1Les lignes qui suivent s’adressent avant tout aux personnes de terrain auxquelles on propose un jour d’intervenir en formation. L’itinéraire proposé emprunte les voies d’un certain nombre de principes et de démarches concrètes, qui peuvent contribuer à assurer le succès d’une formation, et propose au passage quelques éléments de réflexion susceptibles d’éclairer et de baliser le large panorama des pratiques d’animation et d’intervention. Dans tous les cas, il s’agit de proposer à la personne chargée de formation un parcours pour identifier des points de vigilance afin de veiller à la qualité des formations.

2Toute opération de formation comprend deux parties distinctes mais étroitement liées :

• une partie visible par les personnes formées : l’acte de formation,

• une partie masquée qui comprend le processus de préparation et d’accompagnement de l’acte de formation : ce que l’on appelle l’ingénierie de la formation.

3Le plus souvent, lorsqu’une même personne est chargée de la conception, de la mise en place et de la réalisation de la formation, cette distinction apparaît peu. Dès que ces rôles sont tenus par des personnes différentes, par exemple lorsqu’on fait appel à un prestataire extérieur, il devient nécessaire, pour garantir l’efficacité du dispositif, de mettre en place une méthodologie et un langage commun. Cependant, que la formation soit réalisée par un intervenant extérieur ou, comme c’est souvent le cas, par un membre du personnel de l’établissement, la démarche d’ingénierie, par la clarification des enjeux qu’elle impose, permet une construction précise et sereine de l’acte de formation.

1. Le processus d’ingénierie

4L’ingénierie de la formation recouvre les activités réalisées en amont, en accompagnement et en aval de la formation proprement dite, qui la rendent possible et visent à en garantir les effets. L’Afnor définit ainsi l’ingénierie de formation : « Ensemble des démarches méthodologiques cohérentes qui s’appliquent à la conception de systèmes, d’actions et de dispositifs de formation pour atteindre efficacement l’objectif fixé. L’ingénierie de formation comprend l’analyse de la demande, des besoins de formation, le diagnostic, la conception du projet formatif la coordination et le contrôle de sa mise en œuvre et l’évaluation des effets de la formation. »

5Le processus d’ingénierie permet de rendre explicites :

• les grandes orientations de l’action,

• les résultats attendus,

• les modalités organisationnelles et pédagogiques,

• les indicateurs d’évaluation.

6Lorsqu’un établissement fait appel à un intervenant extérieur, le processus d’ingénierie articule la demande du commanditaire et la réponse du prestataire. Dans le cas où l’intervenant fait partie de l’établissement, un processus de même type (entre le service commanditaire et la personne chargée occasionnellement de la formation, par exemple) permettra de préciser buts, enjeux et contexte de l’opération de formation.

7Par exemple :

8La demande du commanditaire est consignée dans un document qui précise les résultats attendus au terme du processus de formation. Ce cahier des charges sert de base à la recherche de prestataires.

9Le commanditaire est responsable :

• de la définition pertinente des besoins de formation,

• de la formulation d’une demande précise et réaliste.

10Le prestataire est responsable :

• de la conception de réponses formatives adaptées,

• de la réalisation de la formation.

11Lorsque prestataires et commanditaires sortent de leurs rôles respectifs, le processus d’ingénierie est soumis à un certain nombre de dérives qui menacent la qualité de la formation.

1.1. Les étapes du processus

12La schématisation du processus d’ingénierie permet de mettre en évidence :

• les différentes étapes et leur chronologie,

• les différents acteurs concernés.

13On repérera différentes phases :

• Phase 1 : La prise de la décision d’agir, par le moyen de la formation, sur la situation actuelle.

• Phases 2, 3, 4 : La conception et la préparation de la démarche de formation. Un processus de négociation réunit, à terme, commanditaire et prestataire dans la définition des caractéristiques de Faction.

• Phase 5 : La régulation et le pilotage de l’intervention.

• Phase 6 : L’évaluation des acquis des personnes formées.

• Phase 7 : Le repérage des effets sur la situation initiale.

1.2. Questionnement préparatoire

14Poser au préalable un certain nombre de questions (et y répondre) peut aider les différents acteurs (commanditaire et/ou prestataire) à conduire rationnellement les différentes étapes de la préparation d’une formation.

15En ce qui concerne la phase d’élaboration du projet de formation :

16En ce qui concerne les phases de conception et de préparation de la formation :

1.3. Expliciter les contrats implicites

17Le processus d’ingénierie, de l’élaboration du projet à sa mise en œuvre, intègre, bien entendu, les personnes formées. Trois groupes sont en présence : le(s) commanditaire(s), le(s) prestataire(s) et les personnes formées. Trois engagements, plus ou moins implicites, lient deux à deux ces trois groupes d’acteurs. Le travail d’ingénierie vise à expliciter ces « contrats » qui structurent les trois temps de la formation : avant, pendant et après.

Les contrats implicites de formation

18À ces différents moments et sur ces questions, commanditaires et prestataires sont directement interpellés sur leur niveau de connaissance du public formé, de ses besoins, de ses attentes et de ses mobiles. Le succès de la formation (les résultats atteints sont-ils conformes aux objectifs annoncés ?) dépend en grande partie de la manière dont les personnes réelles, destinataires de la formation, sont impliquées dans le processus d’ingénierie et de la place qui leur est faite. On peut à cet effet envisager différents moyens (groupes de travail, questionnaires, entretiens plus ou moins formalisés…) permettant de consulter et/ou d’associer les destinataires de la formation aux phases de conception et de mise en place.

1.3.1. Le cahier des charges décrit :

• les résultats attendus de la formation,

• les critères qui permettront de veiller à la cohérence de son déroulement,

• les moyens qui seront mis en œuvre pour s’assurer des résultats obtenus.

19Il comporte généralement les éléments suivants :

• le rappel de la contribution attendue de la formation,

• la description des caractéristiques de la population à former,

• la formulation opératoire des objectifs de formation à atteindre,

• les principaux critères d’organisation et de fonctionnement de l’action de formation,

• les modes de contrôle et d’évaluation qui seront mis en œuvre,

• les coûts et éventuellement les modalités de facturation et de financement.

20Dans une démarche de type contractuel, le cahier des charges matérialise l’accord a priori entre le commanditaire et le prestataire relativement à l’acte de formation. Il consigne, le plus souvent en quelques lignes, la communauté de visée des personnes à l’origine du projet de formation et celles chargées de sa réalisation.

1.3.2. La progression pédagogique précise les caractéristiques de la démarche de formation proposée, en particulier :

• les objectifs pédagogiques et les compétences visées, • les contenus qui seront abordés.

• les modalités de travail proposées (exposés, travaux pratiques, études de cas, jeux de rôles, logiciels, etc.),

• le séquencement et la durée.

21Responsable de la qualité de l’acte formatif, le formateur d’adultes mettra en place, au début et tout au long de son intervention, des moments de régulation et de négociation qui permettront l’implication des personnes formées dans le processus mis en place. Il doit pouvoir « entendre » les personnes en formation et ajuster (en temps réel) ses propositions (contenu et modalités) à leurs demandes. La formation est un acte partagé, les effets que l’on en attend relèvent plus d’une démarche de coproduction entre formateur et formés que d’un « acte de consommation ».

1.3.3. Le réinvestissement des acquis :

22En ce qui concerne ce qu’on appelle couramment le « suivi » de la formation, plusieurs situations sont fréquemment rencontrées et, selon le niveau de mobilisation des personnes et des structures, le réinvestissement des acquis peut être :

• laissé à l’initiative individuelle des personnes formées,

• organisé et posé en termes structurels et organisationnels,

• accompagné et suivi par le formateur,

• posé dès le début de l’élaboration du dispositif formatif par les différents acteurs (commanditaires, intervenants, futures personnes formées).

23En termes d’effets, un des facteurs clés de succès d’une formation réside dans la manière dont la mise en œuvre des acquis est envisagée. Il est important qu’un certain nombre d’apprenants puissent bénéficier de situations sécurisées qui leur permettent d’éprouver, au terme de la formation proprement dite, leurs nouveaux savoirs et leurs nouveaux savoir-faire. Cela peut se présenter sous des formes qui allient dimension technique et humaine : binômes, monitorat, points ressources, guides, fiches, assistants disponibles, temps de formation différé pour une « piqûre de rappel », etc.

2. L’acte pédagogique

2.1. Trois processus

24La réussite d’un temps de formation est liée à la rencontre effective de trois éléments : les personnes formées, le savoir à acquérir et le formateur. Un des buts de la réflexion autour des questions de formation est de faire en sorte que cette rencontre soit le moins aléatoire possible, c’est-à-dire qu’au terme du temps prévu les personnes en formation aient effectivement réalisé (a minima) les acquisitions prévues (savoir, compétences, attitudes…). À la question « comment s’y prendre ? », le formateur dispose de très nombreuses réponses : de la maïeutique chère à Socrate à l’enseignement assisté par ordinateur en passant par sa propre expérience lors de sa scolarité, les manières de concevoir la formation ne manquent pas. Nous proposons d’effectuer un rapide (et forcément réducteur) panorama des principales manières de penser l’acte pédagogique, en ayant recours à un modèle (en tant que représentation simplifiée d’un système), le modèle du triangle pédagogique.

25Ce triangle pédagogique réunit en une même figure les trois éléments (savoir, personnes formées, formateur) pour mieux expliciter les relations qu’ils entretiennent lors de la réalisation de la formation. Ce modèle nous permet d’une part de repérer la logique intrinsèque de chacune des méthodes que nous employons et, d’autre part, d’en pointer les limites. Les démarches de formation peuvent ainsi se classer en trois grandes catégories selon qu’elles se structurent autour de deux des trois sommets de ce triangle pédagogique, laissant en retrait le troisième.

Le triangle pédagogique

26Nous avons donc trois démarches fondamentales, trois processus de base qui se placent chacun le long d’un des côtés de ce triangle.

27• Le processus « enseigner » est fondé sur la déclinaison de l’axe formateur/savoir. Ce type de démarche est incarné par la pédagogie traditionnelle, dont la forme la plus aboutie est la conférence. Procédant sous la forme de cours structurés, on peut la qualifier de « pédagogie magistrale frontale et impositive ». Magistrale : c’est le maître qui donne son cours ; frontale : il fait face à son public ; impositive : il détermine seul les modalités de son intervention.

28En formation, lorsqu’on utilise ce type de démarche pédagogique, on postule que l’intérêt du public sur la question est acquis. Pour que la méthode fonctionne bien, il est nécessaire, en effet, qu’une interrogation préexiste dans l’esprit de la personne en formation. Ainsi que le soulignait John Dewey, philosophe et pédagogue (homonyme de Melvil, le bibliographe) : « Toute leçon doit être une réponse ». Dans ce but et pour se placer sur un mode plus participatif, le formateur soucieux d’interactivité met en place des temps de questions-réponses.

29• Le processus « apprendre » met en avant l’initiative et l’autonomie des personnes formées dans leur progression vers le savoir. Ce type de démarche, initié par les tenants des méthodes actives, privilégie les situations qui permettent aux formés de se saisir directement du savoir, ceci avec une médiation minimale de la part du formateur. Les outils sont connus et largement répandus : études de cas, jeux de rôles, simulations, situations-problèmes…

30Sur cet axe, le formateur se trouve placé en retrait, dans une situation qui peut paraître paradoxale et qui présente parfois quelques difficultés. En effet, son rôle n’est pas, comme dans le processus « enseigner », d’apporter un certain nombre de réponses sous une forme très structurée, mais de permettre aux personnes en formation de construire et de s’approprier le savoir par elles-mêmes à partir des situations d’apprentissage plus ou moins complexes que le formateur leur propose.

31Le développement de la technologie apporte aujourd’hui une indépendance quasi totale aux personnes en formation. De plus, la richesse de l’offre multimédia est telle que le formateur dispensateur du savoir peut être amené à disparaître - il pourrait devenir celui qui oriente, celui qui conseille. En fait, il ne disparaît pas. Il revient à ses origines : le pédagogue, celui qui accompagne.

32• Le processus « animer » structure le lien entre les différentes personnes en présence : lien entre le formateur et le groupe, lien entre personnes formées. Les situations de formation typiques sont celles qui proposent aux personnes en formation d’échanger leurs expériences et de réfléchir collectivement à des questions concrètes comme, par exemple, dans des temps d’analyse de pratique.

33Le formateur a alors un rôle d’animation et de structuration des échanges, il stimule le groupe, distribue la parole, gère le temps. Plus investi sur le fond, il peut également mettre en avant son expertise sous la forme de conseil plus ou moins individualisé. Au-delà de la maîtrise de la dimension relationnelle, ces démarches de formation nécessitent une grande maîtrise méthodologique ainsi qu’un cadrage rigoureux, deux dimensions sans lesquelles on risque de sortir rapidement des thématiques prévues ou de se laisser emmener par une dérive de type fusionnel.

2.2. Trois conceptions de la formation

34Au-delà de ces trois processus, et d’une manière extrêmement synthétique et formelle, on peut présenter les trois grandes conceptions pédagogiques qui structurent les pratiques de formation. La conception empirique traduit concrètement le processus « enseigner ». Les conceptions comportementaliste et socio-constructiviste représentent deux manières de décliner le processus « apprendre ». La première d’entre elles se constitue sur le découpage et l’organisation des savoirs. La seconde s’ancre dans l’irremplaçable expérience personnelle des individus formés.

35Chacune de ces trois conceptions porte en elle une cohérence propre. Les praticiens, formateurs et intervenants, proposent le plus souvent, dans les démarches qui leur sont propres, des situations de formation qui sont des combinaisons de ces trois conceptions.

36Le tableau ci-dessous permet de comparer ces trois grandes démarches sur un certain nombre de caractéristiques essentielles et peut-être, par là, de contribuer à baliser le vaste panorama des pratiques d’intervention. Chacune des conceptions est brièvement analysée sur les items suivants :

• Les représentations que le formateur et ses stagiaires ont de l’acquisition du savoir, c’est-à-dire l’image des processus d’appropriation et les principes forts qui président à la transmission des savoirs et des savoir-faire.

• La démarche de formation, à savoir les principes sur lesquels reposent l’élaboration de la progression et la détermination de la nature des activités proposées aux stagiaires.

• Le niveau de prise en compte des représentations : comment le formateur intègre ou non le « déjà là », ce que les personnes en formation connaissent (ou croient connaître) sur le sujet.

• Le circuit de communication, la circulation de la parole et des initiatives d’interaction.

• La nature de l’activité essentielle de l’intervenant une fois la séquence commencée.

• Les activités des personnes pendant la séquence de formation.

• Le type de capacités qui sont implicitement développées.

• Ce qui est mis en place par le formateur si les objectifs d’apprentissage ne sont pas atteints.

3. Les résultats attendus

3.1. Des objectifs de formation…

37Un des moments les plus importants de la préparation d’une intervention consiste, pour le formateur, à préciser ses objectifs. Depuis une vingtaine d’années, le concept d’objectif est omniprésent dans le monde de la formation. Cette notion permet au formateur d’exprimer clairement les résultats qu’il assigne à son action formative. Elle le place dans une perspective stratégique en distinguant nettement les buts qu’il se donne des moyens qu’il va mettre en œuvre pour y parvenir. Concrètement, il s’agit pour l’intervenant d’abandonner pour un temps la question « Quoi dire ? » pour la question « Quels résultats atteindre ? », de cesser de penser à la première personne : « Que dois-je leur dire, moi ? », pour se placer du point de vue des personnes formées : « Que doivent-elles être capables de faire à l’issue de la formation ? » Le principe apparemment simple du changement de centration (du formateur aux formés) demande aux intervenants un changement radical dans la manière de penser la formation.

38Commanditaire et formateur expriment par le moyen de l’objectif ce que les personnes seront capables de faire à l’issue de l’action de formation. Un objectif est un énoncé qui décrit en terme de capacité de l’apprenant les résultats escomptés d’une séquence d’apprentissage.

39La formulation sous la forme d’objectifs pédagogiques permet d’exprimer les résultats que l’on attend d’une formation :

• du point de vue de la personne formée,

• sous la forme de comportements observables.

40L’objectif pédagogique commence par un verbe d’action et exprime toujours un comportement observable qui permet l’évaluation. On évite les formulations trop générales ou évoquant des opérations intellectuelles invérifiables. Par exemple, l’expression « être capable de comprendre le fonctionnement de l’Opac » sera formulée, selon le niveau de compétence recherché, par « être capable de décrire les différentes fonctions » ou par « être capable de l’utiliser de manière autonome avec 80 % de succès dans les recherches ». Ces deux formulations ont des implications très différentes pour la personne formée, dans le premier cas, il s’agit de mémorisation relativement simple, dans l’autre de combinaison de connaissances, de modes opératoires, de manipulations, etc.

41La formulation de l’objectif pédagogique et les critères qui y sont associés doivent permettre de répondre à la question « Comment saura-t-on que l’objectif est atteint ? » L’objectif exprime le niveau de compétence visé chez les personnes formées : niveau d’initiative et d’autonomie dans l’exécution des tâches, conditions d’exercice et niveau de qualité requis. La précision évite de laisser les résultats de la formation à la libre interprétation de chacun. Ainsi, l’objectif pédagogique est l’élément de base du contrat pédagogique qui lie commanditaire, intervenant et personnes formées.

42La démarche d’analyse par objectif postule que :

• formuler les résultats attendus permet au formateur d’optimiser son action,

• la communication des objectifs aux personnes formées permet de mieux les associer au processus de formation (logique de coproduction).

43En fonction de ce type d’analyse, le formateur identifie ensuite chacune des acquisitions que les futurs formés devront faire (connaissances, savoir-faire, compétences relationnelles…) afin de parvenir à la maîtrise visée.

44Au-delà de l’apport de l’analyse par objectif, il paraît important de :

• prendre conscience que ce n’est qu’une étape préparatoire ; lorsque l’intervenant a fixé précisément ce qu’il souhaite faire atteindre à ses stagiaires, il n’a réalisé qu’une partie du travail et la question pédagogique (comment s’y prendre ?) reste entière,

• ne pas oublier que les performances visées au final représentent certainement plus que la juxtaposition des différents objectifs.

3.2… à la maîtrise effective en situation

45Les effets attendus d’une formation se repèrent à différents moments sur différents référentiels.

46• Le référentiel pédagogique permet de mesurer si les capacités et les compétences visées par la formation ont été effectivement acquises et intégrées par les personnes qui ont été formées. Ce référentiel comprend l’ensemble des objectifs fixés aux actions de formation et identifiés dans le cahier des charges et dans le programme pédagogique. À ce niveau, le registre de questionnement porte sur la question de savoir si les personnes formées maîtrisent les savoirs et savoir-faire prévus. C’est sur ce référentiel que les résultats de la majeure partie des actions formations sont repérés.

47• Le référentiel d’activité permet de vérifier dans quelle mesure les modes opératoires et les comportements en situation réelle ont été améliorés ou développés sous l’effet de l’action de formation. Dans le cas de formation professionnelle, on parlera de référentiel professionnel. La question posée est alors : « Les personnes formées réalisent-elles effectivement les activités prévues ? »

48• Le référentiel organisationnel permet d’évaluer dans quelle mesure le plan ou l’action de formation a influencé les conditions de fonctionnement de l’établissement ou de l’un de ses services. Il s’agit du descriptif des changements quantitatifs et qualitatifs qui sont souhaités et dont on estime qu’ils peuvent être affectés par les effets d’une action ou un plan de la formation. L’axe de questionnement est alors : « Le fonctionnement de l’établissement a-t-il été modifié comme prévu ? »

49Ces différents niveaux et référentiels d’évaluation permettent de mettre en évidence l’importance du niveau de précision des effets attendus, ainsi que le contexte et le champ d’application. Ce découpage renvoie également les différents acteurs de la formation, commanditaires, intervenants et personnes formées, à leur propre champ de responsabilité quant aux résultats et aux effets observables de la formation. Si on s’accorde pour dire que l’effet attendu d’une formation est l’action en situation, il est important de ne pas passer sous silence deux autres dimensions relatives à celle-ci. En effet, en situation, les résultats tangibles d’une action de formation sont également tributaires de la volonté de la personne formée de mettre en œuvre effectivement ce qu’elle a appris et de la possibilité qui lui est concrètement donnée de le faire. On souligne ainsi la nécessaire cohérence entre l’aspect formatif et ce qui relève des conditions humaines et matérielles de la mise en œuvre.

50En caricaturant, l’utilisateur peut sortir d’une formation en maîtrisant parfaitement la recherche sur catalogue informatisé, mais, en situation réelle, ne pouvoir accéder que rarement à l’ordinateur et dans une situation stressante car il ne souhaite pas laisser voir aux personnes présentes qu’il est débutant.

4. Les dimensions relationnelles

51Anxieux, stressés ou détendus à l’approche de la formation, formateurs et intervenants ne repèrent pas toujours en quoi ils sont responsables des caractéristiques des relations qui se tissent entre eux et les groupes dont ils ont la charge. Est-ce une question de gentillesse, de charisme, de compétence ?

52Il n’y a pas de recette, bien entendu, qui convienne à tous et qui permette à chaque fois d’obtenir une qualité relationnelle satisfaisante. La variété et le nombre des différentes composantes des situations de formation sont tels que chaque cas est un cas particulier. Néanmoins, un certain nombre de jalons peuvent aider chacun dans la recherche d’une solution qu’il jugera satisfaisante.

4.1. La dimension interpersonnelle

53En formation d’adultes, on évitera avant tout les anciens schémas de type professeur-élèves. En effet, la personne formée est volontaire et demandeuse, le formateur n’est pas un enseignant. La relation de formation ne se construit pas dans la contrainte.

54Les relations sont alors caractérisées par :

• leur qualité de tolérance et d’ouverture aux autres,

• le regard positif et confiant porté par l’intervenant sur les individus,

• le partage de la parole et la possibilité donnée à chacun d’être écouté et entendu.

55Le formateur se positionne alors plutôt comme l’organisateur des situations d’apprentissage, dans lesquelles il est une personne ressource privilégiée et un accompagnateur attentif aux progrès de chacun.

56Il veille en particulier à :

• s’appuyer sur les connaissances et les expériences des personnes formées,

• tenir compte de leurs motivations et de leurs attentes,

• ne pas transmettre un savoir académique et des solutions toutes faites,

• mettre en place une relation égalitaire, entre personnes adultes,

• accepter la remise en cause éventuelle de son statut.

57Au-delà des qualités personnelles de chacun, deux attitudes, qui sont complémentaires, peuvent aider l’intervenant dans la gestion des relations interpersonnelles en formation : l’attitude assertive et l’attitude d’écoute. La première vise à montrer que l’on accepte sereinement ses responsabilités et son rôle central dans le processus de formation. La seconde met en évidence l’attention que l’on porte aux personnes, à leurs attentes et à leurs points de vue. Ces deux attitudes, en induisant une expression authentique où les objectifs visés sont clairs, ont des chances de susciter une attitude similaire chez les personnes formées et, par là, de renforcer la qualité de la communication.

4.1.1. L’attitude assertive

58Il s’agit de l’affirmation de soi, sans orgueil ni agressivité. Le formateur montre qu’il prend ses responsabilités, qu’il assume son rôle avec calme, fermeté s’il le faut. Cette expression vient de l’anglais « to assert » : affirmer, s’affirmer, donner son opinion.

59Concrètement, le formateur :

• s’exprime précisément et explicitement,

• facilite les échanges et la communication,

• pose des questions pour dialoguer, faire réagir et participer,

• veille à la cohérence entre ses messages verbaux et ses expressions non verbales,

• joue cartes sur table et accepte la critique,

• recherche des compromis réalistes en cas de désaccord.

4.1.2. L’attitude d’écoute

60Au moins aussi important que le savoir-parler, le savoir-écouter est essentiel pour l’intervenant. En effet, dans l’échange avec les personnes formées, ses réactions influent de façon spécifique sur la qualité de la relation.

61On regroupe classiquement les réactions dans l’échange en six attitudes distinctes, en fonction du degré de liberté d’expression qu’elles laissent à la personne formée. Ce sont les catégories de Porter, de la plus fermée à la plus ouverte : décision, évaluation, interprétation, enquête, soutien, compréhension.

4.1.3. Les relations interpersonnelles en situation de formation

62La qualité de l’écoute passe le plus souvent par une attitude compréhensive de la part du formateur. Un certain nombre d’indices lui permettent de s’en assurer :

63Dans son effort pour « entendre » ses interlocuteurs, le formateur peut utiliser la reformulation. On appelle ainsi l’intervention qui redit d’une manière plus concise ou plus explicite ce qui vient d’être exprimé. Au-delà de la manifestation de l’attention qui passe par de nombreux signes verbaux et non verbaux (hochements de tête, regards, gestes de la main…), la reformulation permet au formateur :

• de vérifier qu’il a bien compris ce qui vient d’être dit,

• d’inciter son interlocuteur à préciser, à développer ou à clarifier,

• de fragmenter un propos un peu long en proposant une synthèse,

• de maintenir la communication en entretenant une relation d’attention et de confiance.

64Dans tous les cas, la reformulation est le signe d’une attitude de compréhension et un des moyens essentiels de celle-ci.

4.2. La dimension groupale

4.2.1. La communication

65Les comportements individuels ou même la somme des comportements individuels ne permettent pas au formateur de comprendre le fonctionnement de son groupe de stagiaires. L’approche systémique l’invite à inverser la perspective et à considérer que la globalité du groupe détermine les comportements individuels et collectifs. En sortant d’une position égocentrique, il peut percevoir le groupe et lui-même comme un ensemble d’individus en interrelation. Et, par-là, concevoir que toute manifestation de l’un affecte l’ensemble des autres.

66Ainsi, deux dimensions sont à prendre à compte :

• Toute interaction est cause et effet à la fois. Les comportements s’entretiennent mutuellement : les relations avec le groupe et les relations à l’intérieur du groupe sont à concevoir en terme de relations multiples et circulaires et non sous la forme d’actions-réponses linéaires. La communication est un flux d’échanges dont l’intervenant ne peut isoler un élément sans tenir compte à la fois de ce qui précède et de ce qui suit.

• Les règles du jeu sont à définir à chaque fois. Le mode de communication et le mode de travail sont à expliciter et à négocier. Le fait de repréciser les attendus de la formation, les modalités de travail (individuelles, en groupe…), ainsi que les rôles et les activités de chacun pendant la séquence (écoute, participation, élaboration…), prépare et facilite la coopération des différents individus concernés. L’intervenant met en place les différents éléments qui rendent la situation potentiellement communicative : partage des codes linguistiques, culturels et des modèles d’interlocution.

4.2.2. Le type d’animation

67S’agissant de la dimension relationnelle en situation de formation, une expérience célèbre, réalisée en 1943 par Lippitt et White, indique parfaitement les principes essentiels de la conduite des groupes. Le but de cette expérience était de repérer l’incidence du mode d’animation sur les résultats et le comportement d’un groupe.

68Toutes variables neutralisées par ailleurs, on confie trois groupes de jeunes dans un club de loisirs à trois moniteurs ayant pour mission d’animer chacun son groupe d’une manière spécifique. L’un anime de manière autocratique, le deuxième anime de manière laxiste, le troisième anime de manière démocratique.

69Le tableau ci-dessous synthétise les observations :

70Les différences induites par le mode d’animation sont spectaculaires et ont été confirmées à de nombreuses occasions. Les résultats de ces travaux constituent une base des recherches sur le management. En ce qui concerne l’incidence du mode d’animation sur les caractéristiques relationnelles, ces expériences invitent les intervenants à adopter des démarches de formation qui s’appuient sur l’implication et la participation des personnes formées. On peut néanmoins inviter le formateur à ne pas sous-estimer l’importance des différences entre la situation expérimentale de Lippitt et White et les situations dans lesquelles il intervient.

4.3. L’organisation de l’espace

71Le mode d’organisation de la salle de formation est enfin une variable essentielle du dispositif pédagogique. En effet, c’est ce qui facilite ou non les interactions entre l’intervenant et le groupe, ainsi qu’entre les personnes formées (voir encadré page suivante).

72Chacune des différentes dispositions présente un certain nombre d’avantages et d’inconvénients. Le formateur choisira la disposition cohérente avec les activités qu’il propose et n’hésitera pas, en cours de session, à modifier l’organisation de l’espace.

5. Conclusion

73Au terme de ce parcours, les objectifs de ces quelques lignes seront atteints si les intervenants potentiels y ont trouvé des éléments pour baliser les étapes de construction et de conduite de la formation. Comme le randonneur, le formateur sait combien la préparation de l’itinéraire est importante, et qu’il faut emporter cartes et boussole. II sait aussi, comme lui, que le plaisir se trouve souvent dans l’imprévu.