1Si la question de la sécurité des biens (correspondant à la protection contre le vol des documents), est un fait acquis, résolu par des systèmes de détection magnétiques, des protections par sur- boîtiers ou la mise en place d’un système de prêt adapté, le rapprochement entre la notion de sécurité et la notion d’accueil n’est pas évident en bibliothèque.

2Forte de l’idée que l’accès à la culture, à l’information ou au savoir nécessite l’ouverture à tous, la culture professionnelle ne se situe pas dans des pratiques d’exclusion ou d’interdiction d’accès. Le Manifeste de l’UNESCO, référence en attendant une loi éventuelle, préconise clairement l’accès libre pour tous.

3Pourtant aucune bibliothèque, si modeste soit-elle, n’est à l’abri de problèmes de discipline avec des usagers adultes ou jeunes ou de pratiques détournées voire délinquantes. Le vol de documents n’est pas l’unique problème de sécurité rencontré dans les bibliothèques. Le vandalisme, la détérioration des locaux et des matériels, le vol des effets personnels des usagers ou des personnels, l’agressivité envers les agents ou envers d’autres lecteurs sont des faits avérés.

4Pour être un lieu d’accueil et d’information, la bibliothèque doit savoir circonscrire ces pratiques gênantes voire dangereuses pour les autres usagers ou comportant des risques pour le bon état des collections. Il ne s’agit pas de figer les usages, ni d’avoir systématiquement et a priori une attitude répressive, mais de garantir un espace accueillant, ouvert et serein pour tous, en affirmant une présence rigoureuse d’accueil et de surveillance. Il s’agit aussi d’assurer une bonne gestion des collections publiques qui nous sont confiées, de limiter donc les pertes en documents et les frais qui en découlent pour la collectivité.

5Bien évidemment, il n’est pas possible d’échapper aux normes culturelles, de même qu’il n’est pas possible d’échapper aux mouvements de l’époque. Les bibliothèques municipales sont fréquentées à une très large majorité par les moins de 15 ans. De nombreux jeunes - les fameux « groupes de jeunes »- fréquentent la bibliothèque : certains viennent y étudier, les autres s’y promener, d’autres encore accompagnent les premiers qui ont rendez-vous avec les seconds... Quel autre lieu aujourd’hui à part la bibliothèque publique ne pratique aucune discrimination à l’entrée, ni par le prix, ni par la présentation de papier d’identité, ni par la possession d’une carte d’adhérent, et permet de rester une journée entière sans d’autre obligation que d’avoir une attitude conforme à la culture du lieu (discrétion et silence) ?

6Intégrer les questions de sécurité au fonctionnement de l’accueil devient nécessaire. Nous disposons pour cela de différents moyens : le règlement intérieur constitue le fondement de la sécurité en bibliothèque, il en est l’outil fondamental. La question d’un service de sécurité se pose également. En quoi est-il complémentaire du travail des bibliothécaires ? De quelles qualités les agents doivent-ils faire preuve ? Comment organiser un poste de surveillance ? Enfin, la sécurité en bibliothèque s’inscrit dans un contexte plus large, dont nous aborderons deux points : la question des fichiers informatisés et le cadre des dispositions dites Vigipirate (antiterrorisme).

1. Le règlement, fondement de la sécurité

1.1. Pourquoi un règlement intérieur ?

7La bibliothèque comme tout lieu public doit réglementer les conditions d’accès à ses services. Le règlement intérieur est établi dans ce but. Souvent d’allure ou de ton répressif, ce texte participe pourtant de l’accueil du public. Ce n’est pas fermer le service que d’en préciser nettement les objectifs, les limites et les exigences et de spécifier préalablement les sanctions encourues en cas de non-respect des règles.

8Les principes d’ouverture large et d’accès libre aux collections ne signifient pas que tout est permis. Les interdictions ne sont pas tant une limitation du service qu’un moyen d’en assurer la pérennité : de la limitation des photocopies de documents précieux jusqu’à l’exclusion de l’usager dont le comportement met en danger la collection ou entrave son usage.

9Aussi, plutôt que d’établir le règlement comme un texte uniquement répressif, il peut être conçu comme un contrat et préciser les engagements des deux parties : la bibliothèque et l’usager.

1.2. Structure

10On trouvera dans « Le Métier de bibliothécaire » (Ed. du Cercle de la Librairie, 1996) un règlement type (p. 260). Toutes les rubriques nécessaires au « bon usage » de la bibliothèque y sont présentes, mais dès le second paragraphe toutes les restrictions d’accès et les précautions d’usage sont déjà mentionnées. Si on part du principe que le règlement est un contrat, il faudra plutôt insister sur l’engagement des deux parties. Le règlement doit donc en premier lieu présenter les missions de la bibliothèque, son engagement envers les usagers et son offre, c’est-à-dire ce que les usagers sont en droit d’attendre (voire d’exiger) de la bibliothèque : mise à disposition des collections, accès au prêt, de la consultation sur place, conditions particulières le cas échéant de consultation de documents précieux, rares, services spécifiques, etc. On peut faire le choix d’un style volontariste dans le style des « contrats qualité ».

11Dans un second temps, le règlement intérieur précise les engagements de l’adhérent de la bibliothèque (rendre les documents dans les délais, ne pas les découper, ne pas les annoter, etc.), les démarches qu’il doit faire pour s’inscrire (les papiers administratifs à présenter), ce qu’il ne peut pas faire dans la bibliothèque (fumer, manger, parler fort, venir accompagné d’animaux, en patins ou en planches à roulettes, téléphoner avec un téléphone portable...) et les sanctions éventuelles en cas de non respect des règles (retard, détérioration de documents, attitude incompatible avec le fonctionnement de la bibliothèque).

12Un règlement est un document rédigé pour plusieurs années. Il doit donc intégrer des situations à venir, ne doit pas être bloqué. Par exemple, compte-tenu de la diversification des médias et de l’annonce sur le marché de nouveaux produits, si l’on veut préciser dans le règlement intérieur les conditions d’emprunt des cédéroms, peut-être vaut-il mieux parler par exemple de « documents multimédia » plutôt que de spécifier « cédéroms »...

13Pour les mêmes raisons, si certaines prestations sont payantes, il est préférable de ne faire figurer qu’en annexe leurs tarifs, susceptibles d’évoluer.

1.3. Comment informer les usagers ?

14Plusieurs moyens sont envisageables pour offrir une information aux usagers :

15Par voie d’affichage, on peut présenter les points les plus généraux concernant les engagements réciproques de la bibliothèque et des usagers.

16Divers extraits du règlement intérieur peuvent jalonner le parcours de l’usager : on disposera, par exemple à proximité des photocopieurs, un extrait précisant quels documents sont exclus de la photocopie et pour quelles raisons.

17Il est aussi utile, lors de l’inscription à la bibliothèque, de porter à la connaissance des usagers ce à quoi ils s’engagent (nombre de documents empruntables, durée de prêt et indemnité de retard le cas échéant). Il n’est pas nécessaire d’imposer des procédures lourdes comme la signature d’un document : on peut distribuer un mémento du règlement. Cela a le mérite de dissocier les contraintes réglementaires des autres informations présentées par le guide du lecteur, offert lors de la même inscription. Ce dernier sera alors vraiment un support d’accueil et n’annoncera pas dès la première ligne que tout retard sera suivi d’une sanction I !

1.4. Application du règlement

18Bien évidemment, les restrictions d’usage inscrites dans le règlement peuvent gêner certains usagers : obligation de présenter certains documents pour une inscription, impossibilité d’emprunter un document exclu du prêt. Les sanctions annoncées, pénalités, suspension du droit au prêt, en cas de retard, limitation de l’accès... peuvent être contestées.

19L’attitude des bibliothécaires en cas de réaction négative des usagers n’est pas toujours aisée. Le personnel doit connaître et avoir parfaitement assimilé le règlement. Il pourra ainsi s’y référer sans hésitation et justifier ainsi les exigences imposées à l’usager

20Le règlement sera appliqué avec le moins d’exceptions possible. Sa légitimité en dépend. La qualité de l’accueil repose sur une bonne adaptation à l’usager mais aussi sur un traitement égal de tous les utilisateurs du service. Mieux vaut un règlement adapté que des passe-droits constants. Mieux vaut un cadre réglementaire strict mais justifié que l’application désordonnée d’une règle floue.

2. La fonction sécurité en bibliothèque

21Disposer d’un règlement intérieur et l’appliquer ne suffit pourtant pas toujours à maintenir une ambiance sereine dans la bibliothèque. Pourquoi doit-on envisager une dimension sécurité parallèle à l’accueil ?

22La sécurité en bibliothèque s’articule autour de quelques points :

• assurer la sécurité du public

• prévenir, limiter et réprimer les tentatives de vol

• accompagner le public en difficultés (malaise, agression...)

• répondre aux demandes des collègues en difficulté

• faire appel aux forces de l’ordre le cas échéant.

23Cette liste n’est pas limitative d’autant qu’assurer la sécurité se fait en temps réel, face à des difficultés nouvelles, souvent totalement imprévisibles.

24Dans bien des lieux, ces tâches sont assurées par les bibliothécaires. Le chapitre consacré à l’accueil du public dans le « Métier de bibliothécaire » conclut qu’en manière de surveillance « l’engagement de tous vers l’accueil et le contrôle des lieux suffit généralement quand les effectifs présents en service public sont corrects... » Cependant de nombreuses bibliothèques choisissent de faire appel à des agents de statuts différents.

2.1. Pourquoi du personnel de sécurité en bibliothèque ?

25Pour le bibliothécaire, les tâches énumérées dans le paragraphe précédent se superposent toujours au travail d’information, de renseignement documentaire et le perturbent parfois. Elles sont en conséquence mal vécues, mal exécutées par des agents mal à l’aise, souvent persuadés de se dévaloriser au regard de leur métier premier. Renseigner apparaît comme une tâche plus gratifiante que surveiller ou réprimer.

26Les agents chargés de la sécurité se consacrent à l’accueil et à la surveillance : ce sont leurs fonctions principales. Leur mission est d’être présents dans la bibliothèque, de contribuer à créer une atmosphère sereine, de veiller au bon usage du lieu. Il n’est pas question de placer leur position sur une échelle de valeur entre le noble et le trivial : ils assurent de façon complémentaire l’accueil du public.

27La différence réside aussi dans la perception que les usagers auront des différents agents : les « surveillants » sont reconnus, identifiés par le public comme chargés de la sécurité et de là vient leur efficacité. Un bibliothécaire ne sera pas toujours perçu par le public perturbateur comme habilité à faire preuve d’autorité. Un autre agent, dont la fonction est distincte aura davantage ce caractère immanent.

2.2. Profils

28Une enquête réalisée en mars 1995 par la Bibliothèque municipale de Lyon auprès d’une vingtaine de bibliothèques montre que peu de grandes bibliothèques font l’impasse sur la présence d’agents responsables de la sécurité1. Il est régulièrement fait appel à des agents municipaux, à des animateurs de quartiers, à des médiateurs sociaux, ou à des sociétés de surveillance privées, voire ponctuellement à la police. Les agents sont en poste soit à temps plein et intégrés aux équipes, soit présents les mercredis, samedis et durant vacances scolaires.

29Selon les structures (bibliothèques centrales, bibliothèques de quartier, type de quartier) les profils sont différents : médiateurs travaillant éventuellement avec une autre structure à caractère social, éducateurs de rue ou surveillants, éventuellement originaires du quartier.

30A chaque bibliothèque de préciser quel type de fonction correspond mieux aux difficultés rencontrées (plusieurs profils pouvant d’ailleurs cohabiter). Les grands établissements (la bibliothèque municipale de Nîmes dans le Carré d’Art, la bibliothèque de Mériadeck à Bordeaux, la bibliothèque du Canal à Saint-Quentin-en-Yvelines, ".) n’hésitent pas à travailler avec des sociétés de surveillance ou à utiliser des moyens de surveillance électronique (bibliothèque municipale de Nantes, médiathèque de la Cité des sciences et de l’industrie). Les bibliothèques situées dans les quartiers dits difficiles (Mantes-la-Jolie, quartier du Val Fourré, Ftillieux-la-Pape, banlieue de Lyon) s’efforcent de recruter les agents dans le quartier même. Du vigile au médiateur, le bon profil semble se situer entre les deux. On trouve parfois de savantes combinaisons : dans une bibliothèque de quartier à Lyon, le public est accueilli par un « gardien », par des médiateurs du livre - l’un en charge de l’accueil des enfants, l’autre des adultes - et naturellement par les bibliothécaires. Chacun trouve sa place et travaille en cohésion avec les collègues.

31Dans tous les cas, les agents doivent être intégrés au projet d’équipe, même s’il s’agit d’agents issus d’une société privée. Le professionnalisme de l’équipe de sécurité participe de la qualité de l’accueil, la cohésion doit être optimale. Les limites d’intervention des deux équipes ne sont pourtant pas faciles à préciser. Une définition claire des rôles des uns et des autres, écrite et élaborée de façon collégiale, une meilleure connaissance des contraintes de chaque équipe, une politique d’établissement en matière d’accueil et de sécurité explicitement définie et connue de tous permettent de mieux répondre aux difficultés. Sortir des clichés et des clivages statutaires n’est pas forcément aisé, mais la qualité de l’accueil en dépend.

32On peut souhaiter distinguer les différents personnels en faisant porter un uniforme aux agents affectés à la surveillance. Cela n’étonne personne dans les grandes surfaces. Si l’on fait appel à une société de sécurité, les agents porteront vraisemblablement l’uniforme de leur entreprise. Si l’équipe est constituée d’agents employés directement par la bibliothèque, c’est à l’établissement que revient le choix de faire porter ou non aux agents une tenue identifiant la fonction. Par définition, l’uniforme modélise la fonction. Il peut améliorer le professionnalisme de l’équipe, affirmer l’importance de ses fonctions, valoriser son travail.

33Mieux vaut cependant bien étudier les tenues possibles et veiller à ce que l’uniforme affirme l’autorité des agents et les rende crédibles, mais ne les desserve pas. L’habit dans ce cas-là « fait le moine » et la tenue des gardiens ne sera pas sans influence sur les relations avec le public. La présence d’agents en uniforme peut banaliser le lieu bibliothèque et lui donner l’image d’un lieu de grande consommation peu différent du supermarché local et, d’une certaine façon, conforter les pratiques consuméristes que l’on déplore parfois dans les bibliothèques.

34Et, dans certains quartiers et avec certains publics, la présence d’agents en uniforme assimilés à des policiers risque d’avoir un effet négatif. Selon le public, le type de bibliothèque et les problèmes rencontrés, le choix sera différent.

2.3. Organisation de la sécurité

35Dans les grandes surfaces, l’agent ou les agents chargés de la surveillance stationnent debout à proximité des portes. On demande à ces agents de manifester une présence forte, d’avoir une attitude qui force implicitement et explicitement à ne pas sortir du cadre admis et d’intervenir en cas d’écart. Leur attitude se veut dissuasive.

36Ce modèle est-il applicable aux bibliothèques ?

37Patrouille, installation d’un poste fixe vers la porte d’entrée, près de la sortie, agent debout, assis ? Aucune règle ne peut être proposée, tout dépend de l’environnement, du contexte et du style que l’on veut donner au service de sécurité.

38Deux points paraissent cependant incontournables : un « poste de contrôle » à proximité de la sortie dont la principale fonction est de contrôler les sorties indues de documents, et une présence régulière des agents dans les lieux où le public circule et stationne.

2.3.1. Le poste de contrôle des sorties

39La plupart des bibliothèques de construction récente et les grandes structures disposent d’un système de détection antivol. Le matériel retenu a des incidences sur l’organisation spatiale de la bibliothèque, sur l’emplacement des banques de prêt et sur la place d’un éventuel poste de surveillance et d’intervention. Lorsque les documents ne se démagnétisent pas, le portique de détection sera placé près du poste de prêt, (les documents sont déposés sur le bureau de prêt et l’usager seul passe par le portique de détection). Le poste de prêt contrôle généralement les sorties.

40Dans le cas d’un système désensibilisable, ou dans une bibliothèque de consultation sur place, la détection ne se fait qu’à la sortie des lecteurs. Il est alors nécessaire d’installer à proximité un poste de surveillance à partir duquel les agents pourront intervenir rapidement pour rappeler l’usager dont le passage a déclenché l’alarme.

41Lorsque le détecteur antivol se déclenche, il est nécessaire de vérifier la cause. Le rôle des agents chargé de ce travail s’inscrit totalement dans une politique d’accueil : le système d’alarme s’est déclenché, cela ne signifie absolument pas que l’origine en soit une tentative de vol. Tout usager est présumé innocent. Il est donc primordial d’avoir au préalable déterminé avec les agents chargés d’interpeller la personne la façon dont on s’adresse à l’usager. Il est souhaitable que ces procédures fassent l’objet d’un document écrit auquel se réfèrent les agents, et à l’élaboration duquel ils auront participé.

42S’il s’agit d’une mauvaise manipulation lors du prêt - cas fréquent, l’expérience d’une grande bibliothèque l’atteste - des excuses seront présentées à l’usager qui ne devra pas refaire la queue en cas d’affluence pour représenter ses documents au poste de prêt. Positionner les postes de prêt à proximité de la sortie et du poste de surveillance facilite les choses. S’ils sont éloignés, il peut être utile de disposer au poste de surveillance d’un terminal qui permette de faire les vérifications nécessaires.

43Dans le cas où il y a réellement tentative de vol avec éventuellement détérioration de document (pages découpées, code-barre, étiquette de cote ou couverture arrachées), les agents ne doivent pas improviser, il faut qu’ils puissent là encore se référer à un protocole. Quelles sanctions appliquer ? remboursement du document, amende, exclusion du prêt, recours à la police, dépôt de plainte. Dans la majorité des cas, l’usager indélicat aura à rembourser le document détérioré. Les mesures de coercition de la bibliothèque sont cependant limitées si la personne déclare ne pas pouvoir payer de suite. On peut lui demander son nom et ses coordonnées, mais sans avoir les moyens de l’y obliger si elle refuse (les agents sont rarement assermentés à ce type de poste). On peut vérifier son inscription à la bibliothèque et, le cas échéant, bloquer la carte et interdire le prêt pendant une durée déterminée.

44En cas de délit important, il est toujours possible d’avoir recours aux forces de l’ordre et de porter plainte. Il en va de la réputation et du sérieux de l’établissement de ne pas laisser le champ libre aux dérives d’usages. La bibliothèque n’est pas un lieu de non-droit2.

45La bibliothèque doit s’organiser pour rendre l’intervention la plus efficace possible : les agents de surveillance doivent pouvoir faire appel à un bibliothécaire responsable qui saura évaluer le délit et affirmera l’autorité de la bibliothèque. Un planning des disponibilités des personnes ressources sera tenu. Ce fonctionnement en aller-retour entre bibliothécaires et équipe de surveillance (l’équipe de surveillance permet aux bibliothécaires de se consacrer aux tâches documentaires, les bibliothécaires responsables interviennent pour régler les questions litigieuses) scelle la cohésion de l’établissement autour des questions de sécurité et d’accueil du public.

46Le poste de contrôle des sorties intervient de façon réactive en cas d’alarme. Son champ d’action peut être élargi à la centralisation des appels liés à la sécurité et au contrôle des entrées, si l’architecture le permet. Cependant, contrôler en même temps les sorties et les entrées devient vite complexe en cas d’affluence. Si l’on souhaite établir un véritable contrôle à l’entrée (vérification de cartes d’adhérents, contrôle des sacs...) un poste distinct sera nécessaire.

2.3.2. La patrouille

47Pour anticiper les problèmes, mieux vaut envisager une présence dans les espaces publics. Bien sûr, les bibliothécaires assurent cette présence et peuvent intervenir, mais ce n’est pas leur fonction première. Généralement affectés à une salle, une section ou un fonds spécifique, ils n’ont que peu de mobilité en dehors de leur espace documentaire.

48L’organisation d’une « patrouille » permet une présence continue des surveillants dans les locaux et un contact régulier avec les bibliothécaires. Les agents circulent dans les espaces, observent, repèrent ce ou ceux qui peuvent poser problème et préviennent ainsi souvent les conflits.

49Leurs interventions sont moins formalisées que celles du poste de contrôle des sorties : elles dépendent des situations rencontrées. L’expérience de la bibliothèque municipale de Lyon montre qu’un rappel de l’usage et une « éducation à la bibliothèque » et à ses règles de fonctionnement suffisent le plus souvent. C’est aussi bien sûr une attention constante aux difficultés des usagers, des réponses à des demandes rapides (horaires, indication des toilettes, des photocopieurs, ...), l’orientation des lecteurs vers un poste de renseignement. On rappellera aimablement au lecteur qui laisse ses affaires sans surveillance pour aller chercher des documents dans les rayons ou faire des photocopies, qu’il vaut mieux garder son sac ou son cartable près de soi.3

50Les agents chargés de la surveillance ont une connaissance du public complémentaire de celle des bibliothécaires qui renseignent les lecteurs. En cela ils participent totalement à la fonction accueil.

51Lorsque les interventions se durcissent (éviction d’un usager, interdiction d’accès, intervention face à des groupes) l’attitude rigoureuse des agents de surveillance est importante, tant face aux usagers déviants que face aux spectateurs que deviennent inévitablement les autres utilisateurs de la bibliothèque.

52La qualité de la relation - même avec un usager indélicat - reste importante. Un grand professionnalisme est requis : calme, fermeté, autorité et courtoisie s’imposent même face à un usager agressif ou ouvertement menteur. Il n’est pas rare que les agents occupant ce type de fonction essuient des insultes de la part des personnes qu’ils interpellent. Personne n’apprécie ce type de provocations, mais quel que soit le contexte, les agents ne doivent ni répondre, ni envenimer la situation. Dans le cas où le problème perdure ou s’aggrave de menaces ou d’agressions physiques, mieux vaut faire rapidement appel à la police.

53Dans les bibliothèques qui offrent au public plusieurs milliers de m2, les deux « relais »- poste de contrôle et patrouille - sont complémentaires. Ils doivent être reliés. Des talkies-walkies ou des téléphones portables sont nécessaires. Avec les talkies, tous les agents peuvent être joints en même temps. Les agents chargés de la sécurité doivent pouvoir aussi être appelés par les autres bibliothécaires qui rencontrent une difficulté. Dans tous les cas, le circuit de communication doit être rapide.

3. Questions particulières : le plan Vigipirate et la loi Informatique et Libertés

54Les bibliothèques ne sont pas coupées des événements extérieurs. Les mesures de prévention qui sont appliquées en cas de menace terroriste (plan Vigipirate) concernent très directement nos établissements.

55Nous gérons également des fichiers informatisés et possédons des informations sur les adhérents de la bibliothèque qui entrent dans le cadre de la loi Informatique et Libertés.

56Nous devons donc nous préoccuper de l’application de ces consignes et de leur adaptation à nos locaux et veiller à toujours rester dans le cadre législatif.

3.1. Vigipirate

57Le contexte politique et policier peut parfois contrarier nos efforts de qualité de l’accueil. Les mesures de prévention conséquentes aux menaces terroristes (Plan Vigipirate) sont-elles compatibles avec l’ouverture et la facilité d’accès des bibliothèques ? Comment filtrer les entrées dans un établissement qui accueille plusieurs milliers de personnes par jour ?

58Le plan Vigipirate conduit à prendre plusieurs types de mesures : surveillance des locaux, contrôle (et éventuelle limitation) des points d’accès au bâtiment, filtrage du public, examen des sacs des personnes qui entrent, contrôle des livraisons, dispositions à prendre en cas d’alerte (découverte d’un paquet suspect, alerte à la bombe, évacuation des locaux, ...).

59Ces mesures restrictives doivent être intégrées dans une procédure d’accueil :

60- Il faut faire du contrôle à l’entrée un élément d’accueil, de reconnaissance des usagers (mais pas de passe-droit : les usagers réguliers seront contrôlés comme les occasionnels).

61- Il faut aussi en faire un élément de valorisation de l’établissement, même si cela paraît paradoxal. Etre un lieu à risques est l’autre versant d’une fréquentation intense, en quelque sorte, la rançon du succès. Le contrôle participe du sérieux, de la responsabilité, du professionnalisme de l’établissement.

62Il convient d’adapter les vérifications à la taille et à la fréquentation de la bibliothèque, au type de public qui le fréquente. Selon le cas, un dispositif définitif (portique de détection de métaux) ou provisoire (contrôle systématique des sacs) sera mis en place. Dans le cas des bibliothèques municipales, les mairies donnent des instructions.

63A qui confier ce travail de contrôle très gourmand en personnel ? Réduit-on la présence de surveillants assurant des rondes dans la bibliothèque pour sécuriser l’entrée ? Peut-on disposer de personnel supplémentaire pendant les périodes de crises ? Assure-t-on un roulement au sein des équipes en demandant aux autres agents de participer à la protection de rétablissement ? Au responsable de la bibliothèque d’en décider. Dans tous les cas, un protocole sera établi : façon de se présenter aux usagers, ouverture des sacs et bagages (à faire pratiquer par les usagers eux-mêmes), attitude à avoir en cas de refus, recours au règlement, ... Ce contrôle sera alors compris dans une démarche globale d’accueil et ressenti par les usagers comme une prévention qui vise à les rassurer.

64Disposer d’un cadre type permet une grande cohérence dans la mise en place du contrôle. Il convient de rester ferme : toute personne qui refuse ce contrôle sous prétexte, par exemple, que les agents ne sont pas des policiers n’est pas autorisée à entrer. La légitimité du contrôle est à ce prix. Le règlement intérieur doit prévoir ce genre de cas. Pour exemple le texte de la BM de Lyon : « Afin de prévenir tout acte délictueux, le dépôt à l’entrée des bibliothèques des sacs, cabas, valises et serviettes pourra être exigé, ainsi que la vérification de leur contenu » et « l’accès aux bâtiments ou à certaines prestations peut être limité temporairement en cas de saturation, pour des raisons de sécurité ou de confort des usagers, ou encore pour préserver la qualité des prestations offertes. » Dans ce dernier cas, le règlement par un seul article prévoit plusieurs critères (saturation, sécurité, confort, qualité) qui permettent de prendre en compte des situations très diverses. Ces deux exemples tendent à montrer comment on peut intégrer dans un règlement des aspects exceptionnels du contrôle tout en conservant une souplesse d’application.

3.2. Fichiers informatisés : la loi Informatique et Libertés

65Les usagers sont de plus en plus inquiets face à la prolifération des fichiers informatisés dans lesquels ils figurent et sur lesquels ils craignent de ne pas avoir de contrôle. Nous devons en tant que gestionnaires de ces fichiers être d’une grande rigueur d’autant plus que nous sommes parfois confrontés à des demandes surprenantes, aussi bien en termes de confidentialité (un lecteur demande que son nom ne reste pas affiché sur un terminal de prêt après son passage) qu’en terme de diffusion des données. Il n’est pas rare que des personnes demandent si quelqu’un de leur connaissance est inscrit à la bibliothèque ou a effectué des emprunts récemment. Certains même souhaitent obtenir les coordonnées de l’emprunteur du document qu’ils convoitent afin d’en accélérer la restitution, s’estimant d’autant plus dans leur droit de l’exiger que le document est en retard ! Il est évident que la communication à un tiers d’informations à partir du fichier informatisé des emprunteurs est strictement exclue, quel qu’en soit le motif. La diffusion de données informatisées tombe sous le coup de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 19784.

66Par ailleurs, la plupart des systèmes de gestion de bibliothèques permettent de faire figurer sur le dossier des emprunteurs différents messages. Il faut faire attention à ce que l’on note et aux commentaires non professionnels. La mention « exclu du prêt jusqu’au - date - » signée et datée par le bibliothécaire responsable n’a rien à voir avec des textes libres du style « tentative de vol » ou « soupçonné de » ou « lecteur pénible » qui sont absolument à proscrire. La loi Informatique et Libertés précise que toute personne peut « exiger que soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte ou l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite » (art 36-1). Les messages doivent rester courtois, neutres et - est-il utile de le rappeler ? - sans caractère injurieux ou raciste...

67Dans le cas d’un système de télésurveillance, il convient de bien prendre connaissance préalablement de la législation et de l’utilisation légale des bandes enregistrées. Les grands principes de la loi du 6 janvier 1978 sont applicables en matière de vidéosurveillance. La loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité et le décret du 17 octobre 1996 relatif à la vidéosurveillance entérinent certains points : l’installation de caméras est soumise à l’autorisation des préfets, le public doit en être informé, la mise en place d’un système doit être justifiée « par la protection des bâtiments et installations publics et leurs abords (...) la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens ».

68Ces questions doivent être abordées avec beaucoup de rigueur ; les conseils d’un juriste sont souvent nécessaires.

69Pour toutes les mesures liées à la sécurité, mieux vaut établir préalablement des relations avec les partenaires de la bibliothèque : le service juridique de la tutelle avec qui on pourra approfondir les questions de droit et le poste de police local dont les agents interviendront d’autant plus vite s’ils connaissent les personnes responsables de la sécurité, le fonctionnement de la bibliothèque et les problèmes qui peuvent s’y poser, les pompiers, que l’on appelle non seulement en cas de sinistre (feu, dégât des eaux, etc.) mais aussi pour tout problème médical urgent, les assistants sociaux, les éducateurs de rue à qui on pourra signaler la présence de SDF ou de personnes nécessitant plus les soins d’un service social que ceux de la bibliothèque. Etablir un réseau de partenaires est un excellent moyen pour pouvoir réagir sereinement et efficacement en cas de problème.

Conclusion

70Les questions de sécurité, principalement lorsqu’elles dépassent la seule préservation des collections, doivent être aujourd’hui totalement intégrées au fonctionnement des bibliothèques. Il n’est plus l’heure de le déplorer. Nous accueillons des publics diversifiés, exigeants, nombreux. Face à cette affluence, à cette évolution de la fréquentation des bibliothèques, nos réponses concernant l’accueil du public doivent s’adapter. Est-il raisonnable de penser accueillir dans des locaux de plus en plus vastes plusieurs centaines voire plusieurs milliers de personnes par jour sans se préoccuper de leur sécurité ? Accueil, médiation et sécurité, ces fonctions ne s’opposent pas, mais doivent s’agréger pour améliorer le service rendu au public.