E. La coopération en matière de prêt entre bibliothèques
p. 67-72
Texte intégral
1Gérer un service de périodiques ne peut se concevoir comme un acte isolé, on l’a vu. La coopération dans le domaine des acquisitions est essentielle. Elle peut s’articuler autour de nombreux intervenants, et en particulier avec des partenaires éloignés, ceci par le prêt entre bibliothèques.
2L’étude de ce que possèdent les autres bibliothèques peut se faire dans plusieurs directions assez différentes.
3● D’une part on sera vite poussé à prendre ce qui va être ressenti comme périodiques essentiels : la notion de titres « locomotives » en matière de fourniture de documents est en effet primordiale, si du moins l’établissement en question est concerné par ce point. Prendre des titres récents auxquels n’ont pas souscrit d’autres bibliothèques, à condition que ces titres soient importants, sélectionner des revues onéreuses, mais en répondant là aussi à des critères de qualité intellectuelle, deux décisions qui vont susciter les demandes d’autres établissements, demandes qui à leur tour vont induire des revenus, qui à leur tour permettront d’autres acquisitions, etc. Il est bien évident que ces rentrées d’argent sont immédiatement profitables aux lecteurs locaux, utilisateurs premiers de la bibliothèque puisque celle-ci peut alors leur acheter de nouveaux titres, souvent onéreux, dont l’acquisition aurait été absolument impossible autrement. Ce processus est particulièrement intéressant pour les bibliothèques universitaires.
4Le graphique suivant veut illustrer LE PROCESSUS DE SPIRALE ASCENDANTE du prêt entre bibliothèques ; noter qu’à l’inverse existe une spirale descendante

Ceci bien entendu en respectant les règles habituelles du droit de copie pour la reproduction de documents et le respect de la propriété intellectuelle. Il y a en matière de fourniture de documents, un effet « boule de neige » et l’on peut dire que dans une bibliothèque universitaire importante, le service des périodiques et le service de prêt entre bibliothèques sont étroitement associés.
5Comment sélectionner les titres « moteurs » qui vont stimuler les demandes de prêt entre bibliothèques ? D’une part, on utilisera à nouveau les tableaux du Journal Citation Report (JCR) pour voir les titres les plus cités, et donc plus utilisés et par là finalement les plus demandés, dans chaque discipline. La comparaison avec le CCN (Catalogue Collectif national des publications en série) permettra de repérer assez facilement si ces titres sont reçus dans beaucoup de bibliothèques. Il est courant que les premiers titres au JCR soient assez onéreux, ce qui limite d’autant leur implantation et suscitera d’autant le nombre de demandes qu’ils vont provoquer.
6● D’autre part, on pourra s’inspirer d’un outil de la British Library Document Supply Centre, le « Information Inside ». Il s’agit là d’un produit proposé sur cédérom, avec mises à jour mensuelles, qui offre les tables de sommaires des 1.000 titres les plus demandés en matière de photocopies. La possibilité de croisement offerte par le cédérom en croisements booléens permet de sélectionner les titres de sa propre discipline. Il s’agit là d’un outil de marketing mis au point par la British Library et dont nous pouvons nous inspirer. Il faut en matière de prêt entre bibliothèques avoir une politique agressive qui permette à son établissement de se positionner comme fournisseur et non pas comme demandeur uniquement. Certes la grande majorité des bibliothèques universitaires n’ont pas les ressources budgétaires pour avoir un rang important en matière de fourniture de documents. Mais la sélection précise et réfléchie de quelques titres bien choisis et importants offre la possibilité de se situer dans un créneau non négligeable.
7En matière de liens entre les services des périodiques et du prêt entre bibliothèque, il est fondamental de bien voir ce que la biblio-thèque doit demander le plus à l’extérieur pour satisfaire ses lecteurs. Une étude comparative de ce que coûtent les demandes de fourniture des articles contenus dans un périodique par rapport au coût de ce même périodique permet de voir si l’abonnement est une chose qui s’impose comme allant de soi, dans un souci du bon service des lecteurs. Il va de soi que ce sont les lecteurs qui financent en général leurs demandes de prêt entre bibliothèques alors que c’est la bibliothèque qui a en charge le montant de l’abonnement, mais le souci d’un bon gestionnaire doit être de voir où se situe l’intérêt de ses usagers.
8Inversement, si un titre n’est pas assez utilisé relativement à son coût, on se posera la question de savoir s’il ne vaudrait pas mieux le supprimer et le demander dès lors à chaque fois à l’extérieur. Il existe maintenant un certain nombre de centres « traditionnels » ou « électroniques » capables de fournir plus ou moins vite la copie d’articles. En France, l’INIST1, dépendant du CNRS2 est, grâce à son « secteur Recours extérieur », en lien avec d’autres centres en France ou à l’étranger pour satisfaire les demandes qui lui sont adressées et qui concernent des titres qu’il ne possède pas. Sur le plan national, les bibliothèques universitaires sont à la fois de gros clients mais aussi parfois des fournisseurs de l’INIST, dont la politique -actuellement- semble être d’accepter toutes les demandes qui lui sont envoyées, quitte à les retransmettre à d’autres endroits où ces documents sont reçus.
9A l’étranger la British Library et en particulier le Document Supply Centre (DSC) à Boston Spa (Yorkshire) possède plus de 50.000 périodiques en cours. L’INIST utilise largement ses services, ce qui explique qu’un certain nombre de demandes de photocopies envoyées à l’INIST arrivent en fait à l’usager sous le sceau de la British Library. Plus encore que l’INIST, la British Library a informatisé au maximum ses opérations pour que l’usager reçoive satisfaction dans les : meilleurs délais. Si à son tour le DSC ne peut répondre positivement, il envoie les demandes soit à son pôle londonien récemment installé sur son site de Saint Paneras, soit à d’autres bibliothèques recours dites « back up libraries » et qui seront les Bibliothèques nationales d’Ecosse ou du Pays de Galles ou certaines bibliothèques universitaires britanniques.
10Depuis peu, de nombreux partenaires plus ou moins électroniques apparaissent sur le marché, et qui peuvent éviter aux bibliothèques de garder des périodiques trop peu demandés. L’évolution est là aussi très rapide et l’on ne citera que quelques titres. En particulier, se tiennent au premier rang les principales bibliographies internationales : Chemical Abstracts avec son service de fourniture de documents, peut fournir le texte de toute unité documentaire qui y a été indexée depuis une vingtaine d’années. Pour les sources plus anciennes, l’American Chemical society, éditrice des Chemical Abstracts, édite le CASSI (Chemical Abstracts Service Source Index) qui recense pour la majorité des documents cités dans cette bibliographie depuis le début du XX0 siècle les bibliothèques ou centres de documentation auxquels on peut faire une demande de par le monde, bien que -et il s’agit là d’un inconvénient de taille- le tarif de ces centres ne soit pas indiqué. EXCERPTA MEDICA fait de même pour sa base EMBASE dont le service de fourniture d’articles se nomme Emdocs et qui prétend pouvoir fournir toute reproduction d’articles indexé dans EMBASE, Medline ou Biosis. Dans d’autres disciplines scientifiques cela se vérifie également avec par exemple CAB pour tout ce qui touche à l’agriculture et l’alimentation. Et l’on pourrait aussi parler ici des brevets, etc.
11Mais on ne pourra pas passer sous silence ISI avec « The Genuine Article ». Ce service a la particularité de fournir, aussi longtemps que disponible, le tiré à part de l’article demandé, ceci pour près de 8.000 titres de périodiques. Ce n’est que lorsque tous les tirés à part ont été épuisés que l’on envoie au demandeur des photocopies. D’autres intervenants se taillent progressivement une belle part sur ce marché, ainsi UNCOVER qui est récemment devenu le service de fourniture de documents du serveur DIALOG/DATA-STAR racheté depuis par MAID. Mais ces services électroniques sont légion.
12Toutefois l’utilisation de ces services nouveaux venus peut poser des problèmes aux bibliothèques et à leurs utilisateurs dans la mesure où ordinairement le prix payé se divise en deux parties, l’une fixe qui est la part versée à l’organisme de fourniture électronique, l’autre qui est attribuée à l’éditeur au titre de la propriété intellectuelle. Elle est variable selon les éditeurs, parfois même selon les titres et quelquefois selon la longueur de l’article ou encore le nombre de fois dont cet article sera diffusé au sein du même organisme.
13Une bibliothèque est donc, quelque puisse être sa taille toujours obligée d’avoir recours à un tiers. Cette possibilité doit donc être réservée pour les titres qui ne sont pas les plus demandés. On veillera donc à essayer de prendre en abonnements les titres les plus sollicités ou ceux susceptibles de l’être et de ne demander autant que faire se pourra, à l’extérieur que les titres dont l’utilisation ne justifie pas l’acquisition.
Notes de bas de page
Auteur
-
Pierre-Marie Belbenoit-Avich
SCD de l’Université Lyon 1
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Communiquer !
Les bibliothécaires, les décideurs et les journalistes
Jean-Philippe Accart (dir.)
2010
Mener un projet international
Bibliothèques françaises et coopération internationale
Raphaëlle Bats (dir.)
2011
Créer des services innovants
Stratégies et répertoire d'actions pour les bibliothèques
Marie-Christine Jacquinet (dir.)
2011
Faire connaître et valoriser sa bibliothèque
Communiquer avec les publics
Jean-Marc Vidal (dir.)
2012