Parcours 11. Paroles de contributrice. Une bibliothécaire dans la Bibliothèque Solidaire du confinement
p. 194-197
Texte intégral
1Conservatrice des bibliothèques et historienne, Isabelle Antonutti est actuellement responsable de formation à Médiadix, après avoir été directrice d’établissements documentaires, chargée de coopération nationale à la Bibliothèque publique d’information (Bpi) et enseignante (pôle « Métiers du livre » de Saint-Cloud, CNFPT – Centre national de la fonction publique territoriale). Ce récit met à nu certaines des caractéristiques et ambiguïtés de BSc : des pratiques documentaires hétérogènes d’une part (beaucoup d’étudiants semblent découvrir les services questions-réponses portés par des établissements documentaires1, la plupart utilisent régulièrement les bases de données généralistes en sciences humaines et sociales et vont bien au-delà) et la notion d’« entraide documentaire » d’autre part, qui vise en particulier l’échange de références et de documents primaires, déjà sélectionnés et commentés par les pairs, dans la perspective d’éviter le dépouillement plus systématique des documents secondaires.
*
2En mars 2020, je me suis retrouvée chez moi, abasourdie par l’arrivée de la pandémie. Mon travail a été bouleversé, je me suis demandé comment mes collègues vivaient cette situation. Sur LinkedIn et sur Facebook, j’ai donc lu les messages postés par mes « amis » : quand le réseau social m’a suggéré de m’inscrire à « La Bibliothèque Solidaire du confinement », j’y ai adhéré en pensant retrouver un espace de dialogue avec des bibliothécaires préoccupés par la pandémie.
3J’ai vite compris que ce groupe était beaucoup plus ouvert et qu’il cherchait à pourvoir aux besoins en documentation des étudiants. J’ai lu avec beaucoup de curiosité les demandes, j’en ai posté moi-même. Les sujets multiples, la variété des besoins, le goût pour le savoir apportaient une énergie positive. La volonté et la détermination des apprenants combinées à un vague égarement étaient parfois touchantes. J’ai eu l’impression que certains étudiants lançaient leur sujet comme une bouteille à la mer ou un saut dans le web. Alors, j’ai commencé à orienter certaines questions vers une méthodologie de recherche documentaire, identifiant les principaux portails et rappelant l’existence des services questions-réponses portés par des établissements documentaires. Parallèlement, certaines ressources numériques payantes se sont ouvertes à la communauté2. La Bpi, la BnF ou encore la BIS (bibliothèque universitaire de la Sorbonne)3 et l’Enssib ont élargi les droits d’accès à leurs bases de données. La plupart des éditeurs partenaires d’OpenEdition ont ouvert leurs publications au-delà des seuls abonnés. J’ai voulu relayer ces informations.
4Au fil des lectures, face à l’avalanche de demandes, j’ai donc construit une réponse récapitulative type pouvant être utile à des questionnements documentaires généralistes, par exemple, « violence au quotidien » ou « patriarcat » ou encore « je suis en pleine constitution de mon projet de thèse en littérature ». Ma réponse prenait la forme suivante :
5Certains me remerciaient (« Ah, oui, je n’y avais pas pensé »), d’autres rebondissaient à mes propositions (« Merci, j’ai déjà consulté Cairn. Je vais poser ma question sur Sinbad et Eurekoi ! »), comme l’indique encore l’échange ci-dessous :
6Après quelques semaines, j’ai reçu un message de l’administration du site me signalant que mes messages étaient répétitifs et qu’ils ne correspondaient pas à l’esprit d’entraide du groupe. Sincèrement, j’étais un peu vexée ! Je n’ai pas répondu à cette remarque et je me suis désabonnée… Avec le recul, je m’aperçois que j’ai peut-être mal évalué le niveau des étudiants du groupe qui pour la plupart avaient une bonne connaissance de la méthodologie du travail universitaire, comme l’indiquent d’ailleurs les posts régulièrement diffusés par les modérateurs, par exemple :
7Dans l’idéal, j’aurais dû construire une réponse personnalisée pour chaque demande. Mais je n’avais pas vraiment le temps… Au demeurant, j’ai appris beaucoup grâce à ce groupe en découvrant de nouveaux sites miraculeux de recherches et collectes.
Notes de bas de page
1 Les services questions-réponses portés par les établissements documentaires ont enregistré une hausse de leurs demandes pendant le premier confinement : + 65 % pour Sindbad (BnF) sur l’ensemble de la période ; un pic avec + 400 % de questions la semaine du 23 mars 2020 pour le réseau Eurêkoi (Bpi), suite à la mention du service dans l’émission de France Inter, Barbatrucs, du 26 mars.
2 Voir aussi le parcours 1.
3 [NDÉ] Si la BnF et la Bpi sont des bibliothèques nationales, ouvertes à tous les publics, la BIS a également la possibilité d’inscrire tout chercheur d’établissement public français (notamment doctorant, enseignant-chercheur) pour utiliser ses collections. L’inscription a été gratuite pendant le premier confinement entre le 24 mars et le 8 mai 2020 : ce sont 2 472 lecteurs qui ont bénéficié de l’accès à distance aux ressources électroniques à la BIS après inscription temporaire gratuite. L’Enssib, de son côté, a enregistré la création de 4 500 nouveaux comptes suite à l’élargissement de ses conditions d’inscription, sans que le recours effectif aux ressources numériques mises à disposition ne soit cependant très significatif.
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