1 Les projets communication accueil (RCA) ont été lancés, dans le réseau des bibliothèques de la Ville de Paris, en 1992. Après une phase empirique, ils ont été redéfinis en 1996 et étendus plus largement.

1.1992-1995, une phase empirique

2Cette première période a correspondu au souhait général de l’administration parisienne de rapprocher ses services des usagers. C’est donc dans un cadre généraliste que les premiers PCA ont été organisés, sans qu’une méthodologie particulière ou qu’un projet adapté spécialement aux bibliothèques soient définis.

3La volonté du Bureau des bibliothèques de l’époque de s’engager dans une telle démarche répondait, cependant, à quelques constatations précises et pertinentes :

• Alors que les bibliothèques parisiennes s’informatisaient, les modes de travail et d’organisation des établissements devaient changer. En particulier, le temps gagné sur un certain nombre de tâches répétitives devait être réinvesti sur une meilleure connaissance des publics et de leurs besoins et sur un développement de l’accueil et du renseignement.
• Cette informatisation se faisait en réseau et la plupart des établissements se dotaient d’une banque de prêt unique. Il fallait alors que les personnels dépassent la seule connaissance des fonds et des particularités de leur section et soient à même de renseigner sur l’ensemble de l’établissement et capables de réorienter les usagers. Cela supposait une remise en cause des cloisonnements internes et, également, que des attitudes communes soient définies et acceptées et donc que la communication à l’intérieur de chaque bibliothèque fonctionne.
• Face à ces adaptations nécessaires, les personnels conservaient une conception très technicienne de leur métier, au détriment d’une conception relationnelle. Alors que cette dernière, dans ses fonctions d’information, d’orientation et de conseil, était un des points forts du métier, de la légitimité et de l’avenir des bibliothécaires.

4En partant de ces observations, des consultants externes furent engagés pour intervenir dans les bibliothèques et amener les équipes à réfléchir autour de ces points et les aider à dégager des problématiques d’accueil, si possible communes à toutes les sections. Parallèlement, ces consultants devaient donner des outils méthodologiques, tant aux responsables qu’au personnel, pour la conduite de réunions, la communication interne, la définition et la conduite participative de projets, la délégation de responsabilités, etc.

5Fort de ces constats, plusieurs PCA furent engagés dans des bibliothèques en préfiguration ou fermées pour travaux et informatisation. C’est là que se rencontrèrent certains obstacles. L’absence, même momentanée, du public ne permit pas aux équipes de vérifier concrètement leurs propositions et les renforça dans une réflexion sur l’organisation interne. Et la trop forte sollicitation pour que ces établissements s’engagent dans ces PCA fit qu’on oublia de vérifier, même à minima, l’adhésion des équipes et surtout l’engagement des responsables de ces équipements. Enfin, les rapports entre les projets du terrain et la politique du Bureau des bibliothèques avaient été négligés.

6Les résultats sur les six bibliothèques concernées de 1992 à 1995 furent divers. Plusieurs responsables eurent du mal à définir leur rôle dans un projet où il faut savoir à la fois écouter son équipe et dégager avec elle des objectifs tout en assumant ses responsabilités de directeur. Certaines équipes firent de la résistance à un projet qu’elles interprétèrent comme un instrument destiné à les contrôler ou à économiser des postes. Trop de temps fut, enfin, consacré à des problèmes d’organisation bibliothéconomique. Cependant, une certaine dynamique fut créée : une véritable polyvalence fut développée dans deux bibliothèques, une meilleure communication interne (avec une organisation de réunions régulières) et une meilleure connaissance réciproque des fonctions et tâches des agents, quelle que soit leur section, naquit dans tous les établissements. Enfin, plusieurs bibliothèques engagèrent une politique active, dans leur quartier, en direction de quelques publics spécifiques et en collaboration avec d’autres partenaires (associations ou institutions) : travail sur le soutien scolaire, sur la petite enfance, actions tournées vers les adolescents et réunissant sections jeunesse et adultes, par exemple.

7La création, en 1995, d’un service scientifique, avec un responsable des ressources humaines, permit, à un moment où le Bureau des bibliothèques s’interrogeait sur l’opportunité de poursuivre ces PCA, de mieux redéfinir ceux-ci.

2. Des PCA aux projets d’établissements

8Trois grandes directions guidèrent la redéfinition des PCA.

9Il fut désormais décidé que ceux-ci se feraient sur la base du volontariat du responsable d’établissement, à charge pour lui d’entraîner l’adhésion de son personnel, avec l’aide de la mission ressources humaines, et, par ailleurs, que les PCA se dérouleraient bibliothèque ouverte et seraient accompagnés d’une enquête auprès du public. Cette enquête se ferait à partir d’un questionnaire élaboré, à partir d’un canevas commun, en concertation avec les personnels des établissements concernés.

10Les relations entre les projets et le Bureau des bibliothèques furent définies, tout projet d’établissement supposant un accord mais aussi un engagement du Bureau. Dans un premier temps, un groupe de travail fut constitué, qui réunit plusieurs directeurs de bibliothèques désireux de se lancer dans un PCA et plusieurs membres du service scientifique. Ce groupe de travail élabora un document référentiel de base, qui fut approuvé par le Bureau des bibliothèques, et qui donne un certain nombre d’indications sur les attentes en matière de PCA organisation de réunions systématiques dans les établissements, décloisonnement des sections et développement d’un certain degré de polyvalence, établissement de liens avec le voisinage, indicateurs de satisfaction du public, obligation de se considérer comme appartenant à un réseau... Une très grande souplesse est en revanche laissée pour que chaque bibliothèque s’organise et développe, à l’intérieur de ce cadre, sa propre politique. Ce référentiel, adressé à toutes les bibliothèques, clarifie les « directives » de la hiérarchie et permet aussi de rassurer les personnels inquiets quant à ces dernières. D’autres modalités viennent cependant renforcer la circulation de l’information entre l’équipement où se déroule un PCA et le Bureau des bibliothèques :

• le lancement de l’action se fait dans une réunion officielle de l’équipe avec le responsable du personnel et le conservateur responsable des ressources humaines, autre manière de clarifier les positions et de répondre à toute question,
• un groupe de pilotage où figure le chef du bureau et des représentants des services centraux et d’autres établissements est chargé du suivi et de la validation des objectifs des PCA,
• enfin les résultats et le projet d’établissement sont présentés en réunion générale, dans la bibliothèque en question, au chef du bureau, qui les discute et en examine concrètement, pour ce qui est entériné, les moyens qu’il peut mettre à disposition du projet.

11Un dernier aspect : il est désormais demandé à chaque établissement, au-delà d’une simple accumulation de réflexions ou de propositions diverses, de dégager une identité et une politique, donc de se doter d’un projet écrit, finalisé, avec des objectifs affichés sur un moyen terme et parfois même avec des échéances et des attributions de responsabilités, qui peut être proposé au Bureau des bibliothèques, à charge pour ce dernier de le contrôler et de l’harmoniser avec les objectifs généraux du réseau et avec ceux des établissements proches. Ce dernier point est important et il répond aux voeux des collectivités locales et des publics qui veulent et doivent connaître les activités des services publics. Dans le même temps, il résulte d’une bonne circulation de l’information entre la hiérarchie et le terrain : celui-ci, avec la connaissance exacte qu’il possède du quartier et des ressources locales propose, à l’intérieur d’un cadrage général fort souple, des objectifs que le Bureau des bibliothèques valide, à charge pour lui d’organiser la concertation et l’harmonisation de ces politiques dans le quartier, un secteur géographique et la ville, et à l’intérieur des moyens dont il dispose.

12Cela aboutit à une sorte de contrat entre un établissement et la hiérarchie administrative : le responsable de la bibliothèque a des missions définies et approuvées ; le Bureau n’est pas mis devant un fait accompli et il peut capitaliser les actions engagées et les faire valoir auprès des Parisiens et des élus ; enfin, la politique de l’établissement est engagée sur un moyen terme, durée indispensable à tout projet cohérent et base de recrutement de tout nouvel agent ou responsable.

13En 1996-1997, cinq établissements se sont engagés dans cette dynamique de nouveau PCA.

14De nombreux résultats sont immédiatement observables : outre les très utiles indications sur les attentes et souhaits des usagers parisiens, puisque près d’un millier de questionnaires ont été dépouillés, il faut noter que l’enquête est très appréciée des bibliothécaires, car elle engage une véritable discussion, argumentée, sur l’identité de chaque établissement et elle est vue, par les équipes, comme un élément particulièrement motivant dans la dynamique générale du PCA.

15Par ailleurs, la clarification des attentes de la hiérarchie et son implication dans les projets a été jugée de manière très positive et a permis, d’ores et déjà, au Bureau d’apporter des réponses concrètes, en moyens (en personnel, en formation, en crédits d’aménagement intérieur ou de signalétique) à des demandes motivées et argumentées.

16Un premier bilan est en cours mais les résultats annoncés semblent fort positifs : si la formalisation des objectifs reste à travailler, ces derniers ont tous été jusqu’à présent validés par le Bureau des bibliothèques et, selon l’enquête d’un autre consultant extérieur, une véritable dynamique interne paraît avoir été amorcée dans chacune des bibliothèques concernées.

17Reste alors à pérenniser cette action. Car, si un projet ou une dynamique ne se décrètent pas, il ou elle s’accompagne. Un suivi attentif par le Bureau des bibliothèques des actions entamées, une réponse aux demandes de moyens et surtout une formation appropriée aux politiques et activités mises en oeuvre sont indispensables pour entretenir l’élan amorcé par les PCA.

18Plus généralement, il faut enfin noter que la capacité des bibliothécaires à présenter des choix clairs et cohérents, donc à définir des politiques d’établissement, peut être un atout majeur pour la profession, à même d’influencer les décideurs administratifs et politiques.