses » relations gréco‑turques impliquées dans les affaires chypriotes suscitent des hésitations. Les deux États ont frôlé la guerre à six reprises, en 1963‑1964, 1967 et 1974 à propos de Chypre, en février 1976 et mars 1987 à propos de la mer Égée.
- 12 Hassan Basri‑Elmas, 1998, Turquie‑Europe, une relation ambiguë, Paris : éditions Syllepse, p. 134.
- 13 Hassan Basri‑Elmas, 1998, Ibidem, p. 140.
21Au cours des premières années de l’occupation de Chypre Nord, les institutions européennes se sont montrées singulièrement discrètes vis‑à‑vis de la Turquie, n’engageant aucune sanction envers elle, et mettant même en application en 1979 la troisième phase d’un protocole financier conclu avec elle12. C’est après la proclamation de la République turque de Chypre Nord, en 1983, que le discours européen s’est affermi à l’égard des autorités turques. Ainsi, le 16 novembre 1983, dans le cadre de la coopération politique, les États membres de la CEE rejettent cette proclamation contraire aux résolutions de l’ONU13. Depuis cette date, la Communauté, puis l’Union européenne, a adopté une position théorique claire et ferme, considérant inacceptable le statu quo créé par l’invasion turque de 1974. Cette position a été réaffirmée à plusieurs occasions, en particulier dans la déclaration du Conseil européen de Dublin du 26 juin 1990 et dans les conclusions du Conseil européen de Lisbonne, le 27 juin 1992. La décision du Conseil européen de Copenhague, en décembre 2002, d’intégrer Chypre en totalité dans l’Union au 1er mai 2004, quelle que soit l’avancée des négociations, s’inscrit dans cette optique.
22En 1990, lorsque Chypre dépose sa demande d’adhésion, certains estiment préférable de refuser pour s’éviter des difficultés futures. Mais la Commission européenne décide finalement que, la solution risquant d’être fort lointaine, ce serait l'ajourner sine die :
- 14 Jean‑François Drevet, 2013, « Chypre et l’Union européenne (UE) », op. cit.
Refuser Chypre revenait à récompenser l’agresseur et aurait conféré à un pays tiers, la Turquie, un droit de veto sur l’élargissement de l’Union européenne, ce que le traité ne reconnaît qu’à un État membre14.
23L’affaire s’insère également dans l’imbroglio des relations gréco‑turques. En 1994, l’annonce de la « défense commune » entre Chypre et la Grèce irrite et/ou inquiète la Turquie qui s’imagine cernée par les Grecs jouant contre elle de leur droit de veto. Elle craint de surcroît qu’une Chypre membre de l’UE lui oppose un second veto, encore plus intransigeant. Ce n’est donc que le 6 mars 1995 que le Conseil européen s’engage à ouvrir les négociations d’adhésion en échange de la levée du veto de la Grèce à l’union douanière UE‑Turquie. En mars 1996, le commissaire européen aux Affaires extérieures insiste sur le fait que la division de l’île de Chypre ne serait pas un obstacle à l’intégration de l’île en bloc, et le Conseil européen de Luxembourg, les 12 et 13 décembre 1997, décide d’entamer les négociations avec la République de Chypre. En décembre 1999, au sommet d’Helsinki, la Turquie est officiellement déclarée candidate à l’entrée dans l’Union européenne et l’entrée de la République de Chypre est acceptée, même sans réunification préalable. Notons que parmi les nombreux pays candidats à cette date, Chypre est le plus riche et le plus avancé dans l’assimilation de la législation communautaire, il semble donc difficile de le refuser. Certains espèrent ainsi voir se débloquer la situation, même le puissant AKEL, opposé idéologiquement à cette entrée, a modifié sa position en 1995, en raison de ses liens avec la gauche chypriote turque, espérant faciliter une possible réunification.
24Les principes de l’UE ne s’accommodent pas d’une définition linguistico‑religieuse des citoyens et sont donc susceptibles de contribuer à la création d’une nouvelle citoyenneté « chypriote », comme l’espèrent certains. Dix ans plus tard, force est de constater qu’il n’en est rien, l’acquis communautaire ne peut concrètement s’appliquer à la RTCN. Cependant, l’intégration n’est pas sans effets, ne serait‑ce que parce que toute l’île, Nord compris, a accès aux fonds d’aide régionale, pour lesquels le Nord de l’île est favorisé, puisque nettement plus pauvre que le Sud. La Commission européenne développe, dès 2004, une politique d’ouverture entre les deux communautés et œuvre pour l’ouverture plus complète de points de passage dans la Ligne verte, pour l’échange de marchandises entre Chypriotes turcs et grecs, ainsi que pour l’ouverture des ports et aéroports turcs aux passagers et marchandises chypriotes grecs. En 2006, l’Union adopte le règlement CE no 389/2006 pour mettre un terme à l’isolement de la communauté chypriote turque et l’aider à se préparer à la réunification. Ce règlement précise plusieurs fois que son aide ne signifie absolument pas une reconnaissance de la RTCN et clarifie ses intentions : encourager le développement économique de la communauté turque dans l’intérêt de tous en aidant toutes les formes de collectivités, mais pas l’entité politique du Nord, non reconnue15
25Une enveloppe de 256 millions d’euros a été affectée pour une durée de cinq ans au programme qui s’inscrit dans le cadre plus large du Reconciliation and Peace Economics in Cyprus, un projet d’étude et d’actions en faveur du rapprochement des communautés mis en place par l’agence de coopération Europe‑Aid ; les fonds, devant transiter par la République de Chypre, ont été retardés de six mois par le président Tassos Papadopoulos, mais ils sont arrivés à destination. Depuis 2011, l’assistance se poursuit sous la forme de dotations annuelles de 28 millions d’euros, utilisées pour consolider les résultats atteints et soutenir le processus des Nations unies appelé Action for Cooperation & Trust in Cyprus et conjointement financé avec l’USAID.
- 16 Pour bénéficier de ce droit, les Chypriotes turcs disposant des justificatifs nécessaires doivent (...)
- 17 Samin Akgönül, 2004, les relations gréco‑turques au tournant du siècle : ruptures, évolutions et p (...)
26Tous les Chypriotes deviennent citoyens européens, mais certains le sont plus que d’autres : l’entrée dans l’Union a conduit à une situation complexe distinguant au Nord de l’île les Chypriotes turcs natifs16 qui disposent de la liberté de circuler dans les États de l’espace Schengen, et les colons venus de Turquie qui ne sont pas considérés comme citoyens européens. En effet, dans le cas contraire, la libre circulation Turquie/RTCN pourrait devenir un chemin d’immigration vers l’Union européenne. Dans l’année qui a suivi l’intégration, 20 000 Chypriotes du Nord17 sont venus au Sud demander un passeport de la République de Chypre. Des Chypriotes turcs ont trouvé du travail dans le Sud, ce qui leur a donné accès à la couverture sociale en vigueur dans la République. Peu s’y sont toutefois installés, pas plus de 2000 personnes selon les estimations. Malgré les espoirs qu’elle a fait naître, il n’est pas certain que l’action de l’Europe soit un réel facteur de rapprochement entre les deux communautés.
27L’Union européenne, en acceptant en son sein, un État dont une partie se trouve occupée par une armée étrangère, et en acceptant de négocier par ailleurs sur d’autres points avec le pays occupant, entérine sans le dire le statu quo. Il est aussi paradoxal qu’elle puisse un jour demander à un de ses membres disposant donc d’un droit de veto de décider de l’adhésion d’un nouvel État, la Turquie, qui ne reconnaît pas son existence. Néanmoins, les influences de l’ONU et de l’UE pourraient se combiner : en septembre 2010, le président turc Abdullah Gül a confié être optimiste sur la possibilité d’arriver à un accord entre les leaders des deux communautés turque et grecque en rejoignant les propos de Ban Ki‑Moon. Après l’ouverture de nouveaux passages, en 2010, entre les deux Chypre, les forces sous mandat de l’ONU sont portées à 921 personnes, et les visites des différents partenaires du processus de réconciliation se multiplient.
La Cour européenne des droits de l’homme comme facteur d’espoirs ?
- 18 Kurdet Özersay & Ayla Gürel, 2008, “Property and Human Rights in Cyprus, The European Court of Hum (...)
- 19 Cour Européenne des droits de l’homme, affaire Loïzidou contre Turquie, App. No 40/1993/435/514 (1 (...)
28Les effets contrastés de l’action européenne s’illustrent particulièrement dans l’exploitation de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à laquelle Chypre a pu s’adresser bien avant son intégration dans l’UE, comme à une autre arène internationale de la lutte contre la Turquie18. Les affaires les plus médiatisées ont porté sur le droit de propriété. Depuis 1996 et le jugement rendu par la CEDH dans l’affaire Loïzidou contre Turquie19, la jurisprudence de la Cour européenne a joué un rôle central dans les négociations. Mme Loïzidou se plaignait d’une atteinte à son droit de propriété résultant de l’occupation et du contrôle exercé par les forces armées turques qui l’avaient empêchée à plusieurs reprises d’accéder à son ancien domicile et à d’autres propriétés dans la région de Kyrénia. Elle y voyait une violation de son droit de propriété, contraire à l’article 1 du Protocole no 1 de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi qu’une violation de son droit au respect de son domicile contraire à l’article 8. Le procès est intenté à la Turquie, puisque la RTCN n’existe pas légalement, et que l’armée turque, par sa présence, constitue l’obstacle à la jouissance des propriétés.
- 20 Le détail juridique de l’affaire dans Gilles Bertrand et Isabelle Rigoni, 2000, « Turcs, Kurdes et (...)
29Mme Loïzidou a également participé en 1989 à une marche organisée par le mouvement Women Walk Home (pour le retour des réfugiées) qui est parvenue à pénétrer en zone occupée ; elle est alors arrêtée par la police chypriote turque, et finalement reconduite à la barrière du Ledra Palace quelques heures plus tard. Sa requête pour non‑respect des droits de l’homme lors de son arrestation n’est pas acceptée, car elle ne s’est pas plainte de violences auprès de l’UNFICYP20. En revanche, son action contre le non‑accès à ses propriétés est acceptée, et la Turquie tente d’en faire porter la responsabilité à la RTCN, ce qui aurait été un moyen de la faire reconnaître.
- 21 Rhodri C. Williams, Ayla Gürel, 2011, The European Court of Human Rights and the Cyprus property I (...)
- 22 Calcul en fonction de la totalité des propriétés de Chypriotes grecs en zone occupée. Voir The Wa (...)
30Par ses jugements successifs, la CEDH a fortement influencé la position des parties et des médiateurs des Nations Unies sur la question des propriétés. En fondant son jugement sur la violation continue du droit du plaignant à jouir de sa propriété, la Cour est allée contre son approche habituelle, alors qu’elle se déclarait jusque‑là incompétente pour traiter de plaintes relevant de faits antérieurs à son institution21. Elle a reconnu que les Chypriotes grecs et turcs déplacés étaient les propriétaires légaux des biens qu’ils avaient été contraints d’abandonner ; la Turquie a donc été jugée responsable des violations du droit de propriété, et du droit au respect du domicile en raison de son interdiction arbitraire d’accès à ces propriétés, en application de l’art. 1 du Protocole 1, et de l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. En raison de l’absence de solutions crédibles adoptées par la RTCN et la Turquie pour remédier à ces violations, la Cour a ordonné que des compensations, couvrant la valeur des propriétés, comme les bénéfices qu’elles auraient rapportés pendant plus de vingt ans, soient versées aux plaignants. Mme Loïzidou, après de nombreuses réclamations, a finalement reçu ses indemnités en décembre 2003 pour une demande déposée en 1989. Ce jugement a été d’une grande portée, car il a consacré la recevabilité des plaintes déposées devant la Cour par les Chypriotes grecs et leur a donné le sentiment d’une victoire morale : toute personne possédant des biens en zone occupée, même sans être réfugiée, peut attaquer la Turquie et espérer obtenir un dédommagement matériel. Le montant total de ces dédommagements pourrait atteindre quelque 16 milliards de dollars, selon les calculs de l’avocat de Titina Loïzidou, Achilleas Demetriades22.
31Les plaintes déposées par la suite se sont donc logiquement multipliées en s’appuyant sur ce refus du droit de jouissance par les autorités turques, et la Cour a ordonné des compensations pour perte d’usage des propriétés. Une première vague de requêtes a concerné les arrestations effectuées lors d’une manifestation le 19 juillet 1989 dans la zone tampon de Nicosie, dont celle du métropolite de Kition. Comme il s’agissait d’indemniser une perte d’usage et non une spoliation, ces décisions ne peuvent donc être interprétées comme la reconnaissance d’un droit de retour et de rétrocession des dites propriétés. Une série d’affaires identiques ont suivi : Xenides‑Arestis, Sophia Andreou, Evagorou Christou, Demades, Diogenous et Tseriotis, Epiphaniou, Gavriel, Hadjiprocopiou, Hadjithomas, Hapeshis, Hapeshis et Hapeshis‑Michaelidou, Andreas Ioannou, Anthousa Iordanou, Iordanis Iordanou, Josephides, Lordos, Michalis Michael, Orphanides, Ramon, Rock Ruby Hotels, Saveriades, Skyropoiia Yialias, Zabou… Les procédures sont particulièrement longues (dix ans en moyenne) et les compensations difficiles à obtenir. La Cour, très vite submergée par les plaintes des Chypriotes grecs (notons également quelques cas de Chypriotes turcs lésés), va recourir à une autre solution.
- 23 CEDH, arrêt Xenides‑Arestis vs. Turkey App. No. 46347/99.
- 24 CEDH, arrêt Demopoulos vs. Turkey & seven other cases App Nos 46 113/9, 3843/02, 13 751/02, 13 466 (...)
- 25 CEDH, arrêt Demopoulos & cie paragraphe 128.
- 26 CEDH, arrêt Demopoulos & cie paragraphes 121‑123.
- 27 CEDH, arrêt Demopoulos & cie paragraphes 133 et 136‑137.
- 28 Rhodri C. Williams, Ayla Gürel, 2011, The European Court of Human Rights and the Cyprus property I (...)
32Dans les jugements rendus par la suite, elle infléchit sa jurisprudence, même si à chaque fois elle reconnaît que le même article de la Convention a été violé. Dans l’affaire Xenides‑Arestis contre Turquie23 et dans l’affaire Demopoulos et cie contre Turquie, elle a ordonné que cette dernière adopte une réparation généralement applicable aux affaires similaires24. Le jugement Xenides‑Arestis a donc posé un cadre pour réformer un mécanisme de compensation créé précédemment par les autorités chypriotes turques. La RTCN a par la suite mis en place une Immovable Property Commission (IPC) responsable des compensations et qui prévoit dans un cadre très restrictif des restitutions aux Chypriotes grecs dépossédés. La Cour a ainsi établi de nouvelles règles de jurisprudence dont les conséquences sur les futurs litiges relatifs aux propriétés contre la Turquie sont notables. Elle considère en effet que l’IPC constitue un dispositif de compensation effectif et qu’elle n’aura donc plus à instruire les plaintes déposées pour violation à l’art. 1 du protocole 1 de la Convention européenne des droits de l’homme avant que les plaignants n’aient eu recours à l’IPC25. La Cour reconnaît également que dans la plupart des cas les compensations financières proposées par l’IPC constituent une réparation effective des violations au droit de propriété26 et que les solutions qu’elle propose sont suffisamment larges pour couvrir l’interférence entre les plaintes liées au respect du domicile et celles liées au droit de propriété27. Elle souligne enfin qu’avec le temps les occupants actuels des biens pourraient avoir plus de droits au regard de l’article 8 que les propriétaires lésés et qu’il appartient aux gouvernements d’identifier les cas dans lesquels la restitution est impossible. Cette position tend à contredire la position défendue par la partie chypriote grecque pour laquelle l’exception à la restitution se pose uniquement dans les cas d’impossibilité matérielle28.
- 29 CEJ, arrêt Apostolides vs. Orams C‑420-07 E.C.R. I‑3571, 2009.
33En ce sens, la position de la CEDH a été prudente. Tout en reconnaissant la recevabilité des plaintes, elle a pris soin de se démarquer des positions les plus extrêmes des deux parties. La jurisprudence européenne peut cependant prêter à confusion : la décision de la Cour européenne de Justice dans l’affaire Apostolides contre Orams29 a permis aux plaignants chypriotes grecs de réclamer l’application des jugements rendus par les tribunaux de la République de Chypre contre les occupants de leurs propriétés à Chypre Nord devant les juridictions compétentes d’un autre État membre de l’Union. Cette affaire emblématique peut, elle aussi, être suivie d’autres cas similaires, si l’on en considère les données principales : en 1974, Meletios Apostolides doit quitter sa propriété près de Lapithos au Nord de l’île ; en 2002, le couple anglais, Orams, pour construire une villa, l’achète à un tiers qui l’a acquise de la RTCN. En 2003, profitant de l’ouverture de la Ligne verte, M. Apostolides va voir sa propriété, il porte plainte auprès du tribunal de Nicosie, non pas contre la Turquie comme Mme Loïzidou, mais contre le couple anglais. Le tribunal de Nicosie condamne le couple à démolir, la villa, la piscine, la grille, et à lui verser des indemnités. Mais les Orams, représentés par la femme de Tony Blair, s’adressent à la justice anglaise qui leur donne raison ; M. Apostolides s’adresse alors à la CEDH qui lui donne raison à son tour, décision qui a été ensuite acceptée par la justice britannique. Les Orams abandonnent alors la lutte et la villa… L’affaire est d’importance puisque nombre de Britanniques ont acheté des propriétés sur la côte nord de Chypre sans se préoccuper de l’origine des terres ou des constructions. Elle peut donc, comme l’affaire Loïzidou, entraîner d’autres cas.
- 30 Actes de la conférence du PCC‑CEPS (Centre d’Études politiques européennes), 20‑21 mai 2010, Bruxe (...)
- 31 Jean‑François Drevet, 2013, « Chypre et l’Union européenne (UE) », op. cit.
34Il est cependant probable qu’à la suite de la décision Demopoulos, qui regroupa les plaintes de huit familles différentes, toutes propriétaires de terrains, oliveraies, maisons à Nicosie et en différents villages du Nord de l’île, la Cour européenne de Justice tiendra compte de la jurisprudence récente de la CEDH. En effet, la CEDH donne raison aux plaignants, mais les renvoie jusqu’au 31 décembre 2011 à l’IPC qui doit, après examen des preuves de leur droit de propriété, décider du montant et des modalités de paiement des compensations. Mais les Chypriotes grecs apprécient peu cette commission30 et préfèrent un règlement qui pourrait leur laisser une chance de retrouver le bien et non sa compensation ; en mai 2010, l’IPC a reçu 450 plaintes et rendu 70 décisions impliquant 322 propriétés foncières. Le problème concerne environ 200 000 ha dans le Nord appartenant à des Grecs et 55 000 ha dans le Sud appartenant à des Turcs. La valeur des propriétés spoliées serait estimée à 15 ans de PIB de la RTCN, mais c’est en théorie à la Turquie, responsable des opérations de 1974, de payer, ce qu’elle ne fera jamais en totalité31.
- 32 Actes de la conférence du PCC‑CEPS 2012, Ibidem, p. 3.
- 33 Georges Iacovou, 2012, in Displacement in Cyprus, Consequences of Civil and Military Strife, Prope (...)
35Georges Iakovou, représentant de la Communauté chypriote grecque précise en 201032 qu’il s’agit en fait de 310 000 biens appartenant à des Chypriotes grecs (terrains et biens immobiliers) et 90 000 à des Chypriotes turcs (certains abandonnés dans la décennie 1960), soit potentiellement, compte tenu des divisions en parcelles, entre 400 000 et 450 000 décisions individuelles à prendre33. Il sera également difficile de s’accorder sur la valeur des biens concernés, alors que depuis une décennie le Nord a connu un boom immobilier. Cette croissance de 30 %, observée dans le secteur de la construction entre 2003 et 2010, reflète un effet de fausse légitimation : le plan Annan ayant posé certains principes concernant les propriétés abandonnées par les Chypriotes grecs, les occupants actuels ont aménagé et amélioré ces propriétés pour avoir un droit prioritaire de rester. Il faudrait par ailleurs environ 10 milliards d’euros pour financer un projet de réinstallation ménageant la réhabilitation des habitats et la construction d’infrastructures, pour 100 000 personnes.
36Le droit au retour et à la propriété des biens abandonnés en temps de guerre est l’un des espoirs les plus grands des personnes déplacées, quel que soit le pays concerné. Mais l’importance des cas répartis sur toute l’île, la diversité des publics concernés, rend particulièrement complexe le traitement de cette question. Cette dernière s’est liée aux objectifs politiques différents des deux communautés, et, avec le temps, est devenue un volet légalement et techniquement très complexe du problème général. Elle revêt aussi un aspect émotionnel, car bien des individus la relient à la douleur que leur a causée l’autre communauté, la perte de leur passé, de leur enfance, de leurs souvenirs, sentiments qui ne s’effacent pas dans la génération concernée et se transmettent en héritage.
- 34 Ayla Gürel, O Εκτοπισμός στην Κύπρο 5, [Le déplacement de populations], op. cit., p. 13.
37Les leaders chypriotes turcs ont toujours insisté sur l’idée que la séparation née de 1974 était définitive. Un échange global des propriétés, et un retour impossible des Chypriotes grecs vers le Nord en seraient les conséquences logiques. Avec le Plan Annan, ils ont accepté des solutions moins radicales, mais à la condition que les retours de Chypriotes grecs ne viennent jamais troubler l’équilibre démographique existant, favorable aux Chypriotes turcs. Une série de lois a été prise unilatéralement par leur gouvernement pour attribuer aux réfugiés Chypriotes turcs du Sud les biens abandonnés par les Chypriotes grecs, au nom de « la distribution et la réhabilitation des ressources, en accord avec les principes de justice sociale et d’une façon qui assure la productivité et le développement économique »34. Ainsi les propriétés ont été confiées en usufruit, puis en pleine propriété (en 1995), d’abord aux réfugiés du Sud, puis aux colons venus de Turquie (jusqu’en 1982), et progressivement aux combattants de 1974, aux familles des victimes des combats, aux soldats turcs qui ont combattu en 1974 s’ils souhaitaient s’établir à Chypre (ils reçoivent automatiquement la nationalité chypriote turque) et enfin aux familles des indigents. Une des notions capitales dans l’attribution a été celle de la « propriété équivalente ». Les propriétés abandonnées au Sud ou allouées au Nord ont été estimées en « points », qui permettent l’octroi de biens équivalents, attribués aussi aux catégories non réfugiées indiquées ci‑dessus. Depuis l’accès à la pleine propriété en 1995, ces biens ont souvent changé de main, y compris au profit d’étrangers à l’île.
38La vision chypriote grecque du problème est totalement différente : tout allait bien avant 1974, la présence de l’armée turque et l’arrivée de colons turcs sont les raisons principales des difficultés. Un retour à la paix devrait donc comprendre le départ des Turcs ainsi que la liberté de déplacement, d’installation et de reprise de leurs propriétés pour toutes les personnes déplacées. Le gouvernement de la République de Chypre a instauré le ministère de l’Intérieur « tuteur » des propriétés des Chypriotes turcs au Sud ; il doit gérer ces biens de manière « à servir les besoins des réfugiés et ceux des propriétaires des biens en question ». Les biens sont donc loués (à un prix inférieur au marché) aux réfugiés ou à des organisations publiques ou municipales, mais beaucoup ont été modifiés au nom de l’intérêt public, ou consacrés à des constructions pour héberger les réfugiés. La moitié des réfugiés chypriotes grecs en 1974 ont été hébergés par des parents ou amis, d’autres ont été regroupés dans des installations gérées le Service for the Care and Rehabilitation of Displaced Persons, créé le 18 août 1974 (immédiatement après la seconde attaque turque), qui a lancé sans attendre une série de mesures pour hâter la construction de logements et a prêté à faible taux d’intérêt des fonds à ceux qui pouvaient construire par eux‑mêmes ou acheter. Néanmoins, les maisons chypriotes turques situées dans des villages isolés ou en montagne n’ont attiré personne et sont progressivement tombées en ruines. L’aide de l’État s’adresse à ceux qui ont reçu une carte de réfugié, c’est‑à‑dire de personnes qui ont quitté leur demeure en 1974. Le statut de réfugié est transmissible du père aux enfants, et depuis 1995, également par la mère.
39Des deux côtés de l’île, les deux systèmes font des mécontents : les uns et les autres assurent que dans certains cas, lors des attributions, il y a eu du favoritisme. Le système des points n’aurait pas été « juste » dans l’estimation de la valeur du bien abandonné ou de celui qui est reçu. Dans la République de Chypre, ceux qui ont dû partir avant 1974 (ainsi les Arméniens en 1963) ne sont légalement que des « personnes frappées par les Turcs » et n’y ont pas eu droit. Avec les années, un double regard difficile à gérer émerge : celui des anciens propriétaires désireux de retrouver leur bien, celui des occupants devenus à leur tour propriétaires, auxquels une présence de parfois quarante ans confère une autre forme de droit, ne serait‑ce que moral.
- 35 Leopold Maurer, représentant spécial de la Commission européenne, Mission des Nations Unies à Chyp (...)
40La question des propriétés étant l’un des points les plus épineux, les négociations qui se sont succédé jusqu’en 2015 ont peu avancé malgré dix‑huit sessions de travail35. Elles ont cependant apporté des progrès sensibles, notamment par la reconnaissance d’un droit de propriété exerçable par les personnes lésées, ces dernières pouvant faire valoir leurs titres depuis 1963. Les propriétaires lésés se sont vu octroyer trois possibilités dans le cadre d’une éventuelle de régularisation : restitution, compensation, ou échange, les propriétés ayant été affectées à des usages publics ne pouvant faire l’objet que de compensations. Résoudre ce problème au cas par cas implique des dizaines de milliers de négociations et de décisions individuelles. C’est pourtant la règle qui s’est appliquée à travers une succession d’affaires portées devant les juridictions nationales et devant la Cour européenne des droits de l’homme.
- 36 Rhodri Williams et Ayla Gürel, 2011, The European Court of Human Rights and the Cyprus property Is (...)
- 37 Cyprus News Agency, dépêche du 6 mars 2010.
- 38 CEDH affaire Petrakidou contre Turquie 2010 App. No 16081/90, et Asproftas contre Turquie 2010 App. (...)
- 39 Communiqué de Presse du ministre Turc des Affaires étrangères relatif au jugement de la CEDH 5 mar (...)
41La jurisprudence européenne a souvent été présentée, nous l’avons vu, comme une reconnaissance ou une attaque pour les parties selon qu’elle leur était ou non favorable. La plupart des procédures restent indissociables de « l’intérêt national » de chacune des deux communautés et des objectifs de leur représentation politique respective36. Sur la foi de jugements qui lui paraissaient favorables, notamment dans l’affaire Loïzidou, la communauté chypriote grecque a cru que la CEDH finirait par prononcer une décision en sa faveur sur la question des propriétés. C’est l’interprétation qu’en a faite implicitement le président Papadopoulos dans un discours d’avril 2004. Il ne paraissait pas utile de s’engager dans ces conditions dans une voie de compromis et cette position a encouragé le rejet du Plan Annan. Les arrêts de la Cour européenne ont été surinterprétés, alors que cette dernière n’avait pas pour objectif de résoudre la question de la restitution des propriétés, mais à poser, en termes de droits, un certain nombre de critères qu’une éventuelle solution devrait satisfaire. La décision Demopoulos a déçu les espoirs nés du cas Loïzidou37. Elle a constitué un choc pour de nombreux Chypriotes grecs, car elle limite l’exercice du droit de propriété sur les biens saisis, puisque la Cour note l’existence de droits contradictoires pour les occupants actuels de ces biens. La mise en place de l’IPC signifie en effet que l’on peut obtenir compensation, mais qu’on ne retrouve pas la propriété elle‑même. Elle écarte l’obligation de restitution des biens saisis. La Cour a reconnu en effet que les autorités avaient toute discrétion pour juger du caractère restituable ou non des propriétés. Elle a réfuté l’idée que les personnes déplacées à Chypre pouvaient toujours considérer qu’elles jouissaient d’un lien persistant et concret avec leurs précédents domiciles38 : la propriété des biens saisis est garantie par la Convention au regard de l’Art. 1 protocole 1, mais cette revendication n’est plus automatiquement liée au respect du domicile (Art. 8). C’est au contraire aux occupants actuels des biens que la protection de l’Article 8 semble être accordée. La Cour relève qu’il ne peut pas être de son attribution d’imposer une obligation inconditionnelle d’évacuation et de relogement d’un nombre potentiellement important de personnes, hommes, femmes et enfants, quand bien même cette décision aurait pour but de faire respecter les droits des victimes de violations à la convention (arrêt Demopoulos para. 116). Cette décision a été saluée à l’inverse par les autorités chypriotes turques comme un acte de reconnaissance39. En de nombreux points, cette décision Demopoulos tend à défendre l’approche de la question des propriétés proposée dans le Plan Annan, accepté par une majorité de Chypriotes turcs lors du référendum de 2004.
42Le temps et l’incapacité des parties à trouver un accord politique doivent être pris en compte pour définir les formes de réparations ; le temps ne joue pas en faveur des Chypriotes grecs. Le triptyque échange, compensation ou restitution reste donc omniprésent, en l’attente d’une solution globale insérée dans les négociations sur la réunification‑fédération. La restitution pure et simple, réclamée par les Chypriotes grecs, impossible dans les conditions humaines d’aujourd’hui, semble ne plus être à l’ordre du jour, sinon sentimentalement, mais perdre de la terre est aussi une perte de statut social que l’argent seul ne peut compenser :
- 40 Olga Dimitriou, O Εκτοπισμός στην Κύπρο 1. [Le déplacement de populations], op. cit., p. 38.
Même si on me donnait dix fois la valeur de la maison, ce ne serait pas la même chose40.
43En revanche, la relative indifférence des plus jeunes sur ce sujet calme le jeu :
- 41 Ayla Gürel, Mete Hatay, Christina Yakinthou, O Εκτοπισμός στην Κύπρο 5 [Le déplacement de populati (...)
Je suis retournée à Paphos en visite. Cela ne signifiait pas grand‑chose pour moi. Mais j’ai montré la propriété, celle que ma famille a laissée, à mes enfants dont l’un a dit simplement : vends‑la et achète‑moi une voiture ! Quand je lui ai dit que je ne pouvais pas, il a ri et m’a dit : mais alors pourquoi tu dis qu’elle est à vous ?41
- 42 Cyprus politics: relocation, EIU ViewsWire, New York, 4 mars 2009.
44Peut-être le changement de génération limitera‑t‑il le nombre de ceux qui souhaitent retourner vivre définitivement dans le village de leurs parents, ce qui réduirait la question à un problème financier ? Qui déterminera les biens que l’on peut rendre, échanger ou compenser42.
45La jurisprudence des Cours européennes s’est donc illustrée par une volonté de poser des jalons pour l’avenir. Cette position a cependant favorisé des phénomènes de récupération délétères pour le processus de rapprochement, les parties ayant chacune tendance à utiliser ces juridictions dans le combat les opposant comme une arme de reconnaissance ou de réparation du préjudice côté chypriote grec. Elle a aussi contribué à créer de grandes inquiétudes chez les Chypriotes turcs dont certains sont installés depuis quarante ans, tandis que d’autres ont acquis le bien postérieurement de ceux qui l’avaient reçu après les confiscations de 1974.
46Nous pouvons donc conclure que, dans un premier temps, les deux années 2003‑2004, malgré l’ouverture partielle de la Ligne verte, l’entrée de Chypre dans l’Union européenne et la victoire de quelques Chypriotes auprès des Cours de justice européennes, ont fait naître autant de déceptions que d’espoirs. Elles marquent cependant l’entrée dans une phase nouvelle des négociations, marquée par la reprise des contacts entre les hommes et l’arrivée en responsabilités d’une nouvelle génération.
Notes
1 Affaire Tassos Isaac, cf. supra.
2 Pierre Blanc, 2000, la déchirure chypriote, op. cit., p. 28.
3 22 avril 2004 dans Kıbrıs cité dans Mertkan Hamit, 2009, Cypriotism as an ideology in between Turkish and Greek nationalisms, op. cit., p. 30.
4 Il est facile de comprendre le malaise ou même l’inquiétude de certains Chypriotes ou colons turcs qui, depuis l’ouverture de la Ligne verte voient les anciens propriétaires venir observer en famille leur ancienne propriété et commenter l’entretien et les changements de la maison ou du jardin. Voir Étienne Copeaux, Claire Mauss‑Copeaux, 2005, Taksim ! Chypre divisée, 1964‑2005, Lyon : Édition Aedelsa.
5 Jean‑François Drevet, 2013, « Chypre et l’Union européenne (UE) », EchoGéo [En ligne], Sur le Vif, mis en ligne le 3 décembre 2013, consulté le 14 juillet 2015. URL: https://journals.openedition.org/echogeo/13658.; DOI : 10,400 0/echogeo.13658.
6 Une partie des colons anatoliens, vivier traditionnel de l’électorat nationaliste a également accepté le plan Annan. Les motivations économiques, encouragées par la perspective d’intégration européenne, ont été prépondérantes dans le vote turc. Certains villages de colons, effrayés à l’idée d’être chassés, ont voté majoritairement non.
7 Mertkan Hamit, 2009, Cypriotism as an ideology in between Turkish and Greek nationalisms, op. cit., p. 52 et 53.
8 Pierre Blanc, 1998, « Chypre : une île à hauts risques », Hérodote n° 90 Méditerranée, Nations en conflit, p. 109.
9 Pierre Blanc, 2001, « Géopolitique de Chypre et jeux d’échelles », Colloque « Recherches en cours sur la question chypriote », Cahiers de recherche, Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen‑Orient, n° 9, p. 25.
10 Constantinos Lycourgos, 1989, l’Association de Chypre à la CEE, Paris : l’Harmattan.
11 Gilles Bertrand, 2001/2002, « L’adhésion de Chypre à l’Union européenne : un déblocage du conflit par le bas ? », Politique européenne, n° 3, l’Harmattan, p. 118‑136.
12 Hassan Basri‑Elmas, 1998, Turquie‑Europe, une relation ambiguë, Paris : éditions Syllepse, p. 134.
13 Hassan Basri‑Elmas, 1998, Ibidem, p. 140.
14 Jean‑François Drevet, 2013, « Chypre et l’Union européenne (UE) », op. cit.
15 URL:https://www.senat.fr/europe/textes_europeens/ue0117.pdf.
16 Pour bénéficier de ce droit, les Chypriotes turcs disposant des justificatifs nécessaires doivent s’adresser aux autorités de la République de Chypre
17 Samin Akgönül, 2004, les relations gréco‑turques au tournant du siècle : ruptures, évolutions et permanences, op. cit., note 51.
18 Kurdet Özersay & Ayla Gürel, 2008, “Property and Human Rights in Cyprus, The European Court of Human Rights as a platform of political struggle”, Middle Eastern Studies, Vol. 44 no 2, pp. 291‑321.
19 Cour Européenne des droits de l’homme, affaire Loïzidou contre Turquie, App. No 40/1993/435/514 (1996).
20 Le détail juridique de l’affaire dans Gilles Bertrand et Isabelle Rigoni, 2000, « Turcs, Kurdes et Chypriotes devant la Cour européenne des droits de l’homme : une contestation judiciaire de questions politiques », Études internationales, vol. 31, n° 3, p. 413‑441. URL:http://id.erudit.org/iderudit/704182ar.
21 Rhodri C. Williams, Ayla Gürel, 2011, The European Court of Human Rights and the Cyprus property Issue: Charting a way forward. Nicosia: PRIO Cyprus Center.
22 Calcul en fonction de la totalité des propriétés de Chypriotes grecs en zone occupée. Voir The Washington Times, November 28 1998, “Property Loss Suit Thorny for Turkey, Greek Cypriot Payments a Pandora's Box”. Cité dans Gilles Bertrand, Isabelle Rigoni, « Turcs, Kurdes et Chypriotes devant la Cour européenne des droits de l’homme : une contestation judiciaire de questions politiques », op. cit., p. 434.
23 CEDH, arrêt Xenides‑Arestis vs. Turkey App. No. 46347/99.
24 CEDH, arrêt Demopoulos vs. Turkey & seven other cases App Nos 46 113/9, 3843/02, 13 751/02, 13 466/03, 10 200/04, 14 163/04, 19 993/04, 21 819/04, 2010.
25 CEDH, arrêt Demopoulos & cie paragraphe 128.
26 CEDH, arrêt Demopoulos & cie paragraphes 121‑123.
27 CEDH, arrêt Demopoulos & cie paragraphes 133 et 136‑137.
28 Rhodri C. Williams, Ayla Gürel, 2011, The European Court of Human Rights and the Cyprus property Issue: Charting a way forward. op. cit., p. 6.
29 CEJ, arrêt Apostolides vs. Orams C‑420-07 E.C.R. I‑3571, 2009.
30 Actes de la conférence du PCC‑CEPS (Centre d’Études politiques européennes), 20‑21 mai 2010, Bruxelles PRIO Cyprus Center, 2012, “Displacement in Cyprus, Consequences of Civil and Military Strife in the Cyprus Peace Process”, Georges Iakovou, p. 15.
31 Jean‑François Drevet, 2013, « Chypre et l’Union européenne (UE) », op. cit.
32 Actes de la conférence du PCC‑CEPS 2012, Ibidem, p. 3.
33 Georges Iacovou, 2012, in Displacement in Cyprus, Consequences of Civil and Military Strife, Property in the Cyprus Peace Process, op. cit., p. 3.
Les Chypriotes grecs possédaient 63,8 % des terres privées de la RTCN selon les Chypriotes grecs (ou turcs ?), 78,5 % selon la République de Chypre, et les Chypriotes turcs, 22 % des terres privées à Chypre Sud selon eux‑mêmes, 13,9 % selon les Chypriotes grecs… différences typiques des controverses chypriotes, in Ayla Gürel et Kurdet Özersay, 2006, The politics of Property in Cyprus, Conflicting Appeals to ‘bizonality’and ‘human rights’ by the two Cypriot Communities, PRIO Report, 3/2006, p. VII. On y trouve le détail des chiffres des uns et des autres. Nous pouvons noter qu’aucune des deux parties n’ouvre ses registres cadastraux à une enquête impartiale.
34 Ayla Gürel, O Εκτοπισμός στην Κύπρο 5, [Le déplacement de populations], op. cit., p. 13.
35 Leopold Maurer, représentant spécial de la Commission européenne, Mission des Nations Unies à Chypre, Conférence du Centre d’Études Politiques européennes, Bruxelles, 20‑21 mai 2010. George Iacovou, représentant spécial pour la communauté chypriote grecque, à la même Conférence du Centre d’Études Politiques européennes.
36 Rhodri Williams et Ayla Gürel, 2011, The European Court of Human Rights and the Cyprus property Issue: Charting a way forward, PRIO Cyprus Center, page 1.
37 Cyprus News Agency, dépêche du 6 mars 2010.
38 CEDH affaire Petrakidou contre Turquie 2010 App. No 16081/90, et Asproftas contre Turquie 2010 App. No. 16079/90.
39 Communiqué de Presse du ministre Turc des Affaires étrangères relatif au jugement de la CEDH 5 mars 2010.
40 Olga Dimitriou, O Εκτοπισμός στην Κύπρο 1. [Le déplacement de populations], op. cit., p. 38.
41 Ayla Gürel, Mete Hatay, Christina Yakinthou, O Εκτοπισμός στην Κύπρο 5 [Le déplacement de populations], op. cit., p. 22.
42 Cyprus politics: relocation, EIU ViewsWire, New York, 4 mars 2009.
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