1L’élaboration d’un programme de formation aux pratiques documentaires pour les étudiants de première année pose d’abord la question de la nature des interventions des acteurs de l’université, en particulier de celle des personnels des bibliothèques. Plus précisément, le statut de ces derniers doit-il les conduire à se cantonner au strict domaine de la bibliothéconomie ou, au contraire, à prendre en charge des modules de formation à la méthodologie du travail intellectuel ? À l’inverse, les personnels enseignants de l’université ont-ils les compétences pour intervenir dans des programmes de formation fondés sur les apprentissages documentaires ? Plus généralement, en ont-ils la volonté ? Comment, dans ces conditions, mettre en place de manière cohérente des formations qui empiètent sur des territoires professionnels aussi marqués ?

2Au terme de l’année universitaire 1999-2000, le service commun de documentation (SCD) de Lille-3 aura participé à quatre années d’expérimentation de formations1 à la méthodologie documentaire, autour de formules qui tentent d’intégrer les attentes et les besoins des différents partenaires. De ces actions, nous nous attacherons à dégager quelques éléments de réflexion : pour quels objectifs et, au-delà, autour de quels contenus concevoir un programme de formation qui prenne en compte à la fois les aspects documentaires et les aspects disciplinaires ?

3Pour une bonne compréhension, il est important de préciser que ce texte a été rédigé à la fin de l’année 1998-1999.

1. Quelques questions que l’on peut se poser

1.1. La formation à la méthodologie documentaire est-elle indispensable ?

4La première question concerne la nécessité d’une telle formation et, en particulier, déterminer en quoi elle répond à un besoin réel des étudiants de première année. En effet, les recherches qui leur sont confiées en Deug indispensable n’exigent pas de compétences techniques rendant obligatoire une formation inscrite aux programmes des enseignements. Chacun a eu l’occasion, en consultant le Minitel, d’assimiler les notions de champ d’interrogation ou de répertoire d’autorité (dans la rubrique « Activité »). Avec l’interrogation plein-texte, les croisements d’index et les dictionnaires de synonymes, les logiciels documentaires font maintenant davantage appel à l’intuition qu’à des connaissances techniques précises.

5Sans entrer dans les débats sur les enjeux d’une société conquise par l’information, on peut toutefois émettre l’hypothèse que l’initiation aux outils et aux démarches documentaires devrait permettre aux étudiants de mener des recherches plus efficaces, même si cela ne doit prendre réellement sens pour eux que quelques années plus tard. On peut aussi, avec Alain Coulon2, miser sur les effets positifs de ce type de formation en vue d’une réussite universitaire.

1.2. Quelles compétences acquises par les étudiants ?

6La deuxième question a trait aux compétences documentaires des élèves qui arrivent des lycées, après des années de fréquentation des BCD (bibliothèques-centres documentaires des écoles) et des CDI (centres de documentation et d’information des collèges et lycées). Si la plupart affirment n’avoir jamais abordé les notions de classification, de thésaurus ou de mobilisation d’idées, cela n’implique pas pour autant qu’ils soient incapables de distinguer un index d’un sommaire, voire, comme on le dit parfois, un auteur d’un éditeur. En réalité, faute d’un enseignement soumis à évaluation dans les lycées, les élèves n’accordent pas aux enseignements documentaires le même crédit qu’aux enseignements disciplinaires : ils savent, croient savoir, ou ne voient pas la nécessité de tels enseignements. La perception des étudiants ne peut que s’en trouver affectée et les enseignants ne devront pas ménager leurs efforts pour légitimer leur intervention.

1.3. Quelle place accorder à la méthodologie disciplinaire ?

7La troisième question tient au respect d’un équilibre entre la méthodologie générale, la méthodologie disciplinaire et la méthodologie documentaire. Doit-on organiser les apprentissages documentaires autour de la discipline de référence de l’Unité de formation et de recherche (UFR) ou, au contraire, viser à la transdisciplinarité ? La situation n’en est que plus complexe encore lorsque le Deug se compose d’une mosaïque de disciplines, comme l’administration économique et sociale (AES) ou la médiation culturelle.

8De ce fait, dans l’expérience de Lille 3, les formules varient d’une UFR à l’autre, entre la séance unique consacrée à la découverte de la bibliothèque (4 heures en AES), le module dédié aux seules questions documentaires (12 heures en histoire) et le module de méthodologie du travail intellectuel conçu pour le Deug de médiation culturelle. Pour garder la confiance des étudiants et des UFR, deux précautions s’imposent : donner aux activités une coloration disciplinaire et mobiliser les énergies autour de réalisations concrètes.

1.4. Quelle place pour Internet ?

9La dernière question concerne la place de la formation à Internet : d’un côté, la difficulté à faire l’impasse sur une source d’information qui joue un rôle croissant dans la diffusion de l’information scientifique ; de l’autre, le risque d’inciter les étudiants à s’engouffrer dans l’Internet et à négliger des ressources plus sûres mises à leur disposition par la bibliothèque. Quelles que soient les résistances et les réserves intellectuelles, le rôle de l’Université semble être de donner à tous le même accès à l’information3. Reste à régler la délicate question technique : comment faire face à une demande décuplée par une formation systématique et obligatoire pour la presque totalité du Deug ?

2. De la BCD à la BU

2.1. La difficulté à évaluer les capacités des étudiants

10Il n’est pas aisé de se faire une représentation des compétences documentaires acquises par les élèves au cours du cycle secondaire, en particulier au lycée. Leurs performances restent en effet liées aux formations reçues dans les CDI, et chacun sait qu’elles varient d’un établissement à l’autre. En dehors de quelques séances en début de seconde, elles semblent le plus souvent se limiter à des pratiques d’aide individuelle. Il est également difficile d’envisager une telle évaluation à l’université. Sur quel temps, selon quels protocoles, avec quelles forces de travail et, surtout, pour quels enjeux ? Est-on prêt de surcroît à en accepter toutes les conclusions, qu’elles soient favorables ou défavorables ?

2.2. Ce qu’ils ont appris au collège et au lycée

11Ces apprentissages documentaires ont fait l’objet d’un travail de réflexion de la part des documentalistes de l’enseignement secondaire. Dans cette perspective, la FABDEN, association professionnelle des bibliothécaires-documentalistes, a publié en décembre 1997 un « référentiel des compétences en information-documentation »4 qui s’attache à décrire les différents apprentissages attachés à un itinéraire de travail sur document. Résultant d’une large consultation des professionnels, ce document sert de base, en principe, à l’intervention pédagogique des documentalistes dans les collèges et les lycées. Il s’échelonne autour de sept étapes :

1. la mise en projet : définition d’un objectif, choix d’une méthode et d’une stratégie, gestion d’un calendrier ;

2. le questionnement : mobilisation des connaissances, formulation d’hypothèses, mise en perspective des sujets et des sources ;

3. le repérage : identification des ressources, supports ;

4. la récupération des données : langages documentaires, opérateurs logiques, critères de tri ;

5. la prise d’information, l’évaluation de la subjectivité du document, la prise de notes ;

6. la communication d’une information nouvelle ;

7. l’évaluation de la pertinence de l’information produite.

12Il serait mal venu de remettre en question l’organisation générale de cet itinéraire, qui s’inspire cependant trop directement du modèle de la « chaîne documentaire », élaboré pour le traitement des documents par des professionnels. La réalité du travail intellectuel n’obéit probablement pas aux exigences de linéarité de l’organisation d’un service de documentation. Il paraît par exemple artificiel de limiter la phase de mobilisation des connaissances aux premiers instants du projet et de réserver l’évaluation à la seule phase ultime. Il peut surtout y avoir un risque à instituer en démarche un outil surtout élaboré pour permettre une réflexion sur le travail intellectuel.

13Ces réserves faites, le référentiel de la FADBEN identifie les apprentissages nécessaires et les ordonne dans une progression pédagogique. Il met en relief le fait que les opérations strictement documentaires sont tributaires d’une démarche intellectuelle plus générale. Dans les lycées, la difficulté pour les documentalistes est de disposer des créneaux horaires pour dispenser ces enseignements. Dans le supérieur, l’introduction des modules de méthodologie du travail universitaire représente au contraire une opportunité qu’il faut saisir si l’on tient aux valeurs attachées au travail sur document.

2.3. Poursuivre le référentiel à l’université

14Le référentiel de la FADBEN ne vise pas à élaborer une progression des apprentissages entre les enseignements secondaire et supérieur. C’est, par contre, le projet de l’ouvrage édité par le CRDP de Montpellier, Un passeport documentaire de l’école à l’université5. Les auteurs y proposent une réflexion sur une série d’activités spécifiques à la documentation, comme la biographie, la bibliographie ou encore l’organisation d’une base de données personnelle. L’exemple de l’initiation aux langages documentaires donne un aperçu précis des progressions envisagées :

• en BCD (bibliothèques centres documentaires des écoles), repérage des thèmes abordés par un document et des termes qui apparaissent comme génériques du texte (pas d’allusion directe à la notion de langage d’autorités) ;

• au CDI, notion de langage d’autorités, étude de la structuration du thésaurus Motbis (arborescence, relations génériques, spécifiques, associatives) ;

• à la BU, maîtrise de la multiplicité des langages documentaires : analyse d’une classification, comparaison des langages d’indexation, création d’un thésaurus dans un domaine précis de la connaissance.

15Cette réflexion, élaborée par une poignée de militants, présente de toute évidence un caractère utopique. Comment généraliser une concertation entre tous les niveaux d’enseignement, comment obtenir la validation d’un tel programme par des acteurs qui obéissent à des logiques aussi différentes que les instituteurs, les professeurs certifiés de documentation et les personnels scientifiques des bibliothèques ? Ceci étant, l’ouvrage permet d’esquisser un « niveau universitaire », caractérisé par l’introduction de la documentation scientifique et de la notion de complexité.

3. Déterminer le niveau adéquat à l’université

3.1. Le temps de la formalisation

16À un moment ou à un autre de leur scolarité, les élèves ont eu l’occasion de mettre en pratique l’un ou l’autre des aspects du travail documentaire. Le premier objectif d’un module de méthodologie documentaire sera par conséquent de réactiver ces connaissances et d’aider les étudiants à les formaliser. S’il n’est pas nécessaire de maîtriser la classification Dewey pour se procurer un ouvrage dans une bibliothèque, sa connaissance donnera davantage d’efficacité et de sens à une requête. Il sera aussi utile de replacer la notion de classification dans une perspective plus large : pourquoi les hommes ont-ils éprouvé le besoin de classer pour penser, à quelles exigences nouvelles l’invention de la classification Dewey a-t-elle répondu, quels sont les grands principes de classement utilisés par l’humanité, comment les bibliothèques en tirent-elles parti ? Il ne s’agit pas, comme l’ont pensé certains étudiants, de proposer une formation au métier de bibliothécaire, mais de souligner les aspects culturels et sociaux de la méthodologie documentaire.

3.2. De la documentation générale à la documentation scientifique

17Dans le domaine des pratiques documentaires, l’apport spécifique de l’université réside dans l’introduction de la documentation scientifique. La première année représente l’occasion de prendre conscience de la notion de niveau intellectuel des documents et de leur pertinence dans un travail universitaire. S’il est admis de poser une problématique à partir d’une définition extraite d’un dictionnaire de langue, le recours aux manuels ou aux encyclopédies est plus ou moins apprécié d’un cycle à l’autre, d’un enseignement à l’autre. La réussite dans les études repose en partie sur la distinction entre les lectures légitimées et celles qui le sont moins.

18On objectera que les étudiants de première année n’en sont pas là. La formation doit toutefois leur permettre de découvrir la multiplicité des niveaux de documents et d’intégrer quelques critères pour les identifier : l’énonciation, la thématique, la mise en page, l’iconographie, le niveau de vocabulaire, la structuration du discours, l’usage de la bibliographie. Cette initiation réalisée, on montrera que le clivage entre documentation générale et documentation spécialisée vaut également pour les bases de données, comme la différence entre Generalis et Francis, ou celle encore entre Electre et BNF. À des degrés divers, les objets étudiés, les publics visés, le traitement de l’information ne sont pas identiques et les usages de ces outils sont spécifiques.

3.3. Primaire, secondaire, tertiaire : les différents états du document

19Derrière la terminologie propre à la documentation se profile la prise de conscience des processus d’élaboration et de circulation de l’information, du document primaire à la référence bibliographique, du travail bibliographique à la production d’une information nouvelle. Dans un programme de formation, cela signifie jouer de ces états de l’information : ajouter un commentaire à un document primaire brut, établir une notice bibliographique à partir d’un document, déterminer une problématique à partir d’une série de références, retrouver dans une base de données les documents qui ont servi à une synthèse.

20Au-delà de ces apprentissages techniques, c’est la notion de synthèse qui est au centre des préoccupations. Une pratique essentielle, avec les travaux universitaires traditionnels, mais aussi avec la note de synthèse, rarement enseignée, et qui ouvre pourtant les portes d’un grand nombre de concours et d’emplois.

3.4. De la recherche documentaire à la recherche d’information

21Il est inconcevable d’envisager un programme de formation sans aborder les méthodes de recherche d’information. Dans un univers informationnel marqué par la complexité, les apprentissages sont d’autant plus délicats à maîtriser que les procédures varient d’un outil à l’autre. S’il est légitime de privilégier le travail sur le catalogue informatisé de la bibliothèque, l’essentiel paraît cependant d’amener à une compréhension des grands principes de la recherche d’information :

• La recherche à partir d’un élément connu, par exemple titre ou auteur. Pour cela, envisager les notions de champ, de mot vide et de troncature.

• La recherche à partir d’un sujet. Pour cela, repérer l’existence des index et des langages d’autorités. Aborder les notions d’opérateur logique, les procédures d’extension de recherche permises par les thésaurus ou les renvois aux synonymes.

• La recherche sur les textes intégraux, liée au développement des documents électroniques (Encyclopadia Universalis et Le Monde). Voir la notion de bruit et de silence documentaire, mais aussi l’intérêt d’une indexation par des professionnels.

• Les modes de recherche attachés à Internet, qui combinent indexation automatique et manuelle et modifient les repères attachés aux modes de recherche traditionnels.

22S’il est important que les étudiants connaissent les possibilités offertes par les différents outils mis à leur disposition, il n’est pas nécessaire qu’ils les maîtrisent complètement. D’un logiciel à l’autre, d’une version à l’autre, les procédures changent et rendent les apprentissages caducs. Quelle sera la place, par ailleurs, des langages documentaires actuels dans les systèmes de demain ?

4. Trois situations types à Lille-3

23En inscrivant un module de méthodologie dans les contenus de la première année de Deug, la réforme des études universitaires donne les moyens de concevoir des programmes de formation adaptés à chaque demande des UFR. À Lille-3, après trois années d’expérimentations, plusieurs cas de figure sont envisagés pour Tannée 1999-2000 : une intervention complémentaire dans un module de méthodologie disciplinaire, un module dédié aux aspects documentaires, un module de méthodologie du travail intellectuel qui intègre les aspects documentaires.

4.1. La formation documentaire s’intègre dans les enseignements disciplinaires

24C’est la formule retenue pour le Deug d’AES. En 1998-1999, l’UFR avait fait appel à trois équipes différentes, issues des techniques d’expression, de l’analyse statistique et de la documentation. Ce morcellement des enseignements avait provoqué un fort absentéisme dans toutes les composantes du module6. À la rentrée 1999, l’UFR a décidé, en toute logique, de confier la responsabilité des enseignements à un seul enseignant et de réduire la partie consacrée aux apprentissages documentaires. Le programme proposé par l’UFR se décline ainsi :

1. savoir prendre des notes (3 heures 30) ;

2. savoir effectuer une recherche documentaire (4 heures au SCD) ;

3. savoir analyser un texte et faire une synthèse écrite (3 heures 30) ;

4. savoir analyser un texte et faire une synthèse écrite (3 heures 30) ;

5. savoir lire et commenter des données statistiques (3 heures 30) ;

6. savoir lire et commenter des données statistiques (3 heures 30) ;

7. savoir prendre la parole en public (3 heures 30)

25Dans ses grandes lignes, ce modèle n’est pas contradictoire avec l’itinéraire de travail sur document évoqué plus haut et propose, avec le travail sur les documents statistiques, une progression voisine. La difficulté vient de ce que les apprentissages documentaires sont conçus indépendamment du reste du module, et qu’ils se limitent à une visite de la bibliothèque et à des exercices d’entraînement sur l’Opac. Pour que la venue des étudiants à la bibliothèque soit plus rentable, il faudrait qu’elle soit motivée par un projet de recherche authentique, pris en compte et évalué par les enseignants.

26Si l’on peut admettre qu’il n’y a pas obligation pour les UFR à intégrer les apprentissages documentaires dans leurs modules de méthodologie, on peut aussi penser qu’il est de la responsabilité des SCD d’en rappeler les enjeux pour les étudiants, pour la réussite dans leurs études et leur entrée dans le monde du travail.

4.2. Le SCD propose une formation à la méthodologie documentaire

27En réponse à la demande des UFR, le SCD propose, depuis la rentrée 1998, un module de 14 heures de formation à la méthodologie documentaire. Les enseignements se répartissent en 6 heures d’apports théoriques (assurées par des conservateurs de la bibliothèque universitaire et des documentalistes de lycée), 6 heures de travaux pratiques dans la bibliothèque (assurées par des tuteurs pédagogiques), 2 heures d’évaluation sur table. Les contenus se répartissent ainsi :

• 1 (Cours) - La bibliothèque, son catalogue, les langages documentaires (Dewey et Rameau), les opérateurs logiques, la notion de norme bibliographique.

• 2 (TP) - Visite de la bibliothèque, travail sur le catalogue informatisé, exercices de découverte de la classification Dewey.

• 3 (Cours) - La typologie des documents (monographie/périodique ; primaire/ secondaire ; général/scientifique). La fonction des outils de repérage dans le document.

• 4 (TP) - La typologie des documents dans la discipline de référence, manipulation d’index et de sommaires, découverte des bases de données bibliographiques.

• 5 (Cours) - L’exploitation intellectuelle des documents (mobilisation des connaissances, critères de sélection, lecture sélective, grandes organisations du discours).

• 6 (TP) - Réalisation d’un plan de classement à partir d’un dossier de documents, rédaction de notices bibliographiques.

• 7 (Evaluation) - Questions de cours, classement de documents, notices bibliographiques.

28Cette progression est révélatrice des représentations des professionnels de la documentation. Elle part de ce qui leur est le plus proche, les locaux de la bibliothèque, pour aller vers ce qui en est le plus éloigné, l’exploitation intellectuelle des documents. C’est à cette étape charnière que les enseignants des UFR sont supposés prendre le relais, ce qui paraît illusoire dans un système aussi cloisonné que l’Université. Il faut aussi préciser qu’il est illusoire de s’appuyer sur une méthodologie du travail intellectuel unique, alors que les approches varient en fonction du profil cognitif des étudiants et des spécificités de la discipline7. Satisfaisante en ce qui concerne les contenus, cette formule ne prend cependant pas suffisamment en compte la dynamique du travail intellectuel, qui ne peut que gagner à se confronter à la réalisation d’un projet personnel, en l’occurrence un dossier documentaire.

4.3. Le SCD prend en charge une formation de méthodologie universitaire

29Dans cette dernière formule, le module de méthodologie est intégralement confié au SCD par l’UFR de médiation culturelle et communication. Quelques exigences ont toutefois été posées par les responsables du Deug :

• assumer le volume horaire complet (19 heures 30) et intégrer des aspects de formation intellectuelle générale comme la lecture de repérage, le tri d’information, les règles de communication orale et écrite ;

• mettre les étudiants face à la variété des productions écrites (catalogues, tracts, revues grand public ou spécialisées, revues scientifiques, publications électroniques) ;

• explorer les ressources documentaires extérieures à l’université (bibliothèques municipales, centres de documentation spécialisés, librairies, associations ou organismes culturels) ;

• mettre les étudiants en situation de production d’information.

30Avec ces contraintes, la formation ne peut pas emprunter les mêmes cheminements que le module de base, même si le contenu reste proche. La priorité passe à l’accompagnement d’un projet, les apports théoriques ne survenant qu’au moment où ils sont nécessaires dans la progression du dossier. Dès lors, le module ne s’ouvre plus sur la visite de la bibliothèque, mais sur la mise en place du projet de recherche, qui donne son orientation à la progression pédagogique8 :

• 1) S’informer, pourquoi, comment ? Questionnement et recherche intuitive de documents.

• 2) Les enjeux de la maîtrise de l’information dans les professions de la culture (conférence du directeur de l’UFR).

• 3) Réaliser un dossier documentaire : étapes, compétences intellectuelles et techniques. Mise en place de projets de groupes.

• 4) Où chercher ? Les ressources documentaires de l’université, les outils de recherche (catalogues, bases de données).

• 5) Les ressources documentaires extérieures à l’université (rencontre avec des professionnels).

• 6) Du document primaire au document secondaire : la description bibliographique, l’extraction des mots clés, la condensation de l’information.

• 7) Le document : supports, diffusion, niveaux intellectuels, outils de repérage.

• 8) Les techniques de lecture, la prise de notes.

• 9) L’organisation de l’information : plans types, techniques de communication orale ou écrite.

• 10) Présentation des travaux de groupes, évaluation.

31Dans cette formule, la difficulté réside dans le dosage des apports théoriques et des moments d’accompagnement de projet. À donner la priorité aux aspects théoriques, le risque est de proposer une formation trop spécialisée qui donne l’impression aux étudiants de s’être inscrits en documentation. À privilégier les échanges et l’aide individualisée, le risque est de leur donner l’impression qu’ils n’apprennent rien. Le maintien d’une évaluation portant sur des questions purement théoriques peut représenter une solution pour rendre l’enseignement plus crédible.

5. Conclusion

32Dans cette réflexion sur les enseignements consacrés à la méthodologie documentaire, les étudiants occupent une place trop restreinte, peut-être parce qu’ils ne sont pas réellement demandeurs. Comme le montre une enquête menée à chaud (voir le compte rendu de Marie-Ange De Gandt au dernier chapitre du présent ouvrage), ils ont mal compris, dans l’ensemble, les enjeux de cette expérience, toutes formules confondues. Il semble qu’une période de maturation leur soit nécessaire, le temps d’être réellement confrontés au problème d’une recherche d’information réelle.

33Même si la direction donnée à ces formations ne semble pas devoir être remise en cause, il reste à en ajuster les contenus et les méthodes et, surtout, à les adapter aux besoins réels des étudiants et des enseignants. Pour les professionnels des bibliothèques, cela suppose qu’ils acceptent d’intervenir dans des domaines qui sortent de leur domaine de compétence. Pour les enseignants de l’université, qu’ils ne considèrent pas comme acquis des apprentissages pour lesquels ils n’ont pas reçu eux-mêmes de formation. Pour les documentalistes des lycées, qu’ils aient conscience des enjeux de leur intervention pour la réussite de leurs élèves dans le supérieur. C’est dans ce sens que peut se lire l’expérience menée à Lille-3.

34Il reste un défi à relever, celui d’une formation à l’autonomie qui passe par d’autres cheminements qu’un enseignement magistral.